Tramway de Québec

Tramway et 3e lien : un constat d’échec pour Québec

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’un des nombreux chantiers déjà en cours pour le tramway de Québec


Maxime Bergeron
Maxime Bergeron La Presse

Faire du neuf avec du vieux, tout en réalisant un miracle budgétaire de calibre biblique.

Publié à 0h58 Mis à jour à 6h00

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C’est un peu, beaucoup le mandat qu’a donné le gouvernement Legault à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) lundi.

Deux semaines après avoir retiré le projet du tramway des mains de l’administration du maire Bruno Marchand pour le confier à la CDPQ, Québec a ajouté une nouvelle dose de frisson au dossier. La Caisse devra aussi proposer, d’ici six mois, une solution « structurante » qui inclura un lien vers la Rive-Sud – la résurrection pure et simple du fameux « troisième lien ».

Pour résumer : l’entièreté des besoins en mobilité de la capitale nationale devra être réglée par la Caisse d’ici juin prochain, alors que ces dossiers tergiversent, meurent et renaissent de leurs cendres depuis des décennies.

Le tout à un prix acceptable pour le gouvernement et avec un mode de transport qui séduira les citoyens de Québec.

Gigantesque (et surprenante) commande.

S’il ne s’agit pas là d’un aveu d’échec de la part du gouvernement Legault, ça s’en rapproche drôlement.

La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, nous a accordé un long entretien lundi dans ses bureaux de Québec pour faire le point sur ces dossiers. Elle reconnaît sans détour que son ministère n’a plus l’expertise requise pour mener à bien de grands projets de transport collectif.

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Geneviève Guilbault, ministre des Transports et de la Mobilité durable

La fine connaissance pour faire ce genre de projet là, dans le MTQ actuellement, elle n’est pas suffisante.

Geneviève Guilbault

Geneviève Guilbault en semble persuadée : CDPQ Infra, la filiale de la Caisse qui pilote le projet du Réseau express métropolitain (REM) à Montréal, est la mieux placée pour proposer une solution de transport dans la capitale.

Loin de voir ce choix comme un constat d’échec, contrairement à plusieurs, la ministre estime qu’il relève plutôt du « réalisme », de la « lucidité » et du « gros bon sens ». Elle rappelle que le projet du REM est chiffré à environ 8 milliards de dollars, pour un réseau de train léger de 67 kilomètres, en comparaison avec une facture équivalente pour les 19 kilomètres du tramway de Québec.

« Oui, [le REM] a eu des retards de livraison, des augmentations de coûts, et là, il y a des pannes, mais il reste que ça marche, avance-t-elle. Et quand ça va être en service, à terme, ça va être un beau grand projet de transport vraiment structurant, avec tout le rabattement [des autobus] prévu en conséquence. »

La ministre rappelle que le REM est le seul grand projet de transport collectif à avoir vu le jour dans les dernières décennies au Québec, et elle a raison. Malgré les retards et plusieurs problèmes, la vitesse et l’ampleur de ce chantier restent indéniables.

Mais le gouvernement Legault démontre en parallèle une grande incohérence, considérant qu’il a retiré à la Caisse le mandat de réaliser le REM de l’Est, pas plus tard qu’en mai 2022. Au cœur de cette décision se trouvait le manque d’acceptabilité sociale de cette deuxième phase du REM, qui allait défigurer plusieurs quartiers avec ses lourdes structures de béton1.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Train du Réseau express métropolitain circulant dans le quartier Pointe-Saint-Charles

Le mandat fraîchement donné à la Caisse dans la capitale soulève tout un paquet d’autres questions.

Parmi les principaux écueils se trouve l’indépendance de l’institution, qui doit gérer le bas de laine des Québécois – plus de 424 milliards – sans aucune ingérence du gouvernement, en vertu de sa loi constitutive. Les dirigeants de la Caisse sentiront-ils une pression indue pour proposer un projet coûte que coûte ?

Il y a aussi l’enjeu des conflits d’intérêts potentiels.

La Caisse est propriétaire de plusieurs terrains qui pourraient faire l’objet d’un développement, le long d’un éventuel réseau de transport. Favorisera-t-elle ses propres intérêts immobiliers au détriment de ceux des citoyens de Québec ? Et choisira-t-elle en priorité des fournisseurs dont elle est actionnaire, pour bâtir un éventuel réseau ?

