Société

C’est vraiment désolant de voir ce coin du centre-ville dépérir à ce point. J’ai tellement de bons souvenirs de ce secteur. Chaque fois que mon père m’amenait voir le Canadien au Forum, on allait toujours souper à l’excellent Steakhouse d’Émile Butch Bouchard qui était situé coin St-André et Montigny ( maintenant le boulevard de Maisonneuve) Je me souviens de toute la vitalité qu’on retrouvait sur la rue Ste-Catherine, les gens qui faisaient la file pour aller manger au restaurant Da Giovanni, et l’imposant magasin Archambault avec sa magnifique enseigne toute illuminée.

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Une vraie riposte à la mésinformation

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Centre de vaccination aménagé au Stade olympique, en janvier 2022


Philippe Mercure
Philippe Mercure La Presse

Si quelqu’un larguait une bombe sur le Canada qui tuait 2800 personnes, envoyait 13 000 Canadiens à l’hôpital et causait des dommages de 300 millions de dollars, le pays prendrait certainement les choses au sérieux et préparerait une riposte digne de ce nom.

Publié à 5h00

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Or, une telle bombe est tombée. Elle s’appelle la mésinformation.

Les chiffres mentionnés plus haut proviennent d’un rapport d’experts du Conseil des académies canadiennes qui se sont penchés sur les conséquences de l’hésitation vaccinale pendant neuf mois de la pandémie, entre mars et novembre 2021.

À ce moment, les vaccins contre la COVID-19 étaient offerts au pays. Mais les fausses informations qui circulaient ont empêché ou retardé la vaccination de plus de 2 millions de Canadiens.

Résultat : des hospitalisations, des morts, des coûts pour le système de santé qui se comptent en centaines de millions de dollars1.

Il est rare que l’on réussisse à quantifier ainsi les impacts de la mésinformation – un terme qui englobe autant les fausses informations propagées délibérément que celles véhiculées par inadvertance.

L’ampleur des chiffres doit nous faire réagir.

Surtout qu’ils ne représentent que la pointe de l’iceberg. L’étude du Conseil des académies canadiennes ne concerne qu’un sujet précis – l’hésitation vaccinale – pendant une période très circonscrite. Et elle n’en évalue que les coûts directs. Les retards dans les opérations provoqués par les hospitalisations évitables, par exemple, ne sont même pas comptabilisés.

Or, de fausses informations sur toutes sortes de sujets circulent abondamment, amenant les individus à faire de mauvais choix, exacerbant le clivage des discours et compliquant les interventions publiques.

Que faisons-nous contre cette menace ? Compte tenu de ses impacts, vraiment pas assez.

La lutte doit se dérouler en deux temps.

Le premier implique un travail de longue haleine. Si la mésinformation fait mouche, c’est en grande partie parce qu’une trop grande part des citoyens a perdu confiance dans les institutions comme les gouvernements et les médias.

Cette perte de confiance n’est pas toujours rationnelle. Il reste qu’un travail d’introspection s’impose. On voit trop souvent les politiciens attiser les divisions pour des raisons partisanes, un réflexe extrêmement dangereux. Même chose quand les médias choisissent de miser sur la polarisation et de laisser tomber les nuances.

La solution passe aussi par l’éducation, en premier lieu à l’école.

À plus court terme, il faut effectuer un travail ingrat et difficile : descendre dans les tranchées et combattre les fausses informations.

Certains le font avec brio, du Détecteur de rumeurs de l’Agence Science-Presse aux « vérifications des faits » de La Presse en passant par les Décrypteurs de Radio-Canada. Mais malgré le rôle crucial qu’ils jouent, les grands médias ne rejoignent malheureusement pas la frange la plus radicale des mal informés.

Depuis le début de la pandémie, l’un de ceux qui combattent la mésinformation avec le plus d’efficacité est Mathieu Nadeau-Vallée. Surnommé le « doc de TikTok », il intervient sur les réseaux sociaux et y combat les faussetés par les faits, encaissant les coups qui pleuvent invariablement quand on fréquente de tels terrains.

Mathieu Nadeau-Vallée est un électron libre, ce qui lui donne l’avantage de ne pas être associé aux institutions frappées par la perte de confiance. Mais cette indépendance vient avec un revers : même si sa page Facebook est gérée par une équipe de bénévoles, il reste un étudiant en médecine qui fait ce qu’il peut pendant ses temps libres.

Face aux algorithmes conçus pour favoriser la propagation des fausses nouvelles sur les réseaux sociaux, le combat est donc bien inégal.

Ce qui se rapproche le plus d’un effort concerté est l’initiative La Science d’Abord, de l’Association canadienne des centres de sciences.

On y trouve des capsules facilement partageables sur les réseaux sociaux tant en français qu’en anglais – certaines sont même traduites en farsi, en hindi et en d’autres langues.

COVID-19, environnement, vaccins, santé mentale : les sujets abordés sont nombreux et le contenu scientifique est révisé par un groupe d’experts. L’initiative implique de nombreuses organisations dont les Instituts de recherche en santé du Canada, principal organisme subventionnaire fédéral de la recherche en santé2.

Voilà exactement le genre d’initiative qui doit recevoir plus de soutien et de diffusion.

Le rapport montre aussi qu’il existe toute une science sur ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins quand vient le temps de rectifier les faits et de convaincre des gens. Cette science a aussi grand besoin d’être mieux connue et diffusée.

Il n’y a pas une réponse unique à la mésinformation. Mais la lutte doit être menée avec plus de moyens et de façon mieux coordonnée qu’actuellement.

Comme l’affirme avec justesse le président du comité d’experts Alex Himelfarb dans l’introduction du rapport, on ne peut espérer venir à bout des énormes défis qu’affrontent nos sociétés si on ne parvient même pas à s’entendre sur ce qui se passe.

1. Consultez le rapport du Conseil des académies canadiennes

2. Consultez le site LaSciencedAbord

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Un degré ahurissant de cupidité

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

« Selon le Rapport annuel sur les prix alimentaires publié à la fin de l’année dernière, une famille de quatre personnes dépensera 1065 $ de plus cette année pour son panier d’épicerie qu’en 2022 », souligne notre éditorialiste.


Alexandre Sirois
Alexandre Sirois La Presse

En matière de rémunération, les dirigeants des grandes entreprises se dépassent presque chaque année pour donner un nouveau sens au mot indécence.

Publié à 5h00

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L’année en cours est encore relativement jeune et pourtant, déjà, le mélange d’audace et d’inconscience qu’ils manifestent quant aux salaires et autres avantages offerts nous laisse bouche bée.

La plus récente nouvelle à ce sujet date d’il y a quelques jours.

Traumavertissement : ce que vous allez lire dans les lignes qui suivent est dérangeant, alors que se serrer la ceinture en raison de la hausse des prix à l’épicerie est devenu un sport national.

On a appris que les cinq plus hauts dirigeants de Loblaw, l’an dernier, ont eu droit à 32 millions de dollars en salaires et bonis. C’est une hausse annuelle de 52 %.

Notre journaliste Martin Vallières rapportait que le numéro deux de l’entreprise, Robert Sawyer, a vu son salaire de base passer de 666 667 $ à 1 million de dollars1. Et ce n’est qu’une petite partie de sa rémunération globale. Au total, il a empoché pas moins de 9,35 millions en 2022.

Vous avez bien lu : 9,35 millions pour cet ancien président et chef de la direction de Rona.

Et Galen Weston, le numéro un de l’entreprise ? Sa rémunération a bondi à 11,79 millions « après que des consultants engagés par la compagnie que sa famille contrôle eurent déterminé qu’il était sous-payé », a rapporté le Globe and Mail.

Ici aussi, vous avez bien lu.

« Sous-payé. »

Selon le Rapport annuel sur les prix alimentaires publié à la fin de l’année dernière, une famille de quatre personnes dépensera 1065 $ de plus cette année pour son panier d’épicerie qu’en 2022.

En lien avec ce phénomène, au Québec, les banques alimentaires rapportent un achalandage record.

Rien à ajouter, votre honneur.

En 2004, après le passage de l’ouragan Charley, la Floride a été le théâtre d’un débat sur la cupidité au sein du pays qui se veut le symbole du capitalisme.

De nombreux commerces avaient décidé de faire une interprétation stricte de la loi de l’offre et de la demande. Les sinistrés sans électricité ayant un besoin urgent de sacs de glace, de chambres d’hôtel ou d’aide pour la reconstruction ont été saignés à blanc. Les prix pour ces biens et services ont bondi. Un générateur pouvait être vendu presque dix fois plus cher que son prix habituel.

« Il faut avoir atteint en son cœur un degré ahurissant de cupidité pour être prêt à tirer profit de la souffrance d’une personne que vient de frapper un ouragan », avait alors déclaré le procureur général de l’État, Charlie Crist.

C’est le philosophe Michael J. Sandel qui raconte tout ça dans un livre intitulé Justice.

Il rappelle aussi que certains économistes ont défendu les prix abusifs. À leurs yeux, ceux-ci reflétaient simplement le prix du marché.

Ce à quoi le philosophe rétorque que défendre de façon aveugle la liberté des marchés dans de telles circonstances, c’est négliger un argument de nature morale qui figure au cœur du débat.

Il explique qu’il est normal de s’indigner face à une telle injustice.

« La cupidité est un vice, une manière d’être condamnable, en particulier quand elle a pour effet de rendre insensible à la souffrance d’autrui, écrit Sandel. Plus qu’un vice personnel, c’est un vice qui va à l’encontre de la vertu civique. Dans les moments difficiles, une bonne société serre les rangs. Les gens s’entraident ; ils ne cherchent pas à se saisir de l’occasion pour accroître au maximum leur profit. Une société dans laquelle les gens font de l’argent sur le dos de leur voisin en période de crise n’est pas une société bonne. La cupidité excessive est par conséquent un vice qu’une bonne société devrait, dans la mesure du possible, chercher à décourager. »

Les dirigeants des grandes entreprises du secteur de l’alimentation et tous ceux qui ont cautionné la hausse substantielle de leur rémunération auraient tout avantage à réfléchir à la leçon de Michael Sandel.

À leur décharge, leur secteur n’est pas le seul à valoriser la cupidité excessive.

C’est généralisé.

En janvier dernier, le Centre canadien de politiques alternatives a révélé que la rémunération des 100 PDG les mieux payés des entreprises cotées à la Bourse de Toronto a grimpé de 31 % entre 2020 et 2021.

Ces dirigeants gagnent 243 fois le salaire moyen au pays.

La tendance est lourde, et l’écart continue de se creuser au fil des ans.

Même que certaines des pratiques mises en place pour tenter d’empêcher la rémunération des dirigeants de s’envoler vers la stratosphère ont souvent un effet pervers. Le vote consultatif des actionnaires sur la politique de rémunération, par exemple.

Pour un expert comme François Dauphin, président-directeur général de l’Institut sur la gouvernance, les choses changeront seulement « quand on atteindra un niveau de sensibilisation dans la société en général ».

Les pressions exercées pour une plus grande équité « entre la rémunération des dirigeants et la rémunération dans la société ou dans l’entreprise elle-même » auront alors un effet véritable.

D’ici là, les prix exorbitants d’un steak ou d’un chou-fleur vont demeurer très difficiles à avaler.

