Logements sociaux, communautaires et abordables - Actualités

Un OBNL d’habitation de Centre-Sud en quête de financement


Une des Tours Frontenac.
Photo: Capture d’écran Google maps

Zoé Arcand
23 juillet 2023 à 20h05 5 minutes de lecture

L’OBNL d’habitation Les Tours Frontenac annonce l’adoption de sa toute première politique de location, soulignant ainsi «faire sa part» dans le contexte de la crise du logement. Il interpelle du même coup les gouvernements provinciaux et fédéraux, car l’organisme souhaite obtenir du soutien financier pour les travaux de maintien de ses immeubles, qui sont comme lui vieux de plus de 50 ans.

Situées à deux pas de la station de métro du même nom, Les Tours Frontenac accueillent environ 1200 personnes dans 784 logements. De ses locataires, 60% sont des personnes âgées autonomes.

Sans aide financière, son administration craint de devoir déroger à sa mission visant à offrir des logements abordables et d’être obligée d’augmenter les loyers. Le problème: selon la lecture de l’OBNL, il ne coche toutes les cases d’aucune subvention qui lui permettrait d’obtenir du financement pour ses travaux. Il a donc dû «rompre avec la tendance des dernières années d’augmenter ses loyers de moins de 2 %», résume l’administration, qui s’est vue contrainte de hausser ses loyers de 8 % depuis le 1er juillet.

Nous pensons que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial doivent conjointement trouver des façons de soutenir financièrement, au moyen de subventions et pas seulement de prêts, l’entretien et le maintien des bâtiments appartenant aux OBNL d’habitation comme le nôtre.

— Natalie Fortin, directrice générale de Gestion des Trois Pignon, à qui appartiennent Les Tours Frontenac.

Car les bâtiments doivent subir des «travaux importants» de maintien dont les coûts s’élèvent à 8.5M$. Ce montant ne compte pas les 4 millions investis en 2022 pour divers travaux dans les bâtisses ni les «travaux de rafraîchissement» devant être effectués entre chaque changement de locataires.

Mme Fortin explique que la construction des trois tours a été possible «grâce à de vieux programmes du fédéral» et que leur convention avec celui-ci est échue depuis 2016, ce qui compliquerait l’accès à des subventions, mettant en jeu leur viabilité et salubrité à long terme.

Une «quasi-absence de subvention»

Les Tours Frontenac n’ont accès qu’à une seule subvention, soit 500 000$ pour le maintien des logements abordables de la Ville de Montréal. Il ne se qualifie pour aucune subvention de la Société d’habitation du Québec (SHQ) pour ce type de travaux.

Même si on a été construit avec un programme du fédéral, il n’en demeure pas moins que ce sont des Québécois qu’on loge avec notre OBNL et on souhaiterait avoir accès à des programmes de subventions pour le maintien de nos actifs. Si on n’y arrive pas, on va perdre des logements abordables avec le temps.

— Natalie Fortin, directrice générale de Gestion des Trois Pignons.

Mme Fortin souligne que son organisme d’habitation n’est pas le seul à se retrouver dans cette position fâcheuse, «entre l’arbre et l’écorce».

Le député solidaire d’Hochelaga-Maisonneuve, Alexandre Leduc, soutient l’initiative de l’OBNL Les Tours Frontenac et interpelle directement la ministre responsable de l’habitation, France-Élaine Duranceau. Il espère qu’elle «saura reconnaître qui sont ses partenaires essentiels dans la construction et l’entretien de logements sociaux et abordables dans cette crise». Il croit également que son gouvernement doit assurer un financement adéquat pour permettre la conservation des bâtiments en plus de reconnaître l’expertise de ces OBNL d’habitation.

La SHQ, contactée par Métro redirige l’organisme vers la Société canadienne d’hypothèques et de logements (SCHL). Mais là non plus, Les Tours Frontenac ne voit pas comment il peut se qualifier pour recevoir des subventions afin d’effectuer ces travaux.

Actuellement, 102 ménages sur les 784 logeant aux Tours Frontenac bénéficient d’une aide de la SCHL leur permettant de payer 26% de leur revenu en loyer. Des fonds de subventions excédentaires pourront servir à aider quelques ménages supplémentaires à l’automne.

