Résumé
Un mois après leur interdiction Les « fausses motos » se sont volatilisées
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
La Presse a dénombré à peine deux « fausses motos » lors d’une visite de trois heures sur la voie la plus achalandée du Réseau express vélo (REV), la rue Saint-Denis.
Dans la rue, sur les pistes cyclables, parfois même sur les trottoirs : jusque-là partout à Montréal, les « fausses motos », scooters et vélomoteurs électriques ont disparu aussi vite qu’ils étaient apparus, depuis leur interdiction cet été. En cause : les policiers qui ont serré la vis aux utilisateurs, distribuant trois ou quatre constats d’infraction par jour. Cela dit, la frustration des usagers et des commerçants, elle, n’a pas disparu.
Publié à 1h18 Mis à jour à 5h00


Henri Ouellette-Vézina La Presse
« J’ai un scooter chez moi qui, du jour au lendemain, a été banni. Mais il vaut 5000 $. Je fais quoi avec maintenant ? Je mets le feu dedans et je chante en le regardant brûler ? », ironise Jonathan, qui tient aussi la boutique de scooters et de vélos électriques EZBike, sur la rue Saint-Denis.
Il n’est pas le seul à avoir été pris par surprise par le décret ministériel interdisant ce type de véhicules, le 30 juillet dernier.
Dans l’est de Montréal, à Pointe-aux-Trembles, le magasin Kolo Scooter, qui vendait jusqu’à tout récemment des dizaines de ces engins, affirme avoir été averti par la Société de l’assurance automobile (SAAQ) plus de huit jours après le dépôt du décret.
Son propriétaire, Adam Paradis, l’a « appris aux nouvelles, comme tout le monde ». « Ça fait trois semaines que j’ai des appels de panique de mes clients », explique-t-il.
Il y a des gens qui m’appellent en pleurs, littéralement. Ils viennent de se faire bloquer leur mode de transport abordable, sans avoir le temps de se revirer de bord, dans un monde où la vie est dure, où tout est devenu cher.
Adam Paradis, propriétaire du magasin Kolo Scooter
L’un de ses clients, un jeune étudiant français, se servait de son scooter pour faire des livraisons Uber Eats le soir. « C’est comme ça qu’il payait son logement après ses 10 heures de classe. Et lui, aujourd’hui, il n’a pas les moyens de se racheter quelque chose. Tous ces gens-là, on les oublie », glisse M. Paradis.
Trop radical ?
Au centre-ville, sur la rue Sherbrooke, le propriétaire de l’atelier de réparation de scooters Noaio, Guillaume Hergat, dit comprendre la décision du gouvernement, mais aurait aimé une transition plus douce. « C’est vrai qu’il commençait à y avoir beaucoup de monde sur les pistes cyclables, et que c’était dangereux, mais je ne comprends pas pourquoi on les a interdits partout, surtout en plein été », soutient l’homme d’affaires.
Honnêtement, laisser le temps aux gens de se trouver une autre solution, ça aurait été la moindre des choses.
Guillaume Hergat, propriétaire de la boutique Noaio
Sur le terrain, l’application du décret ministériel s’est rapidement fait sentir ces dernières semaines. Alors que ces véhicules pullulaient jusqu’à récemment sur les pistes cyclables, La Presse en a dénombré à peine deux lors d’une visite de trois heures sur la voie la plus achalandée du Réseau express vélo (REV), la rue Saint-Denis.
Il faut dire que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a rapidement sorti le calepin de constats d’infraction pour appliquer le décret adopté par Québec.
Entre le 30 juillet et le 26 août dernier, 87 constats d’infraction ont été remis, en vertu de l’arrêté ministériel entré en vigueur le 30 juillet 2024 qui interdit l’accès aux chemins publics aux véhicules motorisés qui ont l’apparence d’une motocyclette ou d’un cyclomoteur, indique la porte-parole du corps policier, Caroline Labelle.
Cela représente une moyenne de trois à quatre constats d’infraction par jour. L’amande imposée varie entre 300 et 600 $, selon le cas. Pour ceux et celles qui ignorent si leur mode de transport est encore légal ou soudain interdit, le SPVM invite « à s’assurer de la conformité de leur véhicule en consultant les informations disponibles sur le site de la SAAQ ».
Consultez la foire aux questions de la SAAQ sur ces véhicules
« La sécurité routière est l’affaire de tous. Nous avons besoin de la collaboration de chacun pour assurer la sécurité de l’ensemble des usagers du réseau routier », poursuit Mme Labelle.
Pas de remords à la SAAQ
À la SAAQ, le coordonnateur des relations médias Gino Desrosiers dit comprendre la frustration du public, mais assure que l’intention était bonne. « On ne cherche pas à bloquer des véhicules électriques ni des avancées en matière de transport durable. Ce qu’on veut régler, c’est un problème de sécurité », soutient-il.
« Ces véhicules-là sont interdits de circulation, mais après ça, les gens, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent en faire d’autres utilisations. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas le rôle de la SAAQ de trouver quoi faire avec », ajoute M. Desrosiers. Dans la plupart des autres provinces canadiennes, ces véhicules demeurent autorisés.
Enfin, aux gens qui auraient acheté un cyclomoteur peu avant l’interdiction, la SAAQ rétorque « de retourner voir le commerçant, puisque ces véhicules étaient déjà interdits de vente au Québec et d’importation au Canada ».
« Techniquement, le commerçant, il ne devait déjà plus vendre ce véhicule-là s’il respectait le Code de la sécurité routière. Là, notre interdiction vient comme boucler la boucle », résume Gino Desrosiers.
Qu’à cela ne tienne, Adam Paradis, lui, considère que le gouvernement a improvisé dans ce dossier. « Ça fait longtemps que les scooters n’ont plus le droit de rouler dans les pistes cyclables, dans les faits, alors si depuis cinq ans, la police avait vraiment fait appliquer la loi, on n’en serait pas là. Et on n’aurait pas autant manqué de respect aux consommateurs », conclut-il.
Quels sont les véhicules touchés par l’interdiction en vigueur ?
- Les véhicules non autorisés munis d’appuis-pieds ou d’une plateforme pour les pieds
- Les véhicules non autorisés munis d’un ensemble de pneus et de roues ayant l’apparence d’une moto
- Les véhicules non autorisés munis d’une carrosserie couvrant les composantes ou le cadre
- Les véhicules non autorisés qui permettent d’atteindre une vitesse supérieure à 32 km/h ou d’une puissance de plus de 500 watts
- Les véhicules non autorisés qui ne possèdent pas de selle ajustable en hauteur
- Plusieurs exceptions demeurent dans le décret publié dans la Gazette officielle du Québec. Celui-ci ne fait par ailleurs aucune mention des trottinettes électriques, dont la circulation a été légalisée l’an dernier dans les rues où la vitesse maximale est de 50 km/h ou moins.
Consultez le décret ministériel