Lieux et nouvelles culturels

Arts de la scène Dix spectacles qui nous intriguent

PHOTO DAMIAN SIQUEIROS, FOURNIE PAR LES 7 DOIGTS

Les 7 Doigts proposent un spectacle immersif pour clore l’année du centenaire de Jean Paul Riopelle.

Un spectacle de Robert Lepage fusionnant lutte et art de cirque. Le parcours de migrants dansé sur des musiques de Sting. L’adaptation scénique d’une des ultimes créations de Marie-Claire Blais. La saison regorge de spectacles qui éveillent notre curiosité. En voici dix, classés par ordre chronologique.

Publié à 1h07 Mis à jour à 7h00

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Judy

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

L’auteure et metteure en scène Gabrielle Lessard en 2017

Cette production inspirée de l’œuvre de l’artiste féministe Judy Chicago est l’une des créations les plus attendues de la rentrée théâtrale. L’auteure et metteure en scène Gabrielle Lessard propose avec sa nouvelle pièce une réflexion sur la liberté artistique, l’identité et la résistance face aux forces antagonistes de la société. « Judy souligne l’importance de l’art en tant que force de changement et célèbre la capacité de l’individu à se réinventer et à défier les normes sociales établies », écrit-on sur le site du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, où sera présenté le spectacle défendu par sept interprètes.

Luc Boulanger, La Presse

Du 29 janvier au 17 février, dans la salle Michelle-Rossignol du Théâtre d’Aujourd’hui

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Riopelle grandeur nature

PHOTO DAMIAN SIQUEIROS, FOURNIE PAR LES 7 DOIGTS

Les artistes de cirque Claire Hopson et Guillaume Paquin

Pour clore l’année du centenaire de Jean Paul Riopelle, Les 7 Doigts ont créé un spectacle immersif au cours duquel environ 150 des œuvres les plus emblématiques du célèbre peintre seront projetées à 360 degrés. Sur scène, des artistes de cirque se fondront dans cette imagerie comme avec ce numéro de danse acrobatique, exécuté avec des capteurs de mouvements à l’infrarouge, qui participera à créer en temps réel une mosaïque numérique typique des grandes toiles des années 1950. Parallèlement à ce spectacle, une exposition multimédia des œuvres de Riopelle sera présentée dans un studio adjacent.

Jean Siag, La Presse

Du 13 février au 10 mars au Studio des 7 Doigts (2111, boulevard Saint-Laurent)

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Les ânes sœurs

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Yves Jacques et Mathieu Quesnel vont créer Les ânes sœurs.

Yves Jacques et Mathieu Quesnel forment un duo étonnant dans le milieu théâtral québécois. Amis et complices tant sur scène que dans la vie, la vedette du Déclin de l’empire américain et l’acteur de SNL Québec collaborent à nouveau à une création prometteuse sur les planches du Théâtre Espace Libre, cet hiver, intitulée Les ânes sœurs. « Cette comédie intime met en scène de façon décalée et avec une bonne dose d’humour l’histoire de deux hommes qui tentent de vaincre la solitude à leur manière », résume le communiqué. Une célébration de la vie, du théâtre et l’amitié intergénérationnelle.

Luc Boulanger, La Presse

Du 20 février au 2 mars à L’Espace Libre

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SLAM !

PHOTO STÉPHANE BOURGEOIS, FOURNIE PAR LE DIAMANT

SLAM !

On connaît la passion de Robert Lepage pour la lutte, mais aussi son penchant pour le cirque. Le metteur en scène combine pour la première fois ces deux passions en faisant équipe avec le collectif de Québec Flip Fabrique pour nous présenter SLAM !, « un gala de lutte où se côtoient coups de poing, coups de gueule et coups de théâtre », qui mettra en scène huit artistes de cirque. Ce show d’« hyperthéâtre » mis en scène par Lepage est coproduit par Le Diamant et la Tohu, qui accueillera ce spectacle quelques semaines plus tard à Montréal.

Jean Siag, La Presse

Du 5 au 9 mars au Diamant de Québec, puis du 19 mars au 7 avril à la Tohu

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5 balles dans la tête

PHOTO RICHMOND LAM, FOURNIE PAR LA LICORNE

Maxim Gaudette, Sylvie De Morais et Éric Robidoux partageront la scène dans la pièce 5 balles dans la tête.

L’autrice Roxanne Bouchard s’est immergée dans l’univers de l’armée canadienne pour en rapporter les témoignages d’une trentaine de militaires « ayant vécu l’Afghanistan ». Les soldats se sont dévoilés au point d’ébranler les convictions les plus profondes de celle qui leur faisait face. Cette matière sensible est au cœur de la pièce 5 balles dans la tête, mise en scène par François Bernier et défendue par une solide distribution de huit interprètes, dont Maxim Gaudette, Éric Robidoux et Sylvie De Morais. Un spectacle qui promet d’être confrontant.

Stéphanie Morin, La Presse

Du 5 au 30 mars à La Licorne

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Message in a Bottle

PHOTO LYNN THEISEN, FOURNIE PAR DANSE DANSE

Message in a Bottle se déploie sur la musique de Sting.

Les plus grands succès de Sting – Every Breath You Take, Roxanne, Every Little Thing She Does Is Magic, Walking On The Moon, etc. – seront mis en mouvement par la chorégraphe britannique Kate Prince, connue pour avoir faire rayonner la danse de rue dans son pays. Sur scène, les 15 interprètes de la compagnie ZooNation se meuvent au fil de 28 tableaux dansés qui s’inspirent du drame des migrants pour raconter une aventure humaine périlleuse, certes, mais portée par l’espoir, la joie et la résilience. Une soirée qui promet d’en mettre plein la vue et les oreilles, coproduction du réputé Sadler’s Wells Theater et de Universal Music UK, présentée par le diffuseur Danse Danse.

Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Du 12 au 16 mars, à la salle Wilfrid-Pelletier

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La mouette

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le comédien Renaud Lacelle-Bourdon fait partie de la distribution de La mouette.

« Une jeune fille passe toute sa vie sur le rivage d’un lac. Elle aime le lac, comme une mouette, et elle est heureuse et libre, comme une mouette. Mais un homme arrive par hasard et, quand il la voit, par désœuvrement, la fait périr… Comme une mouette. » Contrairement à Trigorine dans sa pièce, Tchekhov n’a pas besoin de sujet pour nous émouvoir avec son théâtre qui mélange le profond, l’insignifiant, le sublime et le ridicule… Comme la vie. Catherine Vidal signe la mise en scène de ce classique du théâtre russe, adapté par Guillaume Corbeil, avec entre autres les comédiens Renaud Lacelle-Bourdon et Macha Limonchik.

Luc Boulanger, La Presse

Du 12 au 30 mars au Prospero ; et du 11 au 13 avril au Théâtre français du CNA, à Ottawa

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Un cœur habité de mille voix

PHOTO MAXYME G. DELISLE, FOURNIE PAR ESPACE GO

Louise Laprade est l’une des interprètes de renom qui porteront sur scène la pièce Un cœur habité de mille voix.

Dire que cette pièce est attendue relève de l’euphémisme. Imaginez : les mots incantatoires de Marie-Claire Blais (tirés du dernier roman publié de son vivant), adaptés par Kevin Lambert et portés par une distribution multiétoilée qui comprend notamment Louise Laprade, Christiane Pasquier, Jean Marchand et Sylvie Léonard ! De plus, Denis Marleau et Stéphanie Jasmin se chargeront de diriger ce spectacle qui raconte la fin de vie d’un transsexuel de 93 ans et rappelle les grands moments de militantisme pour les droits des personnes homosexuelles qui ont marqué le siècle dernier.

Stéphanie Morin, La Presse

Du 2 au 28 avril à Espace Go

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Symphonie de cœurs

PHOTO KEVIN CALIXTE, FOURNIE PAR DANSE DANSE

Rhodnie Désir présente sa première œuvre sur grand plateau, Symphonie de cœurs.

La géniale Rhodnie Désir (lauréate du Grand Prix de la danse 2020 et artiste associée à la Place des Arts) fait le pari d’un tout premier spectacle à grand déploiement, réunissant 15 interprètes et 60 musiciens de l’Orchestre Métropolitain dirigés par Yannick Nézet-Séguin. C’est le cœur, ses pulsations, ses chavirements, qui a inspiré l’artiste à l’approche documentaire. Se nourrissant des témoignages de spécialistes de l’Institut de cardiologie de Montréal, elle crée pour ses interprètes une gestuelle inspirée de battements du cœur, mais aussi de ses failles et débordements, sur une trame musicale créée en collaboration avec Jorane, le concepteur sonore Engone Endong, le house band de sa compagnie, RD Créations, et l’OM, le tout accompagné de projections immersives de l’ONF. Soufflant !

Iris Gagnon-Paradis, La Presse

Du 4 au 6 avril, à la salle Wilfrid-Pelletier

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Lysis

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Bénédicte Décary incarnera le personnage de Lysis dans la pièce du même nom.

Deux fois, ce spectacle à grand déploiement s’est fait couper les ailes par la pandémie. L’attente est terminée : le public pourra enfin goûter à cette adaptation de l’œuvre d’Aristophane par Fanny Britt et Alexia Bürger, mise en scène par Lorraine Pintal. Bénédicte Décary incarne cette Lysis en colère prête à tout pour que cessent les iniquités. Sa solution : inciter les femmes à entreprendre une grève de la reproduction. Une lutte qui promet de secouer l’héroïne dans toutes les sphères de son existence. Cet ambitieux spectacle rassemblera près de 20 interprètes et musiciennes autour de concepteurs de talent, dont Philippe Brault à la musique.

Stéphanie Morin, La Presse

Du 7 mai au 1er juin au Théâtre du Nouveau Monde

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Voilà une pièce qui m’intéresse bien. D’ailleurs j’aime beaucoup Yves Jacques mais je ne connais pas du tout Mathieu Quesnel alors ca pourrait me faire découvrir un nouvel acteur en plus de me faire découvrir un théâtre que je ne connais pas du tout.