1. Lisez l’article « 32 millions en salaires et bonis pour les patrons de Loblaw »

L’argent et le bonheur Pourquoi avoir de gros revenus ne nous rend pas meilleurs avec l’argent

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Ce n’est pas parce qu’on roule en Land Rover qu’on est nécessairement riche…

Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le mardi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement, la psychologie des investisseurs, la prise de décisions financières. Ses textes sont repris ici les dimanches.

Publié à 7h00

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Nicolas Bérubé
Nicolas Bérubé La Presse

J’ai remarqué un phénomène en matière d’épargne et d’investissement. Les gens qui ont fait de longues études, ont de gros revenus et occupent des emplois prestigieux ne sont pas meilleurs que tout le monde.

Ça m’a pris du temps avant de le comprendre.

Ça m’a pris du temps parce que c’est difficile de ne pas être intimidé par des gens qui gagnent des centaines de milliers de dollars par année.

Dans les conversations, ces personnes utilisent souvent des expressions comme « voyage de ski en Nouvelle-Zélande », « chalet au Mont-Sainte-Anne » et « rénovations plus coûteuses que prévu ». Elles se déplacent au volant de véhicules dont les pièces sont « longues à commander », et estiment que les prix des chambres d’hôtel en Europe cet été sont « complètement fous ».

Automatiquement, mon cerveau me dit : « Cette personne a compris comment fonctionne l’argent. Elle en gagne, elle en dépense, elle est riche. »

Pourtant, pratiquement chaque fois que j’ai l’occasion d’aller au-delà des apparences, j’en ressors avec les yeux gros comme des pièces de deux dollars.

J’étais persuadé d’avoir affaire à un maître Jedi de l’argent. Finalement, pas du tout.

Un ami me rapportait l’autre jour une discussion qu’il avait eue avec la responsable du financement d’un important concessionnaire de véhicules de prestige à Montréal dont je tairai l’identité.

Mon ami lui a demandé de lui décrire le client problématique type qu’elle rencontrait dans son bureau. Elle a souri, et lui a répondu : « Tu ne me croiras pas, mais mes pires clients sont souvent des médecins. »

Les médecins gagnent tellement d’argent, a-t-elle expliqué, qu’ils ne sentent pas le besoin de planifier, et s’endettent massivement au gré de leurs désirs et de leurs besoins.

Enfants au collège privé, restaurants chics, voyages au soleil : leurs cartes de crédit sont parfois tellement pleines qu’il ne reste plus de place dans leurs finances pour des choses comme la location d’un véhicule de prestige. Dans son bureau, certains médecins ont déjà été au bord des larmes en la suppliant d’approuver leur demande de prêt, a-t-elle affirmé.

Quand on gagne beaucoup d’argent et qu’on peut s’offrir presque tout ce qu’on désire, c’est facile de croire qu’on est libre financièrement.

C’est une illusion, bien sûr. Être libre financièrement, ça veut dire une chose, et une chose seulement : être maître de son temps.

Bien des gens qui ont de gros revenus ne sont absolument pas maîtres de leur temps. Ils ont besoin de leur prochain chèque de paye avec la même urgence que la personne qui gagne 30 000 $ par année.

L’auteur financier américain Ben Carlson écrivait récemment que les personnes qui gagnent beaucoup d’argent partent souvent du principe que leur réussite dans un domaine se traduira automatiquement par une réussite dans un autre domaine (comme l’investissement ou la gestion des finances).

« Malheureusement, ce n’est pas le cas, écrit-il. Je connais de nombreuses personnes fortunées qui sont de piètres investisseurs parce qu’elles sont trop sûres d’elles, ou parce qu’elles croient que leur niveau de richesse leur garantit l’accès à des moyens secrets de gagner de l’argent qui ne sont accessibles qu’aux personnes riches ou célèbres [un indice : il n’y a pas de secrets]. »

Une étude publiée en 2017 dans le Canadian Medical Association Journal a démontré que les médecins voulaient cesser de travailler à 60 ans en moyenne, mais qu’ils prenaient dans les faits leur retraite près d’une décennie plus tard, à 69 ans en moyenne, entre autres parce qu’ils n’avaient pas les moyens financiers de partir avant cet âge.

Lorsque notre œil voit un gros train de vie, il l’associe instantanément à la richesse. Or, un gros train de vie agit souvent comme un frein à l’enrichissement, car l’argent dépensé ne revient jamais et ne peut se multiplier pendant des décennies dans des placements financiers – placements que notre œil ne voit pas.

Comme l’a récemment écrit mon ami Jean-Sébastien Pilotte, auteur du blogue Le jeune retraité1 : « Le dollar placé dans des actions d’Apple il y a deux décennies a bossé dur. Il a même fait des heures supplémentaires ! Assez pour me payer un mille-feuille ET un billet d’avion Montréal-Paris. »

Jean-Sébastien ne blague pas : un dollar investi dans Apple en 2003 vaut 757 $ aujourd’hui. Mais 1 $ investi dans un produit Apple en 2003 ne vaut plus rien aujourd’hui.

Je ne veux pas donner l’impression que les gens qui ont de gros revenus n’ont pas de richesse. Au contraire, les statistiques nous montrent que plus une personne gagne un gros salaire, plus sa valeur nette, soit la somme de ses actifs moins la somme de ses dettes, est élevée.

Or, cette richesse est bien souvent enfermée dans un régime de retraite. Le problème avec le fait de se fier à son régime de retraite pour s’enrichir, c’est qu’il faut attendre après l’âge de 65 ans pour en profiter. Vous êtes épuisé et voulez ralentir la cadence ? Viser une carrière moins payante ? Travailler à temps partiel ? Sans épargne, c’est impossible : les chiffres n’arrivent tout simplement pas.

Et donc, quand le lundi matin arrive, vous n’avez pas le choix : le bureau vous attend.

En matière de richesse, il n’y a pas de raccourci. Qu’on touche un gros ou un petit salaire, qu’on roule en Land Rover ou en Toyota, la seule façon de s’enrichir est d’avoir une différence entre ses revenus et ses dépenses, et d’investir cette différence pour la faire croître à long terme.

Tout le reste n’est qu’apparence.

Parlant d’investissement, les trois premiers mois de l’année 2023 sont déjà derrière nous. Ils nous ont notamment fait vivre l’écrasement de la Silicon Valley Bank aux États-Unis, et du géant Credit Suisse en Europe. Pourtant, l’indice du S&P 500 aux États-Unis est en hausse de près de 7 % depuis le début de l’année, alors que l’indice du NASDAQ a grimpé de 16 %. La Bourse de Toronto est en hausse de près de 4 %, tandis que les actions internationales ont connu une croissance de près de 6 %.

Ceux qui ont paniqué ont perdu. La marche à suivre, encore une fois, était de fermer les yeux, de se boucher les oreilles et de rester investi. Tellement simple. Tellement difficile.

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Bon ou pas, ce vieux fond catho ?

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

« Le catholicisme a aussi engendré chez nous une culture de la solidarité qui nous distingue à l’échelle continentale », a écrit le premier ministre François Legault sur Twitter, lundi.


Isabelle Hachey
Isabelle Hachey La Presse

Attendez, j’ai dû en rater un bout. J’avais cru comprendre que la laïcité, c’était sacré, au Québec. Je pensais que nos parents avaient rejeté la religion catholique en masse, et que ce rejet justifiait notre détermination à éradiquer le religieux de l’espace public.

Publié à 5h00

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Il me semblait pourtant avoir entendu que, si les Québécois tenaient tant au principe de la laïcité, c’était parce qu’ils se rappelaient trop bien avoir vécu sous le joug de l’Église. Ça n’avait rien, mais alors rien à voir avec une quelconque frilosité ambiante. C’était historique.

Et voilà qu’en ce magnifique lundi de Pâques, le chef de la nation laïque du Québec s’est fendu d’un gazouillis ému relayant l’« Éloge de notre vieux fond catholique » pondu par le chroniqueur Mathieu Bock-Côté dans Le Journal de Montréal.

Il n’en fallait pas davantage pour mettre le feu à la twittosphère.

L’ironie était formidable. Le gouvernement de François Legault ne venait-il pas de gronder des écoles pour avoir commis un crime de lèse-laïcité en laissant des élèves musulmans prier dans des locaux vacants, sur l’heure du midi ?

Plus que de l’ironie, beaucoup y ont vu de l’hypocrisie.

Le premier ministre a-t-il gaffé ? A-t-il plutôt allumé la mèche en sachant pertinemment que le Tout-Twitter passerait son lundi de congé à s’entredéchirer ? C’est ça, diviser pour régner ?

Franchement, je n’en sais rien. Mais tenons pour acquis que Legault n’est pas Machiavel. Admettons qu’il souscrit à cette affirmation, citée dans son gazouillis : « Le catholicisme a aussi engendré chez nous une culture de la solidarité qui nous distingue à l’échelle continentale. »

J’ai demandé à un sociologue, à un politologue et à un historien si c’était bel et bien le cas. Je pensais que la réponse serait simple… mais non. Pas vraiment. Ça dépend de quoi on parle, au juste.

« Les questions qui touchent à la solidarité, aux dons et à la justice sociale, en matière de religion, c’est complexe parce que cela varie selon les indicateurs que l’on choisit, en plus de varier historiquement », prévient Martin Meunier, expert en sociologie du catholicisme contemporain au Québec et au Canada.

Aucune étude n’a pu déterminer lesquelles, des sociétés protestantes ou catholiques, étaient plus solidaires, un concept par ailleurs difficile à mesurer, ajoute le sociologue de l’Université d’Ottawa. « Chacun a raison dans son coin en prenant un indicateur plutôt qu’un autre, et en parlant d’une époque plutôt qu’une autre. »

Olivier Jacques, politologue à l’Université de Montréal, estime que François Legault a raison d’affirmer que la société québécoise actuelle est plus solidaire que d’autres. Mais pas à cause de son vieux fond catholique. Au contraire, elle pencherait vers la social-démocratie en dépit de son passé religieux.

« Ce qu’on observe clairement, c’est que l’appui à la redistribution des revenus et à l’intervention de l’État est plus élevé au Québec que dans les autres provinces », explique le politologue.

Son hypothèse, c’est que cette solidarité accrue s’expliquerait en partie par l’athéisme des Québécois.

« On sait qu’en général, l’appui envers la redistribution est plus faible chez les croyants, qui comptent sur leur Église et sur leur réseau d’entraide pour s’occuper d’eux s’ils tombent malades ou s’ils perdent leurs revenus. Les non-religieux, qui n’ont pas ce réseau, comptent sur l’État. »

Or, les Québécois sont moins croyants que d’autres sociétés nord-américaines, rappelle Olivier Jacques. Il testera son hypothèse dans un article scientifique, qu’il présentera au prochain congrès de l’Acfas.

D’ici là, une chose est sûre : la solidarité n’est pas une valeur unique au catholicisme. Le Saint-Siège n’a pas donné naissance à la social-démocratie. Et le Québec n’a pas inventé le concept d’État providence. En fait, il a plutôt été à la traîne des grands mouvements de solidarité du Canada anglais. Faut-il rappeler la mémoire de Tommy Douglas ? Rappeler que l’assurance-maladie nous vient de la Saskatchewan ?

