C’est le cas de le dire !!
Ligne bleue : la facture des expropriations enfle d’un milliard
Achat de terrains non prévus, hausse du marché immobilier, estimations sous-évaluées : en raison de multiples contraintes, le coût des expropriations a énormément augmenté, mettant en péril le projet de prolongement de la ligne bleue de Montréal, a appris Radio-Canada.
Le prolongement de la ligne bleue ne sera pas finalisé avant 2027 ou 2028, selon des informations obtenues par Radio-Canada. | PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS
Radio-Canada | Romain Schué | 10 mai 2021, à 14 h 38
Entre le gouvernement Legault et Montréal, la tension ne retombe pas. Avant de donner son accord pour lancer les travaux pour le prolongement de la ligne bleue, attendu depuis plusieurs décennies, Québec demande à la métropole de réduire les coûts.
Mais ces derniers ont explosé au cours des dernières années. La faute, notamment, à un budget d’expropriations nettement sous-estimé, au départ, mais qui a aussi varié en raison de la surchauffe immobilière.
Selon les informations de Radio-Canada, le coût total pour l’achat de ces terrains, indispensables pour la mise en place de ce projet, a augmenté de près d’un milliard de dollars, par rapport au budget initial. Plusieurs sources proches du dossier ont confirmé cette hausse spectaculaire et des discussions difficiles avec Québec.
À l’heure actuelle, selon les estimations de la Société de transport de Montréal (STM), 1,2 milliard de dollars sont nécessaires pour l’acquisition de ces emplacements. En 2015, une somme de 340 millions était évoquée dans le premier dossier d’opportunités, réalisé par l’Agence métropolitaine de transport (AMT).
Un projet reporté pour 2027 ou 2028
Initialement prévu pour 2026, ce prolongement de la ligne bleue sera encore retardé. Aucun nouvel échéancier n’a cependant été publiquement mentionné.
Or, dans des documents obtenus par Radio-Canada, rédigés par la STM, il est question d’un retard pouvant varier de 6 à 20 mois. Ces délais entraîneraient des coûts supplémentaires pouvant aller de 80 M$ à 230M$, est-il précisé. Dans cette analyse, il est souligné que les coûts du projet augmentent d’environ 15 M$ à chaque nouveau mois de délais.
Les différents paliers de gouvernement se sont déjà engagés à prolonger cette ligne bleue, comme Justin Trudeau, en compagnie de la ministre provinciale Chantal Rouleau, en 2019. | PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS
Des achats de terrain non prévus
Pour expliquer cette facture qui a quasi quadruplé, plusieurs raisons sont évoquées. Dans différents documents obtenus par Radio-Canada, rédigés dans les derniers mois par la STM, il est question d’une sous-évaluation des coûts initiaux, pour les quelque 500 dossiers d’expropriation, gérés conjointement par le ministère des Transports et la STM.
De coûteux retards sont aussi évoqués.
La STM devait initialement prendre possession des 50 terrains à l’automne 2020 afin de respecter l’échéancier maître du projet. Ce retard a déjà causé une hausse de plus de 300 M$ dans les coûts estimés du projet.
Extrait d’un mémoire de la STM, du 19 novembre 2020
Pour mener à bien ce projet, de plus larges acquisitions, non prévues, s’avèrent indispensables, en raison de contestations judiciaires. Par exemple, la STM a été contrainte d’exproprier complètement le terrain du centre commercial Le Boulevard, dans l’arrondissement de Saint-Léonard, puisque son propriétaire s’opposait à une expropriation partielle.
Des enjeux similaires persistent dans d’autres secteurs et des compensations doivent également être versées à des commerçants, nous a-t-on confié, tout en insistant, en parallèle, sur la forte augmentation des prix de l’immobilier dans la métropole, sans compter la hausse des coûts des matériaux.
Québec doit revoir le budget d’expropriations, répond la STM
Des recommandations d’optimisation sont en préparation, explique un porte-parole de la STM. Un groupe d’action a été formé et des propositions seront soumises d’ici la fin du mois du juin au gouvernement. Nous confirmons avoir avisé nos partenaires que l’enveloppe prévue pour les acquisitions de lots nécessaires au prolongement de la ligne bleue devait être révisée. C’est d’ailleurs un des éléments qui nous ont incités à proposer de former un comité d’experts, ajoute la STM.
Moins d’ascenseurs, plus d’économie
Ce coût des expropriations est désormais le principal obstacle de ce prolongement, dans les cartons depuis 1979, qui prévoit la création de cinq nouvelles stations.
Le gouvernement Legault a récemment demandé à Montréal de revoir, drastiquement, le budget de ce projet, évalué désormais à 6,1 milliards, contre 3,9 milliards en 2015, avant une révision à 4,5 milliards l’année suivante. Soit une hausse de 1,6 milliard par rapport à ce qui est appelé le projet de référence.
Plusieurs pistes d’économies ont déjà été présentées au ministère des Transports du Québec. Un nouveau rapport doit être présenté d’ici l’été.
Le stationnement incitatif sous-terrain de 1200 places prévu à Anjou a déjà été rayé du projet, selon nos informations. Une économie de 140 millions est budgétée.
D’autres solutions sont évoquées par la STM, dans un document daté de novembre 2020, dont nous avons eu copie. La STM propose par exemple de réduire le nombre d’escaliers mécaniques et d’ascenseurs, pour économiser encore une centaine de millions.
Des sources parlent aussi de revoir le nombre d’édicules à construire et de trouver un accord avec la Caisse de dépôt et placement du Québec, pour le financement, par cette dernière, de la structure qui accueillerait une future station commune avec le REM de l’Est.
Cinq nouvelles stations sont prévues dans le cadre de ce prolongement de la ligne bleue. Mais la STM étudie la possibilité de revoir à la baisse ce nombre. | PHOTO : RADIO-CANADA
Plus de logements à construire?
Inquiète pour l’avenir de ce projet, l’équipe de la mairesse Valérie Plante a écrit au premier ministre François Legault en fin d’année passée pour lui rappeler l’importance de ce prolongement.
En début d’année, dans un rapport confidentiel, la Ville a également soumis au gouvernement différentes idées pour rentabiliser cet investissement majeur. Montréal propose de construire 13 000 unités de logements dans le corridor de ce prolongement, dont 2500 au-dessus des cinq nouvelles stations.
Selon l’estimation municipale, la vente des droits aériens pour ces constructions pourrait générer des revenus de 56,3 M$ auxquels s’ajouteraient des revenus potentiels de 30,8 M$ en redevances de transport.
Des négociations seraient en cours, a-t-on indiqué à Radio-Canada. La conception des nouvelles stations devrait tenir compte de ces possibilités, sans quoi, il s’avérera quasi impossible, a posteriori, de construire des immeubles au-dessus des stations, soutient ce rapport.
La Ville, de son côté, refuse à l’heure actuelle de réduire le nombre de stations. De son côté, la STM a déjà préparé, selon la future décision de Québec, des scénarios alternatifs, avec la construction de seulement quatre stations.
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