Société

Il n’est même pas 19 h et le bar est presque rempli. La majorité des clients semblent avoir 30 ans ou moins, mais j’aperçois aussi quelques têtes blanches. Les gens sont excités, la danse en ligne va bientôt commencer.

Publié hier à 16h30

« Ça fait 15 ans que j’ouvre des bars et je n’ai jamais vu un engouement comme ça », m’avait prévenu Anthoni Jodoin, fondateur du Spaghetti Western.

Résumé

Les vertus insoupçonnées de la danse en ligne

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le bar Spaghetti Western offre des soirées de danse en ligne.


Rose-Aimée Automne T. Morin
Rose-Aimée Automne T. Morin Collaboration spéciale

Il n’est même pas 19 h et le bar est presque rempli. La majorité des clients semblent avoir 30 ans ou moins, mais j’aperçois aussi quelques têtes blanches. Les gens sont excités, la danse en ligne va bientôt commencer.

Publié hier à 16h30

Partager

« Ça fait 15 ans que j’ouvre des bars et je n’ai jamais vu un engouement comme ça », m’avait prévenu Anthoni Jodoin, fondateur du Spaghetti Western.

Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos

J’avoue être étonnée par l’ampleur et la mixité de la faune. Il y a quelques chapeaux de cowboy, mais également un chandail du Canadien et beaucoup de chemises donnant envie d’écouter Nirvana. Aussi bigarré soit-il, tout ce beau monde est rassemblé par le même amour du country sur la Plaza Saint-Hubert, à Montréal.

Évidemment, les Québécois adorent leur country. Pourtant, cette culture ne me semblait pas très représentée dans la métropole. J’ai senti que les choses changeaient quand j’ai remarqué de plus en plus d’adolescents avec des bottes de cowboy aux pieds…

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Kathy Maguire (au centre) offre les cours de danse.

Anthoni Jodoin me le confirme : « Il y a un zeitgeist chez les jeunes, depuis un an ou deux ! » On peut penser au virage country de Beyoncé, mais également au rappeur Lil Nas X et sa collaboration avec Billy Ray Cyrus, ou encore à la nouvelle collection western imaginée par le producteur Pharrell Williams. Le festival de musique country Lasso Montréal, tenu depuis 2022, y compte aussi pour beaucoup, croit l’entrepreneur.

Katerine et Jessica, 28 ans, en sont comme moi à leur premier cours de danse en ligne. Elles se lancent parce que le country est leur genre de prédilection depuis qu’elles ont assisté au festival Lasso, justement. Sont-elles nerveuses ?

« Pas du tout. Toi ? »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le cours se poursuit.

Oh, absolument. J’ai demandé à une amie de venir en renfort. Amélie, comme moi préoccupée par son manque de coordination, a pensé me faire faux bond. On est volontaires, mais on craint de ne pas être à notre place…

« C’est super inclusif, tout le monde est accepté ! », m’avait pourtant affirmé Catherine Lefrançois.

J’avais appelé la musicologue et musicienne quelques jours plus tôt. Elle est autrice d’une maîtrise et d’une thèse portant sur l’histoire du country au Québec, mais c’est en tant que simple citoyenne, avait-elle précisé, qu’elle me soumettait une théorie quant à la popularité de la danse en ligne. « Mon impression, c’est que depuis la pandémie, les gens ont soif de participer à des manifestations culturelles où ils ne sont pas passifs. »

À Québec, l’organisme ès TRAD organise des soirées de danse traditionnelle et c’est tout le temps plein, alors qu’il y a des salles vides au théâtre et que des diffuseurs travaillent fort pour faire du développement de public.

Catherine Lefrançois, musicologue et musicienne

Et quelle communauté rejoint-on quand c’est le country qu’on adopte ?

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Pas besoin de savoir danser pour passer un bon moment !

« Le discours conventionnel sur la musique country, c’est que c’est authentique, m’avait répondu Catherine Lefrançois. Je trouve que ça ne veut pas dire grand-chose. Ozzy Osbourne est aussi authentique que Willy Lamothe ! On parle souvent d’une musique simple, aussi. Mais pour moi, c’est plutôt de la musique très sentimentale. Les artistes expriment beaucoup de vulnérabilité et d’émotions. Il y a quelque chose de profond qui touche la personne qui écoute. Puis il y a tout un réseau de festivals western où les gens se rassemblent pour l’ambiance festive. »

Émotions vives et fête, c’est noté.

« Pas besoin de savoir danser, juste besoin d’avoir du fun ! », me lance d’ailleurs Eve-Marie, entre deux gorgées de bière. La femme de 22 ans vient danser chaque semaine depuis l’ouverture du Spaghetti Western, en octobre dernier. « C’est parce que j’adore Kathy ! »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Kathy Maguire

Kathy Maguire, c’est la prof qui porte un magnifique ensemble 100 % denim. Celle qui a grandi dans une ferme en Beauce enseigne la danse depuis quatre ans, tout en poursuivant une carrière d’artiste de cirque. Elle planche d’ailleurs sur un spectacle solo : Babydoll, un western féministe. Pour elle, la pratique de la danse en ligne et le respect des femmes vont de pair : « Tu peux danser et partager un vocabulaire commun sans contact. Les filles savent qu’elles sont en sécurité dans mes cours. »

Pas étonnant qu’à 19 h, le plancher de danse se remplisse donc à 90 % de femmes.

Kathy lance le cours en rappelant l’étiquette de la piste : « On a du plaisir et si on accroche quelqu’un, on lui fait un high-five. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le country propose toujours une ambiance festive.

Puis, elle nous enseigne une première chorégraphie en décortiquant ses 32 temps. Ou, du moins, elle tente de le faire. Amélie et moi sommes souvent à contresens de la foule. Je comprends assez peu le charleston, le rock step est mon maillon faible et ne me parlez même pas du shuffle… Mes voisines et moi, on se tape dans les mains parce qu’on se pile sur les pieds ou parce qu’on réussit un enchaînement. On est dans le même bateau.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Notre collaboratrice Rose-Aimé Automne T. Morin

Trente minutes plus tard, Kathy Maguire s’attaque à une seconde chorégraphie. Bingo ! J’enfile cette fois les pas avec aisance (et je les répéterai le lendemain, seule dans mon salon).

Une émotion inattendue se révèle : je suis frustrée parce que je n’ai pas assez d’espace pour donner toute l’amplitude voulue à mes mouvements ! Le bar est victime de son succès, ce qui est un sacré beau défaut.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le Spaghetti Western est situé Plaza Saint-Hubert.

« Je comprends vraiment pourquoi les gens aiment ça », glisse mon amie avec le toupet frisé d’humidité. (Il fait très chaud.) C’est clair pour moi aussi.

Une réflexion de la musicologue Catherine Lefrançois me revient en tête : « C’est populaire, le country ! Pourtant, depuis les débuts de la commercialisation de cette musique au Québec, quand on en parle, c’est toujours avec le ton de l’étonnement… Comme si on niait l’importance culturelle de ce genre musical. »

Coupable.

Mais je vous jure que j’ai changé.

Les cours de danse en ligne du bar Spaghetti Western ont lieu tous les jeudis et dimanches à 19 h et à 20 h, au coût de 5 $.

1 « J'aime »

C’est pour cela qu’on aime bien la Plaza Saint-Hubert. Elle réussi toujours à nous surprendre de façon inusitée et inattendue. Elle se fout de passer pour kitsch en sortant résolument des sentiers battus et en offrant quelque chose de fort différent mais toujours dans un cadre accessible et populaire.

La Plaza Saint-Hubert est vraiment un cas à part car elle a toujours été supportée par les gens du quartier et a évolué à sa manière sans l’intervention des grosses entreprises commerciales qui contrôlent en partie les centres commerciaux un peu partout à Montréal. Ici c’est le milieu d’affaires (les indépendants) et les consommateurs qui mènent la barque, en s’ajustant tant bien que mal aux cycles économiques avec des hauts et des bas qui obligent les commerçants à un ajustement continu.