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Le HangArt Gallery ferme ses portes


Photo: Adil Boukind, Le Devoir
Au début de l’année, la serrure du HangArt dans le Vieux-Montréal a été changée par le propriétaire, a confirmé ce dernier, pour défaut de paiement de loyer.

Catherine Lalonde
13 janvier 2024
Arts visuels

Des peintres sont en colère : le 1er janvier, le HangArt Gallery a fermé ses portes rue Saint-Paul dans le Vieux-Montréal. À Québec, la succursale rue Saint-Jean est inaccessible. Les tableaux — plus d’un millier d’oeuvres, selon l’inventaire en ligne — sont empilés derrière des serrures verrouillées. La galerie proposait un modèle d’affaires inhabituel : les artistes payaient pour y être exposés. Ils cherchent aujourd’hui à récupérer leurs oeuvres, craignent de ne pouvoir récupérer l’argent investi pour les prochains mois ou celui de leurs toiles qui ont été vendues.

« Comment peuvent-ils manquer d’argent ? demande la peintre Maxime Gagnon Bergeron. Admettons que leur loyer est de 15 000 $ par mois. Comme artiste, je paie 25 $ par mois par oeuvre pour être dans leur galerie. » Au moins 1000 oeuvres sont sur le répertoire Internet du HangArt. Un revenu potentiel de 25 000 $ par mois, avant toute vente de tableau.

Au début de l’année, la serrure du HangArt de Montréal a été changée par le propriétaire, a confirmé ce dernier, pour défaut de paiement de loyer. Les copropriétaires du HangArt, Hervé Garcia et Julie Plouffe, n’auraient payé à ce jour aucun loyer pour ce local qu’ils occupent depuis le 1er septembre dernier.

Certains artistes ont appris la fermeture par un courriel envoyé par M. Garcia le 2 janvier, disant que le propriétaire « a décidé de changer les serrures, nous interdisant ainsi l’accès. Toujours est-il que pour le moment, nous n’avons accès à aucune oeuvre. »

D’autres ont appris la nouvelle par la mention « Fermeture temporaire » sur le site Internet. Ceux qui ont appelé la galerie de Québec sont tombés sur une chanson : « On a scale on one to ten my friend / You’re fucked / In lack of other words / I’d say you’re fucked… »

« Nous sommes une entreprise comme tant d’autres qui s’effondre dans un climat économique difficile, a répondu sans signature le HangArt à notre courriel. Nous sommes en faillite corporative et personnelle. Les oeuvres seront restituées dans les prochains jours et tout ça n’existera plus. Quinze ans de travail acharné, un plan de retraite et des économies d’une vie perdues. Vous allez écrire des centaines d’histoires comme la mienne dans les prochains mois. »

Faillites non enregistrées

Julie Plouffe, administratrice, présentée comme « dénicheuse de talents », qui contactait les artistes après avoir vu leur travail sur Instagram, a répondu de son côté que « le HangArt ferme en raison de faillites personnelles. Hervé et moi avons tout donné pour maintenir la galerie ouverte malgré une situation économique désastreuse ».

Aucune faillite, ni commerciale ni personnelle, au nom d’Hervé Garcia, de Julie Plouffe ou du HangArt Gallery ne figurait au registre du Bureau du surintendant des faillites au moment où ces lignes étaient écrites.

Sophie Couture, directrice du HangArt à Québec, a déclaré que « la situation à Québec n’est pas la même. Les artistes vont récupérer leurs toiles dans les prochaines semaines, ils ont reçu un message avec les instructions. La galerie de Québec doit fermer à cause de Montréal, de leur mauvaise gestion ».

Le Devoir a interviewé une dizaine de créateurs exposés au HangArt, et a reçu par courriel dix autres témoignages spontanés. Les artistes sont en colère de la façon dont la fermeture se fait, du ton et des incohérences des messages qu’ils reçoivent de la galerie.

Ils sont choqués de ne pas savoir comment récupérer leurs oeuvres, de réaliser qu’ils sont plusieurs à n’avoir jamais perçu leur part sur des toiles vendues, de constater que l’argent qu’ils ont investi pour être exposés est probablement irrécupérable, d’apprendre que les manières de faire de la galerie sont inhabituelles.

Risques inversés

Au Québec, depuis les années 1980, la très grande majorité des galeries d’art contemporain a adopté un système de consigne, comme l’explique Paul Maréchal, chargé de cours à l’Université du Québec à Montréal et spécialiste du marché de l’art.

Selon ce système, le galeriste choisit des oeuvres de l’artiste, par contrat, qu’il expose. Si les oeuvres sont vendues, il prend une commission de 50 % pour le travail des artistes émergents — soit la très grande majorité de ceux qui sont exposés.

Au HangArt, les risques sont inversés. Les artistes souscrivent à un forfait, par exemple le Starter : contre 30 $ par toile par mois, leurs oeuvres se retrouvent en galerie et sur le site Internet. En cas de vente, le HangArt conserve une commission de 30 %.

Vanessa Vaillant, autodidacte qui s’est mise à la peinture en 2009, a choisi en 2021 le forfait mensuel. Elle a alors vendu sept petits formats à 240 $. « J’avais un retour sur mon investissement. » La peintre a été abasourdie par ce départ.

En novembre 2022, Mme Vaillant a été invitée à investir dans la galerie. Une offre que Nancy Vincent a aussi reçue, à la fin du mois dernier. En échange d’actions privilégiées, propose-t-on par courriel, « le HangArt exposera tes oeuvres sans aucuns frais… à vie », lit-on. « Le taux de commission sera maintenu à 30 % à vie. Tu partageras les bénéfices réalisés avec les autres artistes à hauteur de ton pourcentage d’actions. »

Trois types de « billets convertibles » sont offerts. Pour un investissement de 20 000 $, une part des bénéfices de 2 %. Pour 10 000 $, 1 % de bénéfice. Pour 5000 $, 0,5 %. Vanessa Vaillant a investi 5000 $. « Ça me permettait d’exposer plus d’oeuvres. Je leur ai envoyé tout mon inventaire : 32 tableaux, dit-elle avec émotion. Je ne sais pas où ils sont aujourd’hui. »

Fanny Auclair a aussi accepté à l’automne 2022 la proposition d’un investissement de 5000 $. « Je n’ai plus jamais entendu parler de rien après avoir remis mon chèque », précise-t-elle. Elle a vendu ensuite huit toiles. Elle n’a pas reçu de paiement pour deux d’entre elles.

Des manières de fermer

Relancé, le HangArt répond : « Tant que les affaires fonctionnaient, notre modèle comblait tout le monde. Les clients qui découvraient des artistes émergents de talent. Les artistes étaient heureux et fiers d’être au HangArt. Seuls la récession, l’inflation, les grèves, la sortie de COVID, les prêts additionnés à la disparition de notre classe de clients font que la situation est ce qu’elle est. »

« Ce n’est pas inusité, une fermeture de galerie », contextualise Simone Rochon, directrice par intérim de l’Association des galeries d’art contemporain, dont le HangArt ne fait pas partie. « La Galerie.a vient d’annoncer sa fermeture. Nous, on le sait depuis six mois, les artistes aussi. L’inventaire a été géré, les contrats également. La galerie Bernard aussi a fermé cette année [le 30 septembre 2023] après un processus de trois mois. »

Selon le Regroupement des artistes en arts visuels (RAAV) du Québec, « ce n’est pas du tout une pratique courante de demander à un artiste de participer à l’actionnariat d’une galerie. » L’association invite tous les artistes qui se sentent lésés par le HangArt, qu’ils soient membres ou non du RAAV, à communiquer elle.

Au moment où ce texte était remis, le propriétaire de l’immeuble rue Saint-Paul a précisé avoir reçu « l’inventaire des oeuvres sécurisées au HangArt, qui va permettre de commencer à les remettre aux artistes dès la semaine prochaine ». De son côté, le HangArt Gallery avait limité l’accès à son site Internet, auparavant public, aux détenteurs de mots de passe.

Avec Améli Pineda

DES STYLES ET DES MARCHÉS

« Oh ! » s’exclame Paul Marchand, spécialiste du marché de l’art, devant le site du HangArt avant que son accès soit restreint. « On est dans le pop art. C’est de l’art absolument commercial », dans la lignée des Corno, Zilon ou Kim Dorlan. « C’est drôlement bien, quand même, Corno, précise M. Marchand, et il y a de la place pour les galeries d’art commerciales. Mais si vous instrumentalisez les artistes, que vous allez chercher des gens qui ne connaissent pas le marché de l’art et que vous profitez de leur besoin de visibilité pour leur soutirer de l’argent, là… »

Les peintres exposés au HangArt Gallery répondent à un certain profil. La très grande majorité est faite d’autodidactes, qui ne sont pas passés par les formations en arts visuels, ne font pas partie d’une cohorte. Ce sont des artistes débutants de différents âges, qui se sont souvent mis à la peinture dans les cinq dernières années, qui ont très peu d’expérience professionnelle, qui exposent leurs oeuvres essentiellement sur les réseaux sociaux.

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Rentrée culturelle Les expos à ne pas manquer

PHOTO MICHAEL PATTEN, FOURNIE PAR PIERRE-FRANÇOIS OUELLETTE ART CONTEMPORAIN

Nanamapuku, 2021

L’offre en arts visuels est abondante, comme toujours, cet hiver. Voici quelques propositions qui devraient retenir votre attention.

Mis à jour à 9h00

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Les territoires de Natasha Kanapé Fontaine

La galerie montréalaise Pierre-François Ouellette art contemporain présente une exposition de la poète Natasha Kanapé Fontaine, Nutshimit Tshissitutam. « Peindre est un voyage dans le temps, où la terre avant qu’elle n’ait été changée par l’humain souhaite simplement revenir à nous pour réveiller d’où nous venons », dit l’artiste à propos de ses toiles. Ses tableaux sont abstraits, mais on pourrait y reconnaître quelque chose du territoire, extérieur ou intérieur, le nôtre ou le sien, puisque Natasha Kanapé Fontaine travaille par intuition, tout en sachant que les images, même évocatrices, prennent souche quelque part dans la nature, nos vies, chez nos ancêtres. Assurément à découvrir.

