REM 2 (Est de Montréal) - Projet annulé

2 articles d’opinion (divergentes), parus ce samedi dans La Presse :thinking:

REM de l’Est Un puissant levier de développement


IMAGE FOURNIE PAR CDPQ INFRA | Croquis du futur REM de l’Est à Saint-Léonard

Depuis l’annonce faite par CDPQ Infra, le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal, le débat sur le Réseau express métropolitain (REM) s’est polarisé sur les enjeux d’intégration urbaine, au détriment des avancées et des possibilités que procurera le déploiement de ce projet d’envergure. En tant que regroupement de leaders provenant des milieux de l’éducation, du développement économique et de la santé de l’Est de Montréal, nous souhaitons rappeler à quel point le REM de l’Est est vital pour le développement du territoire.

LA PRESSE | Publié le 13 mars 2021 à 14h00 | CHRISTINE FRÉCHETTE ET CHRISTIAN YACCARINI, RESPECTIVEMENT PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE DE L’EST DE MONTRÉAL ET PRÉSIDENT ET CHEF DE LA DIRECTION DE LA SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT ANGUS, ET 13 AUTRES SIGNATAIRES*

Parce qu’il facilitera l’accès aux quartiers, aux établissements d’enseignement, aux zones d’emploi et à une série de lieux stratégiques de la métropole, le REM se veut un projet transformateur pour l’Est de Montréal, qui générera l’amélioration de nombreuses facettes qui influent sur la qualité de vie de ses habitants et des travailleurs. L’Est recèle un immense potentiel et, pour qu’il se révèle, cela passe notamment par le déploiement de ce grand projet de transport collectif.

Il est de notoriété publique que l’offre de transports collectifs est défaillante dans l’Est de Montréal, territoire de plus de 800 000 habitants. Le REM nous fera entrer dans une nouvelle ère du transport collectif en permettant de désenclaver de grandes portions de ce territoire.

Nous croyons fermement que le REM de l’Est va constituer un puissant outil de densification du territoire et de lutte contre l’étalement urbain puisqu’il rehaussera l’intérêt des citoyens et des entreprises à s’établir et à demeurer dans l’Est.

C’est au développement d’innombrables projets publics et privés et à la réactivation de dizaines de millions de pieds carrés de friches industrielles que nous allons assister. Ces investissements sont synonymes non seulement de création d’emplois, mais également de développement de quartiers et de vie de quartier tout le long du tracé. Des stations du REM pourraient par exemple inclure des espaces répondant à des besoins exprimés par le milieu environnant. Et si nous osons nous projeter davantage collectivement, ce projet pourrait même devenir un projet de société à part entière.

Artères commerciales

De nombreuses artères commerciales seront alors plus accessibles, entraînant ainsi un plus grand achalandage. Combiné aux autres projets de transport que sont le SRB Pie-IX et l’ajout de cinq nouvelles stations sur la ligne bleue, c’est un renouveau de plusieurs artères commerciales qui pourrait avoir lieu au cours des prochaines années.

Les entreprises de l’Est étant souvent difficile d’accès en transport en commun, l’attraction et la rétention des travailleurs constituent un véritable casse-tête pour les employeurs, une difficulté qui vient s’ajouter à la rareté de la main-d’œuvre qui sévit dans de nombreux secteurs. Avec l’arrivée du REM, il sera plus facile d’attirer les entreprises et les talents sur le territoire.

Qui plus est, le REM permettra de connecter de nombreux arrondissements de l’Est à des collèges et des universités, facilitant l’accès au savoir, un véritable enjeu dans la région.

Soulignons aussi le plus grand accès aux établissements de santé, sachant que le REM sera connecté à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et à l’hôpital Santa Cabrini, qui font partie du CIUSSS de l’Est-de-Île-de-Montréal, l’un des plus importants employeurs du territoire.

Il importe de souligner par ailleurs que le REM réduira la dépendance à l’automobile en permettant à une grande part des usagers de délaisser leur voiture au profit de modes de transport collectif. Il s’agit là d’une condition essentielle à l’atteinte d’un développement durable et sobre en carbone pour l’Est de Montréal.