L’OBNL bénéficie de prêts de la SCHL. «On a de bons taux d’intérêt, on est reconnaissant, mais des prêts, ce ne sont pas des subventions», dit Mme Fortin. La SCHL invite l’organisme à effectuer une demande dans le cadre du Fonds national de co-investissement pour le logement (FNCIL). Bien que la directrice générale admette ne pas avoir déposé de demande aux gouvernements, elle insiste: Les Tours Frontenac ne serait admissible à aucune subvention concernant des travaux de maintien, selon sa lecture.

Une nouvelle politique de location

Les Tours Frontenac souligne «faire sa part afin de faciliter l’accès à ses logements abordables aux ménages montréalais à revenu modeste» en adoptant une première Politique de location et de transfère de logement. Celle-ci viendrait, «pour la première fois en 50 ans d’existence», clarifier par écrit les règles d’accès au logement et donc en faciliter l’accès pour les ménages à loyer modique.

«Auparavant, quelqu’un qui gagnait à la limite 100 000$ par année pouvait venir habiter aux Tours Frontenac même s’il s’agissait d’un logement abordable. Ce n’est plus le cas avec cette nouvelle politique-là», assure la directrice générale de Gestion des Trois Pignons. L’organisme se fie maintenant à la grille de revenu maximum pour un logement abordable de la SHQ pour fixer le revenu maximum d’un locataires de ses tours.

La nouvelle politique de l’organisme encadre dorénavant la gestion des files d’attente ainsi que les demandes de transferts à l’interne. Les ménages déjà locataires ne respectant plus la nouvelle politique pourront demeurer locataires jusqu’à leur départ volontaire. Les Tours Frontenac indique que cette nouvelle politique ne permet pas l’accès à de nouvelles subventions.

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Trudeau veut convertir les maires des grandes villes en alliés

PHOTO PETER POWER, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau (au centre) en compagnie de la mairesse d’Hamilton, Andrea Horwath (à droite), durant la visite d’un complexe de logements en construction, lundi


Joël-Denis Bellavance
Joël-Denis Bellavance La Presse

Justin Trudeau rencontre plus de maires de grandes villes que de premiers ministres provinciaux par les temps qui courent, quitte à les froisser. En janvier, il a rencontré le maire de Saskatoon, Charlie Clark, tout en ignorant le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, qui était rouge de colère.

Publié à 0h59 Mis à jour à 6h00

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Il a récemment rencontré la mairesse de Montréal, Valérie Plante, et la mairesse de Saguenay, Julie Dufour. Puis lundi, il a eu un tête-à-tête avec la mairesse de Hamilton, Andrea Horwath. Il y a deux semaines, il a profité de son passage à Halifax pour s’entretenir avec le maire de la ville, Mike Savage, et le lendemain, il a rencontré la nouvelle mairesse de Toronto, Olivia Chow.

Ces multiples rencontres ne sont pas un hasard. Le salut de son gouvernement passe par les villes, selon des notes internes obtenues par La Presse en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Selon le Bureau du Conseil privé, « les municipalités sont essentielles pour mettre en œuvre le programme du gouvernement fédéral », souligne-t-on dans des documents datés de décembre dernier.

« Il y a plusieurs dossiers où les priorités du gouvernement fédéral s’alignent avec celles des municipalités », affirment les mandarins fédéraux dans les documents de breffage adressés au premier ministre en dressant une liste des priorités communes.

Résultat : le gouvernement Trudeau a tout intérêt à tisser des liens étroits avec les dirigeants des grandes villes s’il veut mettre en œuvre des mesures structurantes dans les dossiers comme la construction de logements abordables, les infrastructures, le transport collectif et la lutte contre les changements climatiques, selon le Bureau du Conseil privé.

Les documents incluent d’ailleurs les biographies des dirigeants des 23 plus grandes villes du pays, dont celles de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, des maires de Québec, Bruno Marchand, et de Laval, Stéphane Boyer, ainsi que des mairesses de Gatineau, France Bélisle, et de Longueuil, Catherine Fournier.

Ce constat des hauts fonctionnaires explique pourquoi le premier ministre Justin Trudeau ne rate pas une occasion de rencontrer le maire ou la mairesse d’une ville chaque fois qu’il se déplace dans une région du pays, malgré son emploi du temps chargé.

Des appuis dans les villes

Sur le plan électoral, la majorité des sièges que détiennent les libéraux de Justin Trudeau se trouvent dans les centres urbains. La bonne entente qui prévaut entre le premier ministre et les maires des grandes villes ne peut pas nuire à la cote libérale.

