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Le service de transport en commun en dehors de Montréal est-il fiable? | Parcours
Oldemar Batista, 17 ans, habite à Repentigny. Entre les retards et les annulations, Oldemar en a marre. Le maire de Repentigny, Nicolas Dufour, déplore lui aussi l’offre de services de sa ville, mais soutient qu’il a les mains liées. Est-ce que la voiture est la seule option? Nous avons suivi Oldemar dans l’un de ses trajets habituels pour comprendre la réalité des usagers
Des bus bondés et des usagers insatisfaits à Repentigny
Jean Balthazard, Le Devoir
Un autobus d’Exo à la gare de Repentigny vu des airs
Jasmine Legendre et Zacharie Goudreault
1 décembre 2023
Transports / Urbanisme
Des voix s’élèvent à Repentigny pour dénoncer un réseau de transport en commun « famélique » dans cette ville de Lanaudière où les citoyens sont nombreux à se tourner vers la voiture après avoir été confrontés à des bus bondés et souvent en retard. Une situation que déplore le maire, Nicolas Dufour, qui réclame une révision du modèle encadrant le transport en commun dans la région de Montréal.
« Les défis sont nombreux parce que le transport en commun, ici à Repentigny, il est famélique », lance l’élu en entrevue au Devoir.
Il faut dire que le manque d’offre de transport en commun ne date pas d’hier à Repentigny. Selon le dernier recensement de Statistique Canada, 87,5 % des résidents de 15 ans et plus de la ville se déplacent en voiture la plupart du temps, tandis que 6,9 % d’entre eux optent plutôt pour le transport en commun.
L’achalandage dans les bus de l’organisme de transport Exo a néanmoins dépassé le niveau d’avant la pandémie, pour se situer à 115 % de ce qu’il était en 2019 dans le secteur L’Assomption, qui comprend Repentigny, a confirmé l’organisme au Devoir. « On est à une période charnière, à une période critique, et il ne faut pas manquer le bateau présentement », relève ainsi l’expert en planification des transports et chargé de cours à l’Université de Montréal Pierre Barrieau, qui plaide pour une augmentation de l’offre de service aux usagers pour répondre à cette demande croissante.
Des citoyens exaspérés
Or, l’offre d’Exo se situe en moyenne à 95 % de ce qu’elle était avant la crise sanitaire dans les municipalités que la société de transport dessert, dans les banlieues nord et sud de la métropole. Le financement limité accordé à la société de transport par l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) « ne nous permet pas d’augmenter le service pour l’instant, malgré l’achalandage », explique par courriel le porte-parole Jean-Maxime St-Hilaire.
Le nombre de départs quotidiens des lignes de bus d’Exo en direction de Montréal est ainsi passé de 132 à l’automne 2019 à 117 actuellement. Les bus s’en retrouvent ainsi « plus remplis » qu’auparavant à Repentigny, reconnaît M. St-Hilaire.
En parallèle, l’organisme a reçu 1131 plaintes depuis le début de l’année et 1584 l’an dernier de la part de résidents du secteur L’Assomption, a appris Le Devoir. Une partie importante de ces doléances concerne « la pénurie de chauffeurs », qui mène parfois à « des annulations de départs ou à des retards », relève Exo. « Nous avons justement mis en place plusieurs mesures pour réduire les impacts de la pénurie de main-d’oeuvre cet automne », assure toutefois le porte-parole, au moment où l’exaspération des usagers de l’organisme est palpable.
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Depuis 2018, l’enseignante Macha Daméus se déplaçait cinq jours par semaine en transport en commun pour se rendre à son lieu de travail, à Montréal. Dans les derniers mois, elle a toutefois constaté que les bus étaient plus remplis qu’auparavant, au point où elle devait régulièrement se tenir debout pendant 45 minutes pendant ses trajets jusqu’au travail.
« C’est très lourd. Je suis une enseignante avec mon lunch et mon matériel et je suis entassée debout dans un autobus bondé », lance Mme Daméus, qui est par ailleurs arrivée plusieurs fois en retard au travail en raison du manque de ponctualité des bus d’Exo. « Je me suis dit : “C’est devenu insupportable, je vais m’acheter une voiture” », poursuit la dame de 30 ans, qui a ainsi fait l’acquisition d’une automobile en septembre.
Jasmine Viau a emménagé à Repentigny l’an dernier. Elle entend elle aussi se résigner à acheter une voiture, ses trajets entre la ville de Lanaudière et Montréal, en train de banlieue et en bus, lui causant trop de maux de tête. « Au niveau écologique, le gouvernement essaie de nous réorienter vers le transport en commun, mais ici, ce n’est pas possible », soupire Mme Viau, qui travaille dans le milieu de la construction.
Quand je veux rentrer chez moi, je finis par arriver tard parce que le transport en commun n’est pas fiable
— Oldemar Batista
« Quand je veux rentrer chez moi, je finis par arriver tard parce que le transport en commun n’est pas fiable, soupire également Oldemar Batista, un jeune homme de 17 ans qui réside à Repentigny. Je pense que pour vivre en banlieue, comme à Repentigny, la meilleure solution, c’est d’avoir une voiture. Tu es plus certain d’arriver à l’heure au travail ou à l’école. »
Photo: Jean Balthazard Le DevoirOldemar Batista, un jeune homme de 17 ans qui réside à Repentigny.
« Un foutoir »
Signe de la grogne citoyenne à l’égard du manque de ponctualité et de fréquence des bus d’Exo, « il est rare que dans un conseil municipal, il n’y ait pas de citoyens qui viennent nous voir pour nous parler d’un problème de transport collectif », indique la conseillère stratégique aux affaires publiques et gouvernementales à la Ville de Repentigny, Sofia Benzakour.
« Je trouve ça très décevant de voir qu’on a des gens qui sont prêts à faire l’effort de prendre le transport en commun parce qu’ils sont très conscientisés pour la protection de l’environnement, mais qui ne sont pas capables de le prendre parce que les structures nous bloquent, le financement nous bloque », soupire le maire, Nicolas Dufour. Ce dernier appelle ainsi à une réforme de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), créée en 2017, afin de redonner aux villes de banlieue le pouvoir qu’elles ont perdu d’avoir un certain contrôle sur l’offre de transport en commun sur leur territoire.
« Le transport en commun, depuis 2016-2017, excusez-moi l’expression, mais c’est devenu un foutoir dans la région de Montréal. Il y a beaucoup trop d’acteurs et c’est très complexe », lance l’élu, qui déplore que la Ville ne puisse ainsi avoir une réelle idée des besoins de ses résidents en matière de transports en commun.
En parallèle, Exo mène ces jours-ci une série de consultations publiques en prévision d’une refonte attendue de ses lignes de bus dans plusieurs municipalités de Lanaudière, dont Repentigny. Or, cette révision ne sera mise en oeuvre qu’en 2026.
Entre-temps, au cabinet du maire de Repentigny, on craint que la société de transport décide de réduire son offre de service dans le secteur en raison de sa situation financière précaire. Or, « si on coupe, c’est sûr et certain que [nos résidents] vont retourner dans leur auto solo », prévient M. Dufour.
L’ARTM rappelle pour sa part que son cadre financier pour 2024 devrait permettre « d’assurer les ressources financières régionales nécessaires au maintien du niveau de service qui prévalait en 2023 » dans la grande région de Montréal.