Aussi, et surtout : CDPQ Infra peut-elle vraiment réinventer la roue ?

Le groupe fera son analyse sur le projet « structurant » à la lumière des nombreuses études déjà réalisées au cours des dernières années. Les conclusions de ces rapports sont claires, par exemple au sujet de l’achalandage insuffisant d’un troisième lien entre Québec et Lévis.

Tous, moi le premier, seront curieux de voir la solution qui sera proposée par la Caisse en juin prochain – si solution il y a.

Officiellement, les discussions entre le gouvernement Legault et la Caisse ont commencé tout récemment, le 29 octobre dernier. Des sources à la CDPQ m’ont confirmé avoir appris à peu près en même temps que les médias l’ampleur du mandat qui leur serait confié.

Tout est sur la table pour le moment dans ce dossier.

Il n’est pas acquis que la Caisse suggérerait un train automatisé surélevé semblable au REM pour la capitale. Il pourrait aussi s’agir d’un tramway ou d’un réseau de bus rapide ; rien n’est arrêté.

Il n’est pas non plus certain que CDPQ Infra proposerait un projet « clés en main » au gouvernement. Le groupe pourrait vouloir réaliser une partie du réseau – en l’occurrence le volet transport collectif – et seulement soumettre des solutions potentielles pour le lien vers la Rive-Sud.

Selon mes informations, la Caisse a envoyé lundi une centaine d’invitations à diverses « parties prenantes » de la région de Québec, pour solliciter leur opinion sur un éventuel projet. L’objectif : éviter la débandade du REM de l’Est en consultant massivement en amont.

Il y a beaucoup de « si » dans toute cette équation. Il est possible que la Caisse propose une solution qui sera tout simplement trop chère – ce qui donnerait au gouvernement Legault un argument définitif pour fermer ces dossiers dans la capitale, sans en porter l’odieux.

Pour revenir à Geneviève Guilbault, elle n’accepte pas le statu quo dans la réalisation des grands projets. Elle compte toujours déposer au début de 2024 un projet de loi en vue de créer une agence qui reprendrait la gestion des chantiers de transport collectif, à l’extérieur de son ministère, en vue d’accroître l’efficacité et de réduire les coûts.

En ce sens, le nouveau mandat confié à la CDPQ pourrait être vu comme une forme de laboratoire, ou de projet pilote, même si la ministre ne le décrit pas ainsi.

Elle se dit « impatiente » de voir des résultats, et elle est loin d’être la seule.

1. Lisez l’article « Québec reprend le contrôle du REM de l’Est »

:thinking: milliards plutôt?

Un gouvernement qui réfléchi tout haut, qui ne sait pas communiquer et qui n’a aucune espèce d’idée de la direction à prendre pour réaliser de grands projets structuraux. Donc après un premier mandat à tenir la population en haleine avec des promesses qu’il savait irréalisables, on efface tout le dossier et on recommence en se fiant cette fois-ci sur la CPDQ qui n’a même pas été capable de pondre une deuxième phase du REM de l’est à Montréal. Ça promet.

D’abord la ministre Guilbault n’a plus aucune crédibilité, pas plus que son prédécesseur, ni son parti qui n’a aucun bilan positif en matière de réalisation de projets après 5 ans au pouvoir. Pensons notamment aux Espaces Bleus, aux Maisons des ainées et tous les autres dossiers chauds qui ne trouvent aucune solution satisfaisante et dont les budgets ont aussi explosé dans le processus.

Pendant ce temps on se lance tête baissée à coup de subventions dans la filière batterie et on souhaite doubler la production d’Hydro-Québec en une décennie. Décidément le train s’accélère dangereusement dans une pente descendante et Legault n’a pas prévu de frein ou de voie de contournement pour manoeuvrer sécuritairement dans la courbe tout en bas … ça me rappelle quelque chose…

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Et même ça c’est discutable… il y a une dilogie assumée ou une lourde dissonance dans l’approche de Guilbault. Avec Bonnardel c’était clair qu’il n’avait pas sa place au MTMD, mais Guilbault nous a fait espérer du mieux pour finalement ne pas livrer.

