Société

Nous sommes tous concernés par ce système de plus en plus inclus dans le paiement par carte que je considère envahissant et trompeur. Une pression injustifiée sur le consommateur qui vise à augmenter la facture par voie contournée au profit de l’entreprise de services. Personnellement je refuse de me laisser intimider, je n’accorde de pourboire que pour les services reconnus et pour le montant recommandé hors taxe si je suis satisfait. Pour le reste j’ignore cette étape et passe outre, déjà que l’on passe largement à la caisse avec l’inflation actuelle.

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Et c’est encore plus sournois pour les touristes qui peut-être n’osent pas inscire 0 sur la machine. C’est rendu qu’on me propose souvent 18 voire 20% de pourboire de base dans des commerces de type vente au comptoir… Pareil dans les commerces où tu te sers toi-même, laisser un tip sur un produit que tu as toi-même sorti du frigo, c’est comme laisser un tip au dépaneur…

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Une pratique abusive qu’il faut absolument dénoncer parce qu’elle n’est absolument pas justifiée et confond la bonne foi des clients.

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Timatins rachitiques

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Tout le monde comprend aujourd’hui ce que les démographes répètent depuis des années, parce qu’on sent maintenant l’impact si près de nous. Il y a une crise extrêmement sérieuse de main-d’œuvre, une pénurie, et on n’en voit pas le bout.

Régis Labeaume

Régis Labeaume Maire de la ville de Québec de 2007 à 2021

Ce n’était pas à Québec, je le précise, je ne veux pas me retrouver à l’index chez moi.

Publié hier à 9h00

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C’était un matin, quelque part sur la Terre. L’estomac est creux, et gémit.

Je commande à l’auto deux Timatins, « Entre deux pains, avec œuf et fromage », selon l’Académie française. Un avec jambon, et l’autre avec bacon.

Je reçois le tout, avec oui, jambon et bacon, mais ces deux suppléments seuls entre deux tranches de bagel, sans œufs et sans fromage… Rachitiques, les Timatins.

L’estomac, dépité, lâche prise et s’en contente.

La veille, j’avais commandé dans un resto une salade au thon, qui m’a été servie… sans thon !

Une mauvaise passe.

Depuis un an ou deux, je vis un énorme stress à l’idée d’arriver après 20 h dans la capitale de l’entre-deux, Drummondville, et d’être incapable de me sustenter.

Bien sûr, il me reste ce sandwich mollasson dans le frigidaire d’un dépanneur, qui me fait de l’œil, désespérant d’être le seul de sa promotion à ne pouvoir séduire un preneur.

À chacune de mes visites au supermarché, j’ai aussi l’impression de me retrouver dans les couloirs d’une école secondaire, tellement le personnel rajeunit à vue d’œil. Moyenne d’âge actuelle selon moi, secondaire 4.

Et je suis un ti-mon’oncle. Depuis des décennies, je déguste la même pizza, de la même chaîne de restaurants. Elle me réconforte, m’apaise, me rattache au sol et me fait voyager dans le temps, passé. Mais ma dernière expérience avec elle m’a traumatisé. Elle m’a trahi, elle ne goûtait plus pareil ! J’en ai été brisé. Comme si je devenais orphelin.

Je ne peux expliquer si ce désastre était le lot de la jeunesse aux fours, ou de la radinerie des propriétaires qui en auraient changé la recette.

Une fois tous ces désagréments exposés, mais avouons qu’il y a pire dans le Donbass actuellement, loin de moi l’idée de vouloir blâmer ces jeunes qui ont pris la relève dans tellement de commerces au Québec, ni même les commerçants.

Mais n’empêche.

Tout le monde comprend aujourd’hui ce que les démographes répètent depuis des années, parce qu’on sent maintenant l’impact si près de nous. Il y a une crise extrêmement sérieuse de main-d’œuvre, une pénurie, et on n’en voit pas le bout.

Bien sûr, il aurait fallu que les gouvernements des dernières décennies voient plus loin que le bout de leur nez. Mais comme les conséquences n’étaient pas immédiates, on a laissé le paquet au suivant, et ainsi de suite. Pierre qui roule…

Il n’y a pas que de l’indifférence de la part de nos gouvernements, ce serait injuste de le supposer. Des gestes ont été posés, comme l’investissement important du gouvernement du Québec en formation dans les métiers stratégiques, annoncé il y a quelques mois. Comme l’annonce de la CAQ de la semaine dernière sur la formation professionnelle.

Mais quand vous lisez les programmes des autres partis, jusqu’à maintenant, à part les propositions connues sur les travailleurs retraités, on est dans les grands énoncés de principe, vaporeux, qui ne valent pas cher la livre. Au total, avec ce qui est sur la table, ça ne sera pas suffisant.

Pourquoi ne sent-on pas d’urgence nationale, alors qu’on sait qu’on est dans la mélasse jusqu’au cou ?

Pourquoi n’explique-t-on pas qu’il manquera tant de travailleurs dans les prochaines décennies, et qu’on a un plan global, clair, qui comblera ces besoins, dans les grands secteurs d’activité, avec tant de nouveaux travailleurs, grâce à la somme de telles solutions ? Un trou, une cheville.

On entend en ce moment trop d’à peu près de la part des gouvernements. Comme il faudra permettre à plus de handicapés d’entrer sur le marché du travail, par exemple. Pardon ? On en est vraiment rendu là ? On nous convaincra bientôt qu’on obligera les prisonniers à travailler, chaînes aux chevilles, comme on le faisait jadis, et peut-être encore, dans le sud des États-Unis.

Et on croit peut-être qu’on inventera bientôt un robot pour aller torcher dans les CHSLD, où je deviendrai client éventuellement. Remarquez qu’un robot n’attraperait pas la COVID-19, un gain certain.

Ou que les restos se transformeront en cafétérias sans serveurs.

Et il y a ce sujet éminemment délicat qu’est l’immigration. Communément exprimé en seuils d’immigration. Au Québec, on veut contrôler cette immigration, je le comprends. Mais l’organisation d’admission des immigrants a l’air détraquée, et trop souvent sans cœur.

Et il y a ces autres humains, qui dirigent leurs commerces, leurs entreprises, qui créent de la richesse, pour lesquels on a créé un indescriptible parcours du combattant pour accueillir de nouveaux travailleurs. On sent un énorme découragement chez les commerçants et les entrepreneurs.

Qu’on ne se surprenne pas si ces derniers reluquent le Mexique pour s’y implanter. Des pertes nettes à l’horizon.

Enfin… s’il y a quelque chose que les Québécois méritent de tous les partis politiques, durant cette campagne électorale, c’est bien une vision élaborée du combien, quand et comment on solutionnera cette crise de main-d’œuvre.

Allez ! On se déguédine là là ? On est capables.

Entre nous

Pour la pizza, je me suis trouvé un nouveau pusher de toutes garnies.

Un immigrant kurde de la rue Racine, dans le quartier Loretteville à Québec, qui se défonce pour bien nous servir.

En plus de me satisfaire, j’ai l’impression d’être utile et de contribuer à l’intégration d’un humain qui le mérite.

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L’impact caché de nos achats en ligne

PHOTOMONTAGE LA PRESSE

Des camionnettes de livraison stationnées en double, des boîtes (et du carton) qui s’accumulent, des entrepôts de plus en plus nombreux… On ne pense pas toujours aux conséquences quand on appuie sur le bouton ACHETER. Comment limiter le coût de ces achats sur nos villes ?

Publié à 5h00

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Nathalie Collard

Nathalie Collard La Presse

Des colis et des camions

L’idée de ce reportage est née un soir d’été, lors d’une balade dans un quartier central de Montréal. En marchant, j’ai croisé un camion de livraison Amazon, un camion Purolator, un camion FedEx et un camion Postes Canada. Sur le même tronçon de rue. Dans l’espace de 15 minutes.

Vous les croisez sûrement vous aussi dans votre quartier, ces camions de livraison, parfois stationnés en double ou bloquant une partie du trottoir ou de la voie cyclable. Et vous remarquez sans doute les colis qui attendent sur le pas de la porte de votre voisin.

Combien de camions quadrillent nos rues quotidiennement ? C’est un secret bien gardé. J’ai posé la question à Amazon, dont les camions sont très nombreux, mais la multinationale garde ces informations pour elle. Une chose est certaine, leur nombre n’ira pas en diminuant, car l’achat en ligne est une tendance qui n’est pas près de disparaître.

Le montant total des achats en ligne réalisés par les adultes québécois en 2021 se chiffre à 16,1 milliards de dollars, selon la plus récente étude sur le commerce électronique Netendances. Une hausse de 30 % en comparaison avec 2019 (l’étude révélait également qu’environ 48 % de ces achats avaient été faits sur le site d’Amazon, contre 19 % sur des sites québécois).

La pandémie n’explique pas tout.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Jean-Guy Côté, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

C’est un phénomène qui est toujours en croissance. Et les consommateurs d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes qu’avant la pandémie.

Jean-Guy Côté, directeur général du Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

Tous ces achats ont un impact direct dans nos villes et nos villages : en plus de menacer la viabilité du commerce local, ils font augmenter le nombre de camions de livraison qui usent nos routes, causent de la congestion et dérangent la quiétude de nos quartiers. Sans compter la pollution : le transport des marchandises contribue à 10 % des émissions de CO2.

« Les gens ne voient pas l’autre côté de la médaille, affirme Julie Paquette, professeure agrégée au département de la gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal. Et les villes ne sont pas prêtes pour tous ces camions. »

Un problème qui n’est pas près d’être résolu si on en croit le Forum économique mondial, qui estime que le nombre de véhicules de livraison dans les centres-villes augmentera de 36 % d’ici 2030.

« Le défi, c’est d’intégrer des zones de logistique en ville tout en limitant la nuisance », souligne Jean-Philippe Meloche, professeur et directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal.

Il faut repenser la ville

La Ville de Montréal, qui est actuellement en période de consultation pour son nouveau plan d’urbanisme, souhaite intégrer cette nouvelle réalité, nous confirme Robert Beaudry, responsable du dossier au comité exécutif.

Mais selon un expert de logistique du transport, le Québec accuse beaucoup de retard dans ce dossier. « En Europe et au Japon, on réfléchit à ces questions depuis plusieurs années », affirme Teodor Gabriel Crainic, professeur à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et codirecteur du Laboratoire sur les systèmes de transport intelligents du Centre interuniversitaire de recherche sur les réseaux d’entreprise, la logistique et le transport (CIRRELT).