1 « J'aime »

Des patients de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill deviennent ces jours-ci les premiers au monde à participer à un essai clinique multicentrique pour évaluer l’efficacité d’un isotope radioactif utilisé dans le traitement du cancer de la prostate métastatique.
Publié le 11 avril à 11h48

Résumé

Première mondiale Un essai clinique contre le cancer de la prostate à Montréal

PHOTO DENIS GERMAIN, ARCHIVES LA PRESSE

Le Centre universitaire de santé McGill

Des patients de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill deviennent ces jours-ci les premiers au monde à participer à un essai clinique multicentrique pour évaluer l’efficacité d’un isotope radioactif utilisé dans le traitement du cancer de la prostate métastatique.

Publié hier à 11h48

Partager

Jean-Benoit Legault La Presse Canadienne

Un premier patient a été traité mercredi et un deuxième doit l’être jeudi, a confié le docteur Ramy Saleh, qui est oncologue médical au Centre du cancer des Cèdres du CUSM et directeur médical de l’oncologie au Centre de médecine innovatrice de l’IR-CUSM.

« C’était incroyable d’avoir le premier patient hier (mercredi), il a très bien fait, aucun effet secondaire », a dit le docteur Saleh.

L’essai clinique porte sur l’actinium-225, dont la fonction est de cibler l’antigène membranaire spécifique de la prostate (PSMA).

Cet antigène, a-t-on expliqué par voie de communiqué, se retrouve chez plus de huit patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique sur dix. Le PSMA s’exprime fortement dans les cellules tumorales de la prostate, mais est très peu présent dans le reste de l’organisme.

L’actinium-225 se fixe donc aux récepteurs du PSMA ; repère les cellules cancéreuses ; et émet des radiations qui les détruisent en détruisant leurs brins d’ADN.

Ce mode d’action ciblé aurait en plus l’avantage d’épargner les organes sains.

Ce n’est qu’au cours des dernières années qu’on a réalisé que la médecine nucléaire a un rôle à jouer dans le traitement du cancer de la prostate, a dit le docteur Saleh.

L’actinium-225, a-t-il souligné, « ce n’est pas de la chimiothérapie ».

« On espère vraiment que ça va augmenter la qualité et la quantité de vie des patients, a déclaré le docteur Saleh. Techniquement, c’est un traitement qui est beaucoup plus ciblé que les traitements qui sont standards (la chimio). La chimio va détruire les bonnes et les mauvaises cellules partout, mais là, c’est beaucoup plus ciblé. »

Logiquement, a-t-il ajouté, le traitement devrait permettre d’éviter les effets secondaires indésirables et trop bien connus de la chimiothérapie, comme la perte de cheveux et les nausées.

Le traitement expérimental sera administré par injection intraveineuse à 50 patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration ou biochimiquement récurrent, pour qui les traitements conventionnels n’ont pas fonctionné.

Le but de l’essai clinique est d’évaluer la capacité du médicament à agir sans entraîner d’effets indésirables et celle du sujet à supporter les effets indésirables.

Les premiers résultats ne seront dévoilés que dans quelques années.

2 « J'aime »

Je viens de tomber sur ce post X et ça permet de se rappeler qu’on est quand même très bien au Québec.
Bien sûr il y a toujours de quoi à améliorer.
https://twitter.com/amazingmap/status/1780357963233775923?t=mEqqGfGtVZraNHbQIuw5ag&s=19

5 « J'aime »

Quand on pense que les États-Unis ont plus d’armes en circulation dans le milieu civil que d’habitants. On ne peut s’étonner de la violence et des centaines de milliers de morts causées par ce fléau destructeur annuellement. Derrière tout ça une industrie qui s’enrichit à coup de milliard en vendant des armes à tout venant.

Malheureusement ce n’est pas demain que les choses vont s’améliorer, car le puisant lobby des armes (NRA) n’est pas près de lâcher le pactole au nom d’un amendement qui date de 2 siècles et demi, du temps où la société américaine n’avait pas encore de système de justice organisé après sa guerre d’indépendance.

Effectivement concernant les États-Unis, ce qui me marquait encore plus, c’est comment on se distinguait aussi des autres provinces canadiennes. Je serais curieux de savoir pourquoi. J’emmet l’hypothèse loufoque que puisse qu’on est une minorité francophone dans un continent d’anglophone, inconsciemment on fait moins d’acte de violence entre-nous pour conserver notre poids démographique.

dans le Devoir

Historiquement les québécois ont toujours été plus tolérants et pacifiques que le reste du pays et du continent. Déjà à l’époque de la colonie française nous avons essayé de nous associer pacifiquement avec les autochtones du temps de Champlain notamment. Je crois que c’est culturel avant tout: les espagnols lors de la Conquête les éliminaient, les anglos les parquaient et nous on les mariait.

Ça va aussi avec nos traits de caractère individuels et collectifs, notre joie de vivre naturelle, notre humour populaire, nos grands rassemblements tel les festivals, notre façon de faire de la politique, nos créateurs artistiques, notre société plus égalitaire et davantage sociale-démocrate. Enfin notre esprit d’accueil et ouverture au monde, dont les grands événements Expo 67 et les Jeux Olympiques sont nos plus beaux témoignages.

3 « J'aime »

Il y a une nuance importante à apporter à ce propos. Ça dépend quand, et avec qui. Si on parle fin XIXe et début XXe, absolument pas, juif, irlandais, chinois, etc, on était pas si différend des autres, si non pire. Si on parle de XVIIe et XVIIIe, c’est variable si on parle de ‘‘tolérance’’ ou simplement de la force des choses. Plusieurs historiens vont reconnaître que les français avait une approche plus ‘‘douce’’ envers les autochtones, mais associer cela à la tolérance serait une erreur, plutôt qu’on avait pas le choix. Je tiens à rappeler que seul les catholiques étaient admis dans la colonie.

Il faut faire attention quand on commence à parler que ‘‘tel nation est plus si ou ça que les autres’’, on peut tomber dans des généralisations faciles. C’est une erreur de dire que les Québécois sont en général plus racistes que les autres, dire l’inverse serait tout aussi une erreur. La réalité est souvent beaucoup plus complexe. On peut lire des sources du XIXe siècle qui disent que les noirs devraient être traité à part égal avec les blancs, l’inverse se lit de nos jours aussi, par exemple.

6 « J'aime »

Bien sûr que ce sont des généralités qui mettent en perspectives d’autres généralités, tandis que la réalité sur le terrain n’a jamais cessé d’évoluer selon les contextes du moment.

L’histoire locale est vraiment révélatrice sur le sujet où l’intolérance dominait à certaines époques, entendu au final qu’on est bien davantage dans la perception que dans l’étude scientifique.

Une chose demeure, le Québec est aujourd’hui plus accueillant et plus réceptif (même dans les régions) parce que nous avons réalisé que faute de remplacement par les naissances, dans les circonstances les nouveaux arrivants deviennent une réponse souhaitable à notre faible croissance démographique. En plus nos criants besoins de main-d’oeuvre dans l’économie québécoise (toutes régions confondues) nous imposent cette ouverture à plus d’immigration.

C’est un fait assez bien documenté dans le monde, je pense notamment aux favelas, que quand le milieu se prend en main il réussit à diminuer notablement la délinquance et la criminalité, en redonnant espoir aux jeunes.

Résumé

Saint-Léonard Un vent d’espoir pour balayer la délinquance

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Toutes les semaines, la salle prêtée par la Maison des jeunes de Saint-Léonard se mue en salon de barbier.

« Il faut leur faire comprendre qu’il y a autre chose que la rue. » D’émissions balados à un tournoi de soccer, à Saint-Léonard, des activités de toutes sortes sont organisées par les intervenants communautaires pour les jeunes du quartier. Des projets motivés par une volonté d’accompagnement, pour éviter que ces jeunes ne sombrent dans la criminalité.

Publié à 1h55 Mis à jour à 5h00

Partager

Esther Dabert Collaboration spéciale

À la Maison des jeunes de Saint-Léonard, la coordonnatrice Gabriela accueille les jeunes venus profiter d’un après-midi de fin de semaine pour jouer à la Playstation, au UNO, ou juste pour discuter avec leurs amis.