Stéphanie Bérubé, La Presse

Chez Pierre-François Ouellette art contemporain jusqu’au 17 février

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Installations et réalité virtuelle chez Phi

PHOTO FOURNIE PAR PHI

Extrait de Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, présentée au Centre Phi à partir du 7 février

Plusieurs expos intéressantes à voir chez Phi en ce début d’année. D’abord, à la Fondation, les deux installations de l’artiste argentin d’origine thaïlandaise Rirkrit Tiravanija, Jouez/Play, se poursuivent jusqu’en mars. On peut notamment pénétrer dans une salle de répétition où l’on peut écouter des enregistrements ou encore jouer avec des instruments qui s’y trouvent. Au Centre Phi, on pourra voir Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, cette jeune Noire de l’Alabama qui, neuf mois avant Rosa Parks, a refusé de céder sa place à un homme blanc (dans un autobus) et s’est fait emprisonner. Une expérience en réalité virtuelle, tout comme L’horizon de Khéops, qui détaille les rites funéraires du pharaon égyptien.

Jean Siag, La Presse

Jouez/Play, jusqu’au 10 mars à la Fondation Phi ; Noire : la vie méconnue de Claudette Colvin, du 7 février au 10 mars au Centre Phi ; L’horizon de Khéops, du 16 février au 31 mars dans le Vieux-Port de Montréal, au 2, rue de la Commune Ouest

Consultez le site de Phi

Saint-Hyacinthe, entre deux biennales

PHOTO FOURNIE PAR EXPRESSION

Kim Waldron, Showroom, Mono Factory, 2022

Toutes les raisons sont bonnes d’aller à Saint-Hyacinthe et, si une visite au centre d’exposition Expression n’était pas votre but premier, eh bien, ça vous fournit un motif supplémentaire de mettre le cap sur cette ville où l’art contemporain est souvent célébré. En attendant la prochaine Biennale Orange, l’été prochain, on y découvre Kim Waldron, cette artiste montréalaise qui travaille souvent à partir de ce que l’actualité lui donne comme matière première. Le scandale des Panama Papers l’a par exemple inspirée à s’ouvrir elle-même une entreprise dont le siège social se trouve à Hong Kong. L’expo-bilan fort prometteuse présentée chez Expression détaille notamment cette expérience dans Kim Waldron ltée : société civile.

Stéphanie Bérubé, La Presse

Kim Waldron ltée : société civile, du 20 janvier au 21 avril 2024, chez Expression

Consultez le site de la galerie

Georgia O’Keeffe et Henry Moore

PHOTO YOUSUF KARSH, FOURNIE PAR LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

Georgia O’Keeffe en 1956. Don d’Estrellita Karsh à la mémoire de Yousuf Karsh. Succession de Yousuf Karsh.

Georgia O’Keeffe fait partie de ces artistes dont l’art plaît à un grand nombre, particulièrement ses représentations hyper réalistes de fleurs ou de son Nouveau-Mexique d’adoption. Le San Diego Museum of Art, qui a conçu l’exposition qui lui est consacrée au Musée des beaux-arts de Montréal, a décidé de mettre son travail en parallèle avec celui du sculpteur britannique Henry Moore en nous annonçant des similitudes surprenantes entre les deux. On aime bien l’idée, le genre de concept qui impose (ou pas !) une réflexion plus poussée au visiteur.

Stéphanie Bérubé, La Presse

Georgia O’Keeffe et Henry Moore : géants de l’art moderne, dès le 10 février, au Musée des beaux-arts de Montréal

Consultez le site du MBAM

Générations : la famille Sobey et l’art canadien

PHOTO KENT MONKMAN, FOURNIE PAR LE MNBAQ

Study for « mistikôsiwak (Wooden Boat People) : Resurgence of the People » (Variation finale), 2019. Acrylique sur toile, 107,3 cm x 213,4 cm. Collection de la Sobey Art Foundation.

Le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) a eu la bonne idée d’exposer une partie de la riche collection de la famille Sobey (sur trois générations). Au total, on parle d’environ 175 œuvres d’artistes canadiens comme Emily Carr, Peter Doig, David Milne, Mario Doucette ou encore les peintres du Groupe des sept, sans oublier les Québécois Paul-Émile Borduas, Jean Paul Lemieux ou Jean Paul Riopelle, pour ne nommer que ceux-là. Y figurent également des artistes issus des Premières Nations comme Annie Pootoogook, Brenda Draney, Joseph Tisiga ou Brian Jungen. L’exposition offre ainsi un survol de l’art canadien des XIXe et XXe siècles.

Jean Siag, La Presse

Générations : la famille Sobey et l’art canadien, du 16 février au 12 mai, au Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ)

Consultez le site du MNBAQ

Histoires de lutte

PHOTO JENNIFER MARCUSON, FOURNIE PAR LE MUSÉE DE LA CIVILISATION DE QUÉBEC

L’exposition Lutte, le Québec dans l’arène, en cours de production

On ne parle pas ici de lutte sociale ou de grands mouvements de revendications. On parle de deux personnages qui se tapent dessus dans un ring, souvent avec des allures excentriques et une attitude très, très dramatique. Y a-t-il plus que ça à voir dans la lutte ? Assurément, puisque le Musée de la civilisation veut réunir les amateurs et les sceptiques autour d’une exposition sur l’histoire de la lutte au Québec. Il s’agit d’une coproduction avec la compagnie Ex Machina, ce qui rend la proposition encore plus intrigante. On y va, mais on ne promet pas de regarder toutes les vidéos…

Stéphanie Bérubé, La Presse

Lutte, le Québec dans l’arène, dès le 20 mars, au Musée de la civilisation de Québec

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2,2 M$ de subventions fédérales pour des travaux de rénovations du théâtre Centaur

Et 4 M$ de Québec

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Quand le Théâtre Denise-Pelletier était le Granada

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le Théâtre Denise-Pelletier

Au moment où l’Impérial est menacé de fermeture, notre journaliste part sur les traces d’anciens cinémas. Aujourd’hui, l’histoire bien vivante du Théâtre Denise-Pelletier, anciennement le Granada.

Publié à 1h46 Mis à jour à 7h00

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Émilie Côté
Émilie Côté La Presse

« Le plus que nous permettaient mes parents était d’aller au cinéma, donc, on y allait beaucoup ! », raconte Rolande Provençal.

Mme Provençal est née en 1942 dans ce qu’on appelait le quartier Maisonneuve. Elle garde de précieux souvenirs de ses sorties au cinéma à l’âge de 15 ans avec l’homme qui allait devenir son mari.

« À pied de ma demeure, il y avait cinq cinémas, raconte la femme aujourd’hui âgée de 81 ans. Le Maisonneuve, l’Orléans, le Nelson, le Mercier et le Granada. »

Tous les dimanches, Mme Provençal et son amoureux Gilles fréquentaient le cinéma Mercier. Pour 99 sous, ils pouvaient voir plusieurs films et un vaudeville avec des vedettes comme La Poune, Manda Parent et Claude Blanchard. « Ensuite, mon copain venait me reconduire et des fois, mes parents l’invitaient pour souper. De beaux souvenirs ! »

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

Le Théâtre Denise-Pelletier dans l’ancien Granada en 1976

La salle du Cinéma Mercier n’existe plus depuis longtemps sur la rue Sainte-Catherine Est, mais celle du Granada attire toujours les foules quelques coins de rue plus loin. Or, les acteurs se produisent désormais en chair et en os devant le public.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La fastueuse salle du Théâtre Denise-Pelletier en montage pour la pièce L’éveil du printemps

Le Granada a fermé dans les années 1970 pour ensuite devenir le Théâtre Denise-Pelletier. Comme le Rialto et le Théâtre Outremont, il fait partie des anciens cinémas de type « palace » qui ont toujours une vocation artistique.

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Stéphanie Laurin (à droite) a succédé à Rémi Brousseau à la direction générale du Théâtre Denise-Pelletier.

« Le Théâtre Denise-Pelletier souligne son 60e anniversaire cette année », rappelle son directeur de 1995 à 2022, Rémi Brousseau. Une salle qui comptait pas moins de 1650 places à l’époque du Granada, et dont l’architecte Emmanuel Doucet a signé les plans.

Emmanuel Briffa : encore !

Comme d’autres anciens cinémas (l’Empress, le Château, le Théâtre Snowdon⁠), le Théâtre Denise-Pelletier doit son somptueux décor intérieur à Emmanuel Briffa.

Comme le Théâtre Granada de Sherbrooke (qui existe toujours en tant que salle de spectacle !), l’ancien Granada de la rue Sainte-Catherine recréait l’ambiance d’une cour espagnole avec des blasons, de faux balcons, des feuilles dorées, etc.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La touche d’Emmanuel Briffa

« Gilles Pelletier a été le défenseur d’Emmanuel Briffa. Il le connaissait. Il a dit aux architectes : tout ce qu’on peut conserver, on va le faire », raconte Rémi Brousseau.

Quand la Nouvelle Compagnie théâtrale, fondée par Gilles Pelletier, Françoise Graton et Georges Groulx, a acquis l’ancien Granada en 1976, d’importants travaux ont été entrepris. Le balcon a été retiré, les régies, ajoutées, et la scène, agrandie, de sorte que la salle soit ramenée à 900 places. On a aussi fait construire l’annexe pouvant accueillir une salle de répétition, un espace pour le dégagement de scène, mais surtout la salle Fred-Barry.

