Transformation en vue pour l’entrepôt Van Horne
Adil Boukind Le Devoir
Construit en 1924, le bâtiment situé au 1, avenue Van Horne, à Montréal, sert actuellement à l’entreposage de documents.
Lise Denis
6 septembre 2022
L’entrepôt Van Horne pourrait se métamorphoser en hôtel et en espace commercial. La transformation de ce bâtiment emblématique du Mile End inquiète certains habitants du quartier, mais le designer industriel chargé du projet assure que le caractère patrimonial de la bâtisse sera respecté.
« On a abordé le projet en étant très conscients que c’est un bâtiment qui représente beaucoup pour les gens dans le quartier », a expliqué le designer Zébulon Perron, mandaté par la société immobilière Rester Management, propriétaire du bâtiment depuis une dizaine d’années.
Ayant grandi et habitant dans le Mile End, M. Perron et l’architecte avec lequel il collabore, Thomas Balaban, connaissent bien ce quartier de Montréal. « Ce bout de l’avenue Van Horne est mort. Le soir, c’est même parfois un peu épeurant. Notre objectif c’est de rendre ça au public, de rendre ça vivant. »
Actuellement, le bâtiment situé au 1, avenue Van Horne sert à entreposer des documents. Selon les plans du promoteur, l’espace devrait laisser place à des commerces au rez-de-chaussée, à des espaces de travail et à un hôtel avec un restaurant. Le duo compte aussi rendre accessible le toit, qui offre une « vue incroyable sur Montréal. »
« La conversion de l’entrepôt en un bâtiment habité correspond quand même à un besoin actuel. Ce n’est pas un gaspillage, ce n’est pas une transformation farfelue »,a avancé Justin Bur, membre du conseil d’administration de Mémoire du Mile End. Selon lui, le duo « a vraiment bien pensé à ce qu’on peut faire avec cet emplacement, qui est quand même coincé entre un viaduc routier, un tunnel sous la voie ferrée et la voie ferrée elle-même ».Selon M. Bur, le projet revitalisera le secteur.
Quant à la préservation du caractère historique du bâtiment, il indique que « les contraintes sont importantes », mais que « les architectes ont poussé assez loin la réflexion et la résolution du problème. […] C’est un projet audacieux, dans le sens où ils transforment radicalement le bâtiment en nous donnant quelque chose qui, d’une certaine façon, est plus utile que ce qu’on a actuellement, même si on perd beaucoup en authenticité. »
En effet, « l’entrepôt a très peu changé depuis sa construction » en 1924. « Donc son utilisation pour n’importe quoi d’autre que de l’entreposage impose nécessairement une perte de sa fonction et de son aspect originaux », a expliqué M. Bur.
Quelques bémols
Contactée par Le Devoir, la conseillère d’arrondissement dans Le Plateau-Mont-Royal, Marie Plourde, reconnaît le potentiel de dynamisation pour le quartier, et souligne son intérêt pour le projet. La représentante de la Ville maintient toutefois qu’elle a à coeur la préservation du style historique de l’édifice. « Il y a une ouverture, mais pas à n’importe quel prix. […] On veut que ça se fasse avec délicatesse et qu’on respecte l’âme de ce bâtiment. »
Le projet est encore à un stade « très préliminaire ». Un premier plan a été présenté aux architectes et au comité consultatif d’urbanisme de l’arrondissement, mais la Ville a souligné « plusieurs bémols », notamment quant à la préservation de la tour d’eau — l’une des dernières sur le territoire montréalais —, à l’ajout de vitres et aux ouvertures prévues sur la rue.
Mme Plourde dit attendre un retour du promoteur. De son côté, M. Perron a confirmé que la « valeur iconique » du bâtiment serait préservée.
« Notre approche est sensible parce qu’on est des résidents du quartier, qu’on est intéressés par la préservation du patrimoine architectural et qu’on veut que la vieau niveaude la rue soit agréable et vivante », a-t-il souligné.
Demandes de dérogations obligent, le projet devra passer devant une consultation publique, qui devrait se tenir à l’automne. En attendant, Mme Plourde compte sonder, « avant même la consultation officielle », les citoyens et des organismes locaux, comme Mémoire du Mile End et la Société d’histoire du Plateau-Mont-Royal.
Acceptabilité sociale
Si la construction d’un hôtel répondrait à un besoin du quartier, elle semble avoir suscité des inquiétudes parmi les habitants. « WTF un hôtel ? ! Faut s’opposer à cette cochonnerie ! » pouvait-on lire sur Facebook sous une publication annonçant le projet.
Il faut dire que le site du promoteurne dévoile que très peu d’informations. MM. Perron et Balaban ont toutefois pris les devants, en consultant avant la présentation du projet à la Ville les « gens du milieu local », a indiqué Justin Bur. « Je ne sais pas s’il y a des raisons précises pour lesquelles les gens sont mécontents ou si c’est juste une sorte de réflexe contre tout changement », a-t-il ajouté.
« Je n’ai pas l’impression que cette compagnie a l’intention de conserver le bâtiment tel quel. […] Ça me désole », a dit au Devoir Lucie Larose, qui avait elle aussi critiqué le projet sur Facebook. « [Mais] je me rends compte que ma première réaction était un peu basée sur un attachement ou des émotions », a-t-elle confié.
Habitante du Mile End depuis huit ans, Mme Larose a pu visiter le bâtiment il y a « une dizaine d’années », par l’entremise d’une amie. Elle craint maintenant de perdre « un bâtiment qui avait une âme ».
Mme Larose voit tout de même des avantages dans ce projet . « Ce que je trouvais positif, c’est l’idée que quelqu’un ait le goût de s’occuper de ce bâtiment, d’en faire quelque chose d’utile ou de fonctionnel.