Les 200 ans de la Chambre de commerce Derrière la porte de la Chambre, des histoires méconnues
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Le port de Montréal depuis l’église Notre-Dame en 1863
Au cours de ses deux siècles d’existence, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a suscité d’étonnantes réalisations et a connu de surprenantes préoccupations. Nous racontons ici quelques-uns de ces jalons méconnus.
Publié à 7h00
Les guerres napoléoniennes avaient eu des répercussions jusqu’à Montréal, sous la forme d’une robuste et persistante dépression économique.
Waterloo datait de sept ans quand, le 11 avril 1822, un groupe de gens d’affaires de Montréal, préoccupés par cette crise, s’est réuni pour former un Commitee of Trade – un comité du commerce.
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Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce de Montréal
« À l’époque, ce sont des marchands anglais et écossais », décrit Michel Leblanc, président et chef de la direction la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. « Ils sont 54 hommes. »
Ce comité était présidé par Thomas Blackwood, un négociant d’origine écossaise.
La ville réunissait alors environ 22 000 habitants (22 540 au recensement de 1825). Le Montréal métropolitain en compte maintenant 200 fois plus, et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain a célébré cette année son 200e anniversaire.
Le commerce avec l’Empire britannique et l’efficacité du port qui en était la porte d’entrée et de sortie figuraient au sommet de la liste de priorités du comité, qui allait prendre bientôt le nom de Montreal Board of Trade.
Draguer le long des quais
En 1830, la Commission du havre est instituée à l’instigation du Montreal Board of Trade pour construire des quais et presser le gouvernement de draguer le fleuve afin de faciliter le passage des navires dont le tonnage augmente sans cesse.
Deux ans plus tard, en 1832, les premiers quais permanents s’étendent sur un kilomètre, permettant aux marchands montréalais d’accélérer l’exportation de céréales, de denrées alimentaires et de biens manufacturés.
Le dragage entre Québec et Montréal d’un chenal profond de 4,8 m et large de 76,2 m est terminé en 1854, après quatre ans de travaux.
« Il y a là quelque chose de symbolique de la réalité d’aujourd’hui, fait valoir Michel Leblanc. Déjà, la première préoccupation de la Chambre de commerce est de faire connexion avec le reste du monde pour les activités marchandes et la circulation d’informations. »
Une chambre pour les francophones
En 1887, Joseph-Xavier Perrault, agronome de son état, convainc un groupe d’hommes d’affaires canadiens-français de fonder la Chambre de commerce du district de Montréal, qui regroupe 135 marchands.
C’est la création d’un équivalent francophone [du Montreal Board of Trade], si on veut. Ça témoigne d’une mobilisation du milieu francophone qui voulait avoir sa propre institution.
Michel Leblanc, président et chef de la direction la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
L’organisme veut améliorer le réseau ferroviaire dans la région métropolitaine, mais se préoccupe également de culture.
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Joseph-Xavier Perrault (1838-1905), considéré comme le « père » de la Chambre de Commerce de Montréal
Dès l’année suivante, le tout jeune organisme apporte son soutien à l’Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal, dont Joseph-Xavier Perrault est membre, pour son projet de construction d’un centre culturel. Inauguré en 1893, le Monument-National héberge aujourd’hui l’École nationale de théâtre du Canada.
Une école de hautes études en bas de la côte
La nouvelle Chambre de commerce s’engage sans tarder dans un autre projet qui aura quelques répercussions : elle propose dès 1892 la création d’une institution de haut savoir qui formera les francophones à l’administration et au commerce.
L’École des hautes études commerciales, premier établissement d’enseignement universitaire de la gestion au Canada, est fondée en 1907. Elle occupera un splendide bâtiment de style beaux-arts, à l’angle des rues Viger et Saint-Hubert, dont la construction est achevée en 1910. L’édifice abrite maintenant les Archives nationales.
Ça témoigne déjà, entre 1887 et 1907, de cette préoccupation du talent et de la formation. Ils voulaient avoir des cadres francophones les mieux équipés possibles, les plus compétents possibles, dans une dynamique d’entrepreneuriat et de gestion.
Michel Leblanc, président et chef de la direction la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
« À ce jour, ajoute-t-il, nous nommons toujours deux des administrateurs au conseil d’administration de HEC Montréal. »
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Rendu d’architecture de l’École des hautes études commerciales, 1909
Des rails, mais pas n’importe où
« On a été aussi des précurseurs, entre guillemets, d’une préoccupation de l’aménagement urbain et de l’environnement », prononce le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. « Et quelquefois, ça peut être paradoxal. »
Le paradoxe veut que des hommes d’affaires montréalais se soient un jour opposés à la pose de rails.
En 1902, relate-t-il, le Montreal Board of Trade s’était élevé contre la construction d’un tramway qui aurait traversé le parc du Mont-Royal, le scindant en deux. « À l’époque, c’était carrément une préoccupation de préservation du parc », précise-t-il.
C’est peut-être pour prévenir de telles tranchées dans le paysage urbain que l’organisme a recommandé en 1906 la construction d’un chemin de fer métropolitain souterrain. En d’autres mots, un métro, comme Paris, Londres et New York s’en étaient déjà munies.
« On parle de 1906, et pas 1967, insiste le président. Pour la première fois, la Chambre, avec le milieu des affaires, dit que Montréal est une métropole moderne et qu’elle devrait se doter, à l’exemple des grandes métropoles, d’un système de métro. Ça a pris 61 ans pour y arriver. »
Fabrication locale
Les préoccupations qu’on croit contemporaines ont souvent des racines lointaines.
« En 1925, la Chambre lance l’initiative Fabriqué au Canada, informe Michel Leblanc. En 1925 ! Et ça s’inscrit clairement dans une logique d’achat local. Il s’agit alors de distinguer les produits fabriqués au Canada de ceux fabriqués à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Grande-Bretagne. »
Une fusion
Le Montreal Board of Trade et la Chambre de commerce du district de Montréal s’unissent en 1992 pour former la Chambre de commerce du Grand Montréal.
Il s’agit de la troisième tentative de réunir les deux communautés d’affaires. Ce n’est pas tant la langue que les traditions qui avaient fait échouer les deux premiers coups d’essai.
À l’époque, la Chambre de commerce du district de Montréal a beaucoup d’activités et exige des frais d’adhésion. Son modèle d’affaires fait ses frais et est en équilibre. Mais elle n’a pas de dotation historique, c’est-à-dire qu’elle n’a pas accumulé de surplus.
Michel Leblanc, président et chef de la direction la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
À l’inverse, le Board of Trade s’est doté depuis sa fondation d’une solide réserve, dans laquelle il puise pour demander des frais d’adhésion symboliques et tenir gratuitement ses évènements. « C’est une entité qui est déficitaire, année après année. »
Les deux visions sont longtemps apparues irréconciliables aux yeux de leurs conseils d’administration respectifs, jusqu’à ce que « le pragmatisme amène tout le monde à se dire : Bon, bien, on va se mettre ensemble. »