« C’est la première boîte noire à Montréal, soit une salle modulable à géométrie variable », souligne Stéphanie Laurin, qui a succédé en 2022 à Rémi Brousseau à la direction générale du Théâtre Denise-Pelletier.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La salle Fred-Barry

À l’époque du Granada, les gens entraient dans la salle au rez-de-chaussée par ce qu’on appelait le vomitoire – où se trouve aujourd’hui le bar. Maintenant, on accède à son siège à l’étage (côté cour ou côté jardin), dans ce qu’on surnomme « le pénitent », puisque c’est là qu’allaient les trouble-fêtes et les retardataires avant de trouver leur place. C’est aussi là que se trouvait l’ancienne cabine de projection dotée d’une ouverture au plafond pour évacuer la fumée toxique émanant des projecteurs.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

L’un des trois vitraux d’origine du « pénitent » a été retrouvé dans le costumier et restauré par un maître verrier lors des travaux de 2008.

En 2008, d’autres importants travaux de rénovation ont modernisé les installations du Théâtre Denise-Pelletier, en plus de surélever le parterre de la salle principale et de retrancher une centaine de places. La firme d’architecture Saia Barbarese Topouzanov avait le mandat de préserver l’héritage patrimonial des lieux, ce qui lui a valu le Prix du jury au gala de l’Ordre des architectes dans la catégorie Conservation et restauration.

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Perpétuer l’histoire

En mettant en valeur l’histoire du 4353, rue Sainte-Catherine Est, le Théâtre Denise-Pelletier joue un rôle de « gardien », mais aussi de « passeur » auprès de son jeune public. On vous invite par ailleurs à visionner la vidéo qui permet une visite virtuelle de chaque pièce, dont l’impressionnant costumier.

Voyez la visite virtuelle du Théâtre Denise-Pelletier

Comme l’était le Granada, le Théâtre Denise-Pelletier est un lieu de beauté, de rêve et de liberté pour les gens de l’est de Montréal, souligne Stéphanie Laurin. « Nous sommes l’un des théâtres les plus accessibles du point de vue des tarifs », ajoute-t-elle en citant l’initiative TDP, votre théâtre de quartier, qui permet à des gens de s’initier gratuitement au théâtre et de prendre part à une marche historique dans le quartier.

Conclusion ? Il n’y a peut-être plus cinq cinémas dans l’ancien quartier Maisonneuve, comme nous le racontait Mme Provençal, mais la mémoire du Granada demeure « vivante et accessible ».

Lisez le texte « Le triste destin de l’Empress »

Lisez le texte « Ce qu’est devenu le cinéma Le Château »

Lisez le texte « Vivre dans l’ancien Théâtre Snowdon »

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Voyage mémorable avec Madonna

PHOTO ARCHIVES NEW YORK TIMES

Madonna est apparue à 21 h 50 sur l’immense scène occupant le parterre du Centre Bell, bien plus tôt que son spectacle à Brooklyn en décembre dernier (photo).

Celebration, le spectacle que Madonna présente deux fois cette semaine au Centre Bell, est bien plus qu’une simple fête qui invite à danser. C’est un ingénieux et parfois touchant voyage dans le temps qui célèbre un parcours artistique à nul autre pareil : celui d’une femme qui, à 65 ans, trouve encore le moyen de surprendre.

Mis à jour à 6h07

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Alexandre Vigneault
Alexandre Vigneault La Presse

On a lu et répété ces derniers jours qu’il faudrait s’armer de patience : depuis décembre, la reine mère de la pop est souvent entrée en scène assez tard. Souvent après 22 h, heure où plusieurs de ses semblables qui se produisent dans des amphithéâtres comme le Centre Bell arrivent au rappel.

Jeudi, Madonna a lancé la fête « tôt » : elle était sur scène à 21 h 50. Elle a fait une entrée impériale, mais assez sobre, en apparaissant seule sur un plateau tournant, vêtue d’une ample robe noire lustrée et coiffée d’un diadème. Elle chantait Nothing Really Matters, une pièce tirée de son album Ray Of Light.

La scène pivotante sur laquelle la vedette est entrée en scène était l’élément central d’un immense dispositif scénique occupant une grande partie du parterre du Centre Bell et qui comptait aussi trois longues passerelles s’avançant loin dans l’enceinte. Cet appareillage scénique promettait une proximité exceptionnelle pour bon nombre de spectateurs situés au parterre et dans les plus basses sections des gradins. Il s’agit d’ailleurs du dispositif scénique le plus imposant que l’auteur de ces lignes ait vu dans cet amphithéâtre en plus de 20 ans de couverture de spectacles.

Cette scénographie dégageait quelque chose de généreux, qui était de bon augure pour la suite.

Madonna mène la danse

Le début du concert fut réjouissant : Madonna a enchaîné des morceaux dansants venus des années 1980 qui ont vite fait de transformer le Centre Bell en un immense plancher de danse. Elle a entre autres ressorti, pas dans nécessairement dans cet ordre, Everybody (son tout premier simple), Holiday, fait chanter à la foule un bout de Causing a Commotion, repris Open Your Heart et l’irrésistible Into the Groove.

On ne savait déjà plus où poser les yeux, cherchant à suivre Madonna pas à pas, mais aussi à se gaver des numéros chorégraphiés, livrés par au moins deux dizaines de danseuses et danseurs. La vénérable pop star n’a plus la vigueur qu’elle avait toujours à 48 ans, lors du Confessions Tour – elle laisse désormais les acrobaties et les prouesses techniques à ses accompagnateurs – mais c’est tout de même elle qui a mené la danse pendant plus de deux heures.

Madonna a maintenant 65 ans et, jeudi, elle paraissait sans âge au milieu de performeurs beaucoup plus jeunes qu’elle. Son charisme est entier, elle reste la femme conquérante, sensuelle, baveuse et provocante qu’elle a toujours été. Il n’y a qu’une scène où elle paraît moins bien : lorsque, tard dans le spectacle, elle chante Ray Of Light en se déhanchant maladroitement dans une nacelle qui se promène au-dessus de la foule. Ce détail mis à part, la voir chanter, jouer, danser et déplacer de l’air ainsi force le respect.

Des tableaux évocateurs

Madonna l’a annoncé tôt dans la représentation : Celebration raconte une histoire, la sienne. En musique, bien entendu : son programme puise dans 40 ans de chansons marquantes, avec une nette préférence pour ses 25 premières années. Il n’y a presque rien de son disque Like A Virgin, mais elle reprend des hymnes dansants comme Vogue, Like A Prayer, La Isla Bonita et un bout de Hung Up, par exemple, mais peint aussi des tableaux surprenants en ramenant des morceaux plus troubles comme le doublé Erotica et Justify My Love, particulièrement réussi.

Ce spectacle construit en tableaux constitue évidemment un voyage sonore : il y a un monde entre l’électro embryonnaire de Everybody, l’esthétique copier-coller de Don’t Tell Me et la quasi-transe de Ray Of Light. Ces différences sautaient aux oreilles étant donné que, même si bien des morceaux ont été tronqués, la majorité s’appuyait sur les sonorités (et même les pistes ?) originales.

Ici et là, Madonna a osé. Elle a fait Express Yourself seule à la guitare acoustique en milieu de parcours. Plus tôt en soirée, alors que les images projetées sur des écrans géants rappelaient ses débuts new-yorkais et le club emblématique du Lower East Side au tournant des années 1980 – le CBGB’s, associé à la scène punk et new wave – elle a fait Burning Up en version rock à la guitare électrique.

Cette volonté de raconter l’histoire de Madonna traverse aussi la mise en scène du spectacle. Des images d’archives évoquent l’une ou l’autre de ses transformations, des costumes portés par ses danseurs rappellent ses incarnations les plus marquantes et des numéros renvoient directement à des spectacles d’autrefois. L’exemple le plus significatif étant celui où une danseuse, habillée comme Madonna version Blond Ambition Tour, refait la célèbre scène de masturbation.

Celebration se classera assurément parmi les spectacles les plus riches et les plus réussis de la reine de la pop. En plus d’être convaincant sur le plan narratif et musical (malgré une sonorisation parfois inutilement assourdissante et saturée), il témoigne d’une grande finesse sur le plan des effets visuels.

Madonna n’y commet en outre presque aucun faux pas. Elle n’est pas du tout convaincante lorsqu’elle appelle à changer le monde autrement que par la gentillesse, mais se révèle plus d’une fois très touchante, en particulier lorsqu’elle évoque les luttes pour l’égalité menées par les communautés LBGTQ+ et la tragédie du sida. Son interprétation sentie de Live to Tell, accompagnée de photos de victimes de cette terrible épidémie est de loin le moment le plus émouvant du spectacle.

Aussi samedi, 19 h 30, au Centre Bell.

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L’ONF ferme ses studios interactifs


Les studios interactifs de l’ONF ont créé depuis 2009 plus de 200 œuvres novatrices, comme l’expérience de réalité virtuelle « CHOM5KY vs CHOMSKY ».
PHOTO : ONF

Charles Rioux
Publié à 15 h 41 HNE

L’Office national du film (ONF) a annoncé la fermeture de ses studios interactifs de Vancouver et de Montréal, afin de réinvestir environ 3,5 millions $ au sein de l’institution, notamment en production supplémentaire de documentaires et de films d’animation.

La décision, qui entrera en vigueur le 22 février, implique la perte de 14 postes à temps plein, mais aussi la création à terme d’une demi-douzaine de nouveaux emplois, a expliqué l’ONF dans un communiqué émis lundi.

Créés en 2009, les studios interactifs ont agi comme incubateur de propositions artistiques immersives et interactives, produisant plus de 200 œuvres novatrices et collaborant avec plus de 500 artistes. L’ONF a notamment exploré les possibilités narratives du web, du mobile, de l’installation, de la performance, des réseaux sociaux, ainsi que des réalités virtuelle, augmentée et mixte.