« Au Québec, nos structures gouvernementales ne se sont pas adaptées et on manque de données pour mener des études sur cette question. »

Car il n’y a pas que le nombre de camions qui augmente. La quantité de cartons d’emballage aussi. Qui n’a pas levé les yeux au ciel en trouvant une boîte à l’intérieur d’une grosse boîte de carton remplie de papier ? Chez Recyc-Québec, on dit avoir enregistré une « hausse importante » de la quantité de carton en raison de l’augmentation des achats en ligne. Le bilan 2021 n’a pas encore été publié, mais Recyc-Québec nous confirme que pour les années 2018 à 2021, la hausse du carton trié par les centres de tri et provenant de la collecte sélective est estimée à environ 10 % par année. C’est un problème auquel il faudra s’attaquer. Certaines entreprises offrent déjà l’option « emballage écolo » sur leur site, mais à quand une taxe sur l’emballage excessif et polluant ?

Des pistes de solution

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Des casiers intelligents de la firme québécoise Expedibox servant à la livraison de colis, dans le hall d’entrée d’un immeuble

Il n’y a pas que des effets négatifs au commerce électronique. Acheter en ligne c’est, dans bien des cas, éviter les déplacements en auto vers les magasins. « De grandes entreprises comme Amazon regroupent leurs livraisons pour densifier leur route et rentabiliser leurs déplacements, explique la professeure Julie Paquette, de HEC. Il y a donc un effet positif direct sur les GES. »

À condition, bien sûr, que le consommateur soit patient. « Le problème, ce n’est pas le commerce en ligne, confirme le professeur Teodor Gabriel Crainic, de l’UQAM. C’est l’exigence des clients pour l’avoir hier. »

Concrètement, notre impatience force les camions à rouler à moitié vides. « Dans le cas d’une livraison pour le jour même ou le lendemain, la rentabilisation de la livraison est impossible », se désole la professeure Paquette. « C’est l’angle mort du commerce électronique », ajoute-t-elle.

« On a rentré dans l’imaginaire des gens qu’ils pouvaient recevoir leur colis très vite, presque le jour même », observe pour sa part Alain Dumas, directeur général du Panier Bleu, qui cite l’exemple de l’Angleterre où on offre au consommateur de choisir une plage horaire de livraison qui correspond au passage du camion dans son quartier. Il faut sensibiliser les consommateurs à l’impact de leurs achats et aux coûts que cela implique, selon lui.

Cruciaux 1000 derniers mètres

Il y a peut-être 1500 km qui vous séparent de la robe de vos rêves ou de l’ordinateur que vous convoitez, mais ce qui obsède les entreprises qui vont vous les livrer à la porte, c’est le dernier kilomètre.

Oui, le dernier ! Il y a des centaines d’études et de recherches consacrées aux 1000 derniers mètres de livraison. Il faut dire que les émissions de GES liées à ce dernier kilomètre peuvent représenter plus du tiers des impacts environnementaux et des coûts économiques d’une livraison. Or selon une enquête de la firme McKinsey, ces émissions vont doubler d’ici 2030. Quand on sait qu’une intervention à l’intérieur de ce dernier kilomètre peut contribuer à réduire jusqu’à 30 % des émissions et de la congestion routière, pas étonnant que tout le monde essaie de trouver des solutions.

Dans quelques jours, tous les grands acteurs de l’industrie de la logistique de livraison, y compris Postes Canada, se réuniront d’ailleurs à Washington pour discuter de leurs solutions et de leur vision de l’avenir dans le cadre de la conférence Leaders in Logistics.

Mais il existe déjà des initiatives intéressantes.

À commencer par la mutualisation des livraisons, une option qui sera bientôt offerte à tous les commerçants québécois présents sur le site Panier Bleu.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Alain Dumas, directeur général du Panier Bleu

L’idée, c’est de mettre en commun les livraisons pour faire baisser les coûts, augmenter l’efficacité et être compétitif avec les plus grands joueurs.

Alain Dumas, directeur général du Panier Bleu

La livraison du dernier kilomètre à vélo ? C’est le concept de Colibri, un projet-pilote implanté au centre-ville de Montréal en 2018. En collaboration avec Purolator, Colibri a donné des résultats encourageants : un gain opérationnel de 15 % et des livraisons possibles toute l’année, à moins d’une tempête majeure. On compte 70 vélos-cargos en Amérique du Nord, dont une quinzaine à Montréal. On dit que Vancouver s’intéresse au projet Colibri, qui devrait se déployer dans d’autres arrondissements montréalais prochainement.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Montréal compte une quinzaine de vélos-cargos du projet-pilote Colibri.

Certaines villes ont aussi décidé pour leur part de faire de leurs centres-villes un espace « zéro émission » ou « à faibles émissions » : seuls de petits camions électriques peuvent y faire des livraisons. Amazon, qui a déployé ses premiers véhicules électriques dans une douzaine de villes aux États-Unis en juillet dernier, vise des opérations zéro carbone d’ici 2040. D’autres commerces, comme la boutique de vêtements Everlane, aux États-Unis, offrent l’option « livraison carboneutre » pour moins de 1 $.

L’aménagement des bords de rue est une autre piste de solution. On les réserve pour les livraisons à certaines heures de la journée afin d’éviter qu’un camion se stationne en double et bloque la circulation.

Dans certaines villes, on a installé des casiers publics où les camions déposent les colis. Le consommateur peut aller chercher son colis à pied, près de chez lui, au moment qui lui convient. Et on peut regrouper plusieurs livraisons au même endroit.

Caroline Marie, conseillère stratégique en mobilité durable à la Coop Carbone

« C’est toute la question du point de chute qui est au cœur des réflexions ces temps-ci, note Jean-Guy Côté, du CQCD. On verra de plus en plus de casiers publics au cours des prochaines années. » Ils ont déjà fait leur apparition dans les halls d’entrée des tours de condos, dans certaines grandes surfaces et même dans quelques stations de métro de Laval… On sort du métro, on récupère son colis et hop, à la maison !

Revoir ces magasins qui n’en sont pas

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Les locaux de Penguin PickUp, au coin des avenues Papineau et du Mont-Royal

Un nouveau type de commerce a récemment fait son apparition sur le Plateau-Mont-Royal, angle Papineau et Mont-Royal : Penguin PickUp. Il s’agit d’un centre de collecte où de grandes enseignes comme IKEA, Walmart et Dollarama livrent leurs colis. On en compte quatre à Montréal.

Comment classer ces nouvelles enseignes (qui, en passant, devraient être francisées) ? Commerce ou centre de distribution ? L’arrondissement du Plateau-Mont-Royal leur a accordé un certificat de commerce de détail, mais reconnaît que c’était une erreur et modifiera l’usage du certificat pour « services personnels ». « L’arrondissement a toutefois entamé une réflexion pour mieux encadrer cette pratique, qui est de plus en plus courante, et éviter sa multiplication », nous indique Michel Tanguay, chargé de communication à l’arrondissement.

Mais la réalité, c’est que ces centres de cueillette vont se multiplier au cours des prochaines années. Or ces magasins fantômes ou dark stores représentent un vrai casse-tête pour les villes qui craignent pour la vitalité de leurs artères commerciales. « Le bon côté, c’est qu’ils occupent des locaux qui ne trouvaient pas preneur sur des rues qui ne connaissent plus le même achaladange », note le professeur Jean-Philippe Meloche, directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal. Le mauvais côté : ils offrent une vitrine aveugle qui casse le rythme d’une artère commerciale.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Jean-Philippe Meloche, directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal

On pourrait exiger qu’ils aient une vitrine sur rue pour ne pas tuer la vitalité des artères.

Jean-Philippe Meloche, directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal

« Si on change la réglementation pour un zonage logistique, il faut le faire de manière à limiter la prolifération de ces locaux-entrepôts qui se multiplient dans les grandes villes », croit pour sa part Caroline Marie, de la Coop Carbone. Aux dark stores, il faut en effet ajouter les dark kitchens, ces cuisines fantômes qui fournissent les Skip the Dishes, Uber Eats et autres services de livraison alimentaire qui doivent se trouver dans des quartiers centraux pour assurer une livraison rapide. Skip the Dishes prévoyait d’ailleurs ouvrir 38 de ces cuisines fantômes au Canada cette année. Or qui dit cuisine fantôme dit augmentation de la circulation automobile, bruit, trafic incessant.

À noter qu’en France, où l’on compte environ 200 dark stores, l’État s’apprête à modifier la réglementation. Ils seront désormais considérés comme des entrepôts, ce qui permettra aux villes de les interdire.

On ne pense pas à tout ça quand on commande notre sandwich au poulet préféré…

Votre pizza livrée par un drone ?

PHOTO JAIME REINA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

À Ibiza, un service de livraison par drone est offert aux luxueux yachts qui mouillent au large de la très sélecte île espagnole.

Pénurie de livreurs, congestion routière, pollution : à quoi pourrait ressembler le futur de la livraison ?

Les drones

La livraison par drones ne relève plus de la science-fiction. Il s’en fait environ 2000 par jour dans le monde (aux États-Unis, mais aussi en Chine, en Irlande, aux Émirats arabes unis, etc.) et selon la firme McKinsey, c’est une industrie en plein essor. Le hic : le contexte est flou. La réglementation n’est pas claire, l’acceptation sociale non plus, et l’avantage financier n’a pas encore été démontré.

Caroline Marie, conseillère stratégique en mobilité durable à la Coop Carbone, n’y croit pas. « Il y a trop d’entraves et de risques, observe-t-elle. La réglementation sera sévère, et je ne vois pas le modèle économique, en fait. »

Au Canada, cela pourrait prendre encore quelques années avant de voir les premiers drones effectuer une livraison. Le gouvernement fédéral est en consultation.

Certaines entreprises, comme Aeronyx, attendent le feu vert pour se lancer dans le ciel. « Notre projet est au stade d’étude de faisabilité technique et commerciale, nous explique Pascal Boissé, vice-président développement de produit et affaires réglementaires. Le contexte réglementaire actuel ne permet pas d’implanter un tel service, mais ce cadre évolue. » Aux États-Unis, c’est différent. Amazon a développé son service de livraison Amazon Prime Air qui devrait livrer sous peu ses premiers colis de 2,25 kg ou moins à Lockeford, en Californie, et à College Station, au Texas. La multinationale a également obtenu un brevet pour développer un entrepôt volant. Les colis seraient dans un dirigeable duquel les drones iraient s’approvisionner… Pas de la science-fiction, mais pas loin.

