Montréal retrouve ses repères d’avant la pandémie et plus encore
« Montréal se démarque pour la relance économique. On a la meilleure au pays, la deuxième meilleure en Amérique du Nord », soutenait la mairesse de Montréal en marge d’une conférence de presse annonçant l’arrivée de Moderna le jeudi 28 avril. Qu’en est-il vraiment? Montréal se porte-t-elle si bien que ça?
La croissance à Montréal est repartie de plus belle après la pandémie.
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Ximena Sampson
à 4 h 01
« Ce qu’on voit dans la plupart des villes canadiennes, c’est qu’on est revenus à des niveaux d’avant la pandémie pour l’activité économique, et Montréal ne fait pas exception », explique Pedro Antunes, économiste en chef au Conference Board du Canada.
L’emploi à Montréal a été particulièrement solide tout le long de la pandémie, porté en grande partie par le secteur des technologies de l’information, qui a connu une croissance marquée. Résultat : à 4,8 %, le taux de chômage de la région métropolitaine est le plus faible jamais enregistré depuis que ces données sont compilées.
En ce moment, l’économie du Grand Montréal a un niveau d’emploi qui est 2 % plus élevé qu’au début de la pandémie, observe Christian Bernard, vice-président, talents internationaux, intelligence d’affaires et communications à Montréal International.
« Il y a plus de personnes en emploi dans la région métropolitaine de Montréal à l’heure où on se parle qu’il y en avait au moment où le virus a frappé, en février 2020. »
— Une citation de Christian Bernard, vice-président aux communications à Montréal International
Il ne s’agit pas d’emplois au salaire minimum, assure M. Bernard, mais plutôt d’emplois à forte valeur ajoutée, qui participent à la richesse de la métropole. C’est un élément qui explique pourquoi l’économie montréalaise va si bien, croit-il.
Ces bons salaires contribuent aussi à la croissance du PIB dans la métropole, un autre ingrédient primordial dans la relance.
Pour Montréal, on s’attend à une croissance de 3 % en 2022 et de 2,7 % en 2023, explique Pedro Antunes. Cela veut dire que les revenus réels par citoyen augmenteront dans les prochaines années.
Ce n’est pas seulement au niveau de la création d’emplois, mais également au niveau de la création de richesse que Montréal continue d’être une locomotive économique non seulement au Québec, mais dans l’ensemble du Canada, souligne Christian Bernard.
Cette bonne performance économique date d’avant la pandémie et, si celle-ci l’a quelque peu ralentie, elle est maintenant repartie de plus belle.
Les fondamentaux économiques sont bons à Montréal depuis plusieurs années, estime M. Bernard.
« Les finances publiques sont saines et l’environnement d’affaires est stable et prévisible, ce qui fait que la métropole est un choix intéressant pour des multinationales. »
— Une citation de Christian Bernard, vice-président aux communications à Montréal International
Un nombre croissant d’entre elles jette leur dévolu sur Montréal. En 2021, ce sont 100 projets d’investissements pour un montant record de 3,8 milliards de dollars qui ont été annoncés.
Une bonne partie de ces entreprises appartiennent au domaine des technologies de l’information, mais les sciences de la vie et l’aérospatiale se démarquent également, précise Christian Bernard.
Un changement structurel pour le centre-ville
Un point sombre au tableau, toutefois : le centre-ville peine à reprendre son erre d’aller. Quelque 68 % des travailleurs sont revenus au bureau, mais seul le tiers d’entre eux envisage de le faire à temps plein, selon un sondage mené pour le compte de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CMM).
Ceux qui y sont retournés continuent de dépenser presque autant qu’avant, mais il y aura nécessairement un manque à gagner si plusieurs restent en télétravail toute la semaine. L’achalandage diminuera de 19 % à 25 % et les dépenses de consommation baisseront d’environ 14 %, prévoit PwC Canada.
Le Conference Board s’inquiète des conséquences à moyen terme pour les petites entreprises.
Le choc de cette récession majeure qu’on a vécue, on l’a pas encore ressenti à cause des programmes de support, mais la réalité, c’est qu’il va y avoir des changements structurels importants qu’il va falloir absorber et qui vont être coûteux pour certaines entreprises, craint Pedro Antunes.