« Maurice Duplessis a retardé de 15 ans l’avènement d’un État providence parce qu’il communiait à cette philosophie libérale où l’État doit le moins possible s’ingérer dans les questions sociales et économiques », rappelle l’historien Éric Bédard, professeur à l’Université TÉLUQ.

Le chef de l’Union nationale, premier ministre de 1936 à 1939, puis de 1944 à 1959, s’en remettait à l’Église pour assurer l’éducation, les soins de santé et le soutien aux indigents. « Dans presque toutes les sociétés occidentales, la rupture s’est faite après la Seconde Guerre mondiale. » Mais le Québec de Duplessis a résisté. Il lui faudra une révolution (tranquille) pour rattraper son retard.

Ça ne veut pas dire que le catholicisme n’a rien apporté de bon à la société québécoise. « C’est une question d’interprétation », avance prudemment Éric Bédard. Il rappelle que les caisses populaires ont été créées dans des sous-sols d’église et que des religieuses ont été des modèles de solidarité : Marguerite D’Youville, Émilie Gamelin, Marie Gérin-Lajoie…

« De grandes initiatives [religieuses] de solidarité ont permis aux Québécois d’être soignés, éduqués et pris en charge. […] Que cette société où l’Église avait un rôle si important soit devenue la plus sociale-démocrate, oui, peut-être qu’il y a un parallèle, au sens suivant : l’État a pris le relais de l’Église. »

Alors, ce vieux fond catho, c’est bon ou mauvais ?

Faites votre choix : il y en a pour tous les goûts. Au-delà de cette question aux réponses multiples, Martin Meunier ne peut s’empêcher d’observer une « instrumentalisation politique du religieux » étonnante dans le contexte du débat sur la laïcité.

Il s’étonne presque autant de la « réaction épidermique » des Québécois au tweet « somme toute insignifiant » du premier ministre.

« La simple évocation d’un caractère positif qui pourrait être attribué au patrimoine catholique est vue comme critiquable par la majorité des gens. Pour le sociologue que je suis, ça montre que le rapport des Québécois au catholicisme est loin d’être réglé… »

Intéressant article! Comme quoi le chèque de paie ne dit pas tout!

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La cohésion sociale

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

L’alimentation est la principale cause d’anxiété financière des Québécois.


Claude Pinard
Claude Pinard Président et directeur général de Centraide du Grand Montréal

La lutte contre la pauvreté est l’affaire de chacun d’entre nous. Parce que nous avons tous à y gagner.

Publié le 18 avril

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Lors d’une entrevue à la radio, on m’a posé une question désarmante de simplicité : pourquoi les gens qui ne sont pas dans le besoin devraient-ils se soucier de ceux qui le sont ?

J’ai répondu que nous souhaitons tous vivre dans une société au sein de laquelle tout le monde a droit à la dignité. C’était une réponse convenable pour le temps qui m’était imparti, mais si j’avais disposé d’un peu plus de temps, ma réponse aurait été plus complète et nécessairement plus complexe, car plusieurs facteurs sont à considérer lorsque l’on traite de la pauvreté. Pour en nommer quelques-uns :

  1. La pauvreté limite l’accès à l’éducation – elle mène souvent à un parcours scolaire laborieux, quand ce n’est pas carrément au décrochage. L’éducation, elle, est au cœur de l’émancipation personnelle et professionnelle. Le niveau d’éducation est le premier indicateur du revenu futur. En intégrant la réussite éducative et sociale des jeunes à un plan de lutte contre la pauvreté, on améliore l’accessibilité à l’éducation de qualité et on brise le cycle de la pauvreté.

  2. La pauvreté limite également la croissance économique d’une société par le faible pouvoir d’achat des individus ou des communautés qui la vivent.

Si tout le monde contribue à l’économie, celle-ci sera plus robuste et pérenne, et favorisera une pleine participation de tous.

  1. La pauvreté est souvent associée à des problèmes de santé. Que l’on pense à des logements insalubres où les locataires respirent une moisissure qui provoque l’asthme et des visites aux urgences, ou aux aliments nutritifs qu’on ne parvient plus à s’offrir, en raison de l’inflation. En ce qui a trait à la santé d’un individu, le revenu et le niveau d’éducation sont souvent déterminants : il a été maintes fois démontré que les personnes qui vivent en situation de pauvreté sur une longue période sont surreprésentées pour certaines pathologies.

  2. Les personnes en situation de pauvreté font face à de nombreuses barrières systémiques qui sont génératrices d’exclusion. Cela peut créer de la frustration et du désespoir, et dans certains cas mener à des solutions dramatiques qui marginalisent les personnes et créent des tensions sociales. Si on veut avoir un sentiment d’appartenance et de sécurité dans tous les quartiers, il faut travailler sur cet aspect. La fin de la pauvreté mène nécessairement vers une société plus inclusive et plus solidaire, où la cohésion est plus grande.

La pauvreté est un enjeu économique, social, de santé publique et de santé tout court.

D’ailleurs, en ce qui concerne l’enjeu de la santé, nous rendons publique ce matin la deuxième mesure de l’Indice d’anxiété financière de Centraide du Grand Montréal, réalisé en collaboration avec Léger. Cette dernière confirme une tendance à la hausse de l’anxiété financière des Québécois : 86 % d’entre eux, comparativement à 85 % en novembre dernier, disent ressentir un stress financier à divers degrés. L’indice poursuit une tendance à la hausse en passant d’un score moyen de 38,8 lors de sa dernière version à 39,1 en avril.

Sans surprise, les personnes avec des limitations fonctionnelles, les chefs de famille monoparentale, les nouveaux arrivants, les personnes à faible revenu, les personnes racisées et celles sans diplôme d’études secondaires, ainsi que les femmes affichent des scores plus élevés que la moyenne.

L’anxiété financière a également un effet sur la santé mentale des gens. Les symptômes ressentis sont notamment des troubles du sommeil en raison de leur situation financière et de la difficulté à se concentrer au travail ou à l’école.

Toujours selon l’indice, l’alimentation demeure la principale préoccupation des Québécois et la question du logement est une inquiétude croissante, se classant désormais au deuxième rang. Les effets de la crise du logement sont multiples : insécurité alimentaire, anxiété, insalubrité avec un coût social et économique énorme qui accentue les inégalités. Ce n’est pas pour rien que le logement est identifié par plusieurs comme une cause de la pauvreté et de l’exclusion.

Donc, pourquoi devrait-on se soucier des personnes qui vivent en situation de pauvreté ? Parce qu’une société équitable, sans pauvreté ni exclusion, doit être au cœur des conversations et des actions. Et bien que les gouvernements, les programmes sociaux, les entreprises et les organismes communautaires aient tous un rôle important à jouer, chaque citoyen peut y contribuer, que ce soit en temps ou en argent. Voilà un magnifique projet de société.

Orange Julep met un frein aux rassemblements dans son stationnement

Photo: Capture d’écran, Facebook

Alexis Drapeau-Bordage

27 avril 2023 à 17h58 - Mis à jour 27 avril 2023 à 18h12 2 minutes de lecture

Utilisé depuis de nombreuses années comme lieu de rencontre pour les amateurs de voiture, le stationnement du célèbre restaurant Orange Julep impose désormais de nouvelles règlementations à ces rassemblements.

Des clôtures ont été érigées autour de nouvelles tables et un avis interdisant de faire rouler le moteur, de jouer de la musique forte et de consommer l’alcool a été installé. Les contrevenants sont passibles d’amendes.

Peut être une image de texte : « AVIS 外 Nouvelle règle au julep »

Capture d’écran, Spotted Montreal

Ouvert 24 heures par jour durant l’été, le restaurant est situé sur le boulevard Décarie à l’angle de la rue Paré. Il est connu pour sa spécialité de jus d’orange, mais aussi pour les expositions de voitures de collection qui se tenaient dans son stationnement.

Personne de l’équipe du restaurant n’a pu répondre aux questions de Métro. On a seulement affirmé que la décision venait directement du propriétaire et que celui-ci n’était pas disponible pour en parler.

Réactions sur les réseaux sociaux

Plusieurs internautes, dont Nathalie Roman sur Facebook, associent les nouvelles mesures à une situation qui a dérapé il y a deux semaines, nécessitant une intervention policière pour des raisons de sécurité.

James McCulloch, qui habite à proximité, se réjouit quant à lui de la nouvelle; «tout ce que j’entends c’est brap brap bang bang toute la nuit de jeudi à vendredi».

Alors que certains appellent déjà à trouver un nouveau lieu de rencontre sur la page Facebook Meet Orange Julep [Montréal], qui compte près de 12 000 membres, d’autres continuent de s’y rencontrer en s’assurant de respecter les règles.

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Le cirque social s’implante dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve

L’organisme Cirque Hors Piste était auparavant localisé dans le Centre-Sud de Montréal. Photo: Gracieuseté, Sage rebelle photo.

Lucie Ferré

2 juin 2023 à 16h51 - Mis à jour 2 juin 2023 à 17h48 4 minutes de lecture

Un nouveau pôle circassien a été inauguré le 25 mai dans l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve (MHM), en présence de plus de 500 personnes. Implanté dans l’édifice Emmanuel-Arthur-Doucet, le lieu est animé par Cirque Hors Piste, un organisme se consacrant au cirque social pour les jeunes marginalisés.

Auparavant situé à l’intérieur de l’église Sainte-Brigide-de-Kildare, dans le quartier Centre-Sud de Montréal, c’est au 3622, rue Hochelaga que l’organisme a pignon sur rue depuis le début du mois de janvier. «Depuis janvier, nous avons fait un travail de réaménagement. L’inauguration s’est faite plus tard, car nous voulions nous sentir prêts, et que l’espace soit plus vivant», explique Karine Lavoie, directrice générale.

Cirque Hors Piste, c’est un milieu de vie où cohabitent artistes et jeunes marginalisés. Le but? Développer l’art du cirque comme un outil efficace de lutte contre l’exclusion sociale. En plus de contribuer au rayonnement culturel de l’arrondissement, ce nouveau pôle permet d’allier cirque social, services aux artistes, laboratoire de création et loisir circassien.

«Notre population cible est les jeunes de 15 à 30 ans qui sont en situation de grande précarité, d’itinérance, ou qui ont des enjeux liés à la toxicomanie, spécifie Mme Lavoie. Cette tranche d’âge représente une période de transition vers l’autonomie et la vie adulte. Notre organisme vient donc créer un filet social autour du jeune pour l’appuyer dans son parcours de vie.»

Les artistes de l’organisme sont utilisés comme outil d’intervention sociale auprès de ces jeunes marginalisés par la mise en place d’une pluralité d’activités tout au long de l’année. L’été, ces artistes se rendent directement dans la rue pour rejoindre au mieux les jeunes de l’arrondissement, prendre contact avec eux, et créer un lien de confiance.

«Personnellement, j’ai découvert l’organisme dans un parc, indique Mike Houle, jeune participant de 23 ans. Ils distribuaient des papiers sur la tenue d’une création collective. Cela m’a tenté, car je voulais essayer quelque chose de nouveau. Je portais déjà un intérêt pour l’art, mais n’avais aucun attachement particulier pour le cirque. J’ai été vraiment surpris d’aimer ça.»

