Deux articles par Philippe Teisceira-Lessard dans La Presse sur le prochain PMAD et le PUM 2050
Texte complet : Grand Montréal | La densification divise les élus
La densification divise les élus
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE
Avec la nouvelle proposition, le seuil de densification des quartiers de Brossard près des stations du REM passerait au-dessus du seuil actuel au centre-ville de Montréal.
Préparez-vous à voir votre quartier changer de visage. Les maires du Grand Montréal discutent ces jours-ci de la possibilité d’y augmenter de manière importante la densité, au risque de « bouleverser considérablement l’équilibre et la qualité de vie » dans certains secteurs, selon des élus rébarbatifs.
Publié à 1h01 Mis à jour à 5h00
Philippe Teisceira-Lessard
Équipe d’enquête, La Presse
La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) propose de doubler, tripler, voire quintupler les objectifs de densification dans la région métropolitaine, afin d’y voir naître des centaines de milliers de logements. Les quartiers traversés par le métro et les villes desservies par le REM ou un train de banlieue sont particulièrement visés.
La CMM propose ainsi d’exiger une densité de 450 logements par hectare au centre-ville de Montréal, alors que le seuil était de 150 logements par hectare jusqu’à maintenant. Pour les quartiers de banlieue dotés d’une gare du REM, le seuil passerait de 80 à 200.
Concrètement, de telles hausses des seuils de densité augmenteraient de façon importante le nombre de tours d’habitation en ville et en banlieue, selon l’urbaniste émérite Gérard Beaudet.
Les tenants de la proposition la qualifient de « responsable et réaliste », mais des critiques dénoncent une « densification à tout prix » préoccupante. Avec les nouveaux seuils, « des tours de 30 étages feront face à des bâtiments de deux étages », prévoit l’arrondissement de Montréal-Nord. Westmount dénonce des « cibles irréalistes et non souhaitables », Saint-Léonard craint « des projets qui seront complètement hors d’échelle avec les milieux établis », alors que Saint-Laurent déplore une cible « disproportionnée ». Le Plateau-Mont-Royal devrait être parsemé de tours de moyenne hauteur, selon une modélisation effectuée par la Ville de Montréal.
MODÉLISATION AGGLOMÉRATION DE MONTRÉAL
Modélisation de l’impact des seuils de densité proposés par la CMM, près du métro Mont-Royal (vue vers l’ouest et le mont Royal).
Le champ de bataille pour cet affrontement : l’élaboration du prochain Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD), qui doit être adopté l’an prochain et sur lequel les 82 municipalités du Grand Montréal devront s’aligner. Une première version circule dans les couloirs des hôtels de ville de la région depuis l’automne dernier. Les critiques envers cette proposition viennent d’être révélées au grand jour dans un document du conseil d’agglomération de Montréal (la structure qui regroupe les villes de l’île).
« Pas du copier-coller »
C’est la conseillère municipale montréalaise Marie Plourde qui a été choisie pour mener le processus d’élaboration du PMAD, avec une quinzaine d’autres élus de partout dans le Grand Montréal.
« On a besoin d’avoir un plan commun pour l’ensemble de la région métropolitaine », a fait valoir l’élue, mardi, en entrevue avec La Presse. Leur travail a commencé en 2022 et devrait aboutir en 2025 avec l’adoption du plan.
Ce sont des hausses qui peuvent être significatives dans certains endroits qui sont capables de le soutenir. On n’impose pas des seuils élevés dans des endroits qui ne pourraient pas le soutenir, qui n’ont pas de transport en commun. Ce n’est pas du copier-coller sur l’ensemble du territoire.
La conseillère municipale Marie Plourde
Ces seuils s’appliquent seulement aux développements et aux redéveloppements, a-t-elle souligné.
Mme Plourde a indiqué avoir pris connaissance de l’avis très critique de l’Agglomération de Montréal. « Nous sommes en période de consultation avec les MRC, les municipalités et le gouvernement. Cette période nous permet d’ajuster certains seuils à l’aide des commentaires constructifs reçus tels que ceux-ci », a-t-elle ajouté. De « nouveaux seuils » ont d’ailleurs été présentés à la Ville de Montréal dans les derniers jours.
Le plan semble avoir l’appui de l’administration Plante. « La ville est favorable à l’approche de densification du PMAD, mais certaines méthodes de calcul proposées dans le projet de la CMM étaient difficilement applicables sur le territoire », a indiqué le cabinet de la mairesse Valérie Plante, par écrit, mardi. « Le prochain plan d’urbanisme et de mobilité sera en adéquation avec ces objectifs de densification. »
Le visage de Montréal « complètement » transformé
Pour Gérard Beaudet, urbaniste émérite et professeur à l’Université de Montréal, une augmentation si rapide des seuils de densité risque d’être problématique.