C’est ici qu’avaient l’habitude de se rendre deux jeunes du quartier âgés de 14 et 16 ans, morts deux semaines plus tôt après avoir tiré aux petites heures en direction de deux automobilistes, dans Rosemont–La Petite-Patrie1. Leur voiture avait été retrouvée encastrée dans un arbre. Plusieurs éléments portent à croire que l’un d’eux était affilié à un gang.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Gabriela, coordonnatrice à la Maison des jeunes de Saint-Léonard

Un évènement qui témoigne d’une augmentation de la criminalité à laquelle le quartier de Saint-Léonard fait face depuis plusieurs années. À la suite de l’assassinat d’une adolescente de 15 ans, Meriem Boundaoui, en 2021, l’arrondissement avait annoncé la mise en place d’un plan de lutte contre la violence, notamment grâce au financement d’activités communautaires. La Presse s’est rendue à l’une d’elles.

« Venez comme vous êtes »

Ce cadre convivial dans lequel se retrouvent des jeunes âgés de 10 à 24 ans est le fruit du projet Évasion de l’organisme DOD Basketball. Il propose de nombreuses activités variées pour les jeunes de Saint-Léonard comme du soccer ou des ateliers de sensibilisation. « Il y a des activités organisées dans le quartier, mais il y a beaucoup de choses que les jeunes n’ont pas le droit d’y faire comme de parler comme ils le font. Ici, c’est plus : venez comme vous êtes », explique la coordonnatrice.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

« On est venus pour se faire couper les cheveux, mais aussi pour l’ambiance. Ça nous occupe », raconte un jeune rencontré par La Presse.

Installés dans leur fauteuil, trois jeunes s’efforcent de rester immobiles pendant que des barbiers s’affairent à réaliser dégradés, tresses, et autres coupes et coiffures en tout genre. Comme tous les dimanches, la salle prêtée par la Maison des jeunes de Saint-Léonard se mue en salon de barbier, une activité à laquelle Yani et Dany n’ont pas manqué de s’inscrire. « On est venus pour se faire couper les cheveux, mais aussi pour l’ambiance. Ça nous occupe », raconte le premier, âgé de 16 ans.

Faciliter les échanges

Déambulant de groupe en groupe, attrapant parfois une raquette de tennis de table, l’agent pivot Benjamin Dixon est l’un des piliers du projet.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’agent pivot Benjamin Dixon

Notre objectif, c’est de créer un lien de confiance avec eux pour qu’ils préfèrent passer leur temps avec nous plutôt que de traîner dehors à faire des mauvais coups.

L’agent pivot Benjamin Dixon

Afin de faciliter cet échange, DOD Basketball a son secret : des intervenants qui ressemblent aux jeunes. C’est ce dont se réjouit Yanis, 13 ans : « Ce sont de jeunes adultes, c’est plus facile de communiquer avec eux, ils nous ressemblent. Ils nous parlent de leur parcours et ils nous disent les erreurs à ne pas faire. »

Mazz tient plusieurs salons de barbier à Saint-Léonard ; c’est lui qui propose ses services au projet Évasion. Un partenariat motivé par une envie d’aider les jeunes de sa communauté. « C’est dur de trouver quelqu’un qui va les écouter, les aider, c’est pour ça que nous, on est là, pour leur montrer qu’il y a encore du beau monde », décrit-il.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Mazz, Léonardois d’origine, propose ses services au projet Évasion.

Pour ce Léonardois d’origine, l’image renvoyée est importante. « Je veux que le monde me connaisse pour ce que je suis capable de faire et qu’on me voie comme un exemple, pour se dire : “si lui, il est capable de le faire, alors moi aussi”. » Mazz ne cache d’ailleurs pas le fait que son travail a déjà inspiré de nombreux jeunes, avides de conseils.

Lever les tabous

Mais la mission du projet Évasion, c’est également d’aider les jeunes à s’exprimer sur des sujets souvent tabous au sein du foyer ou des groupes d’amis. C’est pour répondre à ce problème que le membre du Conseil jeunesse de Saint-Léonard Albano Souhail a eu une idée : l’enregistrement d’une balado.

On a voulu créer une plateforme pour la jeunesse, pour qu’elle puisse exprimer ses idées.

Albano Souhail, membre du Conseil jeunesse de Saint-Léonard

Plusieurs thèmes ont déjà été abordés durant ce projet en quatre épisodes, comme la réussite, les relations amicales, familiales et amoureuses, ou encore les pistes de solution pour sortir de la délinquance. « On voulait vraiment choisir des thèmes qui sont importants pour les jeunes, quelque chose dont ils parlent entre eux », détaille Albano Souhail. Pour chaque épisode, un membre du Conseil jeunesse se charge de l’animation, et un intervenant d’un organisme de Saint-Léonard vient échanger avec les jeunes.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Partie de baby-foot à la Maison des jeunes de Saint-Léonard

En ce dimanche après-midi, c’est l’entrepreneuriat et le rapport à l’argent qui seront au cœur de l’échange, un épisode auquel Yanis est impatient de participer.

Des risques réels

Walner est intervenant pour DOD Basketball, mais également coordinateur des travaux communautaires effectués par les jeunes du quartier ; deux casquettes très complémentaires selon lui. « On crée des liens avec les jeunes qui font des heures de travaux communautaires avec nous. On les pousse à venir aux activités. Parfois, on arrive même à leur trouver un emploi. »

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Walner, intervenant pour DOD Basketball

Pourtant, le dénouement n’est pas toujours si heureux, les dernières semaines ne sauraient mieux le rappeler. « Ces deux jeunes [qui sont morts], on les connaissait bien, ils venaient à nos activités, témoigne-t-il. On sait qu’ils étaient intelligents. On a essayé de parler avec eux, de discuter de tout et de rien, mais c’est sûr qu’il y a certaines choses qu’on a pu manquer. »

« Je trouve ça triste parce que [l’un des jeunes], j’étais censé le voir jeudi, le jour où il est décédé, mais il n’est pas venu. Le lendemain, j’ai su ce qu’il s’était passé. »

Pour beaucoup, la délinquance est également un moyen de fuir le foyer, où le dialogue est parfois rompu avec les parents. Avec son projet, c’est un lieu d’évasion, sécurisé et attentif, que DOD Basketball se donne pour mission d’offrir aux jeunes.

1. Lisez « Coups de feu à Montréal : les deux adolescents suspects pourraient avoir agi dans le cadre d’une initiation »

1 « J'aime »

D’ici 2040, le nombre de Québécois âgés de 80 à 89 ans va doubler. Ces aînés, ce sont nos parents ou nos grands-parents dont nous voulons prendre le plus grand soin. Mais en ce moment, nous sommes loin d’être prêts. Très loin.

Résumé

Soins aux aînés Au lieu de réaménager les chaises sur le pont du Titanic

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« Au lieu d’investir une fortune pour bâtir des maisons des aînés, il est temps de prendre un grand virage vers les soins à domicile », affirme notre éditorialiste.


Stéphanie Grammond
Stéphanie Grammond La Presse

Ce n’est pas en réaménageant les chaises sur le pont du Titanic que le Québec surmontera la vague des soins aux aînés qui approche dangereusement vite.

Publié à 1h31 Mis à jour à 5h00

Partager

Rassurez-vous, il n’est pas trop tard pour donner un coup de barre. Une étude toute fraîche de la Chaire de recherche Jacques-Parizeau en politiques économiques de HEC Montréal trace d’ailleurs la direction à suivre1. Et la ministre responsable des Aînés, Sonia Bélanger, a l’intention d’agir.

Vingt ans après la politique « Chez soi : Le premier choix », il est « clair qu’on doit regarder la structure de nos soins à domicile au Québec », a-t-elle affirmé la semaine dernière, en laissant espérer des annonces majeures bientôt.

Souhaitons qu’elle n’accouchera pas d’une souris, car les espoirs sont grands. Les enjeux aussi.

D’ici 2040, le nombre de Québécois âgés de 80 à 89 ans va doubler. Ces aînés, ce sont nos parents ou nos grands-parents dont nous voulons prendre le plus grand soin. Mais en ce moment, nous sommes loin d’être prêts. Très loin.