En plus d’aider Mike à viser l’abstinence en raison de sa toxicomanie, l’organisme l’aurait aidé à affirmer son identité. «Je n’aurais jamais pensé avoir la capacité de dire que je voulais changer de prénom et d’identité, mais avec eux, j’ai pu le faire, car il n’y avait aucun jugement.»

Pouvoir affirmer mon identité a changé ma vie. C’était quelque chose de gros pour moi, et c’est grâce au cirque social que j’ai enfin pu être moi-même.

Mike Houle, jeune participant de Cirque Hors Piste

Le jeune explique aussi avoir pu se faire de nouveaux amis. «Chaque fois qu’il y a une activité ou une création collective, je suis présent», affirme-t-il. La dernière création en date à laquelle Mike a participé était une production théâtrale où il fallait représenter la notion du pouvoir au moyen de son corps. «On a pu inviter des gens de notre entourage pour la représentation. Le fait de pouvoir montrer à nos amis ce qu’on avait construit apporte une certaine fierté et une certaine confiance en nous», confie celui qui aimerait continuer dans le domaine du cirque et de l’intervention, en devenant pair aidant au sein de l’organisme.

Cirque Hors Piste collabore avec d’autres organismes du secteur communautaire de l’arrondissement, tels que Les Auberges du Coeur, et offre parfois des repas aux jeunes participants. «On a une belle mixité entre les jeunes des quartiers du Centre-Sud et de MHM», constate la directrice générale, qui souhaite que l’organisme reste au sein de l’édifice Emmanuel-Arthur-Doucet aussi longtemps que possible.

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Les maires du Québec s’unissent contre la «triple crise»

La mairesse de Montréal, Valérie Plante Photo: Quentin Dufranne / Métro Média

Alexis Drapeau-Bordage

8 juin 2023 à 5h00 - Mis à jour 8 juin 2023 à 8h00 2 minutes de lecture

Une quarantaine de maires du Québec s’unissent pour faire face à la triple crise du logement, de l’environnement et des transports. Valérie Plante fait partie de cette initiative, menée par la mairesse de Granby, Julie Bourdon.

«Les municipalités sont en première ligne face aux effets de ces crises, allant de la hausse des loyers au manque d’alternatives à la voiture et à l’augmentation des événements météo extrêmes», peut-on lire dans l’appel signé par les maires.

Pour contrer ces problèmes, les villes signataires prennent neuf engagements, et encouragent les autres à suivre le pas. Aucun d’entre eux ne présente d’objectif chiffré.

Elles veulent s’assurer de densifier les zones urbaines, arrêter l’étalement urbain ainsi que favoriser la construction de logements sociaux, communautaires et abordables.

Les villes s’engagent aussi à construire des bâtiments écoresponsables dans un objectif d’être carboneutre, de protéger les milieux naturels, de faire preuve de transparence en matière d’environnement en plus de multiplier les infrastructures naturelles et déminéraliser des surfaces.

De plus, elles désirent revoir l’aménagement des rues pour les rendre plus confortables au déplacement à vélo et à pied, en plus de développer le transport collectif urbain et interurbain.

«Les municipalités et les villes du Québec, nous avons la mission d’adapter nos territoires face aux changements climatiques et c’est un sujet dont on parle depuis longtemps» déclarait mercredi la mairesse Plante.

Parmi les autres signataires, on y trouve entre autres les villes de Laval, Longueuil, Brossard, Québec et Sherbrooke.

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La Presse à Toronto Champignons sur rue bientôt au Québec

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Une boutique Funguyz de la rue Queen, à Toronto

Bien établie en Ontario, la chaîne de magasins de champignons magiques Funguyz prévoit s’implanter à Montréal et à Laval dans les prochaines semaines, a appris La Presse. Un premier vrai test pour les services de police québécois, qui devront trancher entre répression et tolérance vis-à-vis de la vente au détail de psilocybine, drogue hallucinogène toujours illicite au Canada malgré sa popularité croissante et ses usages thérapeutiques « prometteurs ».

Publié à 5h00

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Charles-Éric Blais-Poulin

Charles-Éric Blais-Poulin Équipe d’enquête, La Presse

(Toronto) Des boutiques à Montréal et à Laval d’ici un mois

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

La chaîne Funguyz ouvrira bientôt une boutique à Montréal et une autre à Laval.

Entre un magasin de jouets et un caviste, la façade du 575, avenue Danforth détonne dans le quartier cossu de Pape Village, dans l’est de Toronto. Quelques badauds ralentissent le pas pour y observer les immenses affiches aux motifs la psychédéliques. Bienvenue chez Funguyz, plus importante enseigne de champignons magiques et de dérivés de leur substance active, la psilocybine, au Canada.

Il suffit de sonner pour accéder à la boutique épurée, où sont exposés le long des murs blancs des sachets de champignons séchés, des microdoses – quantités infimes qui ne déclenchent pas d’effets hallucinogènes – de psilocybine, ainsi que des déclinaisons « thérapeutiques » de chocolats et de jujubes.

« D’ici un mois », des magasins de la sorte auront pignon sur rue à Montréal et à Laval, annonce en entrevue avec La Presse Edgars Gorbans, copropriétaire de Funguyz, dans l’arrière-boutique. « Il y a un fort intérêt », assure-t-il. Les deux adresses québécoises constitueront les onzième et douzième magasins de la franchise de champignons magiques. Les plus récents viennent tout juste d’ouvrir à London et à Wasaga Beach – lequel a ensuite été contraint de fermer « temporairement » sur ordre de la mairie –, en Ontario.

Ces commerces, illégaux au Québec comme partout au Canada, pourraient vite devenir le théâtre de saisies et de mises en accusation. Mais M. Gorbans s’en soucie peu ; il a assisté à six descentes de police depuis le début de son aventure fongique, en janvier dernier.

Quand les policiers viennent, ils nous disent : “Désolé, les gars, mais on a eu des plaintes, alors on n’avait pas le choix.” Ils déposent des accusations contre l’employé en poste et lui remettent une promesse de comparaître. D’habitude, on rouvre deux ou trois heures plus tard.

Edgars Gorbans

Parfois, le lendemain.

Ce fut le cas pour la succursale de Danforth, où l’on se trouve. Il s’agit du troisième des cinq magasins Funguyz qui ont pris racine à Toronto. Quelques heures avant notre rencontre, M. Gorbans se trouvait à Barrie, au nord de la métropole. À son tour, la succursale venait tout juste d’être perquisitionnée. Chaque fois, les autorités repartent avec quelque 3000 $ de marchandises prohibées.

Funguyz, épaulé par l’avocat torontois Paul Lewin, compte se battre bec et ongles contre les accusations criminelles déposées contre ses commis. « On va se rendre jusqu’en Cour fédérale ou en Cour suprême s’il le faut », lance Edgars Gorbans.

Changement de mission

Le but initial de Funguyz était clair : « faire du fric ». Mais son copropriétaire raconte que la mission s’est peu à peu transformée au contact des clients et de leurs histoires.

L’argent n’a plus d’importance. C’est devenu du militantisme. On veut que la psilocybine soit légalisée et qu’elle puisse être prescrite largement aux patients. Notre combat, c’est l’accès.

Edgars Gorbans, copropriétaire de Funguyz

Funguyz, Shroomyz, Day Trip, Magic Mush, Mush Lov : à Toronto, les boutiques de psilocybine, dont la plupart offrent aussi la livraison, poussent comme des… champignons. Le jeu de mots est aussi facile que de se procurer un sachet de 28 grammes des variétés Penis Envy ou Golden Teacher parmi une dizaine d’adresses. Tous s’affichent comme des magasins « médicaux », bien qu’aucun document – sinon une carte d’identité prouvant un âge de 19 ans ou plus – ne soit exigé aux clients, qui doivent en outre remplir un document d’exonération.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Boutique Funguyz de l’avenue Spadina, à Toronto

« Ça dit, en gros : “Tu ne peux pas conduire après avoir consommé, tu ne peux pas opérer de machinerie lourde”, etc. », explique M. Gorbans. « Les clients doivent aussi cocher la raison pour laquelle ils achètent de la psilocybine : dépression, syndrome de stress post-traumatique, anxiété, etc. On ne vend pas à des fins récréatives ; on se concentre sur l’objectif thérapeutique. Mais bien sûr, on ne peut pas contrôler l’utilisation qu’en font les clients. »

Denrée rare pour les médecins

Dans une perspective médicale, le recours légal aux drogues psychédéliques reste une chasse gardée au Canada. Depuis le mois de janvier 2022, Santé Canada permet aux praticiens de faire une demande pour prescrire de la psilocybine dans le cadre d’essais cliniques ou du Programme d’accès spécial (PAS).

Le Ministère a reconnu du même coup un « intérêt croissant » pour les substances psychédéliques afin de traiter des problèmes comme l’anxiété, la dépression, le trouble obsessionnel compulsif et la toxicomanie.

« Bien que les essais cliniques sur la psilocybine aient donné des résultats prometteurs, il n’existe pour l’instant aucun produit thérapeutique approuvé contenant de la psilocybine au Canada ou ailleurs », note l’organisme fédéral sur son site internet.

Or, de nombreux professionnels de la santé jugent trop sévères les critères d’autorisation de Santé Canada. En juillet dernier, une centaine de soignants, incapables d’obtenir de la psilocybine à des fins de formation, ont demandé à la Cour fédérale un réexamen judiciaire.

« Pour quelqu’un comme vous et moi, c’est pratiquement impossible d’obtenir une consultation avec un professionnel autorisé, déplore M. Gorbans. Notre vision, c’est de rendre le traitement accessible à tous. » Et il vaut mieux, dit-il, que les consommateurs achètent des produits contrôlés et scellés dans un environnement propre comme celui de Funguyz plutôt qu’ils cueillent eux-mêmes des champignons potentiellement toxiques ou qu’ils achètent une substance obscure dans la rue.

Les effets secondaires de la psilocybine

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Chode, Mexicana et Golden Teacher : trois variétés de champignons magiques

Parmi les effets secondaires à court terme de la psilocybine – excluant les microdoses, qui n’ont pas été suffisamment étudiées –, Santé Canada nomme des « hallucinations », des « changements d’humeur » et des « engourdissements ». Les « mauvais voyages » (bad trips) sont souvent la conséquence la plus redoutée. Ils peuvent « comprendre la paranoïa, la perte de limites et un sens de soi déformé », note le Ministère. La consommation d’autres drogues augmente les dangers. En outre, « un jugement affaibli pendant ces bad trips peut provoquer des comportements à risque, ce qui peut entraîner des blessures traumatiques ou même la mort », écrit Santé Canada. Par ailleurs, « aucune étude n’a évalué les effets à long terme de la consommation fréquente de champignons magiques ». Il est « peu probable » qu’une personne développe une dépendance, note le gouvernement du Québec sur son site internet. « Cependant, une consommation répétée peut entraîner une très forte tolérance. » Quant à la toxicité de la psilocybine, ou la psilocine dans sa forme métabolisée, elle est quasi nulle : selon le chercheur américain Robert S. Gable, professeur de psychologie à la Claremont Graduate University, en Californie, un humain doit consommer plus de 1000 fois la dose psychoactive pour que son pronostic vital soit engagé.

Répression ou tolérance ?