« Ceci n’est pas une cérémonie » (2022) est une expérience cinématographique en réalité virtuelle imaginée par le scénariste et réalisateur niitsitapi Ahnahktsipiitaa (Colin Van Loon).
PHOTO : ONF

« Une insulte à l’intelligence », selon la réalisatrice Vali Fugulin

Aujourd’hui, le secteur privé a pris la relève et produit nombre d’œuvres d’envergure. L’ONF, pour sa part, a rempli sa mission, a affirmé l’institution pour expliquer sa décision.

En 2009, nous étions des pionniers en la matière; aujourd’hui, force est de constater qu’il nous faudrait minimalement doubler le budget actuel des studios pour poursuivre pleinement ce mandat, a ajouté sa commissaire, Suzanne Guèvremont.

Vali Fugulin, réalisatrice et créatrice d’expériences interactives qui a tenu une résidence de deux ans à l’ONF, peine toutefois à comprendre la décision de l’institution. Ce communiqué, c’est une insulte à l’intelligence, a-t-elle expliqué au micro d’Ariane Cipriani, chroniqueuse culturelle à l’émission Le 15-18 sur ICI Première.

C’est comme si on disait : “L’ONF fait du documentaire depuis 75 ans, arrêtons d’en faire parce que le privé a pris le relais”, dit-elle. Mais non; ce qui se fait dans le privé est complémentaire à ce qui se fait à l’ONF. Les deux doivent coexister.

On perd un organisme phare qui, à travers le monde, a remis l’ONF sur la carte.

— Vali Fugulin, cinéaste et créatrice d’expériences interactives

Selon la réalisatrice, les contenus produits par les studios interactifs ont d’ailleurs connu un rayonnement bien plus grand que les documentaires et les films d’animation dans les dernières années.

[Pour le jeu documentaire] Fort McMoney, qui était produit par ONF interactif et Urbania, on parle d’un million de visites. Do Not Track, un autre projet, c’est aussi un million de visites, a-t-elle souligné.

L’ONF affirme que les sommes dégagées par les fermetures seront réinvesties à hauteur de 1,5 million $ supplémentaire dans la production de documentaires et de films d’animation, ainsi que de 2 millions $ pour des initiatives innovantes destinées à améliorer nos méthodes de production et de distribution et à accroître l’engagement des auditoires.

Des productions qui font réfléchir

Parmi les productions marquantes des studios interactifs de l’ONF, on compte notamment l’expérience de réalité virtuelle CHOM5KY vs CHOMSKY : une curieuse conversation sur l’intelligence artificielle, de la réalisatrice et productrice Sandra Rodriguez.

Muni d’un casque de réalité virtuelle, le public était invité à interagir avec une entité artificielle inspirée du célèbre linguiste américain Noam Chomsky, pour une discussion en profondeur des rouages de l’apprentissage automatique.

On peut également souligner le Musée de la symétrie, une application proposant un jeu d’aventures en réalité virtuelle dans l’univers de la bédéiste et animatrice Paloma Dawkins, ou encore Fort McMoney, un jeu documentaire en temps réel dans lequel le public était invité à prendre les commandes de Fort McMurray, en Alberta, troisième réserve mondiale de pétrole.

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Un message a été fusionné à un sujet existant : PL 96, débat sur les langues et discussions connexes

À la recherche de l’effet wow !

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Première du concert Riopelle symphonique


Mario Girard
Mario Girard La Presse

Tout cela a commencé par une simple observation : il m’a semblé qu’une forte tendance aux spectacles à grand déploiement s’est installée sur nos scènes. Six ou sept entrevues plus tard, la chose m’était confirmée. Le public recherche un « effet wow », il veut plus que jamais vivre une véritable expérience.

Publié à 1h37 Mis à jour à 7h15

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Au cours des prochains mois, nous aurons droit à une avalanche de comédies musicales : Waitress, Tootsie, Les producteurs, Le matou et Starmania. À cela s’ajoutent Pretty Woman et les retours des Misérables et de Don Juan.

Et puis, il y a ces spectacles basés sur un concept où l’on mélange musique, cirque, danse et autres disciplines : La Shop (conte musico-humoristique d’après l’œuvre d’Yvon Deschamps), Pub Royal (hommage aux Cowboys Fringants), Beau Dommage symphonique, Hommage à Rock et belles oreilles avec le Cirque du Soleil, La Corriveau, Belmont (en hommage à Diane Dufresne), La géante (en hommage à Rose Ouellette), Mon Québec et ses chansons (en hommage aux géants de notre chanson), De Broadway à Hollywood avec Gregory Charles et sa troupe, Révolution en tournée.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Photo prise au Grand Théâtre de Québec lors de la première de la comédie musicale Pub Royal des Cowboys Fringants et du collectif de cirque Les 7 Doigts

Nous sommes loin de l’époque où nous avions droit à une seule comédie musicale par été sous la houlette de Denise Filiatrault. Patrick Rozon, chef de la direction de la création à Juste pour rire et producteur de Waitress, est bien placé pour parler de cette évolution. « Les gens recherchent un moment unique. Ils ont une soif d’exclusivité. »

David Laferrière, président du conseil d’administration de RIDEAU et directeur général et artistique du Théâtre Outremont, porte un regard d’ensemble sur le phénomène.

En effet, c’est franchement étonnant de voir autant de grosses productions. On assiste à quelque chose de très particulier en ce moment.

David Laferrière, président du conseil d’administration de RIDEAU et directeur général et artistique du Théâtre Outremont

Champion toutes catégories des spectacles bâtis autour d’un concept (Pour une histoire d’un soir, La dérape, Broadway en lumière), Martin Leclerc suit les choses avec beaucoup d’intérêt. « Il y a environ sept ans, nous étions les seuls à présenter un spectacle de Noël réunissant plusieurs chanteurs. Cette année, il y en avait cinq ou six en tournée. »

Martin Leclerc, qui va produire Beau Dommage symphonique, croit que la nostalgie est à la base de la plupart de ces spectacles. Quand on regarde le nombre effarant de « spectacles-hommages », on ne peut que lui donner raison. Nicole Martin, Édith Piaf, Sylvain Lelièvre et Eddy Marnay sont « hommagés » dans des productions qui réunissent plusieurs artistes.

Et que dire de la kyrielle de spectacles en hommage aux icônes du rock. Les fans de Queen, Pink Floyd, Supertramp, Iron Maiden, Kiss, Abba, CCR, Bee Gees, Everly Brothers et Genesis peuvent voir des répliques de leurs idoles dans des productions souvent grandioses. Certains groupes ont même droit au « traitement symphonique », ça sera le cas avec Led Zeppelin et Queen.

Parlant de symphonique, le producteur Nicolas Lemieux (Harmonium symphonique, Riopelle symphonique, Bébé symphonique) n’est pas surpris de voir ce qui se passe en ce moment.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le producteur Nicolas Lemieux

Les gens adorent les concepts et veulent qu’on leur en mette plein la vue.

Nicolas Lemieux

« On vit des moments wow partout dans nos vies, il est normal qu’on veuille aussi le vivre dans une salle en spectacle », ajoute de son côté André Courchesne, professeur en gestion des arts à HEC Montréal.

Cette frénésie annonce-t-elle une reprise des activités après un automne particulièrement difficile pour les diffuseurs ? « Il est vrai qu’on a assisté à une baisse l’an dernier, constate Lucie Rozon qui, en compagnie de sa sœur Luce, a fondé la maison de production Les agents doubles. Mais là, on sent que ça redémarre solidement. »

Lucie et Luce Rozon ont aussi emprunté la voie des spectacles basés sur des concepts accrocheurs, notamment avec le théâtre. Après Verdict (80 représentations en tournée), voilà qu’elles créent Aux grands maux, les grands discours, dans lequel quatre comédiens livrent des discours historiques.

Si certains de ces spectacles voyagent en tournée, d’autres sont destinés uniquement aux grands centres comme Montréal et Québec. « C’est la riposte de Montréal et de Québec face aux régions, affirme Nicolas Lemieux. On installe ces shows à long terme pour attirer des visiteurs. »

Dans ce tourbillon de grosses productions musicales, les humoristes continuent de bien occuper les calendriers des diffuseurs. Et il ne faudrait pas croire que les chanteurs qui s’offrent en solo sont en train de disparaître. Un survol de plusieurs salles m’indique qu’une trentaine de grands noms sillonneront les routes du Québec cette année. Parmi eux, Dumas, Marie-Denise Pelletier, Pierre Flynn, Paul Piché, Claude Dubois, Bruno Pelletier, Michel Rivard, Daniel Lavoie, Daniel Bélanger, Michel Pagliaro, Isabelle Boulay et Laurence Jalbert.

Certains producteurs et spécialistes avec lesquels je me suis entretenu s’inquiètent toutefois du sort des artistes émergents. Est-ce qu’il sera plus difficile pour eux de s’imposer ?

À Montréal, quelques rares acteurs ont les reins assez solides pour investir dans de grosses productions. Parmi ceux-ci, on trouve Juste pour rire, le Groupe Entourage et Musicor Spectacles, branche de Québecor. Face à cette forte concurrence, un certain stress, sinon une prudence doublée de sagesse, accompagne chacune des décisions.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

La famille Addams, en octobre 2023

« Pour une comédie musicale, il faut allonger parfois jusqu’à 1,5 million de dollars avant de pouvoir toucher le fruit de la billetterie, explique Eric Young, président du Groupe Entourage à l’origine de La famille Addams, de Tootsie et du Matou.

L’été qui s’en vient servira de baromètre, selon plusieurs producteurs. « Ça sera un véritable test, reconnaît Eric Young. Nous ne sommes pas Londres, Paris ou New York. On va voir comment le marché va réagir. » Patrick Rozon partage ce point de vue. « On va suivre cela de très près. La bonne nouvelle, c’est que tous les producteurs se parlent. »

En attendant de me laisser éblouir par ces productions, je vais aller voir Pierre Flynn. Il n’y aura pas 16 danseurs autour de lui et il n’arrivera pas dans une cage de verre descendant du plafond. Il sera seul, devant son piano, avec ses chansons.

