J’apprécie certains bâtiments brutalistes, quoique j’admette que ce n’est pas un style pour lequel je suis conquis d’avance.
Je ne suis pas un expert et je n’ai pas la moindre formation artistique ou architecturale, donc je m’aventure en terrain potentiellement miné, mais de mon point de vue myope, j’ai tendance à penser que comme pour toutes formes d’art, la valeur réside entre autre dans l’écho qu’il trouve auprès des gens.
Une œuvre peut avoir un écho immense pour une personne (ex: le toile à numéro d’un parent décédé pour son enfant), mais si son cercle de reconnaissance est très restreint, sa valeur est moindre que si son cercle de reconnaissance est plus large. Je réalise en disant cela les limites d’un tel argument. La popularité ou une appréciation plus “universelle” n’est pas en soit garante de la qualité ou de la valeur d’une œuvre. Les films de Michael Bay peuvent bien être populaires, ça n’en fait pas des chef-d’œuvres pour autant. Pour dresser un parallèle plus près de moi, un met ou un breuvage n’a pas besoin de plaire à tous pour qu’on célèbre ses qualités gastronomiques, et ce n’est pas parce que le café du Tim Horton est populaire qu’il est culinairement intéressant. Ceci dit, il y a une valeur au fait que certaines œuvres trouvent une appréciation plus spontanée et que leurs cercles de reconnaissance ratissent plus large.
De plus, je sais que le contexte de la création d’une œuvre occupe souvent une grande place dans sa valuation artistique, et j’avoue mes limitations en admettant que je n’accorde spontanément que peu d’importance aux circonstances ayant menées à la création. J’apprécie plus facilement les œuvres qui peuvent se passer d’un préambule, et c’est peut-être d’une paresse condamnable, mais j’aime par exemple le fait que j’ai trouvé le Westmount Square superbe bien avant de m’intéresser à l’architecture ou de connaître quoique ce soit à propos de Mies van der Rohe ou du style international. Encore une fois, cet argument a ses limites, et il est vrai que certains goûts sont acquis, mais contrairement à d’autres formes d’art qui ne rejoignent que leur public cible, l’architecture est imposée à tous. Si je n’ai aucune appréciation pour la danse contemporaine, c’est très facile d’éviter d’y être exposée. Par contre, c’est difficile (pour les gens voyants) d’éviter d’être témoin du cadre bâti qui les entoure. Je trouve donc une certaine valeur à cette “accessibilité” de l’esthétique architectural qui rend l’appréciation plus facile auprès d’un public plus large. Si je dois connaître le pedigree de l’architecte et le contexte dans lequel son bâtiment s’inscrit pour commencer à en déceler les qualités esthétiques, c’est pour moi une barrière qui diminue la valeur de son œuvre. Je m’excuse d’avance si j’insulte l’architecture en minimisant l’importance du contexte!
De façon connexe, bien que l’histoire d’un bâtiment puisse lui donner une certaine valeur (ex: vestiges de l’Expo 67, premier musée d’art moderne…), j’ai tendance à considérer l’historique du bâtiment comme un bonus, sans toutefois que ce soit suffisant pour lui donner une valeur intrinsèque. Par exemple, malgré son histoire illustre, je raserais l’ancien Forum du Canadien sans arrière-pensée, car je considère que le bâtiment lui-même est insignifiant. La nostalgie et les souvenirs ne sont pas pour moi des arguments suffisants pour justifier de sauver un bâtiment qui enlaidit son environnement. Je conviens que c’est peut-être une vision un peu désincarnée et aseptisée, mais pour caricaturer, un bâtiment devrait être beau pris en vase clos et sans connaissance de son histoire ou de son contexte de création.
Là où j’ai plus de sensibilité, c’est dans le cadre dans lequel l’œuvre est observée. Pour moi, une œuvre architecturale est difficilement dissociable de son environnement et de son insertion paysagère. C’est peut-être un biais qui trahit mon attachement profond à la nature et mon penchant pour l’architecture de paysages. Dans le cas de ce bâtiment, je ne perçois aucun dialogue avec son environnement. On dirait un bunker sans âme qu’on aurait téléporté dans un champ par accident. On est loin de la tour KPMG par exemple qui tisse un lien avec la cathédrale à ses pieds. On ne fait pas écho au port, au fleuve, ou à un quelconque élément dans l’environnement immédiat, ce qui diminue à mon sens la valeur esthétique du bâtiment.
Pour ce qui est des forces, j’apprécie l’effort de symétrie et la pureté des lignes, mais ça ne saurait être suffisant. Bien des entrepôts Amazon sont symétriques et ont des lignes épurées, et à ce chapitre, on pourrait pousser l’analogie vers la caricature en célébrant la symétrie et la pureté des lignes des boites de carton servant à la livraison des colis d’Amazon. Je trouve par ailleurs le jeu des volumes correct, mais sans plus. Je ne suis pas en mesure malheureusement de justifier de façon plus objective pourquoi le jeu de volumes me semble acceptable sans être remarquable. C’est une appréciation très subjective et ce n’est probablement pas un argument qui ait le moindre poids.
Au final, je reconnais que sans connaissances en la matière, je suis probablement juste un néophyte qui trouve ce bloc de béton en décrépitude un peu insignifiant, et mon point de vue n’a pas la même valeur que celui d’une personne plus experte en la matière. Mon opinion et mon appréciation sont aussi sujets à changer au fur et à mesure que j’acquière de nouvelles connaissances, et c’est pourquoi j’apprécie les discussions sur ce forum. Je vous retourne donc la question:
Je serais curieux de savoir sur quels critères vous le considérez beau?