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Funguyz, boutique de vente de champignons magiques à Toronto

Comment réagiront les autorités policières de Montréal et de Laval à l’ouverture, inévitable, de magasins de champignons magiques ? L’entrepreneur Edgars Gorbans, qui prévoit y établir une succursale Funguyz dans les prochaines semaines, s’attend à une réponse assez conciliante. « Ces villes ont de bien plus gros problèmes à gérer que la psilocybine », dit-il.

« Les psychédéliques ne seront pas nécessairement une priorité pour les autorités publiques », acquiesce Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. « Ce ne sont pas des substances contrôlées par des marchés criminels classiques ou qui posent beaucoup de risques pour la santé. »

Que des magasins ouvrent leurs portes au Québec est « totalement prévisible », selon lui.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal

On voit la même trajectoire qu’on a vu avec le cannabis se déballer devant nous.

Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal

Non seulement l’apparition de boutiques « participe à un changement des mentalités, des représentations et des perceptions », mais aussi elle force les services de police à se positionner, croit M. Fallu.

Dans un courriel, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) indique être au fait de la popularité des microdoses de psilocybine, de LSD et de kétamine, mais il rappelle que ces trois substances demeurent illégales. « Le SPVM appliquerait le règlement comme il est inscrit au Code criminel si des infractions en lien avec elles en venaient à être commises », écrit la porte-parole Anik de Repentigny.

« Le SPVM ne va pas dévoiler de posture officielle publique, commente le professeur Jean-Sébastien Fallu. Les discussions à l’interne risquent d’évoluer selon l’opinion publique, les plaintes et la couverture des médias. »

À l’hôtel de ville de Montréal, une attachée de presse précise que la vente de psilocybine est illégale « malgré la position forte [de l’administration Plante] concernant la décriminalisation de la possession simple de drogue » pour usage personnel, une étape qui « sauve des vies par la réduction des méfaits ». Une déclaration en ce sens a été adoptée par le conseil municipal en 2021.

Dans l’île Jésus, le Service de police de Laval n’a pas de plan de match contre de potentiels magasins, indique une porte-parole.

Le patron de l’enseigne Funguyz, Edgars Gorbans, explique qu’il est rare qu’un de ses commerces, après une première saisie, soit de nouveau embêté. « La police réalise toutes les ressources que ça nécessite : l’argent, les agents, etc. On fait une descente, on arrête quelqu’un, on l’accuse, mais ensuite ? Même si elle arrivait à faire condamner un employé pour avoir vendu de la psilocybine, qui est sécuritaire, quelle va être la sentence ? On ne vend que de la psilocybine ; ni cannabis ni autres drogues. »

L’entrepreneur maintenant militant raconte que des agents de la paix comptent parmi ses clients. « Certains gardent même l’uniforme » pour acheter, dit-il.

L’exemple vancouvérois

En Colombie-Britannique, les magasins de champignons magiques semblent tolérés, à un point tel que leur légalisation est une fausse croyance largement répandue. En 2019, les conseillers municipaux de Vancouver ont rejeté une motion visant à presser la police de sévir contre la vente illégale de champignons magiques.

« Quiconque fait le trafic de psilocybine, en particulier ceux qui contribuent à la violence et au crime organisé, pourrait être arrêté et inculpé », avertit toutefois le sergent Steve Addison, porte-parole du Service de police de Vancouver, dans un courriel à La Presse.

Selon M. Gorbans, il faut analyser les coûts et bénéfices de la psilocybine dans une perspective de réduction des méfaits. « J’évalue que 20 à 30 % de nos clients viennent acheter des champignons pour se débarrasser d’une dépendance, que ce soit au fentanyl, à la cocaïne, à l’héroïne ou à l’alcool. Les microdoses peuvent aider certaines personnes à éviter des drogues pas mal plus dures. »

L’an dernier, des chercheurs de l’Université Harvard ont établi que les consommateurs de psilocybine avaient 30 % moins de risques de développer une dépendance aux opioïdes. Des études, bien qu’embryonnaires, font aussi état de conclusions prometteuses vis-à-vis de la nicotine et de l’alcool.

« Au lieu d’envoyer huit policiers faire une descente dans un magasin de champignons magiques, utilisez donc ces ressources-là pour gérer les problèmes de crack ou d’héroïne », lance Edgars Gorbans aux autorités.

Le combat de Funguyz et de ses avocats pour la légalisation de la psilocybine ne pourrait-il pas, paradoxalement, venir à bout des magasins privés au profit d’un réseau d’État ?

« Ce serait une victoire pour tout le pays et on aurait un sentiment heureux, assure M. Gorbans. Si, après ça, notre commerce tombe, tant pis ! On ne gagne pas beaucoup d’argent avec les champignons magiques. Ce serait quelque chose d’excitant, qu’on aura d’abord fait pour la population. »

Meta dupée par les vendeurs de drogues

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Bien que la production, la vente et la possession de champignons magiques soient illégales au Canada, un vaste stock se trouve à portée de clics sur l’internet. Les commerçants rivalisent d’ingéniosité pour se faire connaître. Dans les grandes villes comme Vancouver, Toronto et Montréal, des affiches munies de codes-barres menant à une boutique virtuelle sont disséminées sur les poteaux et les babillards. De nombreuses publicités sur Facebook et Instagram déjouent en outre les politiques de leur maison mère, Meta. La Presse a fait le test : il suffit de s’intéresser aux psychédéliques dans les moteurs de recherche pour que l’algorithme nous envoie des publications de commerces illicites où se négocient psilocybine, LSD, cannabis et autres drogues livrées par l’entremise de Postes Canada. L’âge des consommateurs, qui peuvent parfois payer par virement bancaire, n’est pas toujours vérifié. « Nos standards publicitaires précisent clairement que les publicités ne doivent pas constituer, faciliter ou promouvoir des produits, des services ou des activités illégaux », indique un porte-parole de Meta. « Chaque fois que nous avons connaissance d’un contenu illégal promu sur Facebook, nous le supprimons et nous avons pris des mesures supplémentaires pour minimiser la possibilité que ces activités aient lieu sur notre plateforme. »

Pourboire: voici pourquoi les options sur les machines Interac sont plus élevées que 15%

Photo: iStock

Zoé Arcand

10 juin 2023 à 11h29 - Mis à jour 10 juin 2023 à 11h50 5 minutes de lecture

«Pour le take-out, je trouve ça pas mal cher des options de pourboire qui commencent à 18%», pense Karine, une mère de famille qui étudie à temps plein à l’Université du Québec à Montréal, que «le McDonald dépanne environ une fois par mois». Ces options prédéterminées sont pourtant la norme dans l’industrie des bars et de la restauration.

Selon l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), la norme dans les pourboires donnés demeure de 15% ou 16%. Du moins, il s’agit des résultats obtenus lors d’un sondage effectué par la firme Léger en mars 2022. Pour des restaurants où le service est complet, Karine donne «au moins 15%, souvent plus».

Érika, une immigrante récemment arrivée au Québec, ne va pas souvent au restaurant en raison d’un budget plus serré. «Je donne 15%», dit-elle, expliquant qu’elle ne trouve pas les options proposées trop chères. Vincent, qui habite dans Hochelaga, mais fréquente les bars et restaurants du Vieux-Montréal, trouve que de présenter des propositions de pourboire commençant à 18% «c’est bien correct, dès qu’il y a du service».

Selon le porte-parole de l’ARQ, Martin Vézina, les machines offrent des options de 18% à 25% par défaut. Ce serait le cas «parce que c’est la norme aux États-Unis, puisque la structure du salaire minimum n’est pas la même qu’au Québec». Dans certains États, dit-il, il n’y a pas de taux à assumer par l’employeur pour assurer que les employés atteignent le salaire minimum. Parfois, «l’employeur peut ne verser aucun salaire».

Qu’en disent les distributeurs?

Métro a contacté trois compagnies majeures distribuant ces terminaux Interac, Square, Clover (ou CSP) et Moneris, pour voir qu’elles sont les options de pourboire proposées par défaut.

Chez Square, les pourcentages programmés par défaut pour les pourboires sont de 15%, 20% et 25%. Une option de «pourboire programmé» offre les mêmes choix, en plus de l’option «Aucun pourboire» pour les achats de 10$ et plus. Pour les transactions en deçà de 10$, cette option suggère de laisser 0$, 1$, 2$ ou 3$.

Du côté de Clover, la compagnie a assuré qu’il n’y avait aucune option par défaut. Un vendeur de cette compagnie a toutefois assuré que les options de pourboire par défaut des terminaux étaient de 10%, 15% et 20%. Moneris a refusé de nous donner ces informations.

Le même vendeur, sans avoir de données pour appuyer sa position, croit que ces options sont nouvellement la norme parce qu’il s’agit d’un choix pour lequel il n’est pas nécessaire de penser: «ça va plus vite, le choix se fait automatiquement, c’est un no brainer».

Les propriétaires ou gestionnaires de restaurants et de bars peuvent modifier les paramètres des options de pourboire que présentent leurs terminaux Interac. «Des fois, ils ne savent pas comment les modifier, dit M. Vézina. Mais des fois, ils le font. Des fois, il y a des employés qui mettent de la pression pour faire augmenter les taux de pourboire» proposés, croit-il.

Au 3 Amigos de la rue Saint-Denis, le propriétaire, Michou, juge que des options entre 15% et 20% sont amplement suffisantes. «Les serveurs font bien assez d’argent», croit-il. La propriétaire du Végo, sur la même rue, laisse les clients inscrire eux-mêmes le montant ou le pourcentage de pourboire qu’ils veulent laisser. «C’est eux qui se servent, je préfère les laisser choisir», explique-t-elle.

… Et les travailleurs de l’industrie?

Frédérique*, qui a été serveuse notamment chez la Buvette chez Simone, Lundi au soleil, Banc public et le Rouge gorge, confirme que c’est effectivement «généralement l’employeur» qui a choisi ces options de pourboire. «Mais ça peut être discuté dans un staff meeting», nuance-t-elle.

«Dans la grande majorité des places où j’ai travaillé c’était 15-18-20%», met en contexte celle qui a plusieurs années d’expérience en service. Elle voit parfois des pourcentages allant jusqu’à 22%, 25% ou même 30%. Certains commerces «pour emporter, comme des boulangeries, ont leur propre taux qui commencent à 10%»

Maximilien et Orane, qui travaillent dans un bar du Quartier latin, confirment aussi que c’est l’employeur qui choisit, «mais on peut lui dire quoi mettre». De leur côté, les options de pourboire proposées sont de 18%, 20% et 22%.

Avant, on avait l’option de 15%, mais maintenant [qu’on a changé les paramètres], la majorité des clients donnent 18% de tip.

Orane, serveuse et barmaid dans un bar du quartier latin.

Il faut dire que le bar dans lequel le couple travaille vend des bières au modique prix de 3,50$. «Les drinks sont tellement pas chers que 15% ça revient pas gros», souligne Maximilien. Lui et Orane paient l’ensemble de leurs factures en travaillant dans ce bar. «Je ne regarde jamais mes paies, c’est le tip qui me donne de l’argent», dit Orane, rappelant que le salaire minimum pour employés avec pourboire est de 12,20$ l’heure.

Karl travaillait dans un restaurant-bar à spectacle ou il ne recevait presque pas de pourboire. «On me disait « tu ne viens même pas à ma table, pourquoi je donnerais un pourboire? ». Ben tip pas, mais ne me le dit pas!», lance-t-il. Son travail impliquait «tout» faire, sauf la gestion.