Le projet est-il perfectible ? Assurément, et il faudra travailler collectivement à faire en sorte de développer un projet créatif et innovant qui constituera un modèle pour d’autres villes. Son intégration dans la trame urbaine, particulièrement pour les tronçons aériens au centre-ville et rue Sherbrooke Est, doit faire l’objet d’une attention particulière. Nous sommes d’avis que la venue d’un comité d’experts, créé par CDPQ Infra, permettra de s’inspirer des meilleures pratiques à l’international en vue d’adopter une architecture signature et une intégration harmonieuse dans la trame urbaine.

Sans minimiser l’importance de ce débat, nous tenons à souligner que ce n’est ni plus ni moins que l’avenir de l’Est de l’Île que nous dessinons à travers ce projet d’envergure. En déployant le vaste système de transport collectif qu’est le REM, nous dotons la communauté d’un puissant levier de développement stratégique qui révèlera l’immense potentiel de l’Est de Montréal.

*Cosignataires : Madeleine Paquin, Logistec ; Sylvain Lemieux, CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal ; Guy Laganière, Groupe C. Laganière ; Claude Auchu, lg2 ; Malika Habel, Collège de Maisonneuve ; Sylvain Mandeville, Collège Marie-Victorin ; Anne Couillard, Collège de Rosemont ; Guy Nadeau, Desjardins Entreprises ; Dimitri Tsingakis, Association Industrielle de l’Est de Montréal ; Éric Sauvageau, Sanexen ; Denis Robitaille, Rachel Julien ; Sylvain Cofsky, Innovitech ; Antoine Chagnon, Lallemand


REM de l’Est La science de la planification des transports a-t-elle été bafouée ?


PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE, La station Langelier de la ligne verte du métro de Montréal

Plusieurs se sont réjouis de l’annonce d’investissements de 10 milliards de dollars en transports collectifs dans l’est de Montréal et nous en sommes. Même si ce REM 2.0 améliorera les transports collectifs pour les usagers avec un service plus rapide et plus fréquent, est-ce le meilleur projet qui offrira un maximum de bénéfices à cette population laissée pour compte depuis 40 ans ? En plus du défi d’intégration urbaine, comment le REM s’inscrit-il dans une vision d’ensemble du développement des transports collectifs dans l’Est ? On doit se poser la question.

LA PRESSE | Publié le 13 mars 2021 à 15h00
| FRANÇOIS PEPIN* ET FLORENCE JUNCA ADENOT, RESPECTIVEMENT PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE TRAJECTOIRE QUÉBEC ET EX-PRÉSIDENTE-DIRECTRICE GÉNÉRALE DE L’AGENCE MÉTROPOLITAINE DE TRANSPORT, ET NEUF AUTRES SIGNATAIRES**

L’intégration avec les autres services de transports collectifs

Une telle infrastructure vise à développer le territoire et à attirer de nouveaux usagers, qui délaissent leur automobile. Le tracé doit maximiser l’atteinte de ces deux objectifs comme l’a fait depuis 2007 le métro à Laval. Or les tracés du REM proposés sont parallèles au SRB Pie-IX, à la ligne verte et dans les bassins des lignes de train Mascouche et de métro bleue. Ce REM viendra-t-il compléter ces lignes pour améliorer la mobilité ou leur nuire en cannibalisant leurs usagers et leurs revenus ? CDPQ Infra prévoit accueillir 133 000 passagers quotidiens dont la grande majorité viendrait des autres services de transport collectif, et non de l’abandon de l’auto.

Le SRB Pie-IX en construction au coût de 650 millions est à 2 km de l’antenne nord du REM, le long de Lacordaire. L’achalandage quotidien prévu de 70 000 passagers est-il toujours valable et une baisse de l’achalandage causée par le REM rend-il le SRB moins pertinent ? Un tracé sur les boulevards Langelier ou des Galeries d’Anjou servirait-il mieux la population ?

La ligne verte entre Honoré-Beaugrand et le centre-ville longe Sherbrooke et de Maisonneuve à moins de 500 m sur 12 km du tracé proposé pour le REM.

Un rabattement sur la ligne verte ne serait-il pas une option plus satisfaisante puisque le métro offre une capacité résiduelle à l’est de Berri-UQAM ? Cette option réglerait en même temps plusieurs problématiques d’intégration urbaine dont celle sur René-Lévesque.

Si les réseaux sont complémentaires, a-t-on évalué les impacts sur la ligne de Mascouche, construite au coût de 671 millions de dollars et dont la fréquentation, déjà affectée par le REM de l’Ouest, le sera aussi par le REM de l’Est, ou la pertinence d’une station sur Saint-Zotique alors que la ligne de bus 18 (30 000 passagers) justifierait qu’elle soit sur Beaubien ?