Des véhicules autonomes

PHOTO NG HAN GUAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le géant chinois du commerce en ligne JD.com compte sur des véhicules autonomes pour effectuer ses livraisons dans les rues de Pékin.

Des véhicules autonomes, c’est-à-dire sans conducteur, pourraient un jour assurer la livraison du dernier kilomètre. C’est le cas dans la ville de Houston, au Texas, où Domino Pizza se livre à un projet-pilote. Toujours aux États-Unis, la start-up Piestro veut tester la livraison de pizzas fabriquées dans des pizzerias automatisées par des robots-livreurs.

Des entrepôts en hauteur

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE SOGARIS

L’entrepôt vertical de Sogaris dans le 18e arrondissement parisien

À Paris, la firme de logistique Sogaris a transformé un ancien stationnement étagé en entrepôt vertical. Ce « grenier » des temps modernes entreposera colis et marchandises que des vélos pourront ensuite livrer dans la ville. En Asie, ces entrepôts verticaux sont déjà très répandus.

Des « uber-entrepôts »

PHOTO LUCAS JACKSON, ARCHIVES REUTERS

Amazon propose désormais aux New-Yorkais de transformer une partie de leur résidence en « mini-entrepôt ».

Accepteriez-vous de transformer une partie de votre maison ou appartement en entrepôt en échange de quelques dollars ? C’est ce que propose Amazon (encore eux !) aux résidants de New York. Le New York Times rapportait l’an dernier que la multinationale est en train de développer un véritable réseau de ces mini-entrepôts à Manhattan et à Brooklyn où Amazon possède déjà 12 grands entrepôts, en plus des deux douzaines qui se trouvent en banlieue de la métropole. Mais entreposer dans les quartiers centraux permet au géant une réduction de 20 % des coûts de livraison. Cette ubérisation de la livraison, on l’observe aussi avec le service Amazon Flex qui propose aux automobilistes « ordinaires » de se transformer en livreurs d’occasion en échange d’un tarif à l’heure. Amazon Flex est présent dans une quinzaine de villes canadiennes en Alberta, en Colombie-Britannique et en Ontario, mais pas à Montréal.

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Fréquentation des commerces du centre-ville Les mercredis ont la cote

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Les périodes d’achalandage dans les commerces du centre-ville ont changé.

Le mercredi est-il devenu le nouveau « jeudredi » ?

Publié à 7h00

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Nathaëlle Morissette

Nathaëlle Morissette La Presse

Les périodes d’achalandage dans les commerces du centre-ville ont changé. Les repas d’affaires et les séances de magasinage sur l’heure du midi ont maintenant la cote en milieu de semaine, constatent des détaillants et des restaurateurs interrogés par La Presse.

Les travailleurs du centre-ville, dont beaucoup sont en mode hybride, semblent en majorité avoir jeté leur dévolu sur le mercredi surtout, ainsi que le mardi et le jeudi, pour venir au bureau, boudant ainsi le lundi et le vendredi. Cet horaire a une incidence directe sur les commerçants.

« Le lundi, ce n’est clairement pas la journée la plus populaire au bureau », lance sans détour Geneviève Touchette, directrice générale du Central, une aire de restauration située sur Sainte-Catherine, qui compte plus d’une vingtaine de comptoirs. Faute de clients potentiels, Le Central est fermé en début de semaine.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Geneviève Touchette, directrice générale du Central

Elle note également que les vendredis midi ne font pas courir les foules. Toutefois, en milieu de semaine, les clients sont nombreux à prendre place aux grandes tables du Central pour partager un repas ou pour prendre un verre. Alors que les jeudis ont toujours été populaires auprès des collègues désireux d’échanger après le travail, le mercredi est maintenant devenu une journée rassembleuse, selon Mme Touchette.

Plus à l’ouest, au magasin Sports Experts, Louis Côté, vice-président des opérations pour le Groupe Goulet Sports, propriétaire d’une dizaine d’établissements de la même chaîne, fait aussi ce constat.

Avant, le lundi et le vendredi étaient nos deux plus grosses journées de la semaine. Maintenant, c’est rendu le mardi, le mercredi et le jeudi. On voit vraiment une grosse différence.

Louis Côté, vice-président des opérations pour le Groupe Goulet Sports ,au sujet du Sports Expoerts de la rue Sainte-Catherine

Tous les propriétaires d’établissements au centre-ville, Souris Mini, Avril, La Cage – Brasserie sportive – dont les ventes du mercredi et du jeudi midi ont surpassé celles du vendredi – et Benny & Co. ont confirmé à La Presse que leur achalandage « avait migré » vers le milieu de la semaine.

« On le voit même sur les routes, ajoute Louis Côté. Avant, le lundi, c’était la pire journée pour venir au centre-ville de Montréal. Maintenant, c’est la meilleure journée. J’ai même changé mon horaire pour être plus souvent au magasin de la rue Sainte-Catherine le lundi et le vendredi. C’est beaucoup plus simple de voyager. »

« On pourrait dire que les mercredis sont les nouveaux jeudredis », illustre en riant Glenn Castanheira, directeur général de Montréal Centre-ville. Il tient toutefois à souligner que, à la lumière des données enregistrées par les compteurs d’achalandage, le centre-ville grouille d’activités le vendredi et le samedi. Il ne s’agit pas nécessairement de travailleurs, mais plutôt de visiteurs ou encore d’étudiants.

Un retour à temps complet

Bien qu’ils aient des milieux de semaine occupés, bien des commerçants espèrent que cet achalandage à temps partiel ne deviendra pas la « nouvelle normalité. » « Au départ, mon modèle d’affaires n’était pas basé sur ce genre d’horaire », dit Geneviève Touchette.

Nicolas Filiatrault, vice-président finances et administration des restaurants Benny & Co., souhaite lui aussi que l’activité reprenne de façon plus équilibrée. La chaîne québécoise notamment reconnue pour son poulet rôti a ouvert en pleine pandémie deux restaurants au centre-ville de Montréal, l’un sur le boulevard Robert-Bourassa et l’autre sur la rue Saint-Jacques. « On veut recréer des habitudes de consommation », précise-t-il.

De son côté, Glenn Castanheira est plutôt confiant en l’avenir. Il rappelle notamment les données publiées à la fin août par l’agence immobilière Jones Lang LaSalle (JLL) qui laissaient entrevoir une embellie pour les commerçants du centre-ville. La fréquentation a en effet augmenté de 40 % chez ces détaillants pour le deuxième trimestre 2022 par rapport à l’an dernier. Interrogés par La Presse à la suite du dévoilement de ces chiffres, plusieurs d’entre eux avaient affirmé que leurs ventes avaient atteint et même parfois surpassé les niveaux de 2019, alors que le trafic demeurait inférieur à ceux enregistrés avant la pandémie.

« On veut qu’il y ait de l’achalandage point, affirme M. Castanheira. Est-ce que c’est inquiétant ? Pas tant. En fait, c’est rassurant. On voit que les gens sont là. Ce sont juste les comportements qui changent, les heures qui changent, les horaires qui changent. »

« Ce qui a vraiment changé, c’est que les gens ne sont plus obligés de venir au centre-ville [tous les jours]. Généralement, ils viennent par choix, note-t-il. On fait le pari que s’ils viennent par choix, ils vont en profiter : ils vont aller magasiner, aller chez le cordonnier, chez le nettoyeur. Tout indique que c’est ce qui est en train de se passer. On en a perdu, mais ceux qui reviennent sont ceux qui maximisent leur visite au centre-ville, donc ceux qui ont le plus de retombées sur les commerçants du centre-ville. Et ça, c’est encourageant. »

C’était mon impression, basé sur mon entourage : ceux qui apprécient du centre-ville et en profitaient y sont retournés. D’autre part, ceux qui arrivaient par le train le plus tardif possible, mangeaient leurs lunchs sur le coin de leur bureau et repartaient vers la banlieue dès le travail fini apprécient davantage le télétravail. Leur absence ne change pas grand chose à la dynamique du centre-ville.

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Il n’est plus milliardaire

PHOTO NATALIE BEHRING, THE NEW YORK TIMES

Yvon Chouinard, le fondateur du fabricant de vêtements de plein air Patagonia

Le fondateur de Patagonia a annoncé mercredi se séparer de sa société. Retour sur le parcours hors norme d’Yvon Chouinard.

Publié à 7h00

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David Gelles The New York Times

Un demi-siècle après avoir fondé le fabricant de vêtements de plein air Patagonia, Yvon Chouinard, l’alpiniste excentrique qui est devenu milliardaire malgré lui, grâce à son approche non conventionnelle du capitalisme, a cédé son entreprise.

Plutôt que de vendre la société ou de la faire entrer en Bourse, Yvon Chouinard, sa femme et ses deux enfants adultes ont transféré leur propriété de Patagonia, évaluée à environ 3 milliards de dollars, à une fiducie spécialisée et à une organisation sans but lucratif. Elles ont été créées pour préserver l’indépendance de l’entreprise et garantir que tous ses bénéfices – quelque 100 millions de dollars par an – soient utilisés pour lutter contre les changements climatiques et protéger les terres non exploitées dans le monde.

Cette démarche inhabituelle intervient à un moment où les milliardaires et les entreprises font l’objet d’une attention croissante, leurs discours sur la nécessité de rendre le monde meilleur étant souvent éclipsés par leur contribution aux problèmes qu’ils prétendent vouloir résoudre.

L’abandon par M. Chouinard de la fortune familiale est cohérent avec son mépris de longue date pour les normes commerciales et de son amour de toujours pour la protection de l’environnement.

« Espérons que cela influencera une nouvelle forme de capitalisme qui ne se termine pas avec quelques riches et un tas de pauvres », a déclaré en interview M. Chouinard, 83 ans, originaire de Lewiston, dans le Maine.

Nous allons donner le maximum d’argent à des personnes qui travaillent activement à la sauvegarde de cette planète.

Yvon Chouinard

Patagonia continuera à fonctionner comme une société privée à but lucratif dont le siège social est à Ventura, en Californie, vendant chaque année pour plus de 1 milliard de dollars de vestes, de tuques et de pantalons de ski.

