Ce sont des arbres sur deux terrains voisins entre le boulevard Henri-Bourassa et l’A40.
« La décision d’abattre des arbres n’a pas été prise à la légère. Les terrains visés sont des sites contaminés. À la suite de l’analyse de la végétation, il a été convenu qu’il serait nécessaire de procéder à l’abattage dans le but de décontaminer les terrains et ainsi de poursuivre la redynamisation de l’Est, objectifs importants pour la Ville de Montréal », explique l’administration de Valérie Plante, dans une réponse écrite aux questions du Devoir. On évoque par la même occasion la volonté d’« accueillir des projets de développement économique structurants ».
Texte complet : Montréal autorise et finance l’abattage de 1323 arbres
Montréal autorise et finance l’abattage de 1323 arbres
Photo: Adil Boukind, Le Devoir
Les deux boisés où 1323 arbres comptent des arbres matures et qui constituent aussi un habitat pour une espèce menacée.
Alexandre Shields
Pôle environnement
15 mars 2024
Environnement
La Ville de Montréal autorise l’abattage de 1323 arbres sur deux terrains boisés qui lui appartiennent en vue de paver la voie à un éventuel « développement ». Une somme de 14 millions de dollars est d’ailleurs prévue pour le projet, qui sera réalisé dans les prochains jours. Mais Le Devoir a aussi constaté que ce chantier détruira l’habitat d’une espèce menacée et des sites de nidification d’oiseaux.
Au terme d’un processus d’appel d’offres, une entreprise a obtenu un contrat de 14,8 millions afin de réaliser les travaux de destruction des boisés situés dans l’est de Montréal. Ce contrat s’inscrit dans le cadre d’un financement de 100 millions de dollars accordé par le gouvernement Legault pour la « revitalisation » de ce secteur de la ville.
« La décision d’abattre des arbres n’a pas été prise à la légère. Les terrains visés sont des sites contaminés. À la suite de l’analyse de la végétation, il a été convenu qu’il serait nécessaire de procéder à l’abattage dans le but de décontaminer les terrains et ainsi de poursuivre la redynamisation de l’Est, objectifs importants pour la Ville de Montréal », explique l’administration de Valérie Plante, dans une réponse écrite aux questions du Devoir. On évoque par la même occasion la volonté d’« accueillir des projets de développement économique structurants ».
Selon les détails inscrits dans un document officiel de la Ville, le contrat prévoit « l’abattage » de 1323 arbres sur deux terrains voisins situés entre le boulevard Henri-Bourassa et l’autoroute 40. Selon ce qu’a pu constater Le Devoir sur place, on trouve des zones d’arbustes autant que de grands arbres matures dans ces espaces verts fréquentés par des cerfs de Virginie. Les deux terrains, où l’on observe des dépôts sauvages de déchets, sont entourés de sites occupés par des entreprises liées au camionnage.
Malgré la destruction prévue de zones boisées, « aucune clause de reboisement n’est prévue au contrat, car il s’agit d’un projet de décontamination en vue de réhabiliter en vue de développement futur », précise un document rédigé par la Commission permanente sur l’examen des contrats.
En plus du déboisement, il est en effet prévu « d’excaver, de gérer les déblais et d’effectuer des travaux de réhabilitation ainsi que de remblayer et de niveler ». Le document souligne d’ailleurs que « le projet comporte certaines particularités qui le rendent complexe, dont le volume important de sols contaminés, le nombre d’arbres à abattre, la superficie du terrain ainsi que la présence de couleuvres, qui doivent être relocalisées ».
Espèce menacée
Selon les informations scientifiques disponibles sur le site du Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec (CDPNQ), qui est sous la responsabilité du gouvernement, les terrains en question sont en effet des habitats pour la couleuvre brune, une espèce classée « menacée » par le gouvernement du Québec.
Parmi les menaces pour ce reptile « inoffensif pour l’humain », on mentionne l’urbanisation. Plusieurs projets de développement ont d’ailleurs détruit des habitats de l’espèce au fil des ans dans la région métropolitaine, qui regroupe la totalité de son aire de répartition au Québec.
Le CDPNQ indique également la présence potentielle d’une espèce floristique en péril dans un des boisés qui seront détruits, mais son nom n’est pas disponible publiquement.
Comme il s’agit de deux des rares boisés de ce secteur lourdement industrialisé, ils sont fort probablement fréquentés par plusieurs espèces d’oiseaux, souligne le directeur général de l’organisme QuébecOiseaux, Jean-Sébastien Guénette. Lors du passage du Devoir, on constatait d’ailleurs la présence de plusieurs espèces différentes.
Nidification
Dans ce contexte, l’abattage d’arbres risque fort de détruire des sites de nidification de certaines espèces, dont certaines migratrices. « Pour la majorité des espèces, la période critique s’étend de la mi-mai à la fin juillet, mais certaines […] nichent déjà présentement, alors que d’autres vont nicher jusqu’à la fin du mois d’août », explique le spécialiste de la faune aviaire.
Qui plus est, rappelle M. Guénette, en vertu de la « Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs », il est formellement interdit « de nuire aux oiseaux migrateurs et de déranger ou de détruire leurs nids ou leurs oeufs, et ce, partout au Canada ». Cela signifie qu’à partir d’une période qui débute à la mi-avril et qui s’étend jusqu’à la fin du mois d’août, il serait interdit de réaliser les travaux de déboisement dans les deux boisés.
« Les travaux d’abattage sont prévus avant la période de nidification, soit du 24 mars au 14 avril 2024 », précise toutefois la Ville, dans une réponse écrite. Les sites potentiels de nidification seront donc détruits, mais avant l’arrivée des oiseaux.
Par ailleurs, l’administration Plante doit annoncer sous peu un plan de développement concernant le secteur du boulevard de l’Assomption et de l’avenue Souligny, dans Mercier–Hochelaga-Maisonneuve. Comme le révélait récemment Le Devoir, il serait question de raser une partie d’un des derniers boisés du secteur, nommé « boisé Steinberg », afin de construire un nouveau tronçon routier conçu essentiellement pour faciliter le camionnage industriel.
Les citoyens du secteur qui militent depuis des années pour la protection des espaces verts promettent déjà de bloquer tout projet qui empiéterait sur ce boisé. Une présentation officielle est prévue le 26 mars. Selon le discours officiel de l’administration de Valérie Plante, le scénario qui sera retenu « doit impérativement viser à améliorer la qualité de vie des résidentes et des résidents par la diminution des nuisances », en plus de « maximiser la préservation et l’acquisition des espaces verts ».