Une telle proposition suppose de transformer « complètement » le visage de Montréal.
Pour atteindre ces densités-là, si on veut qu’il reste des espaces verts et des parcs, il va falloir construire en surhauteur partout. Et ça non plus, les gens n’en veulent pas nécessairement.
Gérard Beaudet, urbaniste émérite et professeur à l’Université de Montréal
Il ne faut pas oublier, a ajouté l’urbaniste, que l’application de ces seuils sera nécessairement inégale sur le territoire. « Il y a des milieux où on ne pourra pas densifier, les gens vont s’y opposer : il y a des banlieues pavillonnaires haut de gamme où les gens ont tous les moyens qu’il faut pour s’opposer à quelque forme de densification que ce soit », a-t-il dit. Ce sont alors des secteurs moins nantis qui risquent de voir leur densité augmenter « encore plus ».
Texte complet : Transport en commun | Montréal veut un réseau de tramways
Transport en commun | Montréal veut un réseau de tramways
PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE
En plus des projets de tramway, il est aussi proposé d’allonger toutes les lignes du métro de Montréal (sauf la jaune).
Des tramways. Beaucoup de tramways. Et des prolongements de métro. La Ville de Montréal entrevoit la création d’un important réseau de transport sur rail dans les quartiers actuellement mal desservis par le transport lourd, révèle un document rendu public dans les derniers jours.
Publié à 1h01 Mis à jour à 5h00
Philippe Teisceira-Lessard, La Presse
La carte, placée en annexe d’un rapport officiel qui doit être adopté à la prochaine séance du conseil d’agglomération, montre le transport collectif dont l’administration Plante rêve à l’horizon 2050.
INFOGRAPHIE AGGLOMÉRATION DE MONTRÉAL
Vision du développement du transport en commun à Montréal à l’horizon 2050
Montréal espère ainsi pouvoir proposer une « offre de service bonifiée [qui] s’appuie sur des prolongements réseau de métro », notamment de la ligne bleue vers l’ouest jusqu’à Lachine, de la ligne orange (au-delà de la station Côte-Vertu) jusqu’au boulevard Gouin et de la ligne verte à l’est et au nord pour la raccorder à la ligne bleue, elle aussi rallongée.
La fameuse « ligne rose » avec laquelle Valérie Plante a accédé à la mairie de Montréal, en 2017, fait un retour sur cette carte.
« Cette vision d’avenir comprend un tout nouveau réseau de tramway qui vient ajouter une offre de service de niveau intermédiaire entre le réseau d’autobus régulier et les réseaux de métro et de train de banlieue », souligne aussi le document.
Les artères ciblées ne sont pas identifiées sur le schéma, mais on devine une volonté d’installer des lignes sur les boulevards Henri-Bourassa, Cavendish et Saint-Michel, sur l’avenue du Parc, ainsi que dans les rues Notre-Dame, Jean-Talon et de la Commune, entre autres. Ce développement se ferait en deux phases.
L’administration Plante n’a pas voulu commenter la publication de cette carte. Elle doit présenter son Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 d’ici la fin de l’année, selon le site web de la Ville de Montréal.
La Presse avait déjà révélé que l’administration Plante voulait installer un tramway rue Jean-Talon Ouest, qui desservirait notamment l’immense lotissement résidentiel sur le terrain de l’hippodrome.
« Le niveau d’ambition qu’il faut avoir »
L’ensemble de ces projets ne se concrétisera sûrement pas, mais il vaut mieux voir trop grand que trop petit, selon l’organisme Vivre en ville.
« Il va falloir éventuellement faire des choix, ça va être difficile de tout faire, mais ce que j’aime, c’est le niveau d’ambition présenté », a réagi Christian Savard, directeur général de l’organisme.
C’est le niveau d’ambition qu’il faut avoir. […] Ça correspond pas mal plus au niveau d’ambition que l’on retrouve à Toronto ou à Vancouver et qui semblait disparu de la carte à Montréal depuis que le REM de l’Est a été abandonné. Je sentais un peu de découragement collectif.
Christian Savard, directeur général de Vivre en ville
Une vision d’ensemble comme celle-ci vaut mieux que les propositions « tronçon par tronçon, projet par projet » qui prévalent actuellement, a-t-il continué. « Ça ne présente pas le portrait global. Pour une fois, on voit ce à quoi pourrait ressembler un véritable réseau. »