PHOTO LAURE JOLIET, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Une boutique Patagonia au siège social de l’entreprise à Ventura, en Californie, en 2018

Mais les Chouinard, qui contrôlaient Patagonia jusqu’au mois dernier, ne sont plus propriétaires de l’entreprise.

Le coût des principes

En août, la famille a transféré irrévocablement toutes les actions avec droit de vote de la société, soit 2 % de l’ensemble des actions, vers une nouvelle entité appelée Patagonia Purpose Trust.

Cette fiducie, qui sera supervisée par les membres de la famille et leurs conseillers les plus proches, a pour but de garantir que Patagonia respecte son engagement à exploiter une entreprise socialement responsable et à distribuer ses bénéfices. Comme les Chouinard ont fait don de leurs actions à une fiducie, la famille paiera environ 17,5 millions de dollars américains en impôts sur ce don.

Les Chouinard ont ensuite donné les 98 % restants de Patagonia, c’est-à-dire ses actions ordinaires, à une organisation sans but lucratif nouvellement créée, appelée Holdfast Collective, qui recevra désormais tous les bénéfices de l’entreprise et utilisera les fonds pour lutter contre les changements climatiques. Comme le Holdfast Collective est une organisation 501(c)(4), ce qui lui permet de faire des contributions politiques illimitées, la famille n’a reçu aucun avantage fiscal pour son don.

« Cela leur a coûté cher, mais c’est un coût qu’ils étaient prêts à assumer pour s’assurer que cette entreprise reste fidèle à ses principes », a déclaré Dan Mosley, associé chez BDT & Co, une banque d’affaires qui travaille avec des personnes très fortunées, dont Warren Buffett, et qui a aidé Patagonia à concevoir la nouvelle structure financière de l’entreprise.

Et ils n’ont pas obtenu de déduction caritative pour cela. Il n’y a pas le moindre avantage fiscal ici.

Dan Mosley, associé chez BDT & Co

Barre Seid, un donateur républicain, est le seul autre exemple de mémoire récente d’un riche propriétaire d’entreprise qui a fait don de son entreprise pour des causes philanthropiques et politiques. Mais Barre Seid a adopté une approche différente en donnant 100 % de son entreprise d’électronique à une organisation sans but lucratif, récoltant ainsi une énorme plus-value fiscale personnelle alors qu’il faisait un don de 1,6 milliard de dollars pour financer des causes conservatrices, y compris des efforts pour empêcher toute action contre les changements climatiques.

Une histoire unique

En faisant don de la majeure partie de leurs biens de leur vivant, les Chouinard – Yvon, sa femme Malinda et leurs deux enfants, Fletcher et Claire, qui ont tous deux la quarantaine – se sont imposés comme l’une des familles les plus charitables au pays.

Patagonia a déjà fait don de 50 millions de dollars au Holdfast Collective et prévoit verser 100 millions de dollars additionnels cette année, faisant de la nouvelle organisation un acteur majeur dans le domaine de la philanthropie climatique.

M. Mosley a déclaré que cette histoire ne ressemblait à aucune de celles qu’il avait vues dans sa carrière. « Au cours de mes plus de 30 années de planification successorale, ce que la famille Chouinard a fait est vraiment remarquable », a-t-il déclaré.

C’est un engagement irrévocable. Ils ne peuvent plus le retirer et ne veulent plus jamais le retirer.

Dan Mosley, associé chez BDT & Co

Pour M. Chouinard, c’était encore plus simple ; cela offrait une résolution satisfaisante à la question de la planification de la relève.

« Je ne savais pas quoi faire de l’entreprise parce que je n’ai jamais voulu d’une entreprise, a-t-il déclaré de sa maison de Jackson, au Wyoming. Je ne voulais pas être un homme d’affaires. Maintenant, je pourrais mourir demain, l’entreprise va continuer à faire ce qu’il faut pendant les 50 prochaines années, et je n’ai pas besoin d’être là. »

« Cela pourrait en fait fonctionner »

D’une certaine manière, la dépossession de Patagonia n’est pas terriblement surprenante venant de M. Chouinard.

En tant que pionnier de l’escalade dans la vallée de Yosemite en Californie dans les années 1960, M. Chouinard vivait dans sa voiture et se nourrissait de boîtes de nourriture pour chats abîmées à 5 sous.

Aujourd’hui encore, il porte de vieux vêtements en lambeaux, conduit une Subaru déglinguée et partage son temps entre des maisons modestes à Ventura et à Jackson. M. Chouinard ne possède ni ordinateur ni téléphone portable.

Patagonia, fondée par M. Chouinard en 1973, est devenue une entreprise qui reflète ses propres priorités idéalistes, ainsi que celles de sa femme. L’entreprise a été l’une des premières à adopter toutes sortes de produits ou de pratiques, du coton biologique à la garde d’enfants sur place, et elle est devenue célèbre en décourageant les consommateurs d’acheter ses produits. On se rappellera notamment d’une publicité de Patagonia dans le New York Times lors du Vendredi fou qui disait : « N’achetez pas cette veste. »

Depuis des décennies, l’entreprise donne 1 % de ses ventes principalement à des militants écologistes qui travaillent sur le terrain. Et ces dernières années, l’entreprise est devenue plus active politiquement, allant jusqu’à poursuivre l’administration Trump dans le but de protéger le monument national de Bears Ears.

PHOTO LAURE JOLIET, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Des autocollants à l’effigie du monument national de Bears Ears au siège social de Patagonia, à Ventura, en Californie, en 2018

Pourtant, alors que les ventes de Patagonia grimpaient en flèche, la valeur nette de M. Chouinard continuait de grimper, ce qui créait une situation inconfortable pour un marginal qui abhorre la richesse excessive.

Dans le magazine Forbes, j’étais classé comme milliardaire, ce qui m’a vraiment, vraiment énervé. Je n’ai pas 1 milliard de dollars à la banque. Je ne conduis pas de Lexus.

Yvon Chouinard

Le classement Forbes, puis la pandémie de COVID-19, ont contribué à mettre en branle un processus qui s’est déroulé au cours des deux dernières années et qui a finalement mené les Chouinard à céder leur entreprise.

Au milieu de l’année 2020, M. Chouinard a commencé à dire à ses plus proches conseillers, dont Ryan Gellert, le PDG de l’entreprise, que s’ils ne trouvaient pas une bonne solution, il était prêt à vendre l’entreprise.

« Un jour, il m’a dit : “Ryan, je te jure que si vous ne commencez pas à agir, je vais aller chercher la liste des milliardaires du magazine Fortune et commencer à appeler les gens sans qu’ils l’aient sollicité”, a déclaré Gellert. À ce moment-là, nous avons compris qu’il était sérieux. »

La solution idéale

Maintenant que l’avenir de la propriété de Patagonia est clair, l’entreprise va devoir concrétiser ses grandes ambitions, à savoir gérer une société rentable tout en luttant contre les changements climatiques.

Certains experts mettent en garde contre le fait que, sans participation financière de la famille Chouinard dans Patagonia, l’entreprise et les entités connexes pourraient perdre de vue leur objectif. Bien que les enfants restent salariés de Patagonia et que les Chouinard aient de quoi vivre confortablement, l’entreprise ne distribuera plus de bénéfices à la famille.

« Ce qui fait le succès du capitalisme, c’est qu’il y a une motivation à réussir », a déclaré Ted Clark, directeur général du Northeastern University Center for Family Business.

Si vous supprimez toutes les incitations financières, la famille n’aura essentiellement plus d’intérêt pour elle, si ce n’est une nostalgie du bon vieux temps.

Ted Clark, directeur général du Northeastern University Center for Family Business

Quant à la manière dont le Holdfast Collective distribuera les bénéfices de Patagonia, M. Chouinard a déclaré qu’une grande partie de l’accent sera mis sur les solutions climatiques basées sur la nature, telles que la préservation des terres sauvages. En tant qu’organisation 501(c)(4), le Holdfast Collective pourra également s’appuyer sur l’expérience de Patagonia en matière de financement des militants de terrain, mais il pourra aussi faire du lobbyisme et des dons à des campagnes politiques.

Pour les Chouinard, cela résout la question de savoir ce qu’il adviendra de Patagonia après la disparition de son fondateur, en garantissant que les bénéfices de l’entreprise seront utilisés pour protéger la planète.

« Je ressens un grand soulagement d’avoir mis de l’ordre dans ma vie, a déclaré M. Chouinard. Pour nous, c’était la solution idéale. »

Cet article a été initialement publié dans le New York Times.

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Ça fait du bien de voir que dans notre société hyper matérialiste, des gens aux valeurs plus profondes et nettement plus altruistes, partagent leur fortune personnelle avec des organismes fondés spécifiquement, afin de pérenniser ces mêmes valeurs pour le bien commun des générations futures.

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Recensement de 2021 Forte augmentation de la population autochtone

PHOTO SCOTT EELLS, ARCHIVES BLOOMBERG

La population autochtone a augmenté d’un tiers dans le Grand Montréal au cours des cinq dernières années, ce qui constitue la plus forte augmentation observée dans les grands centres urbains du Canada, selon les dernières données du recensement de 2021 de Statistique Canada.

Mis à jour hier à 23h30

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Delphine Belzile

Delphine Belzile La Presse

Entre 2016 et 2021, le Grand Montréal a observé une hausse de plus de 11 000 Autochtones sur son territoire, une augmentation de 32,4 %, selon le rapport. Au cours de la même période, le Québec a recensé une croissance totale de la population autochtone de 14,3 %.

Plus de 46 000 Autochtones résidaient dans la région métropolitaine en 2021. Ceux-ci représentaient 22 % de la population autochtone du Québec. Aujourd’hui, les Autochtones représentent environ 1 % de la population du Grand Montréal et près de 4 % du reste du Québec.

Les communautés autochtones sont en croissance dans plusieurs autres grands centres urbains à travers le pays, notamment Winnipeg et Edmonton. En 2021, plus de 800 000 Autochtones vivaient dans les grandes villes du Canada, selon Statistique Canada. La population des Métis, des membres des Premières Nations et des Inuits a crû de 12,5 % dans les régions métropolitaines, entre 2016 et 2021.