Améliorer les services de mobilité pour la population de l’est de Montréal

Il faut saluer le projet du REM de l’Est qui propose de développer les transports collectifs dans cette partie de Montréal, mais il faut aussi que le tracé proposé réponde aux besoins de mobilité des citoyens de l’Est qui sont de grands utilisateurs du transport collectif malgré un réseau sous-développé. Les déplacements dans l’Est se font majoritairement (58 %) à l’intérieur du secteur et à peine 13 % des échanges se font vers le centre-ville de Montréal.

Si le REM est vraiment conçu pour desservir la population de l’Est, pourquoi Rivière-des-Prairies avec 58 000 habitants n’est-elle pas desservie, et pourquoi n’y a-t-il que cinq stations à l’est de Honoré-Beaugrand alors que Pointe-aux-Trembles et Mercier-Est comptent 94 000 habitants ?

Enfin, pourquoi le REM passe-t-il à plus de 2 km du pôle d’affaires des Galeries d’Anjou, point de destination important de l’est de Montréal ?

Un REM de 32 km à 10 milliards de dollars est-il la meilleure utilisation d’une telle somme pour offrir de nouveaux services à la population de l’Est ? Combien de kilomètres d’Express, de SRB ou de tramway peut-on offrir avec ce budget ? Le REM est-il vraiment le bon mode de transport ? Chaque fois que les solutions sont définies à partir des modes de transport plutôt que des besoins de la population, c’est une erreur grave.

Écoutons la science et les experts

Afin de permettre à la population de mesurer les impacts du REM sur sa mobilité future, CDPQ Infra doit, en toute transparence, répondre à ces questions et expliquer publiquement ses choix. Le REM de l’Est est-il en complémentarité ou en concurrence avec les lignes de transports collectifs alors que le REM, les sociétés de transport et l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) sont tous des organismes financés par le gouvernement du Québec et les villes ? Seule la diffusion des études menées par CDPQ Infra et une contre-expertise par l’ARTM et la Société de transport de Montréal permettront de répondre à cette question. Ces deux organisations ont su développer depuis les années 1970 une réelle expertise propre à la région de Montréal en collaboration avec Polytechnique Montréal, notamment avec les enquêtes origines-destinations régionales et les modèles de simulation des réseaux de transport.

Comment tous les projets de REM s’inscrivent-ils dans les orientations du plan stratégique de développement des transports collectifs de l’Autorité régionale de transport métropolitain, qui a une compétence exclusive de planification sur son territoire, et le plan métropolitain de développement et d’aménagement de la Communauté métropolitaine de Montréal ? L’ARTM doit établir un plan d’ensemble de la desserte de l’est de l’île qui inclut les projets en cours et les projets futurs afin de permettre à Montréal de se doter d’une vision globale du développement économique et social pour ce secteur stratégique de l’île de Montréal.

La planification des transports est une science. Écoutons la science et les experts en dévoilant les études et en comparant les solutions possibles de manière à maximiser les bénéfices pour la population de tout le territoire.

François Pepin et Florence Junca Adenot* Respectivement président du conseil d’administration de Trajectoire Québec et ex-présidente-directrice générale de l’Agence métropolitaine de Transport, et neuf autres signataires**

*François Pepin est ex-directeur d’études en planification des transports à la Société de transport de Montréal

**Cosignataires : Pierre Asselin, ex-vice-président à la planification et développement de l’Agence métropolitaine de transport et ex-président de l’Association des transports et des routes du Québec ; Gérard Beaudet, urbaniste émérite et professeur titulaire de l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage de l’Université de Montréal ; Pierre Bélanger, ex-directeur général de l’Association québécoise du transport intermunicipal et municipal ; Guy Benedetti, ex-directeur général du Réseau de transport de Longueuil ; Jacques Fortin, ex-directeur général de la Société de transport de Montréal ; Georges Gratton, ingénieur en transport retraité et membre du Temple de la renommée canadien en transport ; Florence Paulhiac Sherrer, directrice de la Chaire internationale sur les usages et pratiques de la ville intelligente et professeure titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal ; Louise Roy, ex-présidente-directrice générale de la Société de transport de la communauté urbaine de Montréal et présidente du conseil d’administration de CIRANO ; Paul Saint-Jacques, ex-sous-ministre adjoint au ministère des Transports du Québec et au ministère de la Métropole et ex-président-directeur général au Palais des congrès de Montréal

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Des terrains déjà réservés malgré la controverse du REM

La phase 2 du projet fait craindre pour son impact visuel au centre-ville de Montréal

Le nouveau train de la Caisse de dépôt est lancé à grande vitesse malgré la controverse. Trois mois après l’annonce de la construction d’une antenne du REM dans l’est de Montréal, Québec réserve déjà 14 terrains privés qui pourraient s’avérer nécessaires.