« Ce n’est pas pour dire qu’on s’attend à ce que ça soit la fin des grandes villes, mais c’est un changement structurel qui va prendre [du] temps à se résorber. »
— Une citation de Pedro Antunes, économiste en chef au Conference Board du Canada
Le taux d’occupation des bureaux est un autre aspect à surveiller. Il se maintient pour le moment, mais le Conference Board s’inquiète de ce qui arrivera quand les baux viendront à échéance.
La plupart des entreprises qui ont leur bail dans les bureaux du centre-ville ne vont pas les délaisser tout de suite, ce seront des ajustements qui viendront à moyen et à long terme, souligne M. Antunes.
Le centre-ville contribue pour 33 % de l’impôt foncier non résidentiel de la Ville; par conséquent, une baisse de sa valeur entraînerait une perte de revenus pour Montréal.
Montréal centre-ville est prête pour la relance du quartier. La Société de développement commercial du centre-ville mise notamment sur la diversification de l’offre.
Si on se porte aussi bien, c’est parce qu’on ne dépend pas que des bureaux, dit Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville. Même si les bureaux sont fermés, les rues sont noires de monde. Pourquoi? Parce qu’on est le plus grand pôle culturel au Québec et un des plus grands en Amérique du Nord. Il faut que l’on continue de maintenir cet actif-là.
Les travailleurs qui sont de retour dépensent 106 $ par semaine pour le dîner, le café du matin, le magasinage ou les 5 à 7 dans les bars, comparativement à 111 $ avant la pandémie.
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M. Castanheira a bon espoir de voir un nouveau centre-ville renaître. De nouvelles entreprises pourraient souhaiter s’installer dans un centre-ville redessiné. Une tendance amorcée avant la pandémie et à laquelle celle-ci a donné un coup d’accélérateur.
Les travailleurs vont changer, croit-il. Ça va être beaucoup plus de professionnels, des jeunes et des entreprises qu’on n’avait pas l’habitude d’avoir au centre-ville, comme des entreprises de technologie, des entreprises créatives, qui auparavant étaient dans d’autres quartiers centraux, comme le Mile-End, notamment, et qui maintenant regardent vers le centre-ville.
« On a l’image du centre-ville avec les dîners d’affaires et les cravates. Soit t’es en finances, t’es un avocat, ou t’es commis comptable et tu travailles dans un cubicule gris. Mais ça a beaucoup changé. »
— Une citation de Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville
Le défi pour Montréal, note M. Castanheira, sera de maintenir l’attractivité et l’accessibilité du centre-ville en s’attaquant aux problèmes de sécurité et de propreté, que l’on observe constamment dans les quartiers centraux. C’est la base. Si on perd cette fondation, tout le reste s’écroule, ajoute-t-il.
Le défi démographique
Si la croissance du PIB de Montréal est bonne, le Conference Board prévoit qu’elle sera tout de même inférieure à celle des autres grandes villes canadiennes, en raison essentiellement du manque de main-d’œuvre.
Pendant la pandémie, l’immigration a diminué au Québec, explique M. Antunes. Maintenant que l’économie a repris, le marché du travail s’est fortement resserré.
C’est un défi pour beaucoup d’employeurs, encore plus au Québec qu’ailleurs au Canada, parce qu’au Québec, l’immigration était déjà faible et le taux de chômage, très bas, observe-t-il.
Cela peut être avantageux pour les travailleurs, mais, pour les entreprises, c’est plus problématique. C’est un empêchement à la capacité productive, note M. Antunes. Il y a beaucoup d’entreprises qui ne sont pas capables de produire autant qu’elles le souhaiteraient. Leur croissance est limitée par la pénurie de main-d’œuvre.
À plus long terme, cependant, la situation devrait s’améliorer, estime le Conference Board, qui prévoit qu’à mesure que les obstacles à la mobilité internationale s’estomperont, la population augmentera, pour une croissance moyenne de 0,6 % par an entre 2022 et 2026.