Le plus récent rapport de la commissaire à la santé et au bien-être2 a sonné l’alarme : en continuant sur la trajectoire actuelle, il faudrait construire 2500 places en maison des aînés chaque année d’ici 2040. On n’y arrivera jamais ! La Coalition avenir Québec (CAQ) n’a pas réussi à en bâtir autant… en six ans.

Faute d’hébergement, ces personnes en perte d’autonomie occuperont des lits sur les étages des hôpitaux, ce qui empêchera d’y transférer les patients coincés sur des civières aux urgences, où l’attente est encore pire (17 h 26 min en moyenne) qu’avant la pandémie, comme le démontrait notre palmarès annuel publié lundi dernier3.

Au lieu d’investir une fortune pour bâtir des maisons des aînés, il est temps de prendre un grand virage vers les soins à domicile. Ça coûte beaucoup moins cher. Et ça correspond davantage aux aspirations des aînés dont la santé se détériore moins vite en restant dans leur milieu de vie.

À l’heure actuelle, de 20 à 30 % de la clientèle des CHSLD a des besoins modérés et pourrait être prise en charge autrement (on parle de profils 8 à 10, sur une échelle allant jusqu’à 14). C’est la croissance de cette cohorte qui fait qu’on doit construire énormément de places.

Pour vous donner une idée, une personne avec un profil 8 a besoin d’aide pour les tâches domestiques (repas, ménage), a des problèmes de mobilité (pour se lever, se laver, s’habiller) et a des troubles cognitifs modérés… tout en étant capable de vivre à la maison avec une aide appropriée.

« La philosophie au Québec fait en sorte qu’on n’est même plus capable de s’imaginer des services suffisants pour les garder à la maison, comme on le fait en Europe ou au Japon », déplore le Dr Réjean Hébert, coauteur de l’étude.

En ce moment, à peine 10 % des besoins en soutien à domicile sont comblés. Québec finance deux heures de soins par semaine, en moyenne. Ne vous demandez pas pourquoi les gens font la file pour le CHSLD.

Comme société, en avons-nous pour notre argent ? Non. Est-il possible d’obtenir de meilleurs soins, sans augmenter les coûts ? Absolument. C’est l’exercice auquel se sont prêtés les chercheurs de la Chaire en activant différents leviers. Un outil interactif permet d’ailleurs aux internautes de faire leurs propres scénarios4.

En augmentant le niveau de service jusqu’à 10 ou 24 heures par semaine, selon les besoins, les experts estiment qu’il en coûterait environ 50 000 $ pour épauler un aîné à la maison. C’est bien moins qu’en CHSLD (environ 125 000 $) ou en maison des aînés (environ 150 000 $).

La beauté de l’opération, c’est qu’elle peut se réaliser à coûts nuls par rapport à la trajectoire actuelle, puisque la hausse des soins à domicile permettrait de réduire le nombre de places à construire.

Pour optimiser le système, les chercheurs proposent aussi d’autres actions qui méritent une analyse attentive :

  • Hausser la contribution de l’usager en CHSLD (actuellement à 2142,30 $ par mois pour une chambre individuelle, pour ceux qui ont les moyens) afin qu’elle couvre au moins l’hébergement (logement, repas, loisirs, etc.). Mais attention de ne pas exacerber les iniquités que le Protecteur du citoyen a déjà dénoncées.
  • Faire davantage appel au privé et aux organismes à but non lucratif dont les interventions en soins à domicile coûtent environ 65 % de moins qu’au public. Cela dit, l’État devrait payer la note et s’assurer que les services reçus répondent aux standards. Un guichet unique pour aider les gens à s’y retrouver est aussi de mise.
  • Réduire les frais de construction des maisons des aînés, qui coûtent pratiquement 1 million par chambre. Faut-il vraiment une salle à manger et un salon où il fait bon jouer aux échecs si on focalise sur une clientèle en lourde perte d’autonomie ?

Pensons-y rapidement, sinon nous allons tous ressentir le poids du manque criant de services, les aînés comme les proches aidants, le plus souvent des femmes.

« Si nos enfants nous voient agir de la sorte avec nos parents, on se demande comment ils vont nous traiter quand ça va être notre tour », dit Pierre-Carl Michaud, coauteur de l’étude.

Le bateau va couler si on ne fait rien. L’heure est venue de changer de cap. Pour vrai.

1. Consultez l’étude Horizon 2040 : projection des impacts du soutien à l’autonomie au Québec 2. Consultez le rapport de la Commissaire à la santé et au bien-être Bien vieillir chez soi – tome 4 : une transformation qui s’impose 3. Lisez le dossier « Quinzième palmarès des urgences de La Presse : pire qu’avant la pandémie » 4. Consultez l’outil interactif d’Horizon 2040

En savoir plus

  • 11,8 %
    Proportion des lits d’hôpitaux du Québec occupés par des personnes qui attendent une place en CHSLD ou des soins à domicile

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux

3 articles

La Presse à Portland Opioïdes : les leçons de l’Oregon

C’est l’histoire de Portland, une ville à l’avant-garde progressiste, dans un État où la possession de « drogues dures » a été décriminalisée il y a quelques années. C’est une histoire remplie d’espoir, mais qui a tourné au cauchemar. Les autorités sont dépassées par la crise du fentanyl. Et les ravages sont énormes, constate notre chroniqueur Yves Boisvert.

Publié à 5h00

Résumé

Portland-la-progressiste fait marche arrière

PHOTO AMANDA LUCIER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des hommes consomment de la drogue dans une rue de Portland, en juin dernier.


Yves Boisvert
Yves Boisvert La Presse

(Portland, Oregon) Est-ce bien le même Ted Wheeler qui est devant nous ?

Publié à 5h00

Partager

Le maire de Portland avait atteint une notoriété nationale en 2020, quand Donald Trump avait envoyé la police fédérale mettre de l’ordre dans sa ville, où les manifs et les émeutes se succédaient jour après jour. À la 55e journée de manifestation après que des policiers ont tué George Floyd, le maire Wheeler était lui-même aux premières lignes quand les agents fédéraux ont envoyé les gaz lacrymogènes.

Peu de temps après, citant son « privilège blanc » et le racisme systémique, il annonçait un « définancement » de la police – une diminution de 6 % du budget et des effectifs.

PHOTO NOAH BERGER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Juillet 2020 : le maire Ted Wheeler s’adresse à des manifestants lors d’un rassemblement lié au mouvement Black Lives Matter, à Portland.

Le même maire, il y a 10 jours, renouvelait sa promesse d’embaucher… 300 policiers à Portland.

Sur une force de 800 agents de la paix, c’est une augmentation de 37,5 %.

Le chiffre, promis depuis trois ans, est ahurissant et franchement irréaliste. Même avec la promesse d’un « bonus de signature » de 25 000 $ pour certains policiers, le recrutement tarde.

Mais ça en dit long sur le virage spectaculaire d’une ville à l’avant-garde progressiste américaine qui veut envoyer un message de sécurité et d’ordre.

Que s’est-il donc passé ? Il s’est passé une augmentation de la criminalité, dont une montée en flèche du nombre d’homicides. Il s’est passé l’installation désordonnée de centaines de tentes, et de gens qui trouvent refuge dans les entrées de commerces, d’immeubles.

PHOTO AMANDA LUCIER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Itinérants ayant trouvé refuge dans l’entrée d’un immeuble dans le centre-ville de Portland, en décembre dernier

Il s’est passé une désertion commerciale du centre-ville, devenu un marché ouvert de vente et de consommation de tout ce qui se fume, s’injecte et se renifle.

Car depuis 2021, à la suite d’un vote populaire, la possession de « drogues dures » a été décriminalisée en Oregon. À peu près au moment où le fentanyl commençait à faire des ravages.

Une « énorme erreur », dit maintenant le maire Wheeler, avec à peu près tous les politiciens des deux partis.

En avril, l’Oregon a d’ailleurs carrément annulé cette réforme vantée comme visionnaire il y a trois ans à peine.