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Le REM a couté moins cher à la construction parce qu’il reprend l’emprise de Deux-Montagnes sur une bonne parti de son trajet. Pas de fondation de faire. Idem pour la traverse du fleuve. Ils ont eu droit à un pont flambant neuf avec une travée déjà prévue pour eux, payé à même un budget différent ! Ils ont même hérité d’un tunnel sous la montagne, certes avec beaucoup de modification à faire ! On a beau dire que ça a couté moins cher au final, et que c’est dans les temps, il n’en demeure pas moins qu’ils ont ouvert le tronçon vers Brossard 1 an en retard, et que la seule antenne avec un tunnel flambant neuf sera en retard de plusieurs années !

Un hypothétique REM à Québec n’aura rien de tout ça pour commencer. Sans compter la levée de bouclier pour tout trajet aérien ! Tk, on verra d’ici 6 mois (si jamais cette étude ne finie par sur les tablettes sans être publiée), mais je ne suis pas des plus optimistes sur les conclusions !

On en a parlé ad eternam, et c’est vrai que le projet du REM a bénéficié de nombreux avantages. Par contre, nous ne pouvons pas nier les éléments suivants:

  • Il y a eu plusieures imprévus à la réalisation de ce projet, qui, sans équipe compétente et persévérante, aurait pu retarder de plusieures années, voir carrément torpiller le projet.
  • L’équipe est remplie de personnes passionnée de transport en commun, qui donnent le meilleur d’eux-même pour réaliser le meilleur projet possible.
  • Ils ont la capacité d’amener des solutions novatrices à des défis de mandats considérables.

L’implication de CDPQ-I pour leur expertise n’est pas nécessairement juste des mauvaises nouvelles.

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Mais la CDPQ infra n’a pas d’expertise en transport.

Pour les deux projets de REM, tout a été sous-traité.
Oui ils ont quelques personnes clés, mais uniquement pour prendre de grandes décisions à très large trait, et principalement d’un aspect financier. Absolument tout le reste, les études, l’expertise, la planification, c’est à l’externe que ça se fait.

À ce jour, aucun appel d’offres n’est apparu sur SEAO en lien avec le tramway de Québec. Et dans tous les cas, le délais de 6 moins n’a aucun sens, l’appel d’offres à lui seul prendrait trois mois. Ce qui veut dire qu’ils risquent de faire ça à l’interne, entre économistes et équipes de communications. Sans aucune équipe de professionnels pour gérer le tracé, l’aménagement, les enjeux d’intégration urbaine, les enjeux sociaux… bref, tous les aspects pour lesquels on a dépensé un demi-milliard depuis cinq ans et qu’on vient de mettre aux poubelles pour que trois monsieurs autour d’une table de conférence décident de l’avenir de la capitale basé sur leur portefeuille.

Je crois qu’on ne réalise pas encore collectivement l’ampleur de l’humiliation que ça représente pour le Québec. C’est d’un niveau d’amateurisme que je n’ai jamais vu en transport en Amérique du Nord et en Europe dans les 15 dernières années. Et pourtant, les projets de transport sont toujours un peu maladroits. Mais ici, c’est même dangereux.

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Je ne sais pas si la ministre sait que les “experts” derrière les projets de CDPQ Infra sont les mêmes engagés par l’ARTM pour les assister dans la conception de projets?

L’expertise de conception n’est pas chez CDPQ Infra, elle est dans l’industrie privée du génie-conseil, et c’est une partie du problème.

Ensuite, pour la gestion de projet et l’opération on peut dire qu’ils ont une certaine expérience oui. Sauf qu’avant ça, il faut que les études aboutissent à quelque chose…

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Peut-être la différence est dans le cadre et les spécifications qu’on donne à ces firmes.
Peut-être que CDPQi peut accepter des pistes de solution que l’ARTM ne peut pas accepter car cela implique de négocier avec des instances gouvernementales, CN/CP ou encore tous ce qui touche a « l’acceptabilité social ».
Je travailler dans le domaine de génie-conseil (Pas en transport) et la majorité des Project se font en collaboration continue avec le client. Donc si le client est plus flexible et arrivent souvent a trouver des solution au problème découvert au fur et mesure que la conception avancent le projet va surement être différent qu’avec un client qui impose des contrainte rigides et inflexible.