«Si les clients voient 18% puis qu’ils sont à l’aise, ben qu’ils y aillent. Ça reste le choix de la clientèle, le pourboire», rappelle Martin Vézina, porte-parole de l’ARQ. Car l’option «aucun pourboire» ou celle permettant d’inscrire un montant de pourboire sur mesure existe toujours.

Adoption du projet de loi C-18 « Aucune compagnie n’est au-dessus de la loi »

PHOTO GONZALO FUENTES, REUTERS

Meta a annoncé dans la foulée de l’adoption du projet de loi C-18 la fin de la « disponibilité des nouvelles sur Facebook et Instagram » au Canada.

Le ministre Pablo Rodriguez déplore l’attitude et les « menaces » de Meta.

Mis à jour hier à 21h22

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Mélanie Marquis
Mélanie Marquis La Presse

Dans son combat contre les géants du web s’apparentant à celui de David contre Goliath, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a l’impression de se mesurer à deux colosses dont l’attitude est diamétralement opposée. Dans un coin, Google et son « gros bon sens », dans l’autre, Meta et ses « menaces ».

« Au moment où on se parle, il y a une différence nette », constate-t-il.

Car contrairement à Google, avec qui le ministre dit avoir eu la semaine dernière « une rencontre très constructive » lors de laquelle « des propositions précises », « basées sur le gros bon sens », ont été discutées, Meta n’a « pas donné de nouvelles » et « multiplie les menaces », regrette-t-il en entrevue.

Les dernières nouvelles de la société mère de Facebook, Instagram et WhatsApp ont été publiées en réaction à l’adoption, par le Sénat, du projet de loi C-18, jeudi passé. « Nous confirmons que la disponibilité des nouvelles sur Facebook et Instagram sera terminée pour tous les utilisateurs au Canada », a alors écrit l’entreprise sur son blogue.

Les quelque 24 millions d’abonnés de Meta au pays n’en voient pas encore tous l’impact : les « tests aléatoires » qui ont commencé au début du mois de juin touchent de 240 000 à 1,2 million d’utilisateurs, selon la multinationale.

Mais le robinet se fermera « avant l’entrée en vigueur » de la loi, avertit l’entreprise de Mark Zuckerberg. Le processus réglementaire devrait être terminé d’ici six mois. Et dans cette bataille à finir, le ministre Rodriguez n’entrevoit aucune autre issue qu’une victoire du gouvernement canadien.

D’abord, « parce que je n’ai jamais pris une décision basée sur la menace, et je ne le ferai jamais », ensuite, car « aucune compagnie n’est au-dessus de la loi », et enfin, parce que Meta semble vouloir utiliser le Canada comme exemple pour refroidir les autres pays qui seraient tentés de l’imiter, énumère-t-il.

Le Canada, cobaye et fer de lance

C’est que des nations comme les États-Unis, la France et l’Allemagne « s’en vont dans la même direction », souligne Pablo Rodriguez.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien

Si Facebook se retire des nouvelles chez nous, il va falloir qu’il le fasse éventuellement [dans ces pays également]. Est-ce que Facebook va faire des menaces à la planète entière et se retirer partout ?

Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien

Avant de faire le coup au Canada, d’ailleurs, Meta l’avait fait à l’Australie, en février 2021. Le partage de contenus d’actualité avait été barré afin de protester contre un projet de loi que Canberra s’apprêtait à adopter. Le geste de l’entreprise avait suscité la colère, les citoyens ne pouvant s’informer sur la COVID-19 ou les incendies de forêt qui faisaient rage.

Ici, des politiciens de tous les horizons politiques, sauf les conservateurs à Ottawa, et des patrons de presse ont fustigé Meta. Cet opprobre pourrait-il faire reculer l’entreprise ? « C’est une décision qui leur appartient, lâche le ministre. Moi, je suis à la table, je suis prêt à m’asseoir avec eux, à discuter avec eux. »

Ce qu’il a fait avec des représentants américains de Google – le géant numérique avait effectué l’hiver dernier des tests pour bloquer à des utilisateurs canadiens l’accès à du contenu de nouvelles, avant de finalement se raviser. « Ils voulaient plus de certitude, plus de clarté, ce qui est normal », expose Pablo Rodriguez.

La loi contraint les géants du web à conclure des ententes de partage de revenus avec les médias dont le contenu est republié sur leurs plateformes.

Les entreprises de nouvelles canadiennes se partageraient des indemnités annuelles d’environ 329,2 millions en vertu des dispositions législatives, selon un rapport publié en octobre dernier par le directeur parlementaire du budget.

De son côté, Meta évalue que le flux de Facebook a généré plus de 1,9 milliard de clics entre mars 2021 et avril 2022, ce qui « représente un marketing gratuit » dont la société de Silicon Valley estime la valeur « à plus de 230 millions de dollars », d’après ce qu’a dit l’un de ses représentants devant un comité des Communes en mai dernier.

Meta campée sur ses positions

Chez Meta, on ne s’en cache pas : oui, on boude les réunions avec le ministre. On n’y voit pas l’utilité, le cadre législatif étant déjà établi.

Le processus réglementaire ne pourrait pas apporter des changements aux éléments fondamentaux du projet de loi qui ont toujours posé problème.

Lisa Laventure, porte-parole de Meta

« Nous prévoyons mettre fin à la disponibilité des nouvelles une fois nos tests terminés et nous croyons que nous avons une solution de produit efficace pour mettre fin à la disponibilité des nouvelles au Canada », ajoute la porte-parole de Meta, sans fournir de date butoir putative en ce sens.

La loi pourrait aussi signer l’arrêt de mort des ententes conclues entre Meta et certains médias pour financer la production de nouvelles, a prévenu mardi sur les ondes de CBC la responsable des politiques publiques de Meta, Rachel Curran. « La réalité […] est qu’il n’y a probablement pas beaucoup d’avenir en ce qui a trait à ces ententes », a-t-elle dit.

L’histoire jusqu’ici

Avril 2022

Le gouvernement fédéral dépose le projet de loi C-18 visant à forcer les géants du web à conclure des ententes de rétribution avec les médias dont ils publient le contenu.

Mars 2023

Google fait marche arrière après avoir bloqué à environ 4 % des utilisateurs au Canada l’accès à des sites de nouvelles, à la fin de février.

Juin 2023

Le projet de loi C-18 est adopté au Sénat et obtient la sanction royale. Meta annonce peu après que le contenu des médias sera bloqué pour ses 24 millions d’utilisateurs de Facebook et Instagram au pays.

Au sujet des problèmes avec les personnes qui consomment des drogues dures dans le Quartier des spectacles

Les voisins de « l’allée du crack » racontent leur « enfer » à Montréal

Des résidents du quartier des spectacles, au centre-ville de Montréal, n’en peuvent plus. Des toxicomanes envahissent leurs immeubles tous les jours pour y trouver refuge. À tel point que les résidents ont surnommé leur rue « l’allée du crack ». Au centre d’injection supervisée du coin de la rue, on comprend le désarroi des résidents, mais on manque de ressources.

Le reportage de Thomas Gerbet, suivi d’une entrevue avec la Dre Marie-Eve Morin, médecin de famille œuvrant en santé mentale et en dépendance

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On parle d’accès aux ressources, si la ville veut s’aider, qu’elle ouvre ses toilettes autonettoyantes 24h/24h, c’est pas normal qu’à 19:00 c’est en ‘‘maintenance’’. De plus, elle devrait continuer d’en installer, ça devrait être obligatoire dans tout aménagement de places et de parcs majeurs dans la ville.

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Les héros de l’ombre Hébergement pour aînés : petite révolution à Joliette

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Mère Hélène Perreault, abbesse des Moniales bénédictines

Une série qui vous présente, tout au cours de l’année, des personnes ou des organismes qui pallient les défaillances de nos réseaux publics.

Publié à 1h16 Mis à jour à 5h00

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TEXTEs : Katia Gagnon
TEXTEs : Katia Gagnon La Presse


PHOTOS : Olivier Jean
PHOTOS : Olivier Jean La Presse

Elles avaient un couvent, un monastère, un immense terrain en bord de rivière. Leurs deux communautés religieuses étaient vieillissantes. Après cinq ans de démarches qui les ont menées jusqu’au Vatican, la détermination de ces religieuses a changé la vie de dizaines de personnes âgées démunies de Joliette. Et elles ont inventé au passage – sur fond de crise du logement – une formule révolutionnaire d’hébergement pour aînés. Un véritable laboratoire qui pourrait faire des petits partout au Québec.

Le rêve fou d’une religieuse

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La résidence Pax Habitat de Joliette est un ancien monastère reconverti en OBNL, dont une bonne partie de la clientèle est à faible revenu. Une garderie est aussi installée sur le site.

« La journée où la réponse est arrivée, j’ai pleuré. Il ne pouvait pas m’arriver quelque chose de plus beau que ça : je vais finir ma vie heureuse. »

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Les moniales bénédictines dans leurs nouveaux quartiers, à Pax Habitat. On leur a aménagé une petite chapelle.

Quand Chantal Jalette, 72 ans, raconte le processus qui l’a amenée à Pax Habitat, un complexe d’habitation de 102 logements pour aînés inauguré en avril à Joliette, elle a encore la larme à l’œil.

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Chantal Jalette, résidante de Pax Habitat

C’est qu’il y a quelques mois à peine, la secrétaire à la retraite se trouvait dans une situation pour le moins précaire. Elle allait être évincée de l’immeuble où elle vivait depuis 23 ans. Les résidences privées pour aînés de Joliette étaient bien trop chères pour son petit revenu. Les logements sont rares à Joliette, qui est l’une des 14 villes québécoises où le taux d’inoccupation est le plus bas, sous la barre du 1 %. Bref, Mme Jalette cherchait désespérément à se loger.

Puis on lui a parlé du projet Pax Habitat.

Les moniales bénédictines – des religieuses semi-cloîtrées – et les sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie s’étaient unies pour transformer leurs deux édifices, un monastère et un couvent, ainsi que l’immense terrain des moniales, en un projet novateur d’hébergement pour aînés. Le site allait héberger les 54 religieuses. Mais il y avait une cinquantaine de logements disponibles pour le public. Et on privilégiait les aînés à revenu faible ou modeste.

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La maison Humania, qui compte 35 places, est l’équivalent du CHLSD dans le complexe Pax Habitat.

On faisait une promesse aux résidants : ils n’auraient plus jamais à déménager, même si leur autonomie déclinait. Les logements sont en effet assortis de services à domicile adaptés à l’état de santé de chaque résidant. Ultimement, les résidants les moins autonomes peuvent eux aussi demeurer sur place, puisqu’on y retrouve un bâtiment distinct, la maison Humania, où on retrouve 35 places équipées au niveau d’un CHSLD.

Sortir du moule

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Le site tire son nom des inscriptions latines qui figurent sur la devanture de la maison Amélie Fristel, qui a hébergé les sœurs des Saints Cœurs.