En outre, certains maires sont d’anciens ministres ou députés libéraux à Ottawa. C’est d’ailleurs le cas du maire d’Edmonton, Armajeet Sohi, qui a été ministre des Transports durant le premier mandat du gouvernement Trudeau avant d’être défait aux élections de 2019. Il a été élu maire de la capitale albertaine en octobre 2021. Le maire d’Halifax, Mike Savage, a été député libéral à la Chambre des communes de 2004 à 2011. La mairesse de Mississauga, Bonnie Crombie, a aussi été députée libérale à Ottawa de 2008 à 2011.

Les libéraux ont aussi tenté de convaincre des maires de porter les couleurs du parti aux élections de 2021. L’ancien maire d’Edmonton Don Iveson et l’ancien maire de Calgary Naheed Nenshi étaient dans la ligne de mire des stratèges libéraux. Ils ont toutefois décliné l’offre.

Cette volonté de Justin Trudeau de rencontrer les élus municipaux tranche avec celle de son prédécesseur conservateur, l’ancien premier ministre Stephen Harper, qui a rencontré une poignée d’élus municipaux seulement durant son règne de près de 10 ans à la tête du gouvernement fédéral. M. Harper ne souhaitait pas établir un dialogue direct avec les élus municipaux. Il croyait dur comme fer que les villes et les municipalités relevaient de la responsabilité des provinces, point à la ligne.

« Court-circuiter les provinces »

Selon Geneviève Tellier, professeure titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, il est évident que le gouvernement Trudeau a besoin du concours des villes pour mettre en œuvre plusieurs de ses mesures.

« Dans notre régime, le fédéral parle aux provinces et les provinces parlent aux villes. Mais on sent toujours que le gouvernement fédéral veut court-circuiter les provinces et parler directement aux villes. On peut se demander si ce n’est pas pour faire contrepoids aux provinces. Si ça ne marche pas avec elles, le fédéral peut toujours s’adresser aux villes », a analysé Mme Tellier.

Elle a ajouté que le gouvernement Trudeau y voit plusieurs avantages à traiter directement avec les villes.

Elles sont grosses, les villes. Plusieurs d’entre elles sont plus grosses que la province de l’Île-du-Prince-Édouard. Ça te permet de passer par-dessus un gouvernement provincial qui ne veut pas travailler avec toi. Et c’est sans doute une stratégie pour le fédéral de faire avancer les dossiers un peu plus rapidement.

Geneviève Tellier, professeure titulaire à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

Dans les comptes rendus publiés après les rencontres avec des maires, le bureau du premier ministre souligne souvent « l’importance de travailler en collaboration avec les municipalités ». On fait aussi état des priorités communes entre Ottawa et les grandes villes, notamment dans les dossiers comme la crise du logement, la lutte contre les changements climatiques, la protection des milieux naturels et l’amélioration des réseaux de transports en commun, entre autres choses.

« Mettre de côté les provinces et parler directement à Valérie Plante ou à Olivia Chow, le gouvernement fédéral sous les libéraux se pense autorisé à faire tout ce qu’il veut dans la fédération. C’est un gros changement d’époque. Surtout que maintenant, ce sont les villes qui sont aux prises avec de gros problèmes comme la crise du logement ou le transport collectif », a conclu Geneviève Tellier.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse

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Je suis tenté d’approuver la décision politique de Trudeau qui se rapproche des villes pour faire avancer ses programmes d’investissements, notamment en logements abordables, en transport en commun, en environnement, en protection des milieux naturels et les changements climatiques.

Tous des dossiers qui concernent aussi directement les provinces mais qui se perdent trop souvent dans les méandres bureaucratiques des ententes bilatérales.

On l’a dit et le répète depuis des années que le fédéral ne fait pas vraiment sa part dans ces domaines et qu’il est trop éloigné des préoccupations des villes, les principales victimes des différentes crises que nous vivons actuellement.

Admettons en passant que la hausse importante de l’immigration est une des causes de la crise du logement qui sévit un peu partout au pays et que cette dernière relève principalement du fédéral (avec certains ententes particulières avec les provinces, surtout le Québec).

Or, on le dit depuis longtemps que le fédéral a très peu contribué au logement social et abordable depuis des années et que ce retard nuit considérablement au développement de ce segment résidentiel, qui dépend en grande partie de subventions ou de programmes partagés.

