Article du journal Les Affaires. Des villes de l’ouest de l’île ralentissent les projets de densification autour des stations du REM, et ce malgré la crise du logement.
Des villes freinent la densification autour des stations du REM
Jean Sasseville|Mis à jour hier à 14h15
Expert(e) invité(e)
Jean Sasseville|Mis à jour hier à 14h15
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«En densifiant les stations REM, Montréal et les villes indépendantes de l’île pourraient enfin mieux crédibiliser leur plan de mobilité.» (Photo: Adobe Stock)
EXPERT INVITÉ. Les élections du 2 novembre passées, oublions un instant Montréal pour regarder ce qui se passe dans quelques autres villes de l’île, là où se joue une partie cruciale de l’avenir urbain. Même à deux pas du métro ou du REM, la densification continue de susciter la méfiance dans certains cas.
Mais la densification urbaine n’a rien d’incompatible avec la qualité de vie. Elle en renforce même les atouts:
- Elle permet une meilleure utilisation du sol, limitant l’étalement urbain et valorisant les terrains sous-utilisés.
- Elle favorise une mobilité plus efficace, en augmentant l’achalandage du transport collectif.
- Elle rend les projets immobiliers plus rentables, contribuant à réduire les loyers et les prix de vente.
- Elle réduit l’empreinte carbone, en diminuant les déplacements motorisés.
- Elle accroît l’offre de logements, sans empiéter sur de nouveaux territoires.
- Elle renforce la vitalité économique, en soutenant les commerces de proximité et l’investissement.
- Elle améliore enfin l’efficacité des services publics, tout en favorisant des milieux de vie plus vivants et agréables.
Pointe-Claire: une station connectée à rien
En 2021, le maire sortant John Belvedere a perdu son siège au profit de Tim Thomas. Sitôt élu, ce dernier a balayé le plan d’aménagement qui devait transformer le vaste stationnement du centre commercial en véritable centre-ville, torpillant du même coup le projet résidentiel que Cadillac Fairview souhaitait y construire.
Le projet prévoyait deux tours locatives de 25 étages, une tour de 20 étages pour les aînés, une épicerie, des restaurants et une grande place publique de 50 000 pi². Bref, un TOD (transit-oriented development) dans toute sa logique: habiter, travailler et consommer à proximité du transport collectif.
La désinformation a reculé, et John Belvedere reprend les rênes de Pointe-Claire. Avec son retour, le projet de développement retrouve son souffle. Fini le grand stationnement vide : la ville pourra enfin se doter d’un centre-ville vivant, connecté au REM et tourné vers l’avenir.
Le Grand parc de l’Ouest: quand la nature bloque la ville
Créé pour protéger boisés, forêts, marécages et terres agricoles, ce parc couvre plus de 3100 hectares, soit quinze fois la superficie du parc du Mont-Royal, ce qui en fait le plus grand parc municipal du Canada.
Personne ne remet en cause sa valeur écologique. Cependant, en entourant en grande partie la station Anse-à-l’Orme, à Sainte-Anne-de-Bellevue, le parc empêche tout aménagement de type TOD. Ce modèle favorise des quartiers denses où commerces, logements et transport collectif se renforcent mutuellement.
Une densification bien pensée permettrait pourtant de concilier urbanité et nature: bâtir plus haut et plus près d’une station REM, pour mieux respirer entre les espaces verts.
Montréal ambitionne 184 km de tramway d’ici 2050, mais cet objectif restera irréaliste tant que transport et logement ne seront pas coordonnés. En densifiant les stations REM, Montréal et les villes indépendantes de l’île pourraient enfin mieux crédibiliser leur plan de mobilité.
Mont-Royal: la cité-jardin contre la densité
Au centre de l’île, Mont-Royal s’accroche à son image de cité-jardin et bloque toute densification autour de ses deux stations du REM, Canora et Mont-Royal.
Élu en 2021 sur la promesse d’empêcher la construction de 6000 logements à Royalmount, le maire Peter Malouf a gelé ce volet résidentiel du projet, invoquant la circulation et le manque d’autorisations. Ce site, situé au croisement des autoroutes 15 et 40, l’un des plus congestionnés du pays, est bien desservi par la station de métro De la Savane. Le maire Malouf a été réélu en 2025.
Le Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) prévoit une forte densité pour le secteur Royalmount. Les 82 municipalités de la CMM, dont fait partie Mont-Royal, doivent s’y conformer. À suivre.
Une ville doit s’adapter
Pour minimiser l’impact environnemental et financier, nos villes doivent s’adapter et densifier. Longueuil et Laval ont utilisé leurs stations de métro pour stimuler leur développement économique et redessiner leur tissu urbain.À Brossard, un véritable quartier TOD s’est érigé en quelques années autour de la station Brossard du REM. Et la ville a fixé des cibles de densité de 20 à 30 étages près des stations Panama et Du Quartier, puis décroissantes à mesure qu’on s’éloigne vers les quartiers existants.
Et sur l’île de Montréal, cette vision reste timide, freinée par les résistances locales. Le PMAD de la CMM prévoit une densité élevée autour des stations du REM, mais sur le terrain, plusieurs obstacles municipaux persistent. Tant que des villes pourront bloquer des projets résidentiels sans conséquence, le REM restera sous-utilisé.
Reprendre la main
De nouveaux réseaux de transport collectif s’annoncent. Québec doit assumer son rôle. Autour d’une station, la densité n’est pas une option. C’est une nécessité qui devrait être exigée par Québec.
Chaque station sous-développée, c’est un investissement public gaspillé. Des logements qui ne se construisent pas. Un quartier qui stagne.
Refuser de densifier, c’est refuser de préparer le Grand Montréal à l’avenir. À force de protéger le statu quo, certaines villes finiront par perdre ce qu’elles croient défendre: leur vitalité.