À titre d’exemple, plus de 40 % de la population des Premières Nations résidait dans une région urbaine en 2021, indique le recensement. Quant à la concentration des Inuits, elle a augmenté de 18 % dans les centres urbains au cours des cinq dernières années.

D’ailleurs, la communauté inuite de Montréal comptait quelque 1130 personnes en 2021. Il s’agit de la troisième communauté inuite dans les centres urbains au Canada, après celles d’Ottawa et d’Edmonton, qui comptent 1730 et 1290 personnes.

Toujours selon le recensement de 2021, plus de la moitié des Métis vivaient dans les grands centres urbains en 2021, notamment dans la ville de Winnipeg. D’ailleurs, ceux qui y résidaient étaient plus susceptibles d’habiter dans un logement surpeuplé. Selon Statistique Canada, quelque 17 % des Autochtones sont susceptibles de vivre dans un logement surpeuplé, alors que cette proportion est de seulement 9,4 % chez les non-Autochtones.

Croissance plus rapide et population moins âgée

La population autochtone est âgée en moyenne de 8 ans de moins que la population non autochtone au Canada, révèle le recensement de 2021. En 2021, la moyenne d’âge était de 33,6 ans chez les Autochtones, alors qu’elle était de 41,8 ans chez les non-Autochtones. Ce sont les Inuits qui ont la moyenne d’âge la plus basse, soit 28,9 ans.

Plus du quart de la population autochtone avait moins de 14 ans en 2021. Cette tranche d’âge ne représentait que 16 % de la population non autochtone l’an dernier.

Le recensement indique également que la population autochtone croît plus rapidement que la population non autochtone au Canada. Entre 2016 et 2021, la population non autochtone a crû de 5,3 %. Au cours de la même période, la population autochtone a augmenté de 9,4 %.

Cette forte croissance est due notamment à une hausse du taux de natalité et de l’espérance de vie dans les communautés autochtones du Canada, selon Statistique Canada. Elle s’explique également par une augmentation des demandes de statut d’Indien, a souligné Chris Penney, directeur du Centre de la statistique et des partenariats autochtones, en conférence de presse mercredi matin.

Les gens répondent différemment au recensement une année, par rapport au passé. Il y a eu un certain nombre de décisions judiciaires et de modifications législatives qui ont modifié les exigences ou l’admissibilité de la Loi sur les Indiens.

Chris Penney, directeur du Centre de la statistique et des partenariats autochtones

À titre d’exemple, des modifications apportées à la loi sont entrées en vigueur en 2017 permettant dorénavant aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants d’une femme ayant perdu son statut d’Indienne après un mariage avec un non-Indien de s’inscrire au registre des Indiens.

Bien que la population autochtone soit en forte hausse au Canada, le taux de croissance a ralenti au cours des 10 dernières années. Rappelons qu’entre 2011 et 2016, elle avait augmenté de 18,9 %, soit presque le double du taux de croissance enregistré par Statistique Canada dans le recensement de 2021.

Aujourd’hui, les Autochtones représentent 5 % de la population canadienne, une hausse de 0,1 point par rapport à 2016, indique le rapport.

En savoir plus

  • 205 015
    Population autochtone au Québec en 2021

Source : Statistique Canada

  • 32,4 %
    Augmentation de la population autochtone à Montréal entre 2016 et 2021

Source : Statistique Canada

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Montréal Des guichets uniques pour les sans-abri

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Un autobus amènera à la Maison du père les personnes sans-abri qui veulent obtenir les services ds guichets uniques, ce qui leur évite d’avoir à se déplacer dans différents bureaux, aux quatre coins de la ville.

Chaque premier du mois, une queue se forme devant des organismes d’aide aux personnes itinérantes : des sans-abri veulent encaisser leur chèque d’aide sociale. Ils repartent avec de l’argent comptant plein les poches, puisque nombre d’entre eux n’ont pas de compte bancaire.

Publié à 5h00

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Isabelle Ducas

Isabelle Ducas La Presse

L’agent Laurent Dyke, responsable du dossier de l’itinérance au sein de la Division de la prévention et de la sécurité urbaine du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), s’inquiète pour leur sécurité, puisqu’ils s’exposent ainsi à des vols et peuvent difficilement respecter un budget.

En 2019, l’agent Dyke a donc mis sur pied un projet, avec le Mouvement Desjardins, pour les aider à ouvrir un compte bancaire et y faire déposer directement leur chèque d’aide sociale chaque mois. « Plus de 300 personnes ont ouvert un compte en banque, dit-il. Elles peuvent faire des retraits au besoin et ne se retrouvent plus avec des liasses de centaines de dollars au début du mois. »

Cette année, il pousse un peu plus loin l’initiative, en mettant en place, pendant deux journées, des guichets uniques de services pour les personnes en situation d’itinérance, en collaboration avec la Maison du père et d’autres partenaires.

Entamer « les démarches administratives »

Ils pourront notamment obtenir une carte d’assurance maladie, ouvrir un compte bancaire, obtenir de l’information juridique, faire une demande d’aide sociale ou de sécurité de la vieillesse, gérer leurs contraventions, réviser leur dossier de probation, obtenir de l’aide pour combattre une dépendance à l’alcool ou à la drogue, faire des démarches pour se trouver un emploi, etc.

Tous les intervenants seront sur place et des rencontres privées pourront avoir lieu.

« On ne fera pas que donner de l’information, on va vraiment pouvoir démarrer les démarches administratives dont les gens ont besoin », explique l’agent Dyke

Un autobus amènera à la Maison du père les personnes sans-abri qui veulent obtenir ces services, ce qui leur évite d’avoir à se déplacer dans différents bureaux, aux quatre coins de la ville.

Les guichets uniques auront lieu ce jeudi, ainsi que le mardi 15 novembre, de 9 h à 16 h.

Est-ce que la police se retrouve maintenant à faire le travail des organismes communautaires ?

« Ma priorité, comme policier, c’est d’assurer la sécurité des personnes en situation d’itinérance, répond l’agent Dyke. Je regarde quels sont les enjeux pour ces gens, et je tente de trouver des solutions. »

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Armes de poing Ottawa annonce un gel national

PHOTO BEBETO MATTHEWS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le gouvernement soutient que le plafonnement du nombre d’armes de poing au Canada rendra le pays plus sécuritaire, notant qu’elles étaient la catégorie d’armes la plus représentée dans la plupart des crimes violents liés aux armes à feu entre 2009 et 2020.

Ottawa a annoncé vendredi un gel national de la vente, de l’achat et du transfert d’armes de poing. Il entre en vigueur immédiatement.

Publié à 8h30

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Frédérik-Xavier Duhamel

Frédérik-Xavier Duhamel La Presse

En mai, le gouvernement libéral avait annoncé un plan visant à mettre en œuvre un tel gel national afin d’aider la répression de la violence liée aux armes à feu.

Mais alors que le projet de loi C-21 continue d’être débattu au Parlement, « des mesures immédiates sont prises par le biais de règlements en raison de l’urgence de la situation au Canada », a indiqué le bureau du premier ministre Justin Trudeau par communiqué.

Le gel national annoncé vendredi « empêchera les gens d’apporter des armes de poing nouvellement acquises au pays et restreindra immédiatement l’achat, la vente et le transfert d’armes de poing au Canada ».

« Les demandes soumises au plus tard le 21 octobre 2022 pour acheter, vendre ou transférer une arme de poing au Canada continueront d’être traitées », a-t-on cependant précisé.

Le gel de l’importation des armes de poing, entré en vigueur en août, demeure en place.

Le gouvernement soutient que le plafonnement du nombre d’armes de poing au Canada rendra le pays plus sécuritaire, notant qu’elles étaient la catégorie d’armes la plus représentée dans la plupart des crimes violents liés aux armes à feu entre 2009 et 2020.

Les entreprises pourront toutefois continuer à vendre des armes à certaines personnes exemptées, dont des tireurs sportifs d’élite qui participent ou s’entraînent lors d’évènements reconnus par les comités internationaux olympiques ou paralympiques.

Plus de détails à venir.

Avec La Presse Canadienne

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Un message a été fusionné à un sujet existant : L’industrie du condo, ses pièges et ses problèmes

Reportage sur ÉMMIS (Équipe mobile de médiation en intervention sociale) de la Ville au Téléjournal 18h

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Un article dans The Atlantic sur qui sont les NIMBYs d’aujourd’hui

The Next Generation of NIMBYs

Younger buyers who sunk their savings into new homes have too much to lose.


A neighborhood in Los Angeles, California. (Frederic J. Brown / AFP via Getty)

By Jerusalem Demsas
July 20, 2022

The pandemic made it possible for many Millennials to purchase their first home. Could it also have set the stage for a new breed of NIMBYs?

Backyard Wrestling

When we think of the typical NIMBY—a pejorative term (short for “Not in My Backyard”) for someone who opposes change in their community, especially if they don’t oppose that change somewhere else—we tend to imagine an upper-middle-class Boomer, shaking his fist at the sky as someone builds affordable housing or a new wind turbine in his neighborhood. Research backs this up: The types of people who show up at local meetings to oppose new housing are older, more likely to be white, and more likely to be homeowners than those who don’t.

But the pandemic didn’t just spawn variants of the coronavirus. It may have also turbocharged the development of a new variant of the change-averse homeowner: The Millennial NIMBY.

In the past couple of years, home prices have skyrocketed as the nation’s longtime house-supply deficit barreled into low-interest-rate-and-increased-remote-work-fueled demand. As a result, the median sales price for a home in the U.S. grew from $313,000 in early 2019 to $428,700 in early 2022.

New research from Freddie Mac shows that first-time homebuyers were “the major driver of the increase in demand. In 2021, Freddie Mac financed 554,000 loans for first-time homebuyers—up 22% from 2020,” the chief economist Sam Khater writes. “That’s the highest level since tracking began in 1994” (emphasis my own).

Becoming a homeowner does not automatically make you a NIMBY. In fact, the people who attend zoning-board meetings to try to block new construction, or who hire lawyers to try to stop renewable-energy projects or mass transit from being built, are very weird and represent a very small percentage of people who own homes.

So why am I worried about these new homeowners? Because I believe that many of them will soon be desperate to maintain their property value—a key ingredient for NIMBYism. (If you’re wondering why NIMBY-ism is bad, you can read my longer-form thoughts here. But it plays a large role in our critical undersupply of housing, our inability to build mass transit, and the floundering of renewable-energy projects such as wind and solar farms.)