On ne sera pas dupe dans ce dossier, car on sait que le gouvernement Trudeau a besoin du support des villes pour se maintenir au pouvoir et qu’il est tout à fait normal dans les circonstances qu’il tente d’instaurer une sorte d’échange direct avec les mairies locales et les citoyens des villes, là où se trouve sa véritable base électorale.

Or, je n’absoudrai pas le fédéral qui est responsable de sa propre indolence depuis toutes ces années, mais le temps n’est pas aux récriminations pour le moment, mais à l’action.

Alors si on réussit à débloquer des fonds importants pour régler plus vite la crise du logement (social et abordable) on le prendra, car dans les circonstances ce sont les citoyens dans le besoin qui en profiteront d’abord.

En agissant ainsi Trudeau forcera inévitablement les provinces à réagir à leur tour pour éviter qu’elle ne soient blâmées, en ne participant pas à cette urgence qui n’a que trop duré.

Maintenant que Trudeau s’est avancé il n’aura plus le choix que de poursuivre son action, même si au passage il piétine les pouvoirs des provinces. Surtout qu’au départ les problèmes sont issus de décisions purement politiques et que seule la politique a le pouvoir de les régler.

Alors oui ça risque de brasser, mais en période de crises multiples on n’a plus le luxe de discuter, mais d’agir quitte à réparer les pots cassés en fin de processus.

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Au Téléjournal Montréal

Crise du logement : la solution des coopératives d’habitation

Le Québec devrait-il adopter le modèle des coopératives d’habitation ou des organismes sans but lucratif (OSBL) pour faire face à la crise du logement?

Ce type d’habitation offre des loyers moins chers que sur le marché privé, mais les locataires doivent être prêts à contribuer d’une manière ou d’une autre à leur bon fonctionnement.

Les explications d’Olivier Bachand

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J’approuve aussi cette approche du gouvernement fédéral. On le blâme depuis longtemps pour son inactivité dans ce dossier alors voilà qu’il semble, enfin, bouger donc je ne vais pas l’accabler pour cela surtout si cela permet l’accélération de projets. Et si cela crée une sorte de ‘‘compétition’’ avec le provincial alors tant mieux, peut-être que ça fera débloquer d’autres projets.

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Montréal change de visage: des immeubles vétustes et barricadés enfin rénovés | TVA Nouvelles

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Every developer has opted to pay Montreal instead of building affordable housing, under new bylaw | CBC News

Au Téléjournal de lundi

Alors que Justin Trudeau discute avec son cabinet de la crise du logement, un organisme québécois a décidé de mettre la main à la pâte. L’organisation « UTILE », s’est donné comme mission de construire du logement étudiant abordable pour soulager les universités de la province qui peinent à loger leur clientèle. Reportage de Valérie-Micaela Bain.

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Éditorial de Stéphanie Grammond dans La Presse

Plus que des prières pour loger les étudiants


PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE
Résidences pour étudiants du campus de l’Université du Québec à Trois-Rivières

Stéphanie Grammond
LA PRESSE

Alors que la crise du logement n’épargne aucune région du Québec, les établissements d’enseignement ne savent plus à quel saint se vouer pour loger leurs élèves à temps pour la rentrée.

Publié à 1h04 Mis à jour à 5h00

À Granby, un presbytère vient même d’être converti en logements pour des élèves étrangers en technique infirmière, nous apprenait Le Devoir cette semaine.

Dieu soit loué !

Mais il ne faut pas attendre l’intervention divine pour trouver une solution pérenne à la crise qui va continuer de s’aggraver. Depuis des décennies, on ne construit pratiquement pas de logements pour les étudiants postsecondaires dont le nombre s’apprête à bondir, compte tenu de la courbe démographique.

« Il y aura presque 14 000 étudiants de plus au cégep d’ici deux ans, c’est l’équivalent de deux gros cégeps », mettait en garde le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, lors d’une table éditoriale avec La Presse cette semaine.

VAGUE D’ÉTUDIANTS DANS LES CÉGEPS

En 2024

  • 6 573 étudiants de plus
  • 3,9 % de croissance

En 2025

  • 7 373 étudiants de plus
  • 4,3 % de croissance

Source : ministère de l’Enseignement supérieur

La vague d’inscriptions suivra dans les universités. Alors il est plus que temps de faire nos devoirs.