Le ministre des Transports du Québec (MTQ) a fait publier la plupart des avis lundi dernier. Ils concernent des lots situés entre le quartier chinois et les pointes des deux nouvelles antennes prévues à Pointe-aux-Trembles et Montréal-Nord.

« Comme c’est la norme dans les grands projets d’infrastructures, le dépôt d’avis de réserve foncière se fait rapidement et avec diligence, afin de protéger l’intérêt public et limiter la spéculation foncière […] et des impacts notables sur les coûts du projet », écrit Emmanuelle Rouillard-Moreau, porte-parole de CDPQ-Infra, la filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec responsable du Réseau express métropolitain (REM).

René-Lévesque et Sherbrooke

Elle ajoute que les terrains visés ne seront peut-être pas tous requis. CDPQ-Infra dit vouloir maximiser l’utilisation des emprises publiques existantes, surtout au centre des voies sur le boulevard René-Lévesque et la rue Sherbrooke.

Les avis de réserve interdisent pour deux ans toute construction ou amélioration sur les lots et les immeubles concernés. À terme, la Caisse pourrait devoir acquérir une soixantaine de terrains.

Même si le REM de l’est doit être construit au-dessus des voies, Québec a réservé quelques terrains qui longent René-Lévesque et Sherbrooke. La Caisse n’a pas expliqué pourquoi, mais ils accueilleront vraisemblablement les structures menant aux gares en hauteur.

Certains lots réservés sont situés relativement loin du tracé communiqué en décembre. CDPQ-Infra lorgne par exemple l’accès à un terrain de la Compagnie pétrolière Impériale Ltée. Loin au sud-est du tracé, il borde la rue Notre-Dame, et non la rue Sherbrooke, où doit rouler le REM.

Par ailleurs, la Caisse convoite le terrain que l’entreprise Ray-Mont Logistiques a déjà décontaminé pour en faire un site de transbordement de marchandises entre les trains et les bateaux du port de Montréal.

« Foncer dans le tas »

Depuis l’annonce du REM de l’est en décembre, le projet de CDPQ-Infra est vertement critiqué pour ses structures aériennes qui doivent traverser le centre-ville et plusieurs quartiers densément peuplés.

La députée Ruba Ghazal, de Québec solidaire, s’oppose au projet tel que présenté. Pour elle, l’enregistrement rapide d’avis de réserve est typique de la façon dont la Caisse planifie ses projets de trains à Montréal.

« C’est un peu la marque de commerce de CDPQ-Infra : foncer dans le tas et y aller rapidement, dit-elle. Surtout que le gouvernement de M. Legault lui laisse totalement le champ libre pour faire ses projets, sans faire les consultations qui doivent être faites. »

https://www.journaldemontreal.com/2021/03/16/des-terrains-deja-reserves-malgre-la-controverse-du-rem

Éditorial de Robert Dutrisac dans Le Devoir

REM de l’Est: apprendre de ses erreurs

Robert Dutrisac
16 mars 2021
ÉDITORIAL

La filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, CDPQ Infra, a bien changé depuis 2015, l’époque où elle a proposé de construire le Réseau express métropolitain (REM) pour desservir l’ouest de l’île de Montréal ainsi que Brossard. C’est du moins ce qu’elle soutient. Nous voudrions bien la croire.

Le contexte du REM de l’Ouest est bien différent de celui du REM de l’Est. En 2015, CDPQ Infra a proposé un projet clés en main au gouvernement Couillard, lui qui n’avait jamais étudié sérieusement de projet semblable, ni l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), l’organisme chargé de planifier et d’organiser le transport collectif dans la grande région de Montréal. CDPQ Infra, qui avait pris tout le monde par surprise, a obtenu du gouvernement libéral qu’il lui laisse les coudées franches pour réaliser ce projet de transport collectif, qu’elle promettait d’achever dans les temps tout en respectant le budget imparti.