L’effet wow est souvent là où on ne l’attend pas.

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Le District Video Lounge dans le Village est contraint de fermer ses portes pour près d’une semaine à cause de plaintes répétées d’un voisin pour du bruit. On a vraiment un problème.

https://www.instagram.com/p/C2pyPCAPxQH/?igsh=MXJsamRkZjdva3JyMQ==

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Téléfilm Canada reçoit 100 millions du fédéral

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

La comédienne Liliane Skelly et la réalisatrice Mariloup Wolfe pendant le tournage du film Cœur de slush, en 2022

La ministre du Patrimoine canadien Pascale St-Onge a annoncé mercredi un soutien de 100 millions sur deux ans au secteur audiovisuel. Une aide qui devrait permettre de financer de 40 à 60 productions additionnelles par année au pays.

Publié à 14h27 Mis à jour à 14h38

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Jean Siag
Jean Siag La Presse

La ministre St-Onge a annoncé ce soutien additionnel de 50 millions par année pendant deux ans à Téléfilm Canada lors d’un bref point de presse sur la colline Parlementaire, à Ottawa.

« Le cinéma et la télévision ont traversé ces dernières années une période de perturbation. On aide le secteur entre autres en revoyant la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC se penche maintenant sur la question de la réglementation, mais une autre façon d’aider le secteur, c’est de remplir une des promesses qu’on a faites d’assurer le financement de 50 millions additionnels [par année] pour Téléfilm », a annoncé Pascale St-Onge.

Le milieu de l’audiovisuel attendait cette annonce avec fébrilité à mesure que la date d’échéance du 31 mars 2024 approchait. Sans le renouvellement de l’aide fédérale, la production de nombreux projets de films ou de séries était compromise.

La ministre du Patrimoine a souligné l’année « exceptionnelle » de 2023 au cinéma. « On a juste à penser au film Simple comme Sylvain [de Monia Chokri], qui est en route pour les Césars, ou encore à BlackBerry [de Matt Johnson] ou Bones of Crowes [de Marie Clements], une coproduction avec les communautés autochtones. Donc on est très fiers de pouvoir assurer ce financement-là, puis soutenir le secteur culturel et aussi la production francophone au Québec et hors Québec. »

Mme St-Onge a insisté sur le fait que l’industrie audiovisuelle emploie 180 000 travailleurs au pays. « C’est une façon de leur garantir un emploi pour les années à venir », a-t-elle dit.

La directrice générale et cheffe de la direction de Téléfilm Canada, Julie Roy, s’est réjouie de l’annonce dans un communiqué publié peu après. « Au cours des derniers mois, l’industrie a plaidé sans relâche en faveur du renouvellement des fonds additionnels alloués à Téléfilm, a-t-elle dit. L’effort collectif de notre secteur joue un rôle inestimable pour façonner l’avenir du cinéma canadien et autochtone. Nous remercions l’ensemble de nos partenaires pour ce soutien. »

Les associations syndicales, dont l’Union des artistes (UDA), l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), se sont également dites « soulagées » par l’annonce de la ministre St-Onge, même si le milieu de l’audiovisuel demandait un financement annuel de 50 millions sur une base permanente.

Pour le moment, ce financement additionnel est consenti pour les deux prochaines années seulement.

« C’est un soulagement, a indiqué par communiqué le président de l’ARRQ, Gabriel Pelletier. Notre industrie demeure fragile. Et, si le financement est essentiel, le cadre législatif et réglementaire l’est tout autant pour préserver une industrie aux prises avec des enjeux nouveaux. Nous poursuivrons nos échanges avec la ministre St-Onge qui s’est montrée sensible à nos réalités. »

Même accueil du côté de l’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), qui s’est dite rassurée à la suite de la décision de Patrimoine canadien.

« L’annonce d’aujourd’hui met enfin un terme à l’insécurité au moment même où Téléfilm Canada analyse les projets qui seront mis en œuvre dès le printemps prochain. Il était minuit moins une. […] L’ampleur du mouvement démontre l’attachement du Québec à son cinéma et la force du milieu lorsque tous se mobilisent pour une cause commune », a affirmé sa présidente et directrice générale, Hélène Messier.

Au cours de l’année 2022-2023, Téléfilm Canada a géré un budget total de près de 160 millions.

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Les activités suspendues au Cinéma Impérial

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le Cinéma Impérial

Toutes les activités sont suspendues depuis le 31 janvier au Cinéma Impérial, a confirmé le porte-parole du conseil d’administration, Benoît Clermont.

Publié à 11h30

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Jean Siag
Jean Siag La Presse

Les négociations dans le but de réaliser des travaux de rénovation se poursuivent toutefois avec le gouvernement fédéral, a-t-il indiqué, et « ça se passe bien ».

Au mois de décembre dernier, le C. A. avait annoncé son intention de fermer le bâtiment patrimonial si le gouvernement fédéral n’accordait pas à l’OSBL une somme équivalente à celle consentie par Québec, soit 5,6 millions.

Patrimoine canadien avait accepté de fournir une aide d’un million sur deux ans par le biais du Fonds canadien pour les espaces culturels, au même titre que d’autres organisations artistiques, mais ne s’était pas engagé à verser plus d’argent.

Québecor, qui a sauvé le bâtiment de la faillite en 2017, a déjà investi 8,5 millions dans des travaux de sauvegarde du cinéma, mais a menacé de se retirer si les deux paliers de gouvernement et la Ville de Montréal n’allongeaient pas les sommes nécessaires pour faire les travaux d’entretien actuels.

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Nouvelle exposition au MBAM

Géants de l’art moderne : Georgia O’Keefe et Henry Moore au Musée des Beaux-Arts de Montréal

Une nouvelle exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal est consacrée à Georgia O’Keeffe et Henry Moore, deux géants de l’art moderne dont le travail comporte beaucoup de similitudes.

Le reportage de Nabi-Alexandre Chartier

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Les archives d’André Gagnon acquises par BAnQ


PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE
André Gagnon, en 2010.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) annonce avoir acquis les archives du compositeur, pianiste et chef d’orchestre André Gagnon, qui s’est éteint en 2020.

Publié à 8h17
La Presse Canadienne

Les documents d’archives, s’étalant de 1940 à 2010, comprennent plusieurs partitions, dont celles de l’une de ses chansons les plus connues, Wow. On y retrouve également des carnets de notes et des lettres.

Les archives comprennent par ailleurs 1000 photos, ainsi que 200 cassettes vidéo.

BAnQ indique que la plupart des documents sont maintenant accessibles aux visiteurs de la bibliothèque.

La carrière d’André Gagnon s’est échelonnée sur sept décennies et l’a amené à porter plusieurs chapeaux, notamment orchestrateur, arrangeur, compositeur, interprète et réalisateur.

À travers le temps, il a composé pour le théâtre, l’opéra, le cinéma et la télévision.

Gagnon a connu un rayonnement international, s’illustrant notamment aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Grèce et au Japon.

« Ses archives constituent un legs majeur pour la mémoire du Québec, un véritable trésor », a souligné dans un communiqué Marie Grégoire, présidente et directrice générale de BAnQ.

« Au cœur de la société apprenante, afin que son héritage se perpétue, BAnQ préserve désormais ce précieux patrimoine afin de le partager avec les générations présentes et futures. »

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C’est une belle acquisition. Il est important de mettre en valeur les musiciens d’ici et de perpétuer l’héritage qu’ils nous lèguent.

Est-ce qu’une partie de cette collection pourrait se retrouver dans la futur Maison de la chanson et de la musique, sur Saint-Denis ?

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Une offre plus abondante que jamais

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

L’industrie culturelle québécoise doit également composer avec la compétition internationale.

Les statistiques ne disent pas tout, mais peuvent indiquer des tendances. En matière de culture, au Québec, les indicateurs sont en hausse : il se publie plus de chansons et de livres, il se produit plus de films, d’émissions de télévision, de concerts et de spectacles qu’il y a 20 ans. L’offre est même plus abondante que jamais.

Publié à 5h00

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Alexandre Vigneault
Alexandre Vigneault La Presse

Le mouvement haussier est amorcé depuis plus d’une décennie dans la plupart des secteurs culturels – le théâtre, en légère baisse, constitue le contre-exemple. En musique, la baisse des coûts de production, combinée au basculement vers l’écoute en ligne, a provoqué un déferlement de nouveaux albums. L’avènement de nouvelles chaînes et plateformes a suscité un sursaut de demande de contenu audiovisuel. L’arrivée à maturité de plusieurs nouvelles maisons d’édition a bonifié l’offre en littérature.

La population québécoise a aussi augmenté, bien sûr. Or, « le nombre d’artistes augmente plus vite que la population », relève François Colbert, titulaire de la Chaire de gestion des arts à HEC Montréal.

L’offre culturelle québécoise serait-elle trop abondante ? Le malaise est palpable chez tous les professionnels et observateurs de la culture joints par La Presse. La question est jugée « délicate », presque « morale ».

La question n’est pas de savoir si on produit trop, mais de s’assurer que les entreprises culturelles trouvent les meilleurs moyens pour rejoindre le public.

La Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) dans un courriel envoyé à La Presse

MusicAction, le Conseil des arts et des lettres du Québec et le Conseil des arts du Canada ont décliné nos demandes d’entrevue.

« Il n’y aura jamais trop de bons projets, trop de bons artistes et de bonnes créations, jamais trop d’art dans nos vies », juge David Laferrière, président de RIDEAU, une association de diffuseurs qui tient son rendez-vous annuel à compter d’aujourd’hui à Québec. Or, cela posé, il ajoute : « Ça m’obsède, cette question du volume. On n’a pas les moyens financiers de diffuser adéquatement les spectacles. »

Le cas de la musique

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le nombre d’albums produits au Québec a triplé en une décennie.