Un peu comme deux savants barbouillés sortant d’un laboratoire enfumé après une expérience ratée, le maire Wheeler et la gouverneure Tina Kotek se sont donc présentés devant les journalistes il y a 10 jours, à Portland.

Ils faisaient le bilan le plus optimiste possible des « 90 jours d’état d’urgence pour la crise du fentanyl », déclarés en février. Chaque matin à 8 h pendant ces trois mois, un groupe de travail faisait le point sur les opérations : plus de présence policière « positive », enquête sur les surdoses, nettoyage des graffitis, cliniques mobiles de désintox, meilleur éclairage, enquêtes sur les revendeurs…

Le maire a vanté les meilleures statistiques de criminalité. Les fusillades ont diminué. Les homicides aussi : 73 l’an dernier, comparativement à 97 l’année précédente. Mais on déplorait 36 meurtres en 2019, déjà le plus haut nombre depuis 15 ans.

PHOTO AMANDA LUCIER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

La gouverneure de l’Oregon, Tina Kotek, et le maire de Portland, Ted Wheeler, lors d’une conférence de presse en décembre dernier

Cette ville est encore en choc post-traumatique.

L’Oregon, et plus particulièrement Portland, est devenu l’exemple à ne pas suivre un peu partout en Amérique du Nord. À droite, où l’on pense trouver ici la preuve que la décriminalisation des drogues déresponsabilise les individus et conduit directement au chaos social. Et à gauche, où l’on dit que le problème n’est pas la décriminalisation, mais le manque de cohérence des politiques : il ne suffit pas de ne plus envoyer les gens en prison, encore faut-il leur offrir des services.

La décriminalisation n’était pas un projet porté par un parti politique, bien que plusieurs démocrates y étaient favorables. C’était une initiative de la Drug Policy Alliance, un organisme qui dénonce les effets dévastateurs de la « guerre contre la drogue » menée par les Américains depuis des années à coups de milliards, et sans succès. L’organisme, soutenu par George Soros, a obtenu suffisamment de signatures d’une pétition pour faire inscrire la « mesure 110 » sur le bulletin de vote en 2020.

Sur papier, la proposition était séduisante : on ne règle rien en faisant des usagers des criminels, après tout. On utilise les ressources de la police, des tribunaux et des prisons en pure perte. Mieux vaut les diriger vers des services sociaux et des « traitements ». On cite l’exemple du Portugal, où les services sociaux ont bien intégré cette réalité depuis 2001. On prévoyait d’utiliser les profits de la vente de cannabis, légal depuis 2015 ici, pour financer les programmes sociaux.

Ça semblait non seulement empathique, mais autofinancé !

Les électeurs ont voté à 58 % en faveur de la mesure appelée joliment « loi sur la dépendance à la drogue et la guérison ». La simple possession de drogues « dures », jusque-là passible d’une peine de prison de six mois, devenait un délit mineur entraînant une amende de 100 $.

Sauf que les États-Unis ne sont pas le Portugal, et même en Oregon, les soins de santé ne sont pas étatisés. Les services de soutien qui devaient être mis en place ne l’ont pas été, ou du moins pas assez. Et… le fentanyl a aggravé la situation.

Le nombre de morts involontaires dues aux opioïdes est passé de 472 à 1049 entre 2020 et 2023. Le rythme n’a pas ralenti cette année, d’où l’état d’urgence qui s’achève, bien que l’urgence soit toujours présente…

Les partisans de la décriminalisation ont insisté pour dire que l’augmentation des surdoses mortelles – bien réelle – n’avait rien à voir avec la décriminalisation. On voit des courbes de mortalité comparables dans la majorité des grandes villes en Amérique du Nord. Et ce n’est pas l’absence de sanction pénale des consommateurs de drogue qui est la cause de la criminalité, arguent-ils.

Ajoutons que la crise du logement et les évictions, qui ont mené bien des gens à la rue, n’ont pas de lien avec la mesure 110.

Sauf que le spectacle quotidien de la dégradation de Portland, quelle qu’en soit la cause profonde, a fait tourner le vent. La mesure est devenue extrêmement impopulaire.

« Il n’y a aucun doute que la réputation de la ville a été affectée », me dit Tim Knopp, un natif de Portland qui était jusqu’au printemps leader républicain au Sénat de l’Oregon.

PHOTO AMANDA LUCIER, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Campements de sans-abri à Portland, en octobre dernier

« Portland était comme une poubelle en feu aux nouvelles nationales, les gens ne veulent plus aller au centre-ville, se font harceler par des gens intoxiqués, les voitures sont défoncées, il y a des vols… Il y a cinq ans, c’était une ville très sécuritaire. C’est bien beau, le traitement sur demande, il faut l’offrir, mais comment penser que des gens qui sont complètement partis vont avoir le jugement pour faire ce choix ? C’est un peu ridicule. L’investissement en santé mentale, nous sommes d’accord, mais il faut un incitatif pénal à suivre des traitements. »

Ce qui passait pour un point de vue conservateur il n’y a pas si longtemps est maintenant le consensus politique dans l’État, où l’annulation pure et simple de la mesure a été adoptée de manière bipartisane.

La « recriminalisation » sera en vigueur en septembre. Mais ce qui saute déjà aux yeux, c’est à quel point les autorités sont dépassées par la crise du fentanyl, légal ou pas. Le niveau de soins médicaux requis est énorme, parce que les ravages sont énormes. Les services sociaux aussi sont débordés.

« S’il y a un lit de traitement ouvert quelque part, je veux le savoir ! » a dit le maire, pour donner l’impression qu’il est à peu près en contrôle de cette ville un peu sonnée, un peu buzzée.

À noter que je publie sur ce phénomène à titre d’information objective seulement, non à titre d’adepte.


Le grand retour de l’ésotérisme

Il est parmi nous depuis l’Antiquité. Les hippies l’ont popularisé dans les années 1960. Et il a explosé dans les années 1980, l’époque du Nouvel Âge. Quarante ans plus tard, l’ésotérisme – astrologie, tarot, numérologie, lithothérapie, voyance – fait un grand retour, propulsé par l’immense force des réseaux sociaux. La Presse vous entraîne dans ce monde (plus tout à fait) parallèle.

Publié à 5h00

Résumé

Vie et mort d’une (fausse) sorcière

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Isabelle Buron, alias Stella Lerouge

Sur la vidéo diffusée sur TikTok, une jolie rousse à lulus brandit une feuille de laurier séchée. « C’est le temps d’aller chercher la feuille de laurier qui traîne dans ton garde-manger. On va écrire une intention. » Stylo en main, elle s’exécute. Et puis, tout sourire, elle enflamme la feuille. « La fumée dégagée va servir de messager à ton intention. »

Publié à 5h00

Partager


Katia Gagnon
Katia Gagnon La Presse


Daphné Cameron
Daphné Cameron La Presse


Maryse Tessier
Maryse Tessier La Presse


Photos : Martin Tremblay
Photos : Martin Tremblay La Presse

Prétexte de la publication : c’est le 29 février, une journée où « les portes qui séparent la vie réelle et spirituelle sont grandes ouvertes, les énergies de manifestation sont donc très actives ». Total de vues pour la vidéo : plus de 31 000, 648 J’aime et 145 partages. De plus, 239 abonnés l’ont placée dans leurs favoris.

Un autre petit succès pour Stella Lerouge, qui se présente sur ses comptes TikTok et Instagram comme une « sorcière moderne », adepte du tarot et de l’astrologie et « exploratrice de mystères ».

Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos

Au fil de ses trois mois d’existence, Stella Lerouge a parlé du pouvoir des astres et tiré au tarot, jasé des pierres semi-précieuses et concocté des potions. Elle a gagné un nombre respectable d’abonnés – près de 2500 sur les deux plateformes – et frappé quelques coups de circuit. Son plus gros – 65 500 vues – incitait les internautes à se connecter sur « l’énergie d’Aphrodite ». Entre autres succès : une vidéo sur les propriétés « protectrices » du sel (14 000 vues), une visite au Dollarama (23 000 vues), et une vidéo sur les produits ménagers « sains » (presque 24 000 vues).

Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos

Et que disait exactement cette sorcière version 2024 sur ses réseaux sociaux ? Réponse franche : absolument n’importe quoi. Stella Lerouge n’a aucune connaissance en astrologie, en tarot ou dans toute autre discipline de type ésotérique.

En fait, elle n’existe pas.

Elle a été créée de toutes pièces avec le concours d’Isabelle Buron, une employée de La Presse qui s’est prêtée au jeu, et de publications rédigées, la plupart du temps, avec l’aide de ChatGPT. Ou alors, comme l’histoire du laurier, basées sur… rien du tout.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le tarot, l’une des spécialités de notre fausse sorcière

C’est en glanant des informations éparses sur le web ou d’autres comptes qu’Isabelle Buron, qui incarnait notre sorcière, a appris les grandes lignes du tarot et de l’astrologie ou des pratiques de sorcellerie… en même temps qu’elle donnait des cours sur les réseaux sociaux.

Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos

Cette série de quatre vidéos de « cours » de tarot a généré plus de 2200 vues. Ces vidéos – assez longues – n’avaient que peu de chances de devenir virales, mais elles ont suscité un grand engagement.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Les journalistes Daphné Cameron et Katia Gagnon, lors d’une séance photo pour le compte de Stella Lerouge

Pourquoi avoir fabriqué un tel personnage ? Afin d’illustrer les risques de dérives qui sont manifestes depuis que les réseaux sociaux ont donné un nouvel envol aux disciplines de type ésotérique, qui sont plus populaires que jamais, notamment chez les milléniaux et la génération Z.

La tendance #sorcières est notamment très forte sur ce genre de plateforme. Tapez ce mot-clé, en français ou en anglais, et vous vous retrouverez rapidement noyé dans des milliers de comptes de « sorcières 2.0 », qui fabriquent de l’eau de lune, prennent des bains rituels ou commentent la rétrogradation prochaine de Mercure.

En 2020, 24 % des Canadiens âgés de 18 à 35 ans croyaient « assurément » à l’astrologie contre 13 % dans l’ensemble de la population, montre un sondage réalisé par la firme Research Co.

« En bâtissant ma communauté, en échangeant avec mes abonnés, je me suis rendu compte qu’il était tellement facile d’utiliser l’intelligence artificielle pour être crédible », relate notre collaboratrice Isabelle Buron.

1/3

Ça devenait épeurant. J’ai été accueillie dans la communauté sans problème et considérée comme une source digne de confiance très rapidement.

Isabelle Buron, alias Stella Lerouge

La tendance ésotérique a commencé à prendre forme autour de 2018 sur les réseaux sociaux, avec la formation de groupes qui connectaient sur un thème commun, observe la chercheuse Megan Bédard, spécialisée en culture populaire et doctorante en sémiologie à l’UQAM. Mais depuis l’essor d’Instagram et de TikTok, « c’est vraiment le witch talk qui ressort sur les réseaux sociaux ».

1/3

Les sorcières sont tellement populaires qu’on trouve sur l’internet de nombreux « générateurs » de noms de sorcières, que nous avons d’ailleurs utilisés pour baptiser notre personnage. Notre fausse sorcière a utilisé toutes les tendances, les musiques et les mots-clés à la mode pour mousser son compte.

Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos

Le photojournaliste Martin Tremblay a réalisé les images de notre faux compte, avec l’aide de quelques accessoires dénichés dans des boutiques ésotériques, plumes, cristaux et autres, utilisant dans certains cas le logiciel de création d’images Midjourney. Pour faire valoir le compte sur Instagram, nous avons tenté d’acheter des abonnés, mais la plateforme les a repérés – et éliminés.

1/4

1/5

Or, s’ils sont la plupart du temps inoffensifs, ces comptes aussi sont des terrains de chasse très fertiles pour les charlatans en tout genre, qui ciblent ainsi les internautes pour leur proposer des lectures de tarot ou des cartes du ciel personnalisées. Moyennant paiement, évidemment. Stella Lerouge et certains de ses abonnés ont rapidement été la cible de ce genre de sollicitation pressante.

Dans le cadre de ce reportage, nous avons aussi créé un compte Instagram sous un autre pseudonyme où nous nous sommes abonnés à plus de 200 influenceurs qui publient du contenu ésotérique. Rapidement, de nombreuses personnes ont commencé à nous écrire pour nous offrir leurs services de médium. En règle générale, elles ne provenaient pas des comptes auxquels nous nous étions abonnés.

« Tu as des esprits sombres qui te suivent partout, c’est la raison pour laquelle tu as rencontré tant de difficultés dans la vie », nous a écrit une personne après nous avoir demandé une photo des lignes de notre main. Coût pour poursuivre la discussion en vidéo : 65 $.

« J’ai lu votre nom et j’ai ressenti une forte connexion et une énergie qui vous a été transmise par le royaume de l’univers. Aimeriez-vous que je vous considère pour une lecture intuitive ? », nous a écrit une femme se décrivant comme un « corbeau mystique ». Services offerts en échange d’un don entre 10 et 15 $ : « faire revenir son ex » et lancer des sorts d’amour.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le concours pour gagner des tirages de tarot lancé par Stella Lerouge a suscité un certain engouement.

Avant de « mourir », Stella Lerouge a d’ailleurs lancé un concours pour gagner des tirages de tarot. La vidéo a été vue par plus de 6000 personnes et a suscité nombre de commentaires et de félicitations. Une cinquantaine de personnes se sont officiellement inscrites au tirage, qui n’a évidemment jamais eu lieu.

Éventuellement, comme beaucoup d’astrologues ou de tarologues le font, notre sorcière aurait très bien pu commercialiser ses services avec une application qui permet aux internautes de payer. Au fil des semaines, des abonnés ont d’ailleurs cru à ses « connaissances » en ésotérisme, au point de solliciter ses conseils sur toutes sortes de sujets.

« Quelle méditation choisir sur YouTube afin de connecter avec Aphrodite ? », demande notamment une internaute après une publication sur « l’énergie » de la déesse grecque de l’amour. « Est-ce que ça marche pour un jour d’essai ? », demande un autre abonné après une publication où notre sorcière glissait une carte de tarot sous son oreiller la veille d’une présentation importante. « C’est vraiment très bien expliqué. Je republie », affirme une autre abonnée après un « cours » donné par Stella. « Vous semblez très compétente dans votre domaine », écrit un internaute après une vidéo sur le mauvais œil.

Inoffensives, ces sorcières du web ?

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La chercheuse Mégan Bédard, de l’UQAM, spécialiste en culture populaire et doctorante en sémiologie

Les sectes se sont bâties autour de croyances comme ça. Donc oui, il y a une possibilité de pente glissante.

Megan Bédard, chercheuse spécialisée en culture populaire et doctorante en sémiologie à l’UQAM

« On peut aussi tomber dans des rabbit holes de conspiration. Mais c’est quand même rare. Cela dit, dans un moment de vulnérabilité, le risque existe, notamment parce qu’il y a une intensification du partage des croyances avec les réseaux sociaux. C’est facile d’aller regarder quelques vidéos de witch talk et, ensuite, d’être littéralement inondé de contenu semblable par l’algorithme. »

L’expérience

Les comptes de Stella Lerouge sur Instagram et TikTok ont été créés à la mi-janvier et ont été actifs jusqu’à la fin d’avril. En aucun temps, notre personnage n’a donné de conseils personnalisés ou fait de prédictions à des internautes. Nous avons fermé les comptes au début de mai, après avoir contacté chacune des personnes qui avaient participé à notre tirage final, pour leur expliquer qu’il s’agissait d’un faux compte, et donc, d’un faux concours.

À l’occasion, Dialogue invite une personnalité à faire connaître son point de vue sur un enjeu ou une question qui nous touche tous. La journaliste et animatrice Noémi Mercier s’intéresse aujourd’hui aux données statistiques du dernier recensement canadien et à ses implications identitaires.

Publié à 1h22 Mis à jour à 6h00

Noémi Mercier

Noémi Mercier Journaliste et animatrice, collaboration spéciale

Il s’est produit quelque chose de curieux entre les deux derniers recensements de la population canadienne. Le nombre de personnes qui s’identifient comme Québécoises d’origine a quintuplé !