Mais l’urgence d’agir n’est pas une raison pour lancer des solutions irréfléchies, comme le ministre fédéral du Logement, Sean Fraser, qui a proposé cette semaine de plafonner le nombre d’étudiants étrangers qui sont pourtant des immigrants de choix puisqu’ils ont un diplôme reconnu et qu’ils sont déjà bien intégrés dans la société.

Oui, leur nombre a bondi de 42 % depuis quatre ans au pays. Oui, il y a une réflexion à faire. Mais ce n’est pas à Ottawa de dicter la conduite des établissements postsecondaires qui sont de compétence provinciale.

Revenons donc à l’enjeu du logement qui n’est pas spécifique aux étudiants, bien entendu, mais qui les frappe plus durement.

La moitié des étudiants ont des revenus inférieurs à 20 000 $, mais leur appartement leur coûte 19 % plus cher que le reste de la population. Pourquoi cet écart ? Comme nouveaux locataires, ils paient le prix d’un logement fraîchement inscrit sur le marché, qui est plus élevé que le loyer moyen d’un locataire installé depuis longtemps.

Consultez le rapport de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) Le logement étudiant à Montréal

Face à la difficulté de se loger, certains étudiants abandonnent carrément leurs études. D’autres doivent travailler davantage à temps partiel pour financer leur logement, ce qui risque de nuire à leur réussite scolaire ou à leur santé. D’autres finiront avec des dettes plus élevées, ce qui hypothéquera leur entrée dans la vie active.

Tout ça alors qu’on a tant besoin de travailleurs qualifiés.

En aidant les étudiants à se loger à prix raisonnable, on leur permettrait de se concentrer sur leurs études. En plus, on réduirait la pénurie de logements pour l’ensemble de la population, puisque les étudiants libéreraient des appartements plus grands qu’ils occupent en colocation et que les familles peinent à trouver.

Bref, on ferait d’une pierre trois coups.

Idéalement, il faudrait bâtir près des établissements d’enseignement pour que les étudiants n’aient pas besoin de voiture. Mais plus on se rapproche des cégeps et des universités, plus le terrain coûte cher.

Les établissements d’enseignement disposent souvent de terrains qui pourraient accueillir de nouveaux logements, réduisant du même coup la facture finale. Sauf que ces établissements ont prouvé dans le passé qu’ils pouvaient être de piètres gestionnaires de projets immobiliers. Vous vous souvenez du fiasco de l’UQAM avec l’îlot Voyageur ?

Mais rien n’empêche les collèges et les universités de travailler en partenariat avec des constructeurs privés en leur louant un terrain à très long terme avec un bail emphytéotique.

Chacun son métier.

Certaines entreprises se spécialisent dans le logement étudiant. L’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE), un organisme à but non lucratif, a construit près de 600 logements ces dernières années et projette d’en bâtir 1500 autres.

En construisant des appartements de tailles modestes (ex. : 300 pi2 pour un studio avec cuisine) dans de grands projets qui comptent des espaces communs partagés, il dégage des économies d’échelle permettant de louer à bon prix (ex. : 650 $ pour un studio, électricité, internet, électroménagers compris).

Mais le financement de la construction de logement étudiant reste un défi.

Le fédéral offre un programme de prêt à taux avantageux qui donne un bon coup de main. Et le provincial accorde des subventions au logement étudiant à travers le Programme d’habitation abordable Québec, un pas en avant par rapport à l’ancien programme Accès Logis.

Il n’en reste pas moins qu’aucun des deux ordres de gouvernement n’a un véritable programme de subventions dédié au logement étudiant, même si l’idée est dans les cartons à Québec. Tant mieux.

La ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau étudie aussi la possibilité d’amender son projet de loi 31 pour que les résidences de cégépiens bénéficient de la même exemption de taxes foncières que les résidences universitaires, ce qui tombe sous le sens.

Alors, faites vos prières pour que les gouvernements développent rapidement une stratégie claire pour le logement étudiant.

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Crise du logement Monsieur Trudeau, faites comme votre père !

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Les habitations Saint-Michel Nord, HLM de 189 logements

Réunis à Charlottetown, les libéraux fédéraux se demandent comment résoudre la crise du logement. C’est une question très, très, très complexe selon eux.