The economist William Fischel’s book The Homevoter Hypothesis details the way that homeowners become “homevoters” and act to head off potential declines in their property value. Importantly, these homevoters become extremely risk-averse. Even if new condos down the street are probably not going to hurt your home value, why take the chance?

Millennials took longer than past generations to buy their first home in large part due to the Great Recession. But the low interest rates of the early 2020s made mortgage payments affordable to many, even as the price of homes skyrocketed. In their fever to take advantage of low rates, many of these first-time homeowners put it all on the line: Redfin found that “prospective homebuyers who offered all cash were more than four times as likely to win a bidding war as those who didn’t in 2021.” They also found that waiving pre-inspection improved a competitive offer’s likelihood of success by 25 percent. Another report indicates that a record share of homebuyers bought their home sight unseen.

So now a large swath of Americans not only have sunk much of their savings into new homes but also are more likely to come across costly issues with those new homes, given the frenzy with which they bought them. Unlike their older counterparts, who likely have more diversified savings portfolios, these young homeowners have tied their money up in their houses. While all homeowners care about the value of their property, it stands to reason that people who bought houses with potential resale-value issues—or who have no other savings to rely on in case of a medical or other financial emergency—will be that much more worried about any potential declines in value.

This is one of the first steps on the road to becoming a NIMBY: Feeling like your entire financial future rests on the worth of a single asset—an asset whose worth you have very little control over. Home values depend on many variables, including local crime rates, the quality of local public schools, the weather, and the ineffable sense that a neighborhood is “cool.” It’s a scary position to find oneself in, particularly in a country that leaves its elderly, sick, and impoverished without a sufficient social insurance net.

It’s possible that younger homeowners may be less prone to NIMBY-ism than their forebears. After all, they are more liberal and likely to be accepting of new neighbors, and they also are less likely to harbor anti-renter sensibilities, given that they spent more of their lives as renters themselves. But I’m worried—when personal finances square up against political ideals, guessing what the winner will be is not hard.

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Attaques informatiques Les primes d’assurance explosent

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Les cybercriminels coûtent cher aux entreprises, et pas seulement en rançons. Depuis deux ans, les primes d’assurance cyberrisques ont littéralement explosé, tandis que les assureurs échaudés sont plus pointilleux que jamais.

Publié à 5h00

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Karim Benessaieh
Karim Benessaieh La Presse

« Au niveau financier, ç’a été un film d’horreur »

Perçue il y a quelques années comme le produit d’avenir, la cyberassurance est plutôt devenue un boulet peu rentable pour les assureurs. Coincées entre les cybercriminels plus actifs et plus gourmands que jamais et la rareté des assurances offertes, les entreprises doivent quant à elles jongler avec des hausses considérables de primes et des critères d’admission resserrés. Le marché est « en sérieuse période de correction », constatent des experts.

Tous les professionnels interrogés par La Presse ont observé que les primes d’assurance cyberrisques avaient considérablement augmenté depuis au moins deux ans, un phénomène encore peu documenté pour lequel on ne dispose pas de statistiques globales.

« Dans certains cas, on parle de hausses d’au-delà de 100 % », note Imran Ahmad, chef, technologies et cybersécurité, au cabinet Norton Rose Fulbright Canada.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) et le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ) préparent actuellement des études sur ce sujet. L’ex-président de ce dernier organisme, Jean-Pierre Tardif, en connaît un bout : en un an, la prime d’assurance cyberrisques de son cabinet, Assurancia Groupe Tardif de Thetford Mines, est passée de 14 000 $ à 32 000 $, une hausse de 129 %. « Au niveau financier, ç’a été plus qu’un film d’horreur », résume-t-il.

Même constat à la Société de transport de Montréal (STM), où on a subi « une hausse importante de [la] prime avec une réduction de la couverture », précise par courriel le porte-parole Philippe Déry.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Le tout ne serait pas lié au fait que nous ayons été victimes d’une cyberattaque dans le passé, puisque cette tendance s’observerait partout dans les grandes sociétés, selon les échanges que nous avons avec nos homologues.

Philippe Déry, porte-parole de la STM

Dix pages de questions

À ces primes en hausse s’ajoute un nouveau phénomène : les assureurs se montrent maintenant plus difficiles et vont parfois refuser les entreprises jugées trop à risque.

Chez CFC, établi à Londres et qui compte 10 000 clients au Canada, on pousse par exemple l’enquête plus loin en ratissant le web clandestin (dark web) pour voir si l’entreprise a déjà été victime d’une fuite de données. « Nous avons 135 personnes qui se consacrent spécifiquement à la cybersécurité », explique au bout du fil Lindsey Nelson, responsable du cyberdéveloppement.

La Presse a pu consulter le formulaire maintenant exigé par deux assureurs importants en cyberrisques, Beazley et Zurich, qui comptent respectivement 5 et 10 pages. Tests d’intrusion, vérification des antécédents judiciaires des employés, politique de destruction des données, authentification à double facteur, tout est passé en revue par une centaine de questions.

La souscription à une assurance cyberrisques est très serrée, simplement obtenir une soumission est difficile. Les assureurs sont sélectifs, ils vont prioriser les dossiers bien présentés.

Mathieu Brunet, président du Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ)

Les raisons

Ce n’est que depuis 2015 que le Bureau du surintendant des institutions financières compile de façon distincte les assurances cyberrisques. En sept ans, le nombre de polices en vigueur au Canada est passé de 620 à 131 361. Les assureurs considérés comme canadiens représentent 96 % du marché.

En parallèle, le nombre de réclamations a suivi une courbe ascendante, passant de 2601 en 2015 à 28 083 au deuxième trimestre de 2022.

Enfin, on comprend mieux la réticence des assureurs quand on compile ce qu’on appelle le « taux de sinistres » depuis 2015. Il s’agit du ratio brut entre les indemnités versées et les primes encaissées. À ce ratio s’ajoutent tous les frais d’administration. « Pour qu’une assurance soit rentable, elle doit être en dessous de 60 % », explique Walid Khayate, directeur de pratique conseil en gestion intégrée des risques et cyberrisques chez BFL Canada, un des trois plus importants courtiers au pays.

« Sérieuse correction »

Au Bureau d’assurance du Canada, on estime que le ratio net, qui additionne les indemnités et les frais d’exploitation, s’établit plus précisément à 230 % depuis trois ans.

« Pour chaque dollar de prime demandé, les assureurs ont déboursé 2,30 $ », résume Anne Morin, porte-parole. Les assureurs doivent notamment assumer la perte de productivité, le remplacement du matériel informatique, les actions collectives et même le remboursement de la rançon, une solution choisie par 58 % des entreprises touchées pour un coût moyen de 458 200 $, selon un sondage commandé en 2021 par Palo Alto Networks.

PHOTO FOURNIE PAR IMRAN AHMAD

En 2018, on voyait des rançons de 300 000 $, maximum. Maintenant, n’importe quel dossier monte à 2 ou 5 millions, ça peut aller jusqu’à 40 millions, même si c’est rare.

Imran Ahmad, chef, technologies et cybersécurité, au cabinet Norton Rose Fulbright Canada

En résumé, offrir une assurance cyberrisques n’est plus rentable, et ne l’a été que trois fois depuis 2015. D’où la hausse fulgurante des primes exigées depuis deux ans. « Le marché au Canada est en sérieuse période de correction, note Lindsey Nelson, de CFC. Les attaques coûtent maintenant des centaines de millions de dollars dans le monde. »

Décevant eldorado

Présentée il y a quelques années, notamment par la firme Standard & Poor’s, comme le produit qui sera le plus important d’ici 2030, l’assurance cyberrisques a provoqué une avalanche d’offres d’assureurs relayées par les courtiers. « On est passé des Esso et Walmart à des actifs plus intangibles, basés sur le numérique », explique Walid Khayate, de BFL Canada.

La pandémie, qui a accéléré la numérisation des entreprises et généralisé le télétravail, les cyberattaques en hausse ainsi que des réglementations gouvernementales qui rendent les entreprises plus vulnérables aux poursuites ont chamboulé cette industrie.

Les assureurs étaient « un peu trop motivés, et pas très outillés » pour ce nouveau marché pour lequel on ne disposait pas d’historique, note-t-il. « Ils ont eu un réveil, ils ne pouvaient plus supporter les pertes. C’est complexe pour tout le monde, les données sont partielles, et en cybersécurité, ce qui arrive dans le passé n’est pas déterminant pour le futur. Les vecteurs d’attaque changent, un système qui avait 50 000 vulnérabilités ne sera plus là dans trois ans. »

21 %

Plus d’une entreprise sur cinq comptant moins de 500 employés au Canada a déclaré avoir été victime d’une cyberattaque en 2021.

Source : Bureau d’assurance du Canada, sondage Léger

279 millions

Somme versée en indemnités de cyberresponsabilité au Canada en 2021. C’était 24,4 millions en 2015.

Source : Bureau d’assurance du Canada

24 %

Proportion des entreprises ayant souscrit à une assurance cyberrisques, intégrée à une couverture globale ou, dans 15 % des cas, à la pièce.

Source : Bureau d’assurance du Canada, sondage Léger août 2021

Des assureurs refroidis

Constat troublant, bien des organismes publics et parapublics trouvent difficilement une assurance cyberrisques à prix raisonnable.

« Chubb, un des plus gros assureurs au Canada, ne touche plus à certains secteurs, comme les écoles, les cégeps, les hôpitaux », révèle Walid Khayate, chez BFL Canada. « Ils n’aiment pas ça : ces organismes ont beaucoup de données et c’est souvent mal géré. »

Les cégeps, par exemple, doivent conserver leurs dossiers d’élèves, contenant parfois des données hautement confidentielles, pendant 35 ans. « Un responsable de cégep me disait récemment que les cyberattaques viennent souvent de leurs propres élèves, qui se font la main à essayer de percer le système… »

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a trouvé une parade intéressante, qui l’a mise provisoirement à l’abri de l’inflation des primes et du manque d’intérêt des assureurs : un regroupement pour des assurances cyberrisques dont les conditions ont été établies à l’issue d’un appel d’offres, de 2019 à 2024. Au total, 102 municipalités, « de toutes les tailles, mais surtout entre 20 000 et 60 000 habitants », y ont adhéré, indique Patrick Lemieux, porte-parole de l’UMQ.