Résumé

L’identité québécoise n’est pas en voie d’extinction

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

« J’aime croire que l’identité n’est ni un fossile ni un carcan. Elle est poreuse et souple, sensible aux circonstances, ouverte aux quatre vents », affirme notre chroniqueuse.

À l’occasion, Dialogue invite une personnalité à faire connaître son point de vue sur un enjeu ou une question qui nous touche tous. La journaliste et animatrice Noémi Mercier s’intéresse aujourd’hui aux données statistiques du dernier recensement canadien et à ses implications identitaires.

Publié à 1h22 Mis à jour à 6h00

Partager

Noémi Mercier

Noémi Mercier Journaliste et animatrice, collaboration spéciale

Il s’est produit quelque chose de curieux entre les deux derniers recensements de la population canadienne. Le nombre de personnes qui s’identifient comme Québécoises d’origine a quintuplé !

Pardon ? L’identité québécoise, dont l’extinction redoutée justifie de plus en plus de politiques, alimente de plus en plus de discours, loin de battre en retraite, aurait fait un bond de géant en cinq ans ?

J’ai trébuché par hasard sur cette donnée, enfouie dans une publication sur la diversité ethnoculturelle au pays ⁠1. En cherchant à comprendre de quoi il retourne, j’ai plongé dans une quête statistico-existentielle qui m’a amenée à repenser la notion même d’identité – celle qui occupe une place grandissante dans le débat public, et celle, plus intime, avec laquelle je jongle dans mon for intérieur.

La manière dont on se raconte d’où l’on vient et les épithètes qu’on choisit pour affirmer qui l’on est sont éminemment personnelles. Elles sont aussi malléables. Elles évoluent continuellement selon le milieu dans lequel on baigne, le climat sociopolitique et même la façon dont la question nous est posée.

Permettez-moi un détour par la petite histoire de l’identité « canadienne », fort instructive à cet égard.

Longtemps, la part de la population qui revendiquait des origines canadiennes était si infime que Statistique Canada ne la comptabilisait même pas. La majorité des citoyens continuaient de se référer à leurs racines européennes, même si elles remontaient à la colonisation. Le vent a tourné au début des années 1990. D’un maigre demi-pour cent lors du recensement de 1986, la proportion de « Canadiens d’origine » a grimpé à… 31 % en 1996, puis à plus de 40 % en 2001, avant de redescendre autour d’un tiers lors des cycles suivants ⁠2.

Contexte et détail technique

Deux facteurs ont pu éveiller cet élan identitaire, selon les spécialistes qui l’ont décortiqué⁠3. D’abord, le contexte sociopolitique : devant la perspective d’une société de plus en plus métissée, et vu la montée du mouvement souverainiste consécutive à l’échec de l’accord du lac Meech, davantage de Canadiens ont voulu manifester leur adhésion à une nation commune. (Un quotidien de droite a même organisé, en 1991, une campagne intitulée « Count Me Canadian ! » pour inciter les gens à se déclarer « canadiens » dans le recensement.) Puis, une subtilité méthodologique a aussi changé le cours des choses : à partir de 1996, le mot « Canadien » est apparu dans la liste d’origines citées en exemples dans le formulaire. Les conditions étaient réunies pour qu’un plus grand nombre se reconnaisse dans cette étiquette, et l’adopte pour se définir.

Il y a peut-être de ça, aussi, derrière la soudaine multiplication du nombre de « Québécois d’origine » : un contexte nouvellement favorable à l’expression de la « fierté » québécoise ⁠4, jumelé à un détail technique.

En 2021, Statistique Canada a remplacé les exemples qui étaient inclus directement dans le questionnaire (on jugeait qu’ils orientaient les réponses) par un hyperlien donnant accès à une liste de 500 origines possibles. Parmi celles-ci figurait le mot « québécois », qui n’avait jamais auparavant été proposé comme exemple. Tout à coup, presque 1 million de personnes se sont saisies de cette appellation ; cinq ans plus tôt, elles étaient moins de 200 000. Et c’est ainsi que « Québécois » s’est hissé au troisième rang des origines les plus souvent citées au Québec, derrière « Canadien » et « Français ». En 2016, elle n’était que la huitième⁠5.

Pour moi, s’il y a une conclusion à tirer de ces données changeantes, c’est que notre conception de l’identité est bien étroite, bien rigide. J’aime croire que l’identité n’est ni un fossile ni un carcan. Elle est poreuse et souple, sensible aux circonstances, ouverte aux quatre vents.

Ethnicité

Je n’étais pas au bout de mes surprises dans ma quête statistico-identitaire. Si certains repensent leurs origines, d’autres se ravisent à propos de leur ethnicité, c’est-à-dire le fait d’appartenir à la majorité blanche ou à une minorité visible. Il y a quelques années, deux chercheuses ont entrepris de comparer les réponses qu’ont fournies 1 million d’adultes dans deux recensements successifs, en 2006 et 2011. En l’espace de cinq ans, presque un Canadien sur dix avait changé de groupe ethnique ⁠6 !

Les personnes mixtes étaient les plus susceptibles de changer d’avis. Souvent, après avoir coché deux cases en 2006, elles n’en retenaient qu’une des deux en 2011, ou vice versa. Par exemple, 57 % des gens qui se sont déclarés « Blancs et Noirs » une année ont offert une réponse différente l’autre année ; 80 % de ceux qui se sont dits « Blancs et Latinos » et 81 % de ceux qui se sont dits « Blancs et Arabes » ont aussi modifié leur réponse entre les deux recensements.

Leur choix dépendait notamment de leur lieu de résidence : les gens avaient tendance à épouser l’ethnicité de leurs voisins.

Ainsi, quelqu’un né d’un père blanc et d’une mère noire sera plus porté à se décrire comme noir s’il vit dans un secteur où d’autres ont cette couleur de peau. L’identité n’existe pas en vase clos ; on a parfois besoin du miroir des autres pour la reconnaître en soi.

On fait tous l’expérience de ces fluctuations lorsqu’on voyage : on peut se sentir plus montréalais que jamais à Baie-Comeau, résolument québécois à Toronto et foncièrement canadien au Texas. Chez les gens qui vivent à cheval entre plusieurs cultures, ces va-et-vient peuvent même être quotidiens.

Une professeure de l’UQAM spécialisée en psychologie interculturelle, Marina Doucerain, a demandé à une centaine de personnes issues de l’immigration de consigner, dans un journal de bord, les allégeances culturelles qui les habitaient à divers moments de la journée. Les volontaires se sont attribué en moyenne cinq identités distinctes (comme « Montréalais », « Asiatique » ou « Sino-Canadien »), et ils alternaient de l’une à l’autre en fonction de leur interlocuteur, du lieu où ils se trouvaient ou de ce qu’ils étaient en train de faire⁠7.

Pour Marina Doucerain et d’autres spécialistes de cette école de pensée, il n’y a rien à déplorer ici. Ces allers-retours ne sont pas forcément le signe d’une intégration inachevée ou d’une ambivalence à corriger. À leurs yeux – et j’avoue que cette idée m’est d’un grand réconfort –, c’est plutôt le reflet de la nature même de l’identité. Une valse perpétuelle entre différentes partitions, qui se chevauchent et s’entrecoupent et se recomposent, sans pour autant s’effacer.

Comment on mesure l’identité

Statistique Canada s’y prend indirectement pour mesurer l’identité. Le recensement ne nous demande pas de dire à quelle culture on a le sentiment d’appartenir ou à quelle communauté on est le plus attaché, par exemple. On nous invite plutôt à nommer « les origines ethniques ou culturelles de nos ancêtres ».

Cette question en apparence simple laisse à chacun énormément de latitude pour décrire son héritage culturel. Les « origines » peuvent faire référence à des pays, des régions, des nations autochtones ou des religions, et on peut fournir jusqu’à six réponses. Est-ce qu’un Québécois francophone, descendant des premiers colons de la Nouvelle-France, né en Gaspésie de parents acadiens, disons, inscrira de préférence « Canadien », « Français », « Canadien français », « Québécois », « Gaspésien » ou « Acadien » ? Toutes ces réponses sont valables, seules ou en combinaison, générant des centaines de configurations possibles.