Tout cela grâce à la détermination de fer d’une femme : sœur Hectorine Boudreau, responsable régionale de la Congrégation des sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie. Depuis des années, sœur Hectorine était préoccupée par l’avenir de sa communauté. « On ne voulait plus être propriétaires ni gestionnaires » de la maison Amélie Fristel, qui a toujours hébergé les religieuses, explique-t-elle. Elles n’étaient plus qu’une cinquantaine. Moyenne d’âge : 86 ans.

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Mère Hélène Perreault, abbesse des Moniales bénédictines

L’abbesse des Moniales bénédictines de Joliette, mère Hélène Perreault, était dans le même genre de réflexion. Il ne restait plus que 13 moniales pour entretenir l’immense monastère de quatre étages et l’énorme terrain – l’équivalent de la moitié du parc La Fontaine – qui se déploie au bord de la rivière L’Assomption. « Il fallait quitter le monastère. Mais comment ? On voulait rester à Joliette », explique mère Hélène, 78 ans. Elle en a parlé à sœur Hectorine, qui a « allumé » tout de suite, relate l’abbesse.

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Sœur Hectorine Boudreau, responsable régionale de la Congrégation des sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie, est l’idéatrice du projet Pax Habitat.

Pourquoi ne pas combiner les actifs des deux communautés et bâtir une résidence qui pourrait non seulement servir aux religieuses, mais aussi aux citoyens ? s’est dit sœur Hectorine. L’idée de Pax Habitat venait de naître.

Le projet était en parfaite conformité avec la mission des sœurs des Saints Cœurs, qui ont toujours été profondément impliquées dans les communautés, que ce soit au Québec ou en Afrique.

Le saut était cependant gigantesque pour les moniales, des religieuses semi-cloîtrées, donc presque sans contact avec l’extérieur. Sur leur énorme terrain, elles vivaient pratiquement en autarcie, de leurs récoltes et de leurs animaux, en priant sept fois par jour. « On a décidé d’emboîter le pas, résume mère Hélène. Si saint Benoît vivait aujourd’hui, il aurait probablement un cellulaire ! »

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Jean Beaudoin, président du C. A. de Pax Habitat

Pour réaliser ce rêve fou, sœur Hectorine s’est rapidement adjoint des gens de calibre. Jean Beaudoin, qui a travaillé toute sa vie chez Desjardins, comme président du C. A. Jean Robitaille, expert en projets d’économie sociale, comme conseiller stratégique. La religieuse a rassemblé une pléthore de gens issus de plusieurs milieux au C. A. Il y a eu des groupes de discussion avec des aînés pour faire surgir des idées nouvelles.

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Jean Robitaille a été le conseiller stratégique des sœurs des Saints Cœurs dans toute l’aventure Pax Habitat.

« On a toujours été très sensibles à la solitude des aînés […], mais on en a encore davantage pris conscience avec ce projet », explique sœur Hectorine. « Il fallait que ce soit un projet gagnant-gagnant, pour les citoyens et pour les religieuses », ajoute Jean Robitaille.

Direction : le Vatican

Première étape pour concrétiser leur grand plan : le Vatican. Le terrain et le monastère appartenant aux moniales bénédictines devaient en effet être cédés par les plus hautes autorités ecclésiastiques. « Disons que c’était la première fois de ma vie que je préparais un document pour qu’il soit signé par le pape », dit en rigolant Jean Robitaille. L’évêque de Joliette a obtenu l’autorisation canonique.

Mais sœur Hectorine et ses partenaires n’étaient pas au bout de leurs peines. Au CISSS local, à la Société d’habitation du Québec, leur projet, qui combinait habitation et soins à domicile, n’entrait dans aucune case. « Les obstacles administratifs ont été importants. Il a fallu ouvrir des portes », résume sobrement sœur Hectorine. Et la COVID-19 s’est mise de la partie, compliquant les réunions, ralentissant les travaux… et faisant décupler leur coût. Il a fallu cinq ans pour mener le projet à bien. « On savait qu’on s’embarquait dans un marathon… et on a plongé dans le vide une couple de fois ! », dit Jean Beaudoin.

Le résultat en valait la peine. Présente lors de l’inauguration, la ministre des Aînés, Sonia Bélanger, a dit en entrevue avec La Presse être « impressionnée » par le projet.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Sonia Bélanger, ministre des Aînés

C’est une initiative qui m’interpelle grandement. Quel beau modèle inspirant ! On va devoir le regarder de près, car oui, ça pourrait être reproduit ailleurs.

Sonia Bélanger, ministre des Aînés

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Isabelle Comiré, directrice générale du projet Pax Habitat

Comme Chantal Jalette, 500 aînés de la région ont « posé leur candidature » pour obtenir une place. Une centaine ont passé une entrevue. On en a choisi 60. « On voulait s’assurer qu’ils aient les mêmes valeurs, que ce soient des gens bienveillants, qui veulent aider », explique Isabelle Comiré, directrice générale chez Pax Habitat.

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Jocelyne Foucher, 72 ans, dans son appartement à Pax Habitat.

Jocelyne Foucher, 72 ans, est l’une des personnes qui ont obtenu une place. La coiffeuse à la retraite, qui a eu une vie marquée par la violence familiale et conjugale, souffre depuis des années d’arthrite aiguë. Ses mains tordues par la maladie la font souffrir constamment. « La vie a été un tsunami pour moi », résume-t-elle. À Pax Habitat, elle vit dans un trois et demie, pour lequel elle ne paie que 25 % du loyer.

« Ma place ici, c’est l’équivalent d’un miracle. Je suis au paradis. »

Pax Habitat, c’est :

  • 102 logements pour aînés, dont 25 où le loyer est limité à 25 % du revenu du locataire
  • 120 locataires au total, 54 religieuses, 66 laïcs
  • 35 places à la Maison Humania, avec des services de niveau CHSLD
  • Loyers : entre 660 $ pour un studio et 1390 $ pour un quatre et demie, chauffage et climatisation inclus. Les locataires ont aussi accès au crédit d’impôt pour maintien à domicile, ce qui réduit le loyer mensuel.
  • Un CPE accueillant 70 enfants

Comment le projet est-il financé ?

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La résidence Pax Habitat de Joliette

Coûts de réalisation : 43 millions, soit en moyenne 350 000 $ par porte

  • 22 millions de la SCHL (5 millions en subvention et prêt hypothécaire de 17 millions)
  • 5 millions de la Société d’habitation du Québec
  • 14,5 millions de la Congrégation des sœurs des Saints Cœurs (7 millions en don et 7,5 millions en prêt)
  • 1 million de la Ville de Joliette, qui devient propriétaire de l’immense parc de l’abbaye Notre-Dame-de-la-Paix appartenant aux moniales
  • 135 000 $ du ministère de la Famille pour l’ouverture d’un CPE sur le site

Taux d’inoccupation des logements à Joliette

  • 2018 : 1,7 %
  • 2019 : 1,3 %
  • 2020 : 0,4 %
  • 2021 : 0,5 %
  • 2022 : 0,9 %

Source : Société canadienne d’hypothèque et de logement

Le contraire d’un ghetto pour aînés

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C’est l’heure du dîner à Pax Habitat.

« Pax Habitat, c’est une solution de rechange aux schèmes qu’on nous a imposés depuis des années en matière d’hébergement pour aînés. C’est une façon différente de voir le vieillissement. »

Brigitte Rhéaume sait de quoi elle parle. Elle dirige la Table de concertation pour les aînés de Lanaudière. Elle fait aussi partie du conseil d’administration de Pax Habitat. Pour elle, le projet est extrêmement porteur parce qu’il est le contraire du ghetto pour aînés qu’on impose souvent aux personnes âgées au Québec.

J’ai peur de vieillir dans le système actuel. C’est pour cela que ce genre de projet me parle. C’est l’espoir d’un autre modèle.

Brigitte Rhéaume, directrice de la Table de concertation pour les aînés de Lanaudière et membre du conseil d’administration de Pax Habitat

Au Québec, l’aîné qui désire rester chez lui doit souvent se battre pour obtenir des services à domicile. Résultat : il aboutit souvent dans une résidence pour aînés, parfois très chère, où on ne peut plus s’occuper de lui après un certain stade dans la perte d’autonomie. Et ensuite, c’est le CHSLD.

Or, les gens âgés veulent continuer à faire partie d’une communauté, de la vie, plaide Brigitte Rhéaume. C’est ce que le projet Pax leur offre.

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Le site héberge également un CPE de 70 places.

À Pax, il y a un CPE de 70 places. Les échanges sont encouragés entre les deux clientèles. Il y a des gens complètement autonomes, qui conduisent leur voiture. À l’inverse, on y retrouve aussi des gens très âgés, dont l’autonomie est fortement compromise. La plus vieille résidante a 104 ans. « On a une mixité de clientèle, et les différents profils de clients se stimulent l’un et l’autre », souligne la directrice générale, Isabelle Comiré.

Les résidants doivent apporter leur contribution pour la collectivité. Ils doivent « donner » au moins 90 minutes de leur temps par semaine, et s’engager à dîner à la cafétéria chaque jour, afin de maintenir une vie communautaire.

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Les résidants doivent tous accomplir des tâches au bénéfice de la communauté.

Sœur Jeannine Coderre, 91 ans, clouée à un fauteuil roulant, doutait de pouvoir être utile à son arrivée à Pax. Elle a finalement proposé d’épousseter hebdomadairement les rampes de soutien qui courent le long des murs. « Ça rend service ! » En retour, certains des résidants pourraient s’engager à pousser le fauteuil roulant de sœur Jeannine pour une petite balade le long de la rivière.

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Sœur Cécile Beaudry, résidante de la maison Humania, la partie CHSLD du projet Pax Habitat

Même les gens qui résident dans la Maison Humania, l’équivalent du CHSLD, ont un cadre de vie hors du commun, notamment inspiré de ce qui se fait au Danemark.

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Dîner à la maison Humania, la partie CHSLD du projet Pax Habitat

J’ai travaillé 40 ans en CHSLD. Je n’ai jamais vu ça, un endroit où quand on sort de la chambre, il y a de la lumière. Qu’on n’est pas face à un mur.

Martine Baril, directrice des soins de Pax Habitat

Mme Baril est sortie de sa retraite pour diriger le projet Pax. Les chambres sont en effet regroupées autour d’un jardin intérieur, où les gens atteints de démence peuvent circuler librement… et jardiner.

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Vue de l’intérieur de la chapelle du monastère des moniales bénédictines, qui sera complètement reconverti

Des résidants donnent des cours, organisent des activités, des sorties. Le monastère et la maison Amélie Fristel, tout près, accueilleront bientôt des groupes communautaires, des élèves en musique du cégep qui viendront donner des concerts sur l’imposant orgue du monastère. Des mariages, des fêtes pourront y être organisés dans la grande salle commune.

À l’heure où bien des communautés religieuses au Québec font face au vieillissement, Brigitte Rhéaume croit que le modèle Pax gagnerait à être reproduit ailleurs. « Quoi de mieux pour contrer l’âgisme que l’implication dans la communauté ? »

Magnifique initiative. C’est comme une coop pour aînés. :heart_eyes:

Jeunes avec une déficience intellectuelle Les « petits rois » auront leur « royaume »

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La présidente et fondatrice de la Fondation des petits rois, Vânia Aguiar, a fait visiter à La Presse le chantier de la « maison intelligente », dans le quartier Côte-des-Neiges.

