La programmation vélo de la Ville de Montréal déçoit des organismes
Photo: Guillaume Levasseur Le Devoir L’an dernier, la Ville de Montréal a ajouté 34 kilomètres de voies cyclables permanentes pour atteindre un total de 1001 km.
Zacharie Goudreault
3 juin 2021
Transports / Urbanisme
Des organismes dans le milieu du cyclisme ont vivement critiqué jeudi la programmation vélo 2021 de la Ville de Montréal, qualifiant celle-ci de « timide », voire de « décevante », au moment où la pandémie a augmenté l’attrait pour ce mode de transport actif dans la métropole.
L’an dernier, la Ville de Montréal a ajouté 34 kilomètres de voies cyclables permanentes pour atteindre un total de 1001 km, a confirmé celle-ci par courriel jeudi. Ce nombre exclut par ailleurs les 29 kilomètres de pistes cyclables temporaires mises en place l’été dernier dans le cadre du projet des voies actives sécuritaires (VAS). Ce sont par ailleurs 25 km de pistes cyclables existantes qui ont été « mises à niveau » l’an dernier.
La Ville a toutefois revu ses ambitions à la baisse cette année dans sa nouvelle programmation vélo, dévoilée jeudi. Ainsi, 20 km seront ajoutés au réseau cyclable en 2021, tandis que 10 autres seront mis à nouveau pour transformer des voies cyclables existantes en pistes protégées. Au total, les investissements prévus totalisent 13 millions de dollars pour 31 projets. Parmi ceux-ci, on compte la finalisation des aménagements du Réseau express vélo de la rue Saint-Denis ainsi que la réfection complète du revêtement de la chaussée de pistes cyclables dans plusieurs arrondissements et villes liées. Une piste cyclable bidirectionnelle devrait aussi voir le jour à Pointe-aux-Trembles.
Plusieurs organismes s’attendaient toutefois à plus cette année, au moment où la pandémie a augmenté l’attrait pour le vélo, à Montréal comme ailleurs. Des compteurs installés sur des VAS l’an dernier avaient d’ailleurs fait état d’un important achalandage sur nombre d’entre elles.
« C’est évident que dans la programmation de 2021, on ne profite pas de l’erre d’aller qui avait été lancée [l’an dernier] », déplore le président-directeur général de Vélo Québec, Jean-François Rheault, en entrevue au Devoir.
Dans une série de gazouillis sur Twitter, il a qualifié jeudi la programmation vélo de la Ville de « timide », d’autant plus que la Ville s’est donnée la cible de faire grimper à 15 % la part modale des déplacements à vélo dans la métropole. En 2016, ce pourcentage s’élevait à 3,6 %, selon des données colligées par la Communauté métropolitaine de Montréal. « Pour augmenter cette part modale-là, il faudra construire des infrastructures », insiste M. Rheault au bout du fil.
Le p.-d.g. de Vélo Québec n’est d’ailleurs pas le seul à rester sur sa faim devant les ambitions de la Ville en matière d’infrastructures cyclables cette année.
« C’est vraiment décevant », laisse tomber la porte-parole de Vélo fantôme, Séverine Le Page. « Avec tous les travaux qu’il y a en ville, ce serait nettement mieux d’en ajouter davantage [des pistes cyclables] », estime-t-elle. Selon une présentation effectuée mardi par Mobilité Montréal, 48 chantiers routiers majeurs chapeautés notamment par la Ville de Montréal et le ministère des Transports du Québec auront lieu cet été dans la métropole de même que dans sur ses rives nord et sud.
« Sur toutes les grandes artères, il y a de la place pour une piste sécurisée accessible à tous », estime Mme Le Page, qui réclame notamment que l’avenue Papineau, où un cycliste a perdu la vie en avril dernier, soit rapidement sécurisée.
Des motifs politiques ?
À l’approche des élections municipales, la professeure à l’Université du Québec à Montréal et experte en gestion municipale, Danielle Pilette, estime que la Ville a voulu jouer de prudence dans sa programmation vélo cette année. L’été dernier, les VAS et le Réseau express vélo avaient fait couler beaucoup d’encre, soulevant l’opposition de certains commerçants et résidents, qui ont acheminé plus de 300 plaintes à l’Ombudsman de Montréal, Me Nadine Mailloux.
« La circulation est loin d’être fluide dans les arrondissements. Je dirais même que c’est pire que jamais. Donc, je pense que la Ville ne voulait pas ajouter en plus la question des pistes cyclables », laisse tomber Mme Pilette.
« En année électorale, ce n’était pas nécessaire d’avoir d’autres plaintes à l’Ombudsman de la part de citoyens qui ne voudraient pas qu’on nuise encore plus à la circulation », ajoute-t-elle. L’an dernier, ces plaintes concernaient notamment des enjeux de communication et d’accessibilité universelle en lien avec divers projets de pistes cyclables, tandis que d’autres ont porté sur le retrait de places de stationnement.
Le cabinet de la mairesse Valérie Plante affirme pour sa part vouloir prioriser la qualité des nouveaux aménagements cyclables en site propre qu’il aménage à la longueur totale de ceux-ci. « Il serait regrettable de revenir à l’époque des pistes tracées à la peinture juste pour atteindre des objectifs kilométriques », laisse tomber l’attachée de presse Marikym Gaudreault.
« On fait peut-être moins de projets [que dans les dernières années], mais on investit plus dans chacun d’eux », ajoute Mme Gaudreault, qui a qualifié l’expression « timide » employée par M. Rheault de « vraiment démesurée ».
Le p.-d.g. de Vélo Québec, pour sa part, espère que le vélo s’invitera dans la campagne électorale à venir à Montréal.
« J’ai bien hâte de voir, dans le contexte électoral, comment les administrations vont se positionner pour proposer les meilleurs projets [de pistes cyclables] », conclut Jean-François Rheault.