Une autre question porte sur l’ethnicité. On peut cocher autant de désignations qu’on juge applicables parmi les 11 suivantes : Blanc, Sud-Asiatique, Chinois, Noir, Philippin, Arabe, Latino-Américain, Asiatique du Sud-Est, Asiatique occidental, Coréen ou Japonais. On peut aussi choisir « autre groupe » et préciser duquel il s’agit. (Les Autochtones sont exclus de cette catégorisation et n’ont pas à répondre à la question.)

1. Consultez l’article « Le recensement canadien, un riche portrait de la diversité ethnoculturelle et religieuse au pays » sur le site web de Statistique Canada

  1. Ces chiffres incluent ceux qui se disent Canadiens « tout court » et ceux qui se déclarent Canadiens en combinaison avec d’autres origines.

3. Consultez une étude de Canadian Studies in Population (en anglais) 4. Lisez la chronique « La fierté en question »

  1. L’origine canadienne, qui occupait auparavant une place privilégiée dans le questionnaire, s’est retrouvée noyée dans une liste de centaines d’autres. Résultat : en 2021, la proportion de répondants s’identifiant comme canadiens a fondu de moitié, à 16 %.

6. Consultez l’étude « Churning races in Canada : Visible minority response change between 2006 and 2011 » (en anglais) 7. Consultez une étude de l’International Journal of Intercultural Relations (en anglais)

Une chercheuse de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) tentera au cours des prochains mois de documenter l’impact de l’implantation des sites de consommation supervisée dans leur milieu, dans le but de recueillir des données probantes qui pourraient mener à un déploiement plus harmonieux et plus pertinent des prochains sites.

Ce projet pilote accordera une attention plus particulière à l’impact de ces sites sur les groupes en situation de vulnérabilité, comme les femmes, les familles monoparentales, les enfants et les nouveaux arrivants, a dit la responsable du projet, la professeure Carolyn Côté-Lussier.

2 « J'aime »

Grâce à l’exceptionnelle générosité d’un entrepreneur qui s’est bâti une fortune à partir de rien, quatre institutions montréalaises vont se partager un héritage de plus de 140 millions de dollars. L’homme d’affaires Paul Durocher a amorcé sa vie active comme mécanicien de machines à coudre pour Daignault Rolland avant de lancer de multiples entreprises et de faire fortune.

Résumé

Un don exceptionnel de 140 millions pour la santé

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

L’homme d’affaires Paul Durocher a légué 140 millions de dollars à quatre organisations liées à la santé.


Jean-Philippe Décarie
Jean-Philippe Décarie La Presse

Grâce à l’exceptionnelle générosité d’un entrepreneur qui s’est bâti une fortune à partir de rien, quatre institutions montréalaises vont se partager un héritage de plus de 140 millions de dollars. L’homme d’affaires Paul Durocher a amorcé sa vie active comme mécanicien de machines à coudre pour Daignault Rolland avant de lancer de multiples entreprises et de faire fortune.

Publié à 2h29 Mis à jour à 6h30

Partager

Paul Durocher est né à Montréal en 1929 et a eu une vie bien remplie. Après ses débuts dans l’usine qui fabriquait à l’époque des jambières et des gants de baseball, il se lance à son compte comme réparateur de machines à coudre et développe des systèmes de pôles de production pour les vêtements sur cintres.

Cette première entreprise va devenir Planiform en 1974 et elle sera rachetée plusieurs années plus tard par son neveu Claude St-Jean avec qui il s’était associé. Fait à souligner, Planiform existe toujours et distribue ses systèmes de convoyage dans plus de 150 villes à travers le monde.

Simultanément, Paul Durocher multiplie les initiatives en ouvrant un magasin de meubles, une entreprise d’entretien ménager, un nettoyeur à sec, trois stations d’essence, une entreprise de déneigement, une usine de fabrication de portes d’armoires…

Il a aussi mis sur pied en 1970 une entreprise d’importation et de distribution de vis et boulons appelée Les Attaches Reliable, qui est devenue très profitable avant qu’il rachète le fabricant montréalais de vis et d’attaches spécialisées Visqué, en 1980.

Au début des années 2000, il a vendu Les Attaches Reliable à Quincaillerie Richelieu et Visqué à une autre entreprise pour investir dans le secteur hôtelier, où il est notamment devenu copropriétaire de l’Auberge Universel de Montréal, du Clarion et du Concorde à Québec, du Aztec RV Resort et du Universal Palms Hotel à Fort Lauderdale.

« Il était un des principaux bailleurs de fonds de ces hôtels, mais il a progressivement vendu toutes ses participations pour devenir exclusivement un prêteur hypothécaire dans le domaine de l’hôtellerie, où il a été notamment le prêteur hypothécaire de l’hôtel Bonaventure », me précise son neveu, Claude St-Jean, qui est aussi le coliquidateur de la succession Paul Durocher.

C’est d’ailleurs Claude St-Jean qui m’a contacté pour me signaler que les fondations de l’Institut de cardiologie, du CHUM et du Centre hospitalier de St. Mary allaient hériter de plus de 42 millions chacune, alors que la Société de Saint-Vincent de Paul allait recevoir plus de 14 millions de la fortune de plus de 140 millions qu’a léguée son oncle, disparu en mars 2023.

Un philanthrope dans l’âme

Claude St-Jean m’a contacté parce que son oncle ne l’aurait pas fait de son vivant et qu’il n’a jamais demandé qu’on rende publics les legs importants qu’il va laisser aux quatre institutions montréalaises.

« Mon oncle n’a pas explicitement demandé que ses dons soient divulgués publiquement. À titre de coliquidateur, je trouve juste qu’on reconnaisse sa générosité exceptionnelle et je suis sûr que les fondations concernées vont rendre hommage à l’esprit dans lequel ces contributions ont été faites et qu’elles sauront mettre en valeur la grande générosité de Paul Durocher », m’explique Claude St-Jean.

M. St-Jean rappelle que son oncle était un homme discret, réservé, qui ne voulait jamais montrer sa richesse ou faire preuve d’opulence. Sans enfants, il était veuf depuis une quinzaine d’années et vivait dans un condo de l’île Paton.

« Toute sa vie, mon oncle a été philanthrope et il faisait des contributions souvent anonymes à d’innombrables causes. Il tenait à léguer des dons importants à ces quatre institutions parce qu’il voulait que cet argent serve à la recherche, à l’amélioration des soins des patients et à soulager les gens moins favorisés », souligne Claude St-Jean.

Il avait été notamment soigné et suivi à l’Institut de cardiologie de Montréal, auquel il était très attaché, et au Centre hospitalier de St. Mary où il a été opéré pour un cancer. On ignore la nature exacte de ses liens avec le CHUM, alors que son implication financière auprès de la Société de Saint-Vincent de Paul remonte à de nombreuses années.

Les 140 millions de la succession de Paul Durocher et la somme des dons qui vont être versés aux trois centres hospitaliers comptent parmi les plus importants jamais faits dans le secteur de la santé au Québec, estime par ailleurs Chantal Thomas, représentante du Trust Banque Nationale.

Il y a deux ans, sentant la fin approcher, Paul Durocher a vendu la vingtaine d’hypothèques qu’il lui restait pour faire fructifier ses avoirs par l’équipe de gestion de patrimoine de la Banque Nationale de façon à bonifier le legs qu’il souhaitait laisser aux fondations qu’il avait choisies.

Claude St-Jean souhaite maintenant que la générosité démontrée par son oncle devienne contagieuse et que de tels gestes concrets pour la communauté se multiplient à l’avenir, peu importe l’importance du don.

1 « J'aime »

J’aime bien ce genre d’histoire ou un homme d’affaire prospère décide de léguer une partie de sa fortune à des institutions montréalaises. Cela n’arrive malheureusement pas assez souvent et lorsque c’est la cas alors il est bon de le souligner.

1 « J'aime »