Malgré les obstacles financiers, l’ambitieux projet d’une ancienne mannequin prend forme : une « maison intelligente » où huit jeunes vivant avec une déficience intellectuelle pourront cohabiter sans supervision parentale. Vânia Aguiar a fait visiter le futur « royaume » à La Presse.

Publié à 1h10 Mis à jour à 5h00

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Caroline Touzin
Caroline Touzin Équipe d’enquête, La Presse

Quand Vânia Aguiar a franchi le seuil de la future maison de ses « petits rois » pour la première fois, elle a « versé une larme ».

« De joie ! », précise l’ancienne mannequin internationale déterminée à améliorer le sort d’enfants vivant avec une déficience intellectuelle modérée à sévère.

Ce sont eux, ses « petits rois ». Des jeunes qui ne font rien seuls, qui ne parlent pas. Certains vivent aussi avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA).

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Aperçu du projet final

Des enfants dont la naissance a bouleversé le quotidien de leur famille à qui on a malheureusement souvent prédit un avenir sombre. Ou pas d’avenir du tout.

Nous la retrouvons par une chaude journée de juillet sur le chantier de construction de la « maison intelligente » dans le quartier Côte-des-Neiges six mois après notre première rencontre.

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Avec les coûts de construction qui ont monté en flèche durant la pandémie, le projet initial estimé à environ 3 millions est devenu un projet de près de 6 millions.

Nous avions réalisé son portrait dans La Presse l’hiver dernier dans le cadre d’une série sur des « Acteurs de changement ».

Lisez l’article « L’ex-mannequin qui se bat pour ses “petits rois” »

À l’époque, Mme Aguiar était très inquiète.

Le projet était dans l’impasse en raison d’une hausse des coûts de construction.

Or, à la suite de notre reportage, un déluge de dons de particuliers et d’entreprises ainsi qu’une contribution du gouvernement du Québec – une annonce est prévue sous peu – lui ont permis de boucler le budget. Près de 2,5 millions de dollars ont été récoltés.

Des lecteurs inspirés et inspirants

Père d’un garçon de 19 ans vivant avec la trisomie 21, Eric Deschênes s’est senti interpellé à la lecture de l’article.

La crise du logement frappe de plein fouet les gens vivant avec une déficience intellectuelle alors que le délai d’attente pour obtenir un logement avec assistance est de 15 ans.

Eric Deschênes, père d’un garçon vivant avec la trisomie 21

De plus, il manque cruellement de programmes sociaux pour des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. « Les défis sont plus grands pour intégrer des personnes avec une déficience modérée à sévère et ainsi avoir accès à des programmes adaptés », dit M. Deschênes, très admiratif que Mme Aguiar consacre ses énergies à ceux qui souffrent davantage des « trous de services ».

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Les ouvriers (et la machinerie) s’activent sur le chantier.

Sa famille possède une entreprise – le Groupe Deschênes – qui est très engagée dans l’amélioration du sort des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. Cette fois-ci, c’est M. Deschênes en son nom personnel qui a fait une « contribution majeure », dans l’espoir d’inspirer d’autres personnes à contribuer à ce type de projet.

Un modèle « unique »

Elle-même maman d’un « petit roi », Henri-Louis, 27 ans, Mme Aguiar nous fait visiter la maison avec un enthousiasme débordant.

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Vânia Aguiar est elle-même maman d’un « petit roi » : Henri-Louis, 27 ans, vit avec une déficience intellectuelle.

« C’est unique comme modèle. On le veut beaucoup plus souple qu’une résidence intermédiaire ou un CHSLD », explique celle qui est présidente et fondatrice de la Fondation des petits rois.

Depuis la naissance de son fils handicapé – « le plus imparfaitement parfait que je pouvais avoir » –, sa plus grande préoccupation est l’avenir de son enfant lorsque son mari et elle ne seront plus là.

Elle a visité des ressources intermédiaires. Elle s’est imaginée Henri-Louis se berçant toute la journée devant la télé. Elle s’est alors juré que jamais il ne vivrait là.

Il y a six ans, donc, elle plongeait dans un nouveau projet colossal : financer la construction d’une « maison intelligente » où huit jeunes pourraient cohabiter sans supervision parentale. Des projets pour améliorer la vie des jeunes comme son Henri-Louis, elle en a mené plusieurs depuis une vingtaine d’années.

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Un déluge de dons de particuliers et d’entreprises ainsi qu’une contribution du gouvernement du Québec ont permis de boucler le budget du projet.

Mme Aguiar est parvenue à trouver le terrain et, surtout, l’argent nécessaire. Mais les coûts de construction ont monté en flèche durant la pandémie, et le projet initial estimé à environ 3 millions est devenu un projet de près de 6 millions.

Négliger aucun détail

Toujours tirée à quatre épingles, Mme Aguiar nous montre l’espace prévu pour l’ascenseur. Car les jeunes vont « vieillir ». « Ils vont former une famille jusqu’à la fin de leur vie », dit-elle avec un soulagement évident.

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Vânia Aguiar, présidente et fondatrice de la Fondation des petits rois

Un superviseur y vivra en permanence. Des professionnels seront embauchés pour que les jeunes poursuivent leurs apprentissages. Et la technologie pourra les appuyer dans leur quête d’autonomie. De grandes entreprises, des architectes chevronnés, des chercheurs de l’Université du Québec à Trois-Rivières, le CIUSSS local et l’Institut de gériatrie de Montréal collaborent au projet.

À l’entrée, dans les salles de bain ainsi que dans la cuisine, il y aura des écrans qui leur indiqueront comment s’habiller, « qu’il fasse 30 ou -30 », comment se brosser les dents ou encore comment remplir le lave-vaisselle.

Pour nous, ce sont des acquis. Pour eux, ce sont des apprentissages.

Vânia Aguiar, présidente et fondatrice de la Fondation des petits rois

Mme Aguiar n’a négligé aucun détail pour que les jeunes y soient bien. Chaque semaine, elle participe aux réunions sur l’avancement du chantier. « Madame Vânia, elle est spéciale, lâche le surintendant du chantier Michel Boyer. Je n’ai jamais rencontré quelqu’un d’aussi déterminé. »

Au départ, « les gars me trouvaient vraiment exigeante », dit-elle en riant.

L’ex-mannequin a insisté pour que M. Boyer ainsi que le patron de ce dernier chez Axim Construction – le gérant du chantier Jonathan Gomes – visitent une école pour enfants déficients intellectuels et autistes.

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Le surintendant du chantier, Michel Boyer

« Moi, je n’en ai pas dans ma famille. Je ne connaissais pas ça, l’autisme », décrit M. Boyer qui vante les éducatrices – des « saintes » – qu’il y a rencontrées.

« J’ai appris plein de choses, poursuit le sympathique entrepreneur, comme le fait qu’ils peuvent travailler et que ce sont des employés fidèles. »

Des expériences de toutes sortes

Aujourd’hui, les « gars » comprennent mieux l’insistance de Mme Aguiar sur des détails comme la qualité de l’éclairage. « Les enfants sont déstabilisés par la lumière froide, bleue », souligne-t-elle. Le bâtiment de deux étages a une fenestration abondante, justement pour privilégier l’éclairage naturel.

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Le bâtiment de deux étages a une fenestration abondante, privilégiant l’éclairage naturel.

Dans la grande cour arrière, un sentier boisé sera aménagé ainsi qu’un jardin. Le terrain est en pente, de quoi faire le bonheur de ces grands enfants qui pourront y glisser l’hiver.

Au sous-sol, une salle Snoezelen – un espace sûr et apaisant qui fait vivre des expériences sensorielles – sera aménagée. Une autre grande salle sera dédiée à la motricité.

« Les Grands Ballets de Montréal viendront y donner des ateliers de danse », vante celle qui a multiplié les partenariats avec toutes sortes d’organisations, dont Loto-Québec, Urgences-santé et L’Oréal Canada, au fil des ans.

Huit organisations – « bientôt neuf » – offrent des plateaux de travail à des « petits rois », qui, autrement, devraient rester à la maison puisqu’ils ne sont plus scolarisés après 21 ans. Ils y accomplissent des tâches adaptées à leur capacité comme déchiqueter du papier ou arroser des plantes. Les cas les plus lourds ont un accompagnateur au quotidien.

Autre retombée du reportage : des institutions se sont manifestées pour offrir de nouveaux plateaux. Le Collège Jean-Eudes – école secondaire privée située dans le quartier Rosemont – accueillera ainsi huit jeunes adultes en janvier prochain. « Ce sera merveilleux pour les élèves et nos jeunes de se côtoyer », croit-elle.

La maison n’est pas encore inaugurée que déjà Mme Aguiar rêve d’en reproduire le modèle aux quatre coins du Québec. « Moi, je lui donnerais une médaille », nous confie le surintendant de chantier avant de prendre congé de nous pour retourner au travail.

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L’accent québécois fait toujours jaser en France

Photo: iStock

Sliman Naciri

16 juillet 2023 à 19h05 - Mis à jour 16 juillet 2023 à 21h25 3 minutes de lecture

Encore et toujours, l’accent québécois ne cesse de tourmenter les Français de l’Hexagone qui, au fil du temps, continuent de s’interroger sur ses origines.

La sempiternelle question «mais d’où vient l’accent québécois?», a refait surface dans un quotidien français cette semaine qui, par le biais d’une démonstration historique, a tenté, derechef, de percer le mystère.

Le Figaro a conclu, dans un article paru le 13 juillet dernier, qu’il serait peut-être plus juste de dire que ce sont les «Français de France» qui ont développé un accent. Selon le journaliste Victor Bazin, les Québécois – l’histoire en témoigne – n’ont fait que conserver et défendre ardemment le français qu’il était coutume de parler au 17e siècle en France.

«La ville de Québec est fondée en 1608. On y parle le français du peuple du royaume de France, plus populaire que celui que l’on parle à la cour», explique Victor Bazin.

Pour lui, c’est bien le français de la mère patrie qui a subi des bouleversements linguistiques, notamment provoqués par la Révolution française, «qui a contribué à la diffusion des manières de parler de la cour de Versailles et des salons parisiens dans toutes les couches de la société».

C’est pour cela, selon Victor Bazin, que les «Français de France» prononcent «correctement» toutes les syllabes, à l’inverse de leurs cousins d’Amérique.

Le français québécois est donc un français historique, et il serait plus juste de dire que ce sont les Français métropolitains qui ont pris un accent!

Victor Bazin, journaliste au Figaro

Le québécois, du (très) vieux français?

L’analyse proposée par le Figaro n’aura toutefois pas convaincu le journaliste québécois expatrié en France, Rafael Miró, qui semble trouver l’argumentaire de Victor Bazin plutôt réducteur, voire erroné.

«Le français que parlent les Québécois est, à peu de choses près, celui que l’on parlait au XVIIe siècle en France, non, mais», s’est-il indigné, sur Twitter.

Avant d’enchaîner avec une réponse, en français archaïque, façon de souligner le côté ridicule de la proposition faite par la plume du Figaro: «Diantre, Le Figaro, ce ne sont que viles sottises! Il eût fallu que vous parlassiez à un linguiste ou que vous venassiez ici!», s’est-il exclamé.

Cette objection poussera peut-être Victor Bazin à s’offrir un billet d’avion pour la Belle Province, afin de mettre ses connaissances historiques à l’épreuve!

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