Au sujet de la piste cyclable sur la rue de Terrebonne dans NDG
Un projet de piste cyclable qui est loin de faire l’unanimité
Hubert Hayaud, Archives Le Devoir
Aménager une piste cyclable en milieu urbain n’est pas une opération sans douleur.
Jeanne Corriveau
12 décembre 2023
Transports / Urbanisme
Aménager une piste cyclable en milieu urbain n’est pas une opération sans douleur. Dans Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG), la construction d’infrastructures cyclistes dans la rue de Terrebonne entraînera l’an prochain la disparition de plus de 200 places de stationnement. Comme dans d’autres quartiers montréalais où de tels projets ont vu le jour dans les derniers mois, le bonheur des uns fait le malheur des autres.
En 2020, en pleine pandémie, l’arrondissement de CDN-NDG avait aménagé deux voies cyclables dans la rue de Terrebonne dans le cadre d’un projet-pilote, entraînant le retrait de 250 places de stationnement. La grogne fut telle que, trois semaines plus tard, les infrastructures étaient démantelées et l’affaire était momentanément enterrée.
Trois ans plus tard, l’arrondissement récidive. Cette fois, le projet est différent, soutient la mairesse Gracia Kasoki Katahwa, arrivée au pouvoir il y a deux ans. La rue de Terrebonne deviendra à sens unique. Les voies cyclables protégées quatre saisons seront construites de part et d’autre de la rue sur une distance de 2,5 kilomètres et une seule rangée de stationnement sera retranchée, ce qui fera tout de même disparaître 204 places. L’arrondissement en profitera pour renforcer l’application du règlement qui interdit le stationnement à moins de cinq mètres des intersections, ce qui éliminera des dizaines d’espaces de stationnement supplémentaires.
Haute tension
Résidente de la rue de Terrebonne depuis près de 20 ans, Valerie Keszey estime qu’aménager une piste cyclable sur cette rue résidentielle est un non-sens, non seulement parce que le nombre de cyclistes qui s’en serviront sera limité, mais également parce qu’elle nuira aux écoles de cette artère, dont le Centre Mackay, qui accueille une clientèle d’enfants handicapés. « Il y a déjà quatre pistes cyclables à moins de cinq minutes de la rue de Terrebonne », fait-elle valoir. Comme bien d’autres, elle appréhende la difficulté de garer sa voiture, surtout en hiver. « Où est-ce que je vais stationner ? Je n’ai pas de stationnement sur mon terrain. […] La mairesse ne nous écoute pas. »
Le projet a toutefois ses partisans, notamment chez les membres de l’Association des piétons et cyclistes de CDN-NDG. Jason Savard soutient que la rue de Terrebonne a été identifiée par les cyclistes comme une artère dangereuse pour eux il y a quelques années. « Il y a huit ou neuf pistes cyclables dans CDN-NDG. C’est peu pour l’arrondissement le plus populeux de Montréal. »
La mairesse de l’arrondissement, Gracia Kasoki Katahwa, se garde bien de jeter plus d’huile sur le feu. Elle reconnaît que la mesure cause du mécontentement. Mais, selon elle, ce projet est nécessaire. Les changements climatiques imposent des gestes en faveur de la mobilité durable, souligne-t-elle. « Je pense que le rôle d’un élu local municipal, c’est d’accompagner les citoyens dans le changement. On voit l’impact des changements climatiques sur le quotidien des gens. Les gens subissent des inondations à Montréal. Il faut avoir le courage d’amener les changements de façon logique, pragmatique, avec des données. »
Un air de déjà-vu
Gracia Kasoki Katahwa n’est pas la seule élue à se retrouver plongée dans ce dossier controversé. Rosemont–La Petite-Patrie avait subi la tempête en 2020 avec la piste Bellechasse, qui a éliminé 800 places de stationnement. En septembre dernier, la mairesse de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Laurence Lavigne Lalonde, avait été catégorique dans sa réponse aux citoyens qui se plaignaient de la perte de places de stationnement. « La Ville n’a pas la responsabilité de trouver un espace de stationnement pour chaque voiture sur le territoire », avait-elle dit.
En octobre, c’était au tour de la mairesse de Montréal-Nord et membre d’Ensemble Montréal, Christine Black, d’affronter la colère de citoyens. « Ça fait plus de 40 ans que Montréal-Nord n’a pas eu de nouvelles pistes cyclables en site propre », avait-elle fait valoir au sujet d’un projet sur la rue des Récollets.
Dans CDN-NDG, le projet ne fait pas l’unanimité même chez les cyclistes. François Gagnon juge que l’arrondissement aurait pu envisager un scénario moins contraignant en aménageant les pistes sur deux artères parallèles, la rue de Terrebonne et l’avenue Somerled. Cette formule, croit-il, limiterait la perte de places de stationnement. « Il me semble que ça donnerait un résultat plus équitable pour l’ensemble des résidents de NDG. »
Favorable à l’aménagement de nouvelles pistes cyclables en raison des bénéfices à long terme, le conseiller d’Ensemble Montréal dans CDN-NDG, Sonny Moroz, croit que c’est tout le processus de planification qui pose problème. Les résidents et les personnes à mobilité réduite n’ont pas le sentiment que leur voix est écoutée, ce qui avive les tensions, avance-t-il. « Il faut plus de consultations pour que tout le monde puisse s’exprimer. Et un sondage, même s’il n’est pas favorable. On peut faire mieux. »
Gracia Kasoki Katahwa assure que son administration demeurera à l’écoute, notamment pour les débarcadères des écoles. La part modale du vélo dans CDN-NDG plafonne depuis des années à 1 %, contre 13 % pour le Plateau-Mont-Royal et 8,7 % pour le Sud-Ouest. « On fait le pari que, s’il y a plus de pistes sécurisées, il y aura plus de gens qui vont les utiliser. »