Mis à jour hier à 11h00

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Robert Pilon

Robert Pilon Coordonnateur de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec

Lors de la précédente grande crise du logement au Canada, au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement n’avait pas hésité à lancer un vaste programme de construction de logements publics en collaboration avec les provinces et les municipalités. Grâce à ce programme, dans les années 1980, sous Pierre Elliott Trudeau et Robert Bourassa, il se réalisait 10 000 logements sociaux par année au Québec, dont 5000 HLM construits directement par la Société d’habitation du Québec (SHQ).

Il n’existerait pas de crise du logement aujourd’hui si ce programme n’avait pas été supprimé, en 1994, par Brian Mulroney du Parti conservateur.

Ce sont 300 000 logements à prix modique de plus qui seraient disponibles pour les ménages au Québec en 2023. Ce parc sans but lucratif contribuerait à maintenir un taux de vacance salutaire qui concurrencerait les appétits démesurés du marché locatif privé.

À ceux et celles qui pourraient penser que les HLM sont une formule dépassée, une étude réalisée⁠1 en avril 2023 par la firme Aviseo Conseil pour le compte du Regroupement des offices d’habitation du Québec concluait sur le plan social que la construction de 12 500 nouvelles unités de logement social permettrait de réduire le taux de pauvreté de 0,8 point de pourcentage et mènerait à des gains de productivité de 14 millions de dollars en santé par une diminution de l’insécurité alimentaire et de la prévalence du diabète, à des coûts évités de 525 millions associés à la diminution de la criminalité et à une augmentation des revenus des ménages de 844 millions à 1600 millions.

Sur le plan économique, l’étude rapportait qu’un investissement de 2,5 à 5 milliards de dollars permettrait de générer des revenus fiscaux de 850 à 1670 millions pour l’ensemble des ordres de gouvernement. Cela signifie que, pour chaque dollar public dans les logements sociaux, le coût réel pour les gouvernements n’est que de 0,66 $.

La solution au manque de logement à bas loyer est donc sous nos yeux et archiconnue. Il suffit de mettre en place un nouveau programme de logement public à Ottawa et d’en confier la maîtrise d’œuvre au Québec.

1. Consultez l’étude « Impacts économiques et sociaux des investissements en logements sociaux »

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Je suis le blog de Garth Turner, financier et ancien ministre fédéral (il radotte souvent mais on a parfois des infos pertinents).

Hier il avait ceci:

Here’s Montreal where, with a population of 4.3 million and weird laws about renting, the locals – like everyone else – believe a housing crisis exists. The city is unique in Canada, with about 65% of all residents being tenants. Moreover, vast numbers of people all move on the same day each year. Canada Day. More weirdness.

Anyway, the city’s left-leading mayor, Valérie Plante, swept into office a few years ago promising to get 60,000 units of social housing built. Affordable, rent-geared-to-income places, in other words. (By the way, the median price for a SFD house in July in the metro area was just $555,000. Worth learning French for, n’est-ce pas?)

Plante’s big idea was to force developers to include social, family and affordable units in every new project larger than about five thousand square feet. Failure to do so would mean a fine. This, she said, would result in at least 600 units a year being created.

Well, two years have passed. Number of affordable/social units built: 0. Yeah, zero.

Developers have put up 150 new projects in that space of time, containing a total of 7,100 housing units. Of those, only 8% are large enough to shelter a family. Meanwhile the companies involved have chosen to pay fines, instead of get into the social housing business. So far Montreal has collected $24 million, which is not enough to build a single multi-unit structure.

So, fail. And that $24 million has probably found its way into the pricing structure of the seven thousand units that have come to the market since the Spring of ’21.

Moral: local politicians have no idea what they’re doing. But they’re good at making everything cost more.

Est-ce vrai? Quelle est la situation avec ce règlement? Si c’est vraiment le cas…

greaterfool.ca/2023/08/28/the-swamp/

Pivot avait déjà sorti les données:

Quelques erreurs:

  • la promesse de Plante concerne le logement abordable, et non le logement social. Ça ne change pas le réalisme de la chose, mais ce sont deux types de logement très différents, et je ne pense pas qu’il faut les mélanger quand on veut parler d’immobiler.
  • Il n’y a pas “une amende” pour ne pas construire du logement social ou abordable. Il y a d’autres modalités: compensation financière, cession d’un terrain, etc. Toutes ces options sont valides dans le règlement. Elles ne contreviennent pas au règlement, ce sont tous des parts du règlement.
  • Il y a 330 unités de logements sociaux prévus par le règlement à ce jour, pas 0.