Le REM de l’Est est bien différent en ce sens qu’il viendra s’imbriquer étroitement à différents modes de transport collectif existants ou à venir, comme le service rapide par bus ainsi que le sempiternel prolongement de la ligne bleue du métro. En outre, l’ARTM, depuis le temps qu’elle analyse les diverses possibilités d’expansion du transport collectif dans l’est de Montréal, a développé une expertise non négligeable. CDPQ Infra ne débarque pas en terrain vierge, et les enjeux d’intégration urbaine sont ici beaucoup plus grands.

Comme le rapporte La Presse, des membres du comité consultatif sur l’intégration urbaine du REM de l’Ouest, un comité qui réunit des élus et des experts, ont eu l’impression que « tout était décidé d’avance » et de n’avoir pu se prononcer sur des éléments majeurs du projet. Ce n’est pas seulement une impression : le contrat de conception-construction avait été accordé au consortium NouvLR avant même que le comité n’amorce ses travaux. La structure massive de la rame surélevée avec ses lourds piliers de béton, qui défigure le site patrimonial du canal Lachine ou comme on peut la voir courir le long de l’autoroute Métropolitaine, a l’air d’avoir été conçue par un ingénieur adepte du brutalisme à qui on aurait donné carte blanche.

La portée des ententes de confidentialité que doivent signer les membres de ce comité sur l’intégration urbaine pose problème. S’il est vrai que, durant la conception du projet, il y va de l’intérêt public que certaines informations sur le tracé ou les devis ne circulent pas afin de ne pas alimenter la spéculation ou encore de ne pas nuire à l’intégrité des appels d’offres, ces ententes ne doivent pas entraver le processus de consultation ni réduire au silence ad vitam æternam les élus et les experts consultés. Les règles devaient être les mêmes que celles imposées aux projets similaires dont se charge l’administration publique, ni plus ni moins.

Se confiant au Devoir, le maire de Saint-Laurent, Alan DeSousa, a souligné que les discussions avec CDPQ Infra pour le premier REM furent parfois difficiles. Usant de toute la marge de manœuvre que lui avait accordée le gouvernement Couillard, la filiale de la Caisse a souvent ignoré les préoccupations des villes et des arrondissements en matière d’aménagement urbain.

À cet égard, CDPQ Infra a l’intention de faire amende honorable et de passer plus de temps à consulter les maires et la population. Le projet ne sera pas arrêté avant deux ans et demi. La société entend aussi s’entendre en amont avec l’administration municipale pour départager les responsabilités respectives qui incombent à la Ville et au promoteur au regard de l’aménagement urbain autour des nouvelles stations.

Il faudra tout de même que CDPQ Infra fasse la démonstration non seulement que le nouveau REM améliorera de façon remarquable le transport collectif offert aux Montréalais, ce qui ne fait aucun doute, mais que le choix technologique du métro léger et le tracé qui sera arrêté présentent le meilleur rapport coût-bénéfices et s’inscrivent dans une planification basée sur des données probantes. C’est le travail du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, de l’ARTM et de la Société de transport de Montréal. Mais c’est au promoteur d’en apporter les preuves.

CDPQ Infra soutient qu’elle a beaucoup appris avec le REM de l’Ouest et que cet apprentissage sera mis à profit pour le REM de l’Est. Déjà, les rames surélevées que le constructeur envisage d’ériger en plein centre-ville nourrissent de nombreuses interrogations, voire de sérieuses inquiétudes. Il faut rappeler que l’acceptabilité sociale du projet, qui est étroitement liée à son achalandage, en déterminera le succès.

Texte d’opinion dans Le Devoir par le directeur de la Chaire UNESCO en paysage urbain et le directeur de la chaire en paysage et environnement de l’université de Montréal

Le REM aérien de l’est sans dessein… du paysage montréalais


Photo: Olivier Zuida Le Devoir «Il importe de reconnaître que les paysages urbains sont des biens collectifs dont les titulaires sont les pouvoirs publics, et conséquemment les citoyens eux-même», estiment les auteurs.