PHOTO FOURNIE PAR L’UMQ

L’avantage qu’on a, et c’est pour ça qu’on a suscité l’intérêt, c’est notre pouvoir d’achat et la capacité de négociation que permet le regroupement. Ça fait en sorte que c’est plus intéressant pour un assureur que si une municipalité y va en solo.

Patrick Lemieux, porte-parole de l’UMQ

Sévères, mais aidants

Les primes en hausse sont souvent conjuguées avec des couvertures et des montants réduits, et on encourage les clients à opter pour des franchises plus élevées qu’ils devront assumer en cas d’incident.

Les petites et moyennes entreprises sont particulièrement touchées, rapporte Michel Leonard, économiste en chef à l’Insurance Information Institute, établi à New York. « Ces compagnies sont soudainement plus conscientes des risques, elles cherchent une couverture, mais la demande croît plus rapidement que la capacité. C’est aussi pour cela que les primes ont plus que doublé. »

Le fait que les assureurs soient rendus plus pointilleux n’a pas que des inconvénients, estime Lindsey Nelson, de CFC. C’est qu’ils offrent maintenant des services en amont permettant de renforcer la cybersécurité de leurs clients. « Comme cyberassureur, bien sûr qu’on est intéressé à avoir moins de réclamations, autant que nos clients qui veulent subir moins d’attaques, explique-t-elle. Nous avons prévenu 12 000 attaques dans les deux dernières années. »

Pour Walid Khayate, il s’agit de « la bonne approche », où assureurs et clients trouvent leur compte.

PHOTO FOURNIE PAR BFL CANADA

La majorité des assureurs font même des scans de vulnérabilité, font des tests de pénétration dans les entreprises, demandent de segmenter les réseaux WiFi qui sont souvent si mal protégés.

Walid Khayate, directeur de pratique conseil en gestion intégrée des risques et cyberrisques chez BFL Canada

Les assureurs ont de plus la capacité technique d’intervenir en cas de cyberattaque, qui fait souvent défaut aux plus petites entreprises. « Les clients qui n’ont pas de cyberassurance me posent souvent la question : qui dois-je appeler en cas d’incident ? Un ami TI, mon cabinet d’avocats ? rapporte Imran Ahmad, de Norton Rose Fulbright Canada. Avec un assureur, on a tous les fournisseurs de services, un package qu’on peut utiliser instantanément. »

À lire dimanche : « Identité numérique : une solution, mille interrogations », un dossier de Nicolas Bérubé dans la section Contexte.

Les gangs responsables de la hausse des meurtres au pays

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

La hausse des meurtres au Canada est surtout attribuable aux gangs.

Près de 800 homicides ont été perpétrés en 2021 au Canada

Publié à 5h00

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Émilie Bilodeau
Émilie Bilodeau La Presse

La hausse des meurtres au Canada est surtout attribuable aux gangs de Vancouver et de Montréal en 2021, selon les plus récentes données de Statistique Canada. Malgré tout, le Québec reste parmi les provinces qui enregistrent le moins d’homicides par habitant.

« Relativement rares »

En 2021, il y a eu 788 homicides au Canada, soit 29 meurtres de plus qu’en 2020. Il s’agit d’une hausse de 3 %. Les homicides demeurent « relativement rares » au pays, selon Statistique Canada, malgré une troisième augmentation en trois ans. Ils représentent moins de 0,2 % de tous les crimes violents déclarés à la police en 2021.

Au Québec, il y a eu 88 meurtres en 2021, ce qui en fait la deuxième province où il y a le moins d’homicides par habitant. Au premier rang, on retrouve l’Île-du-Prince-Édouard, qui n’a enregistré aucun meurtre en 2021.

Homicides et gangs

Des 788 homicides, 184 étaient reliés à des gangs, soit 23 % de tous les meurtres du pays. Le nombre d’homicides attribuables à des gangs n’a jamais été aussi élevé depuis que Statistique Canada a commencé à comptabiliser ce genre de données en 2005.

À Montréal, il y a eu 19 meurtres reliés aux gangs en 2021 (sur un total de 48), une hausse de 11 par rapport à l’année précédente. C’est Vancouver qui enregistre la plus forte augmentation (+ 13) d’homicides impliquant des groupes criminels.

Lorsqu’on prend en considération la taille de la population, c’est toutefois Regina, en Saskatchewan, qui affiche le plus fort taux d’homicides attribuables à des gangs, soit 3,03 par 100 000 habitants. À Montréal et à Vancouver, le taux est plutôt de 0,44 et 1,05 par 100 000 habitants.

Les armes à feu souvent utilisées

En 2021, 40 % des homicides ont été commis à l’aide d’une arme à feu. Les armes pointues ont été utilisées dans 32 % des meurtres et les « coups portés » dans 17 % des homicides. Dans le cas des meurtres par arme à feu, une arme de poing a été utilisée dans 57 % des cas et un fusil de chasse ou une carabine dans 26 % des cas.

Montréal affiche d’ailleurs l’un des plus faibles taux d’homicides par arme à feu du pays (0,58 sur 100 000 habitants) parmi les villes de plus de 500 000 habitants. À Québec, il y a eu 5 meurtres en 2021, mais aucun avec une arme à feu. Edmonton (1,35) et Winnipeg (1,32) présentent les pires taux d’homicides par arme à feu dans les grandes villes du pays. Parmi les villes de 100 000 à 500 000 habitants, c’est Regina (2,65) qui arrive en queue de peloton.

Mauvaise impression ?

Malgré ce que l’on pourrait en penser, les meurtres au Québec sont passés de 87 à 88 entre 2020 et 2021. Les réseaux sociaux sont peut-être responsables de cette impression que le Québec, et encore plus Montréal, est dangereux, croit André Gélinas, sergent-détective retraité du Service de police de la Ville de Montréal. « Au début de ma carrière aux gangs de rue, en 2004-2006, il y avait beaucoup de fusillades. Dans les bars, ça tirait toutes les fins de semaine, mais on en entendait peu parler, dit-il. Aujourd’hui, les nouvelles circulent très vite et tout le monde devient un journaliste potentiel avec son cellulaire. Les nouvelles sur les fusillades partent sur les réseaux sociaux et elles s’amplifient. » En 2004, il y avait en effet eu 111 homicides au Québec.

Proportion élevée de victimes autochtones

En 2021, sur les 752 victimes d’homicide pour qui les renseignements sur l’identité étaient disponibles, 190 étaient des Autochtones. Ce nombre représente 25 % des victimes de meurtre. Le taux d’homicides chez les victimes autochtones était six fois plus élevé (9,17 pour 100 000 Autochtones) que le taux observé chez les non-Autochtones (1,55 pour 100 000).

Par ailleurs, le tiers des victimes d’homicide au pays étaient des personnes racisées, soit 247 sur 762 victimes pour lesquelles des renseignements sur les groupes racisés étaient disponibles. Le taux d’homicides des personnes racisées (2,51 pour 100 000 personnes racisées) est donc de 38 % supérieur à celui observé pour le reste de la population (1,81).

Victimes d’un conjoint

En 2021, 17 % des victimes d’homicide ont été tués par un conjoint ou un partenaire intime. Dans 76 % des cas, les victimes étaient des femmes alors que dans 24 % des cas, elles étaient des hommes. À l’inverse, les femmes représentent seulement 24 % des victimes de l’ensemble des homicides.

« Les données pour la période allant de 2012 à 2021 révèlent également que 28 % des femmes victimes d’homicide en général auraient été tuées par frustration, colère ou désespoir, comparativement à 10 % pour les hommes. En outre, la proportion de femmes (10 %) tuées par jalousie ou envie était plus de trois fois supérieure à celle observée chez les hommes (3 %) », note Statistique Canada.

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Au sujet des alentours de la place Émilie-Gamelin

Place Émilie-Gamelin | Une zone sinistrée au cœur de la ville


PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Des magasins fermés à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Hubert, près du magasin Archambault qui fermera ses portes en juin prochain

La fermeture annoncée de l’emblématique magasin Archambault de la rue Berri⁠1, installé dans le quartier depuis le XIXe siècle, est le plus récent d’une longue série de coups durs pour ce secteur sinistré du centre-ville de Montréal.

Publié à 18h45
Philippe Teisceira-Lessard
LA PRESSE

Vendredi, le Groupe Archambault a notamment montré du doigt « l’évolution du tissu urbain dans le secteur », devenu à ses yeux « un laboratoire de mixité urbaine » aux dépens de l’achalandage. Un diagnostic contesté par l’administration municipale, qui reconnaît toutefois l’existence d’un problème important.

« Le quartier, c’est sûr qu’il a changé. Pauvre Archambault, je les comprends, tout le monde dans le coin a des problèmes, a rapporté Catherine Lapointe, qui travaille dans le secteur et fréquente le magasin depuis 30 ans. Je travaille en droit criminel et je le sais que tous mes clients sont là. »

Sur place, la zone porte les cicatrices des nombreuses fermetures de commerces survenues pendant la pandémie, conjuguées à une augmentation très visible du nombre de sans-abri. L’hôtel Place Dupuis servait de refuge pendant la pandémie.

Du côté de la rue Sainte-Catherine, où se trouve le magasin Archambault, les établissements toujours en activité font figure d’exceptions entre Berri et Saint-Timothée.


PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Des magasins fermés à l’angle des rues Sainte-Catherine et Labelle

Des sacs de couchage et des vêtements abandonnés ont remplacé les clients dans les entrées de plusieurs immeubles. Lors du passage de La Presse vendredi après-midi, une vingtaine de personnes se réchauffaient dans une entrée de métro empestant l’urine. De l’autre côté de la place, un grand chantier jouxtait l’ancienne gare d’autocars toujours à la recherche d’une vocation permanente.

Chantal Archambault partage son nom avec la chaîne de magasins. « Je trouve ça vraiment triste, a-t-elle dit en sortant du commerce. Beaucoup de musiciens, beaucoup de gens de l’industrie ont travaillé ici. » Elle-même est auteure-compositrice-interprète et constitue la moitié du groupe musical Saratoga.

« Il y a vraiment quelque chose de grand qui part avec ce magasin, a-t-elle continué. J’espère que les propriétaires de l’immeuble vont faire attention au patrimoine. »

« Ils ne se sentaient pas en sécurité »

Les commerçants toujours en activité constatent aussi les profondes difficultés du secteur. Abdou Kamara, qui gère un magasin d’électronique La Source, doit composer avec les intrus et les vols.