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Je suis convaincu que le caucus de la CAQ n’est pas aussi idiot qu’il s’en donne l’air. Évidemment que Guilbault doit savoir que ce sont les mêmes experts, mais ce sont les apparences qui comptent. On dévalue l’expertise du MTMD sur la place publique, on encense la CDPQi et on met ainsi la table à une déresponsabilisation du gouvernement par le truchement d’une agence.

C’est du spin politique, ni plus ni moins. Une opération de communication plus savamment orchestrée que les déclarations à chaud de Legault qui prennent tout le monde de court. Dans ce cas-ci, on prétend vouloir sauver la chèvre et le chou, mais pour ne pas avoir de comptes à rendre, on se tourne vers la froide logique mathématique de la CDPQi.

“Si les experts Oh combien compétents de la CDPQi nous disent que ça n’a pas d’allure, comment voulez-vous que nous, nigauds du ministère, les contredisions?”

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dans les deux cas, c’est mauvais signe…

Si ce que vous dites est vrai, alors ça veut dire que le gouvernement est mesquin.

Si ce que vous dites est faux, alors ça veut dire que le gouvernement est mené par des idiots.

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De façon plus “politically-correct”, je dirais plutôt populiste.

Dans le choix de réponse ici, je vais répondre : Oui

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Plus ou moins d’accord mais ça n’a pas rapport avec mon commentaire.

Je parle du processus de sélection des consortiums à pour la construction du REM. Un peu avant d’avoir sélectionné les gagnants, les rumeurs voulaient que le coût allait passer de 6MM$ à 8, voire 10MM$.

Ils ont prolongé les discussions, optimise le projet pour faire baisser les coûts et ramener le tout à 6MM$.

Voilà ce que la Caisse pourrait tenter de faire avec le projet du tramway.

Maintenant je l’ai déjà dit ailleurs mais le génie du projet du REM est JUSTEMENT, entre autres choses, d’avoir identifié les trajets où ils pouvaient passer sans que ça ne coûte une fortune. C’est pas un hasard.

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:newspaper: | La Caisse devra mettre élus et citoyens dans le coup, prévient Marchand

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Un exemple de ça c’est que la Caisse est le seul acteur que je vois être capable de proposer quelque chose comme un téléphérique pour relier Lévis à Québec, plutôt que de s’enfermer dans des contraintes qui coûte une fortune sans raison. Ou juste de dire que ça coûte trop cher pour un achalandage trop faible, de la même manière qu’ils ont su rejeter les demandes de la caq pour un REM chambly.

Mais sérieusement, pourquoi personne parle d’un téléphérique ? C’est l’option parfaite pour faire un centre-ville à “centre-ville” qui coûte juste trois fois rien en comparaison et peut facilement avoir la capacité nécessaire.

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Je ne comprends pas trop le raisonnement. Marchand prévient contre quoi exactement? La pré-condition du mandat a inclut que Maire devait accepter le projet, contrairement à Plante pour le REM de l’Est, alors qu’est-ce qui reste comme menace?

Quelle serait les conséquences, que la proposition de CDPQi ne soit pas accepté? Que le projet ne soit pas réalisé? Je ne crois pas que CDPQi se préoccupe tant que cela de cette éventualité. L’institution elle-même s’est fait placer dans cette situation.

Bref, les avertissements sont vide d’impact.

Séduisant comme idée mais est-ce une véritable solution? Il faudrait une étude exhaustive O/D sur le nombre et le type de passages sur les traverses actuelles (piétons et véhicules) qui font le lien quotidiennement entre les deux rives.

Un téléphérique élimine d’emblée les véhicules, quant aux piétons, la majorité devront prendre un transport quelconque pour se rendre au téléphérique lui-même et en repartir. Autrement il me semble que le téléphérique servirait bien davantage aux touristes qu’aux travailleurs.

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Malgré le fait qu’il serait peut-être utile, je crois que le principal obstacle serait le dénigrement de la part des car-brain de la région de Québec.