Philippe Poullaouec-Gonidec et Sylvain Paquette
Respectivement directeur de la Chaire UNESCO en paysage urbain, UdeM ; directeur de la Chaire en paysage et environnement, UdeM

17 mars 2021

La question du paysage urbain devient l’un des enjeux clés du scénario aérien du projet du REM de l’Est (CPDQ Infra). Elle se révèle de manière criante par les mots employés dans les médias sociaux et les points de vue exprimés par les experts interpellés dans ce dossier. « Cicatrice urbaine », « dégradation des quartiers », « balafre urbaine », « laideur urbaine », etc., ces mots traduisent depuis plusieurs semaines un véritable malaise dans un débat qui semble bien loin de s’apaiser. Plusieurs leaders d’opinion, universitaires et représentants d’ordres professionnels et ONG exigent haut et fort la mise sur pied d’un comité d’experts indépendants, mais également un véritable débat public. Malgré les bénéfices pressentis du REM sur le plan environnemental comme sur le plan de son potentiel de revitalisation économique de l’est de Montréal, ce débat est plus que souhaitable, il est incontournable.

De fait, il est important de reconnaître, aujourd’hui, et plus que jamais, que le devenir d’une ville ne peut plus résulter d’un parachutage de projets, ni d’une sommation d’infrastructures perçues comme étant des objets dissociés des uns des autres. Cette vision mécaniste de la ville n’est plus acceptable au XXIe siècle parce qu’elle divise, sépare, exclut, coupe, oppose, superpose et oublie jusqu’à en devenir aliénante et étouffante. Montréal porte malheureusement encore les marques de cette attitude brutaliste (ex. : boulevard Métropolitain), attitude que d’aucuns associent aujourd’hui à un passé révolu. Les villes seraient plutôt en quête d’expériences attractives centrées notamment sur le bien-être et l’accès à la nature.

Une valeur sociale et culturelle

Bon nombre de villes à l’échelle internationale ont déjà amorcé ces desseins urbains en considérant la ville comme l’expression de paysages porteuse de valorisations et d’aspirations citoyennes. Depuis le milieu des années 2000, nos recherches sur le territoire montréalais ont rapporté le fait que la population montréalaise valorise considérablement leur milieu de vie au quotidien. Les qualités (ambiance, beauté, verdure) des paysages urbains de proximité (rue, ruelle, jardin, quartier) sont un élément clé de leur bien-être urbain. C’est une tendance qui se confirme. Depuis plusieurs années, les quartiers montréalais affirment et développent leur singularité paysagère par des projets de mise en valeur et de préservation de leurs attraits locaux.

Cette transformation s’est opérée parce que le paysage n’est plus qu’une valeur élitiste comme elle a pu l’être dans le passé. Elle tend à devenir une valeur démocratique et inclusive où tous aspirent à un confort et à une qualité de son cadre de vie. La crise sanitaire actuelle a permis de mettre au premier plan l’importance de ces aspirations. Or, la valorisation du paysage montréalais est un véritable enjeu et reste un défi particulièrement dans certains quartiers de l’est de l’île.

Cette volonté de transformation, Montréal y travaille depuis un bon nombre d’années. Plusieurs efforts ont été consacrés afin de faire de cette ville un lieu de vie, de loisir et de tourisme à la hauteur d’attentes de plus en plus élevées. Cette valeur sociale et culturelle entretenue envers les paysages montréalais est perceptible dans l’attention portée à la qualité de ses patrimoines, ses espaces de nature, ses architectures, ses vues, sa montagne et son fleuve.

À titre d’exemple, cette sensibilité paysagère est présente dès l’adoption du premier plan d’urbanisme de la Ville de Montréal, en 1992, qui reconnaît explicitement l’importance de garantir la visibilité des deux monuments de l’identité montréalais, soit sa montagne et son fleuve. Au-delà des grandes vues consacrées (ex. : belvédères du mont Royal, du quai de l’Horloge), ce sont avant tout celles à partir des rues et des quartiers qui constituent, entre autres, les nouvelles expressions de ses valeurs paysagères.

À ce titre, le Programme particulier d’urbanisme (PPU) des Faubourgs adopté en 2020 témoigne de l’intérêt des vues à préserver à partir de la trame urbaine. Plus largement, en adoptant récemment l’Agenda montréalais 2030 pour la qualité et l’exemplarité en design et en architecture, la Ville de Montréal démontre clairement qu’elle place la qualité du cadre de vie des Montréalaises et des Montréalais comme un levier pour la préservation, la mise en valeur et le développement de son territoire.