L’augmentation du nombre de sans-abri, « c’est sûr et certain que ça affecte négativement » le commerce, a-t-il dit. « On leur demande de sortir gentiment, mais parfois ils volent », a-t-il ajouté, précisant qu’il n’avait toutefois pas vécu de problème de violence depuis son arrivée en poste l’automne dernier.


PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Un édicule de la station de métro Berri-UQAM, actuellement en rénovation, à l’angle des rues Berri et Sainte-Catherine

À l’hôtel Saint-André, tout près, Yannick Honvo doit parfois gérer la déception de touristes qui ne s’attendaient pas à arriver dans un tel décor. L’été dernier, « on avait beaucoup de clients ontariens, français et américains qui ont été surpris par le secteur », a-t-il dit. « Ils ne se sentaient pas en sécurité. » M. Honvo décrit une augmentation de la consommation et des transactions de drogue à la vue des passants. « Il y a beaucoup plus d’itinérance qu’avant, même s’il y en avait beaucoup avant. »

« Une très grande surprise »

L’organisation qui regroupe les commerçants du secteur – et de tout le Village – appelle d’ailleurs la Ville et le réseau communautaire à mieux répartir les services aux sans-abri dans les quartiers centraux de Montréal, afin de réduire la pression place Émilie-Gamelin, autrefois connue sous le nom de square Berri.

« On comprend pourquoi il y a des organismes qui sont dans le quartier, parce qu’il y a une population qui est là, a affirmé Gabrielle Rondy, directrice générale de la société de développement commercial (SDC) Village Montréal. Après, nous, ce qu’on aimerait, c’est que les nouveaux organismes qui cherchent une adresse ne soient pas systématiquement dans Ville-Marie, dans le Village, dans Centre-Sud […] parce que ça met une pression sur les résidants qui sont là, sur les entreprises. »

La fermeture du magasin Archambault, « c’est vraiment une très grande surprise » et « une très grande déception », a-t-elle dit, soulignant tout de même l’ouverture de 24 nouveaux commerces sur son territoire en 2022. « Il y a beaucoup de monde qui travaille très fort pour que ça redevienne un quartier qui est sécuritaire et attractif. »


PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
La devanture du magasin Archambault

Robert Beaudry, qui représente le secteur au conseil municipal, s’est dit « extrêmement surpris » par l’annonce de vendredi, mais a souligné que l’époque est difficile pour l’ensemble des commerces de détail. « Avant de dire que c’est le tissu urbain qui est responsable de la fermeture d’un commerce comme ça, il y a une marge », a-t-il commenté.

« Il y a des enjeux dans le secteur, c’est clair », a-t-il reconnu, pointant d’abord et avant tout la pandémie de COVID-19. « On est en réflexion avec le Village pour voir comment on peut travailler sur les enjeux de sécurité, d’insécurité, de cohabitation sociale. Tous les acteurs sont mobilisés sur ces différents enjeux-là. […] On n’est pas défaitistes. »

Quant à la demande de la SDC pour répartir les organismes d’aide aux sans-abri sur le territoire montréalais, M. Beaudry ne voit pas exactement les choses du même œil. « Oui, il faut une offre de service diversifiée sur le territoire, c’est fondamental. Mais il reste qu’au centre-ville de Montréal, il y a une forte représentation de population itinérante », a-t-il dit.

« Il va falloir finir par entendre le cri du cœur des entreprises et commerçants, qui ne date pas d’hier, a commenté son vis-à-vis de l’opposition, Julien Hénault-Ratelle, sur les réseaux sociaux. Si un grand groupe comme Archambault a de la misère à affronter les défis du centre-ville, imaginez ce qu’il en est pour les petits commerces. »

Avec la collaboration de Richard Dufour, La Presse

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Les articles / chroniques se suivent… et se ressemblent… malheureusement.

Décrépitude urbaine Double urgence à Berri-UQAM


PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE | L’ancienne gare d’autocars abandonnée, à côté de la place Émilie-Gamelin, contribue à donner un aspect glauque à ce secteur.

Cela devrait être l’un des quartiers les plus prisés de Montréal, mais c’est devenu l’un des plus malfamés depuis le début de la pandémie.

31 janvier 2023 | Publié à 6h00 | MAXIME BERGERON | LA PRESSE

La portion est du centre-ville, autour de la station Berri-UQAM, a connu un nouveau coup dur vendredi avec l’annonce de la fermeture du légendaire magasin Archambault, qui y avait pignon sur rue depuis plus d’un siècle.

Le groupe a cité la « détérioration croissante » des perspectives commerciales pour justifier sa décision1. Le secteur est devenu un « laboratoire de mixité urbaine » peu invitant pour les clients potentiels, fait-il valoir.

Archambault a malheureusement raison.

Le quartier fait dur, plus que jamais, en fait.

Je fréquente les environs de la place Émilie-Gamelin depuis plus de 20 ans, à l’époque de mes études à l’UQAM. C’était déjà pauvre et délabré et gris, à n’en point douter, mais c’était aussi à l’image de bien d’autres quartiers de la métropole.

Montréal était paumé, et ainsi allait la vie.

L’économie de la ville a pris du tonus, comme en témoignent tous ces gratte-ciels qui poussent partout au centre-ville. Mais le secteur de Berri-UQAM, pourtant situé stratégiquement au croisement de trois lignes de métro, n’a jamais vraiment réussi à profiter de l’élan.

Il s’est même dégradé depuis le début de la crise de la COVID-19.

Le spectacle qui joue en boucle tous les jours à la sortie du métro est d’une tristesse infinie. La population itinérante a explosé dans la place Émilie-Gamelin, l’usage et la vente de drogues dures aussi. Bien des résidants ne s’y sentent plus en sécurité.


PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE | Des portes placardées de l’ancienne gare d’autocars

La plaie béante que constitue l’ancienne gare d’autocars ajoute à l’aspect sinistre des lieux. La Ville de Montréal a racheté le site à l’abandon en 2018 pour 18 millions de dollars et avait promis de réaliser rapidement un projet qui inclurait des bureaux et des habitations abordables, mais rien n’a bougé depuis.

Pourquoi est-ce si long ?

L’administration de Valérie Plante pointe la pandémie pour justifier le cheminement interminable du projet. Le télétravail a réduit les besoins en bureaux prévus au départ, et la Ville a adopté entre-temps une nouvelle stratégie sur le logement abordable, si bien que les plans initiaux ont dû être jetés au panier.

Benoit Dorais, responsable du dossier de l’habitation au comité exécutif, m’assure que l’exercice de « révision des besoins » devrait être terminé d’ici à l’été. La Ville décidera ensuite si elle construira elle-même l’immeuble ou si elle fera un « appel de projets » auprès de promoteurs.

La Ville a « la volonté » d’appuyer sur l’accélérateur dans ce dossier, mais aucun échéancier précis n’existe à ce stade-ci. On ne peut qu’espérer qu’elle cesse de se traîner les pieds, car l’urgence est double ici.

Ce projet pourrait non seulement redonner de la vitalité à un secteur en grave difficulté, mais aussi fournir un toit aux personnes de plus en plus nombreuses qui ont du mal à se loger.

La Ville devrait – littéralement – prêcher par l’exemple.

Un autre projet, privé celui-là, pourrait voir le jour plus tôt si l’administration Plante donne son feu vert. Le groupe Mondev compte ériger deux tours d’habitation locatives du côté sud de la place Émilie-Gamelin, à côté du magasin Archambault qui fermera ses portes. L’entreprise a déjà acquis plusieurs immeubles voués à la démolition et mis fin aux baux des commerces qui y logeaient, comme les restaurants Amir et Da Giovanni.


IMAGE FOURNIE PAR MONDEV | La version initiale du projet de deux tours locatives de 18 étages, présenté par le groupe Mondev en 2020. Le projet doit occuper deux pâtés de maisons complets, le long de la rue Sainte-Catherine Est, de part et d’autre de la rue Saint-Hubert. La nouvelle version, pas encore dévoilée, présentera des changements au basilaire commercial et un gabarit moins imposant, entre autres.

Mondev déposera d’ici « une à deux semaines » une nouvelle mouture du projet, après avoir apporté plusieurs « correctifs » à la version initiale de 2020, m’a appris lundi l’architecte Maxime-Alexis Frappier, du cabinet ACDF, responsable de dessiner les plans. Ce complexe immobilier pourrait servir de « bougie d’allumage » pour relancer le secteur, croit-il.


PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE | Des immeubles voués à la démolition, à l’angle des rues Sainte-Catherine Est et Saint-Hubert. La Ville a demandé à ce que certains éléments des façades soient conservés dans le projet immobilier.

Il faudra voir le détail des nouveaux plans, mais un investissement privé d’environ 200 millions de dollars ne ferait certainement pas de tort dans le secteur.

Des projets sont dans l’air, bref, et c’est positif, mais le problème de fond demeure.

Les populations marginalisées ont explosé dans le quartier, avec des enjeux de toxicomanie, d’itinérance et de santé mentale de plus en plus lourds, sans que les ressources suivent.


PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE | Place Émilie-Gamelin

La situation ne se réglera pas par magie sans un réinvestissement de l’État, me fait valoir Jean-François Mary, directeur général de l’organisme communautaire CACTUS Montréal. La « coexistence » risque de rester épineuse avec les nouveaux résidants qui pourraient s’installer autour de Berri-UQAM, ajoute-t-il.

Le Partenariat du Quartier des spectacles, qui anime la place Émilie-Gamelin quelques mois par année depuis huit ans, croit pour sa part que davantage de policiers devraient être déployés pour rehausser le sentiment de sécurité sur les lieux lorsqu’il y a des évènements sur place.

Il ne s’agit pas de chasser les sans-abri, mais plutôt d’assurer une « cohabitation » harmonieuse avec les spectateurs et les employés, avance son directeur général, Éric Lefebvre.

Dans tous les cas, les autorités ne peuvent plus se permettre de laisser le problème s’aggraver.

D’autres commerces du coin risquent de fermer, comme l’a annoncé le mythique bar Le Saint-Sulpice pas plus tard que dimanche, et l’attractivité du cœur de Montréal pourrait subir des dommages durs à réparer.

1Lisez l’article « Le magasin Archambault de la rue Berri fermera en juin »

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