Jacinthe Plamondon Émond, de l’étiquette InTempo Musique, est catégorique : « Ça fait longtemps qu’on produit trop [pour la capacité de notre marché] », dit-elle. Ce constat est partagé à des degrés divers par plusieurs dans l’industrie québécoise de la musique, où l’explosion de l’offre et l’augmentation de la compétition internationale ont été marquées ces dernières années.

120 000

Nombre de pièces chargées chaque jour sur les différentes plateformes de musique en ligne

Source : LuminateData

Avant, les disques se vendaient massivement et en peu de temps. L’économie des plateformes a chamboulé ce système. « Elles ont besoin d’une masse de contenu avec beaucoup de roulement », résume la présidente d’InTempo Musique, ce qui force les entreprises et les artistes « à faire du volume » pour espérer ramasser une foule de micropaiements suffisants pour les garder à flot.

« Ce système est nuisible du point de vue business, nuisible du point de vue culturel et nuisible du point de vue humain », insiste Jacinthe Plamondon Émond. Eve Paré, directrice générale de l’ADISQ, est moins alarmiste, mais admet être « préoccupée par la difficulté [pour l’industrie] de soutenir autant de projets » musicaux.

Quantité égale diversité

L’avènement de l’internet n’a pas seulement favorisé l’augmentation de l’offre culturelle, il a aussi contribué à sa diversification en permettant le développement de niches. « La littérature autochtone a explosé [au Québec], par exemple. Il y a plein d’offres comme ça, très nichées, qui trouvent leur public parce qu’il y a un appétit pour ça », expose Nellie Brière, stratège en communications numériques.

PHOTO FOURNIE PAR NELLIE BRIÈRE

Nellie Brière, stratège en communications numériques

C’est super intéressant et logique que cette diversité de contenu se développe, c’est fantastique de voir ce vent de créativité qui souffle. Sauf que ce n’est pas viable financièrement.

Nellie Brière, stratège en communications numériques

Ce genre de choses peut fonctionner dans un grand marché mondialisé ou pour une culture dominante, mais pas au Québec, où « on n’a pas la densité de population » nécessaire, selon elle.

« Il y a toujours eu beaucoup d’appelés et peu d’élus dans le monde de l’art, rappelle Dannick Trottier, directeur du département de musique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). À un moment donné, il y a une forme d’élimination naturelle qui se fait. » François Colbert est d’accord : tous les livres, tous les films, tous les albums ne trouveront pas leur public et tous les artistes formés par les différentes écoles professionnelles ou les conservatoires ne feront pas carrière non plus.

Le nombre de personnes en âge de consommer de la culture au Québec n’augmente que d’environ 1 % par année depuis les années 1990. « Maintenant, en 2023, ce 1 % est composé pour beaucoup de nouveaux arrivants qui ne sont peut-être pas encore [attachés] à la culture québécoise, ajoute-t-il. On est devant un marché qui ne bouge à peu près pas. »

L’une des clés serait-elle donc d’élargir davantage à la diversité ? Juste pour rire le croit. Après avoir constaté une baisse d’affluence à son festival vers 2018-2019, sa direction a constaté qu’il ne rejoignait pas les différentes communautés composant la société québécoise. L’organisation a donc amorcé une transformation, qui s’avère fructueuse, selon son directeur, Patrick Rozon (voir autre texte).

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Nombre de spectacles différents offerts à la tournée en février 2024 au Québec

Source : Scène Pro

En faire moins ?

Hélène Messier juge qu’en audiovisuel, le contexte exige qu’on investisse davantage pour produire plus de contenu de qualité et assurer une présence québécoise sur nos écrans. Dans le domaine du spectacle, David Laferrière penche pour la solution inverse. « Il faut réfléchir sérieusement à la question de la décroissance, pense-t-il. Faire un petit peu moins, mais mieux. » Eve Paré, de l’ADISQ, croit aussi qu’il faut « resserrer l’aide vers des projets qui sont porteurs et où il y a du développement de carrière à long terme ».

« Il y a quelque chose de très sensible dans cette question-là », précise-t-elle toutefois.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Eve Paré, directrice générale de l’ADISQ

À quel moment, comme gouvernement ou comme société, on a le pouvoir de dire : la diversité culturelle s’arrête ici ?

Eve Paré, directrice générale de l’ADISQ

Ni Mme Paré ni David Laferrière n’ont une idée claire des modalités du resserrement de l’offre auquel ils songent.

Le monde du livre a peut-être déjà une piste de solution. « Certaines maisons d’édition font le choix de publier un peu moins de titres », dit Karine Vachon, directrice générale de l’Association nationale des éditeurs de livres, en utilisant le terme « décroissance ». Les coûts de production, dont l’augmentation du prix du papier, pèsent dans la balance, mais elle évoque aussi une « volonté d’accompagner davantage la vie de chaque livre et bien le promouvoir ».

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Augmentation du nombre d’ouvrages littéraires publiés au Québec entre 2004 et 2021

Source : Statistiques de l’édition au Québec

Ce meilleur « accompagnement » aussi évoqué par David Laferrière serait la possibilité d’affecter davantage de ressources humaines et financières à des projets moins nombreux. Réajustement qui demanderait un meilleur financement des opérations de mise en marché des diffuseurs et des producteurs de contenus. Chose certaine, précise le président de RIDEAU, cette décroissance « ne doit pas se faire aux dépens des artistes de la relève et des disciplines de niche ».

Faire moins, mais mieux peut sembler logique, mais Nellie Brière flaire un piège.

« Si tu réduis la quantité, tu réduis nécessairement la qualité. La quantité te permet de rayonner à l’international, avance-t-elle. C’est comme au hockey : plus tu as de joueurs sur le territoire, plus tu as de chances d’en voir se rendre à la Ligue nationale. En fait, il faut se demander ce qu’on veut servir : le rayonnement ou la rentabilité ? »

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La hausse des loyers force des artistes montréalais à délaisser leur atelier


La peintre Frances Foster dans son atelier-maison à Montréal le 9 février 2024.
PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / CHRISTINNE MUSCHI

Associated Press
Publié à 17 h 01 HNE

Le paysage à l’extérieur de l’atelier de la peintre Frances Foster a bien changé en 32 ans : au fil du temps, les anciennes gares ferroviaires et les usines délabrées ont fait place aux entreprises branchées, aux nouveaux résidents et aux voitures de luxe.

L’intérieur, cependant, n’a jamais semblé aussi vide.

À une certaine époque, Mme Foster partageait cet atelier situé dans un ancien bâtiment industriel avec une dizaine d’autres artistes. Mais aujourd’hui, elles ne sont plus que deux après avoir survécu de justesse à une tentative d’expulsion qui a poussé tous les autres locataires à partir au cours des trois dernières années.

Les propriétaires ont abandonné leur procédure d’expulsion l’année dernière parce qu’ils avaient atteint leur objectif d’expulser la majorité des artistes, dont certains vivaient dans le bâtiment depuis plus de 20 ans, explique-t-elle.

Montréal, nommée ville UNESCO de design en 2006, est reconnue depuis longtemps comme un paradis pour les artistes grâce à sa scène culturelle dynamique et à ses loyers qui ont longtemps défié toute concurrence.

Cependant, à mesure que les loyers augmentent et que les anciens quartiers industriels sont réaménagés, certains artistes n’ont d’autre choix que de partir de leur lieu de création.

Lorsque Mme Foster a emménagé dans ce bâtiment, la zone aux alentours était à peu près abandonnée. C’était un quartier plutôt effrayant, reconnaît-elle.

Toutefois, vers 2021, le secteur s’est embourgeoisé, ce qui a conduit le propriétaire du bâtiment à décider de le réaménager et de pousser les artistes à partir. Mme Foster paie toujours un loyer mensuel de moins de 1000 $.

C’est un scénario trop courant, de l’avis de la directrice générale d’un groupe qui représente les artistes visuels de la province.

Ce qu’on sait déjà, c’est que la situation des artistes est de plus en plus précaire.

— Camille Cazin, directrice générale du Regroupement des artistes en arts visuels du Québec (RAAV)

Récemment, le RAAVa lancé un sondage pour déterminer l’étendue de l’impact de la hausse des loyers et du coût de la vie sur les artistes. Dès le premier jour, 450 personnes ont répondu.

Comme Mme Foster, de nombreux artistes s’établissent dans les zones urbaines où le prix du pied carré d’espace est le moins cher. Toutefois, au fil du temps, la présence d’artistes dans des quartiers autrefois économiquement défavorisés, comme Saint-Henri ou le Mile End, a rendu ces quartiers plus prisés, ce qui a entraîné une hausse des prix.

C’est malheureusement le problème des ateliers d’artistes : les artistes sont attirés par les prix bas, mais les investisseurs immobiliers sont attirés par les artistes.

— Camille Cazin, directrice générale du RAA

Problème répandu

Plusieurs artistes ont avoué à La Presse canadienne qu’ils ont dû changer de studio à plusieurs reprises ou qu’ils n’ont rien trouvé d’abordable.

Il y a quelques années, André Laplante, qui est peintre et graphiste, a été contraint de partir d’un atelier qu’il louait avec d’autres artistes puisque certains d’entre eux n’étaient plus en mesure de payer leur part du loyer. Selon lui, la précarité des artistes est amplifiée par ce qu’il appelle le phénomène du double loyer.

Il faut payer un loyer pour vivre quelque part mais aussi payer un autre loyer pour avoir une pratique artistique qui ne rapporte souvent rien financièrement, ou très peu.

— André Laplante, peintre et graphiste

Aïda Vosoughi, qui est peintre et artiste visuelle, a dû quitter son ancien atelier après le non-renouvellement d’une subvention qui lui était accordée.

Mme Vosoughi, qui travaille maintenant dans un espace plus petit lié à l’Université du Québec à Montréal, affirme que la plupart des mesures d’aide financière ne sont accordées que de façon annuelle, ce qui fait en sorte qu’il y a toujours une inquiétude pour l’année suivante.

