Critique de Sylvain Ouellet sur le livre de Denis Coderre, qui démontre certaines incohérences par rapport à ses actions passées et ce qui est écrit dans son livre… Retranscrit de sa page Facebook.
Comme plusieurs Montréalais, j’ai pris le temps au cours des derniers jours de lire le bouquin du pas-encore-candidat Denis Coderre curieux de sa vision pour notre ville. Si ce livre devient son programme électoral ce soir, il soulève plusieurs drapeaux rouges.
On passera d’abord rapidement sur la forme. C’est un livre écrit avec un comité de rédaction dans un objectif de positionnement marketing et ça paraît. On note ainsi certaines répétitions presque mot à mot d’un chapitre à l’autre ou encore des incohérences dans certains concepts. Par exemple, Denis Coderre nous invite à être ouvert au REM aérien sur René-Lévesque pour ensuite proposer de le faire passer sur la rue de la Commune qui sépare le Vieux-Montréal du Vieux-Port.
Il réécrit l’histoire à plusieurs endroits en se faisant le défenseur de l’autopartage (p.199) alors qu’il a tout fait pour bloquer son déploiement; il fait la promotion de la verdure en ville (p. 200) alors qu’il a coupé 1000 arbres matures pour créer un amphithéâtre sur l’île Sainte-Hélène; ou encore le défenseur du transport actif (p. 192) et de la Vision Zéro alors que les pistes cyclables qu’il a faites étaient presqu’exclusivement des traits de peinture au sol n’offrant aucune protection efficace pour les cyclistes.
On y retrouve aussi la panoplie de vieilles lignes de communication de l’ancien maire sur le fait de pouvoir marcher et mâcher de la gomme en même temps, “gouverner c’est choisir”, etc…
En transport, il faut féliciter l’ancien maire d’être arrivé en 2017. Je me souviens quand il qualifiait nos ambitions en transport collectif de « Festival Juste Pour Rire ». Or, il présente dans son livre, l’ajout d’une trentaine de stations de métro ou de REM sur plusieurs nouvelles lignes ou prolongements de lignes existantes. Aujourd’hui, tous les paliers de gouvernement ont un plan ambitieux pour le transport collectif à Montréal et c’est probablement la plus grande victoire de Projet Montréal depuis notre élection.
En tant que concepteur de la ligne Rose, il y a quelque chose de profondément ironique à le voir vanter les mérites d’un axe diagonal du métro entre Berri-UQAM et le nord-est de Montréal (p. 187) et de le qualifier d’axe prioritaire pour le développement d’un réseau structurant car il traverse de « nombreux quartiers densément peuplés et mal desservis en transport collectif », et au final de ne pas l’inclure dans sa grande Vision 2040 (p. 190). Il fait également un grand plaidoyer pour que les nouvelles lignes de métro « ne soit plus souterrain à 100% ni complètement sur pneumatique » alors que c’est justement ce que j’avais planifié pour la ligne Rose et dénoncé par Denis Coderre à l’époque (p. 178).
Autre incohérence flagrante, alors qu’il a tout un chapitre sur la « mise en valeur et protection du patrimoine », il veut faire passer le REM de l’est en plein cœur du Vieux-Montréal plutôt que sur René-Lévesque comme il le suggère (carte de la p. 191). Il veut autoriser la construction de tours plus hautes que le sommet du mont Royal brisant ainsi un consensus social depuis la Révolution Tranquille afin de protéger les vues vers, et à partir, de notre mont Royal (p.206). C’est un retour à un urbanisme que l’on croyait mort depuis plus de 50 ans, où le patrimoine et le potentiel urbain et touristique sont complètement ignorés. Défigurer ainsi nos lieux les plus emblématiques dans le cœur des Montréalais serait un crime à l’égard des générations passées et futures, une plaie ouverte dont nous n’avons nullement besoin.
D’ailleurs son choix est très clair : ne s’en remettre qu’aux promoteurs privés pour développer la ville, sans égard à la science ou à la démocratie locale. Sa seule solution pour les milliers de familles montréalaises qui peinent à se loger selon leurs moyens? De plus hautes tours au centre-ville (p. 206). Nous sommes tous pour la densification du cœur de Montréal, mais le bar ouvert aux promoteurs qu’il propose profitera bien davantage aux locataires AirBNB et acheteurs étrangers qu’à celles et ceux qui habitent notre ville. Ce n’est pas en construisant plus de tours au centre-ville que les familles vont arrêter de déménager en banlieue. Pour la classe moyenne, Denis Coderre ne propose rien.
Ce retour dans le passé, c’est aussi une porte grande ouverte aux compteurs d’eau et à la tarification résidentielle (p. 212), un chemin qui mène inexorablement à une privatisation de cette ressource pourtant si importante, en plus d’augmenter les taxes des ménages à revenu modeste. C’est d’autant plus mal avisé que 90% des coûts de l’eau à Montréal sont fixes sans égard à la consommation, soit pour l’entretien des milliers de km de tuyaux et nos usines de filtration.
Mais ce qui est le plus frappant dans la vision de l’ancien maire, c’est cet apparent ennui qu’il a pour la chose municipale, préférant plutôt rêver à reprendre des pouvoirs des autres paliers. Son livre est presque muet sur les services publics, pourtant au cœur de la ville, par exemple sur nos parcs-natures et nos bibliothèques tant appréciés. C’est encore le vieux Denis Coderre du massacre à la tronçonneuse du Parc Jean-Drapeau ou des milieux humides de Pierrefonds.
Par contre, Denis Coderre désire reprendre le Stade Olympique (p.153) et la gestion des écoles (p.80) malgré leurs énormes déficits d’entretien respectifs! Il semble aussi prêt à ce que la ville investisse dans un stade de Baseball en évoquant le film Field of Dreams (p. 90). Il a des idées pour les couronnes nord et sud qui dépassent largement le territoire et les pouvoirs de notre métropole et avec une volonté claire de centraliser tout ce qui peut l’être, au détriment des décisions des citoyens et des citoyennes.
Bref, on dirait bien que le rêve inavoué de Denis Coderre, c’est de devenir le premier ministre de la grande région métropolitaine qui formerait une onzième province canadienne, province qui engloberait Saint-Jean-sur-Richelieu et bientôt Joliette (p. 262). Ça frise presque la mégalomanie.