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Montréal envisage de réaménager la piste cyclable de la rue Berri
Marie-France Coallier Le Devoir
Le 7 juin 2021, au moment où Robert Leblanc a tourné à gauche pour emprunter la piste cyclable de la rue Berri vers le nord, l’homme de 62 ans a été happé par un autre cycliste qui circulait vers le sud et pour qui le feu de circulation était vert.
Jeanne Corriveau
6 septembre 2022
Dans la foulée d’un rapport de la coroner Marilynn Morin, Montréal promet de sécuriser l’intersection des rues Berri et Ontario où une collision entre deux cyclistes a causé le décès de Robert Leblanc en juin 2021. Et la Ville n’écarte pas la possibilité de réaménager la piste cyclable de la rue Berri afin d’implanter deux voies unidirectionnelles de part et d’autre de l’artère.
Le 7 juin 2021, vers 16 h 30, Robert Leblanc roule en direction est sur un Bixi, du côté nord de la rue Ontario. Au moment où il tourne à gauche pour emprunter la piste cyclable de la rue Berri vers le nord, l’homme de 62 ans est happé par un autre cycliste qui circulait vers le sud et pour qui le feu de circulation est vert. M. Leblanc chute au sol et subit de graves blessures à la tête. Il est transporté à l’hôpital et décédera le 23 juin suivant.
Malgré les améliorations apportées à l’intersection des rues Berri et Ontario au fil des années, celle-ci demeure « problématique et dangereuse », estime la coroner qui s’est penchée sur les circonstances du décès de M. Leblanc. Entre 2016 et 2021, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) y a d’ailleurs recensé 19 accidents avec blessés.
Dans son rapport, Marilynn Morin recommande donc à la Ville de Montréal de procéder à une « analyse approfondie » de la configuration de cette intersection et d’y apporter les modifications jugées nécessaires pour améliorer la sécurité des cyclistes.
Refléter la popularité des transports actifs
La coroner formule aussi des recommandations quant aux enquêtes sur les collisions menées par le SPVM.
À l’heure actuelle, une politique du SPVM stipule qu’un signalement au Module enquêtes collisions est requis à la suite d’accidents « avec décès ou risque de décès imminent » impliquant des vélos, trottinettes ou autre mode de déplacement actif, même si aucun véhicule routier n’est impliqué. Ce module détermine ensuite s’il y a lieu de se pencher sur la situation.
La coroner recommande plutôt qu’une enquête soit menée de façon systématique pour tout accident qui survient sur la voie publique. Selon elle, cette mesure permettrait à la Ville de procéder à une analyse approfondie du dossier et de rendre ses infrastructures plus sécuritaires. « Depuis plusieurs années, les moyens de transport alternatifs se sont diversifiés et popularisés et leur taux d’utilisation s’est grandement accru. Dans ce contexte, une réflexion sur la gestion des accidents impliquant d’autres types de véhicules devrait être mise à l’avant-plan », note d’ailleurs Marilynn Morin dans son rapport.
La coroner juge aussi que certains termes utilisés, comme « décès ou risque de décès imminent », sont trop restrictifs et que la directive du SPVM devrait inclure les accidents entraînant des « blessures graves ».
Robert Leblanc ne portait pas de casque de vélo au moment de l’accident, ce qui fait dire à la coroner que la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) devrait poursuivre et intensifier ses efforts de sensibilisation et d’éducation sur la question auprès des cyclistes.
Repenser la piste Berri
Faut-il aussi reconfigurer la piste bidirectionnelle de la rue Berri ? Vélo Québec croit que oui. L’organisme estime qu’à l’instar du Réseau express vélo (REV) de la rue Saint-Denis, la piste Berri devrait comporter des voies unidirectionnelles pour vélos de part et d’autre de l’artère. « En plus, on a un facteur aggravant qui est la vitesse, en raison de la descente », note Magali Bebronne, directrice des programmes à Vélo Québec.
Les voies étant étroites, des face-à-face entre cyclistes surviennent aussi à l’occasion lors de manoeuvres de dépassement ou lorsqu’un vélo dévie de sa route, signale-t-elle. « Les conséquences peuvent être graves . »
Reste qu’aménager des pistes unidirectionnelles de chaque côté de la rue pourrait être complexe compte tenu de la présence de la gare d’autocars au sud de la côte Berri, reconnaît Mme Bebronne.
De son côté, la Ville promet d’intervenir pour sécuriser les déplacements de « l’ensemble des usagers » dans l’axe de la rue Berri. Un sas pour les vélos a déjà été aménagé à l’intersection, mais un plan plus étoffé est en cours de planification, indique Alicia Dufour, attachée de presse au cabinet de la mairesse Plante. « Tous les scénarios sont envisagés, incluant des [pistes] unidirectionnelles », précise Mme Dufour.
La Ville doit cependant attendre que la Société de transport de Montréal (STM) ait terminé ses travaux liés à la réfection de la membrane d’étanchéité de la station Berri-UQAM avant d’apporter des modifications aux aménagements.
Des enquêtes systématiques
Vélo Québec salue aussi la recommandation de la coroner en faveur d’enquêtes systématiques sur les collisions. « Il faut se rendre à l’évidence : les collisions qui n’impliquent pas de véhicules motorisés, on dirait que ça n’intéresse personne, comme si ces victimes-là ne méritaient pas la même attention que les autres », explique Magali Bebronne.
Elle souligne d’ailleurs qu’au printemps, lors de la commission parlementaire sur le projet de loi modifiant la Loi sur l’assurance automobile, Vélo Québec a demandé à la SAAQ d’élargir l’indemnisation des victimes de la route pour inclure les piétons et les cyclistes blessés dans des collisions qui n’impliquent pas de véhicules à moteur.
Le SPVM dit accueillir « avec ouverture » les propositions de la coroner, mais signale que les collisions entre cyclistes entraînant un décès sont rares. Après le tragique accident de M. Leblanc, le SPVM a toutefois ajusté sa politique pour que ce type de collision sans véhicule routier soit pris en charge par les enquêteurs.