Les élus au fait du problème

La Ville de Montréal reconnaît l’existence de ce problème et s’efforce de garantir des locaux abordables aux artistes visuels, notamment grâce à un programme qui sert à subventionner leur loyer.

L’an dernier, plus de 400 artistes ont utilisé ce programme, qui offre 13 $ par mètre carré pour les espaces créatifs et 3 $ par mètre carré pour l’entreposage, selon la responsable de la culture au comité exécutif, Ericka Alneus.

Le ministère de la Culture du Québec et la Ville de Montréal se sont également associés dans le cadre d’un programme de 30 millions de dollars destiné à rénover les bâtiments qui abritent des studios d’artistes, souvent détenus par des collectifs d’artistes ou par des organisations à but non lucratif qui se sont regroupés pour les acheter.

Un de ces projets est les Ateliers 3333, créés par le célèbre peintre et romancier Marc Séguin après que d’autres artistes et lui eurent été expulsés du bâtiment où se trouvaient leurs ateliers.

En réponse, M. Séguin s’est associé à une société immobilière et à une entreprise de développement social pour acheter un ancien bâtiment industriel dans le quartier Saint-Michel et pour le rénover grâce à une subvention de cinq millions de dollars issue de ce fonds.

Aujourd’hui, c’est un espace de travail pour des dizaines d’artistes qui paient des loyers raisonnables, selon Stéphane Ricci, vice-président au développement de la Société de développement Angus, un des partenaires du projet. Le bâtiment est géré comme un organisme à but non lucratif.

Je pense que c’est un modèle très intéressant parce qu’il permet aux artistes d’avoir une certaine stabilité.

— Stéphane Ricci, vice-président au développement de la Société de développement Angus

Or, il existe également des problèmes, notamment le besoin de capitaux, de même que la hausse des taux d’intérêt, des coûts de construction et des taxes.

Il considère néanmoins que ce projet est une réussite. Nous avons environ 130 ou 140 artistes qui sont installés là-bas et qui ne seront jamais expulsés par le propriétaire parce qu’il a trouvé quelqu’un de prêt à payer plus, se réjouit-il.

Même article en anglais

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Ces Croque-livres qui redeviennent sauvages (ou le délabrement des petites bibliothèques)


Photo: Valérian Mazataud, Le Devoir
Un Croque-livres en mauvais état dans le quartier Ahuntsic, a Montréal

Catherine Lalonde
13 février 2024
Lire

Ils ont poussé au Québec il y a un peu plus de dix ans comme de jolies mauvaises herbes, pleines de couleurs et de feuilles à partager. Les Croque-livres, ou microbibliothèques, se sont propagés à tout vent, en talles, parfois trop près les uns des autres. Aujourd’hui, ces bibliothèques sauvages ont mauvaise mine. Vitres tombées, portes qui ne s’enclenchent plus, tablettes vides ou à peine garnies de magazines vieux de trois ans, de guides de l’Italie aux prix en lires, de bouquins de troisième ordre. Les microbibliothèques fanent. Pourquoi ?

Arrêtons-nous ruelle des Tournesols, virée verte en 2014, dans Villeray. « Notre Croque-livres tombe morceau par morceau, indique une résidente attrapée au vol. C’est un peu triste. »

« On est pas mal tous des intellectuels, ici. On a été bons pour comprendre les programmes municipaux et se mettre ensemble pour faire une ruelle verte. Mais pour entretenir le matériel de la ruelle ou le Croque-livres, c’est autre chose. Moi, je sais pas quoi faire avec un tournevis. Et la Ville ne propose pas de suivi ni de service d’entretien. » Même payant.

Nos microbibliothèques fanent-elles ? Oui, confirme Amélie Lemieux, professeure de didactique de la littérature à l’Université de Montréal. C’est elle qui a monté le réseau des bibliothèques de partage de l’Université McGill, en 2014-2015. Ces boîtes à bouquins étaient encore rares à Montréal ; on en entendait parler des États-Unis, où le mouvement Little Free Library s’est formé.

En 2014, tournant : la Fondation Lucie et André Chagnon lance ici son initiative des Croque-livres, qui vise à offrir « en priorité [aux] enfants âgés de 0 à 12 ans » un « accès libre aux livres et à la lecture ».

Pour un peu plus de 200 $ à l’époque, aujourd’hui pour 378 $ et 45 $ de livraison, il est possible d’acheter son Croque-livres prêt à assembler. Ou de télécharger les plans pour le faire soi-même de A à Z.

C’est la prolifération. De 2015 à 2018, la Fondation compte plus de 400 Croque-livres commandés par année. Sans compter les autres petites bibliothèques, construites à la mitaine. Côté Croque-livres, gros ralentissement en 2019, avec 287, suivi d’une chute pandémique en 2020, où 135 Croque-livres seulement ont trouvé terreau. L’élan, depuis, s’est perdu.

La Fondation est fière d’affirmer qu’aujourd’hui, on trouve 2976 Croque-livres au Québec. Ce chiffre est approximatif, puisque les microbibliothèques sont de la seule responsabilité de l’organisation qui les commande.

« Il est possible que certains ne soient plus en service et figurent toujours sur la carte [du site des Croque-livres]. » D’autres, comme celui de l’école Hélène-Boullé, font beaucoup plus belle figure sur la photo du site que dans la vraie vie, où un clou qui dépasse attend les poignets des enfants trop pressés. « Certains Croque-livres actifs, poursuit la Fondation, peuvent ne pas apparaître sur la carte, car leurs propriétaires ne souhaitent pas les enregistrer. »

Cannibaliser les livres

La Fondation ne procure pas de conseils ni de service d’entretien ou de réparation. Pas plus que des suggestions sur les moyens de recycler ou de jeter un Croque-livres qui n’est plus en état. Elle se réjouit d’en voir apparaître de plus en plus, de leur croissance perpétuelle. Sans se soucier de leur état, sans chercher à savoir s’ils remplissent leurs fonctions.

« Il y a moins de commandes pour Montréal ces dernières années au profit des régions », précise Geneviève Doray, de la Fondation. Peut-il y avoir eu saturation à Montréal ? Dans certains secteurs, on trouve jusqu’à cinq microbibliothèques sur deux pâtés de maisons. Est-ce que les Croque-livres se cannibalisent les uns les autres quand ils sont trop proches ?

« Bien sûr, répond Amélie Lemieux. Comme pour tous les commerces ou services. Comme lorsque vous vous retrouvez avec trois pharmacies ou quatre cafés dans votre quartier », l’importance se dilue.


Photo: Adil Boukind, Le Devoir
Un Croque-livres du Plateau-Mont-Royal

D’autant qu’il y a des limites aux livres qui peuvent être donnés dans un quartier. Une fois l’effet de nouveauté passé, une fois les ménages des bibliothèques personnelles bien faits, les livres à donner déjà donnés, comment assurer un renouvellement des stocks ?

En outre, « les Croque-livres ont été pensés pour les enfants, les jeunes lecteurs », poursuit Mme Lemieux, qui lisent beaucoup et dont le niveau de lecture évolue vite. Ces enfants-là grandissent. « Et le contenu des petites bibliothèques ne s’adapte pas nécessairement. »

Les hivers sont durs pour les Croque-livres

« Pour qu’un projet communautaire de ce genre fonctionne, il faut une intention claire, et continue, qui va au-delà de l’intention philanthropique, du partage », ajoute Amélie Lemieux. « Si l’intention se dissipe avec le temps, si personne n’est responsable — et ça peut être un groupe qui l’est —, ça se dilue… »

À McGill, l’idée était claire. « Il y avait un besoin : pour les étudiants, les course packs et les textbooks coûtent extrêmement cher, et ils sont recyclés à la fin de chaque session. » Celle qui étudiait alors les sciences de l’éducation et qui s’intéresse à la justice sociale a vu là l’occasion d’allier théorie et pratique.

McGill a installé une bibliothèque dans chaque bâtiment. Dans un lieu passant — devant la cafétéria, par exemple —, pour stimuler la circulation des ouvrages. À l’intérieur, pour éviter les rudes hivers. « Il ne faut pas sous-estimer la météo dans ce genre de projet. Je crois que c’est un élément qui a été beaucoup oublié, ici. »

L’opposé du livre numérique

La magie des microbibliothèques, c’est leur matérialité, estime encore la professeure et chercheuse. Elles pourraient être l’exact opposé du livre numérique, dématérialisé, qu’on trouve par une recherche précise ou par les calculs d’algorithmes qui connaissent les habitudes du lecteur.

La petite bibliothèque attire les lecteurs par son contenant — quand elle est repeinte, colorée, fonctionnelle, séduisante. Et par son contenu. C’est un petit royaume de la trouvaille — si le contenu est assez riche… —, du livre inattendu qui semble apparaître presque par magie.

C’est ainsi qu’on sait, aussi, si une microbibliothèque est morte : quand son contenant et son contenu ne remplissent plus leurs fonctions, pense Mme Lemieux. Quand les portes restent ouvertes pendant les bordées de neige. Quand les tablettes sont vides pendant des semaines. Quand les livres empruntés ne reviennent jamais.

« C’est comme une plante », illustre la prof. Une plante qui pousse mieux, même si elle est sauvage, quand on l’arrose et qu’on désherbe sa terre. « C’est vraiment une question de responsabilité. » Une responsabilité à reprendre, peut-être à changer de mains, en s’aidant d’un pot de peinture, de livres à partager. Tout en acceptant, aussi, peut-être, d’élaguer les bibliothèques mortes dont personne, ni individu, ni groupe, ne veut plus s’occuper.

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Dans mon coin (Mile-End), le nombre a doublé en 10 ans. Cependant, ils sont bien utilisés. Les milieux denses et achalandés sont propices à leur utilisation et un gros roulement. Je regarde de temps en temps (et dépose mes livres lus) et je ne vois jamais deux fois les mêmes choses dedans.

Mais sans achalandage suffisant, je peux voir ce mobilier un peu tomber dans l’oubli.

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