Méconnaissance apparente

Ainsi, il importe de reconnaître que les paysages urbains sont des biens collectifs dont les titulaires sont les pouvoirs publics, et conséquemment les citoyens eux-mêmes.

Or, dans le projet d’infrastructure du REM de l’Est, il semble que CPDQ Infra n’est aucunement consciente de cette réalité paysagère montréalaise et des enjeux qui lui sont associés. Ainsi, avec sa proposition de tracé aérien, CPDQ Infra montre sa profonde méconnaissance du paysage urbain montréalais et bafoue les efforts et les mesures engagés par la Ville de Montréal depuis plus de deux décennies.

Aussi, en plus d’un comité d’experts indépendants, l’appel à un débat impliquant les principaux acteurs concernés, soit les pouvoirs publics montréalais, métropolitains et québécois, qui représentent l’intérêt des citoyens, apparaît à nos yeux essentiel. Ce débat, qui devrait être porté par l’Office de consultation publique de Montréal, doit impérativement prendre place en amont des décisions portant sur le tracé du REM de l’Est et alimenter directement le travail d’un comité d’experts indépendants.

Il est clair que l’attitude pressante et cavalière de CDPQ Infra doit laisser place à l’écoute publique et à l’ouverture des points de vue de tous et de chacun et aux actions mesurées.

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La portion aérienne sur René-Lévesque sera spectaculaire et va accélérer le développement à la hauteur de Papineau qui est , ma foi, pas digne d’une grande ville. Ce sera une version revampée du train surélevé de l’Expo 67. Vive le REM de l’est.

Je vois mal ce que vous voulez dire par “développement pas digne d’une grande ville” à la hauteur de Papineau… Dans les 10 prochaines années on a le Quartier des Lumières, Esplanade Cartier et Molson qui vont se développer là, avec ou sans le REM. Finalement, tout ce que le REM va amener pour le coin c’est une augmentation des valeurs des propriétés près des stations.

La structure aérienne à l’est de Berri n’est pas si problématique que ça si elle est accompagnée d’une réduction des voies et d’un verdissement de l’axe du boulevard. Celui-ci est large, et les développements autour vont se faire dans le prochaines années et il y a moyen d’harmoniser les deux.

Le problème est à l’ouest de Berri, où le bâti est déjà là, l’intégration avec les réseaux existants de transport en commun est faible et l’impact sera plus grand.

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J’imagine que tu as vu les rendus architecturaux de cette structure pour affirmer ça?

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C’est certain, ça.

Ou voulais-tu dire “l’Expo Express”, un train non-surélevé?

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Ouain, effectivement, les colonnes sur le boulevard seront probablement plus robustes.

En fait j’espère sincèrement que si c’est en aérien la structure sera en métal plutôt qu’en béton. Si c’est en aérien, j’espère qu’ils mettront le paquet et que cette structure sera une oeuvre d’art que les touristes voudront prendre en photo. C’est la seule façon qui puisse rendre cette option acceptable.

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Except we already know how it goes with the Caisse: money talks and bullshit walks. If somebody else doesn’t pay the difference, they simply won’t do but the bare minimum — just like a downtown tunnel.

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Exactly. The only party that can be pressured here is the government, like what happened with the Quebec City Tramway. The only difference here is that the downtown portion of the REM is fully within PLQ/QS territory and la CAQ has nothing to gain here (unlike in Jean-Lesage).

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Ce n’est pas l’ Expo Express, c’est le monorail, pas la même chose.

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En fait, je pense qu’il s’appelle plutôt “Minirail” non?

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peut être oui.

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Ça c’est le Expo Express

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:joy: Ça se peut que tu n’aies pas capté mon sarcasme. L’Expo Express était un train lourd au sol. :slightly_smiling_face:

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Toutes les voix expertes qui se prononcent quant au REM de l’Est soulignent que c’est un projet problématique, indésirable dans sa forme actuelle, urbanistiquement mauvais et d’une autre époque.

Je ne comprend même pas pourquoi certains le défendent encore. Les seuls qui le défendent publiquement sont des promoteurs immobiliers qui ont des terrains à développer dans l’Est. Fondamentalement, ils se foutent de la forme du projet.

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Tu vas t’y habituer. Je ne m’explique pas cette opposition. On chichigne pour plus de transport en commun et quand on l’a, on pleurniche pour des raisons irrationnelles.