Mais sinon le constat sur le règlement est bien celui-là: ça ne construit pas beaucoup d’unités. Ça n’atteindra pas de grandes cibles. Comme j’ai dit dans l’autre sujet, le règlement d’inclusion est assez simplement une obligation fiscale, et c’est pas mal ça.

Le montant n’est pas complètement inutile cependant. Ça ne construit pas d’édifices, mais ça peut aider la ville dans son rôle traditionnel d’acquérir les terrains. D’autres villes dans la RMR on des redevances maintenant aussi.

La remarque sur le prix de l’immobilier est un peu vide. Si on assume que le logement moyen coûte 500 000 dollars, le règlement représente 0.7% du prix d’achat. Depuis que l’administration Plante est en place, les autres facteurs ont fait explosé l’indice du prix des logements de 60%. Le règlement est fortement critiquable, mais sur les prix et les difficultés actuels à lancer des chantiers, c’est une goutte d’eau dans l’océan. Et c’est probablement la raison pourquoi aucun économiste ou les constructeurs eux-mêmes ne parle du règlement en ce moment.

Et pour ces derniers, je comprends. Parce que si le règlement ne donne pas de résultats, la réaction de la population pourrait de pousser pour des règles véritablement contraignants, plutôt que la version édulcorée réclamée, et gagnée, par les constructeurs.

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Mario Polèse, qui est prof émérite à l’INRS (et qui a vu neigé comme on dit) dresse un constat assez semblable.

Je me souvient de l’avoir eu comme prof quand je faisais ma maîtrise et ce au moment où le règlement 20-20-20 était en discussion avant son adoption. Il disait qu’au final c’était une contrainte sur les développeurs qui ne feraient que refiler la facture aux acheteurs et que l’encadrement de ce qui constitut un logement abordable était très flou. C’était un constat qui ne lui avait pas fait beaucoup d’amis, mais force est de constaté que plusieurs années plus tard, il avait raison.

Le gros problème quand sa vient à la construction de logements abordables et sociaux, ainsi que de grands logements (3 chambres et+) c’est que le fédéral a retiré son financement au milieux des années 90 pour des raisons sommes toutes politiques et que les provinces n’ont jamais comblé ce vide (et les villes en sont incapables vu leurs budgets). Quand on compare la quantité de logements “manquants” et le nombre de logements qu’on aurait bâtit si ce financement aurait été constant dans ces 25 dernières années, on ne peu que constater que c’est une des raisons les plus importantes qui explique notre pénurie actuelle.

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Why student housing is in a crisis — and how to fix it

Rents for student housing in Canada are skyrocketing amid calls for schools and governments to fix it. The federal government is considering a cap on the number of international students to ease the pressure on the housing market. But immigration and housing experts say more needs to be done to support students.

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7335, rue du Mile End est le bâtiment du Saint-Henri micro-torréfacteur

Communiqué de presse

Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension se réjouit de l’acquisition par la Ville de Montréal d’un nouvel immeuble pour la réalisation de logements sociaux dans l’arrondissement

Publié le 7 septembre 2023 à 13 h 45
Source : Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

Montréal le 7 septembre 2023 - L’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension salue la décision de la Ville de Montréal d’exercer son droit de préemption pour faire l’acquisition d’un immeuble situé dans le quartier de Parc-Extension afin de préparer le terrain pour l’avenir et d’y planifier la réalisation future d’un projet de logement social. En utilisant tous les leviers à sa disposition, la Ville, en collaboration avec l’arrondissement, multiplie les initiatives pour offrir à la population un toit qui répond à ses besoins et qui respecte son budget.

La Ville va prendre possession d’un immeuble situé au 7335, rue du Mile End, dans le secteur Marconi-Alexandra, Atlantic, Beaumont et De Castelnau du Plan de développement urbain, économique et social (PDUES). Cette nouvelle acquisition, réalisée à la valeur marchande, sera un outil supplémentaire pour répondre aux besoins résidentiels diversifiés des collectivités et des citoyens montréalais, notamment ceux à revenus faibles et modestes.

Le droit de préemption que nous exerçons aujourd’hui permettra de réserver un lieu supplémentaire dédié au logement social dans un secteur de l’arrondissement qui connaît un fort redéveloppement. Grâce à cette acquisition, on cherche à préserver l’abordabilité et la mixité du quartier, et pour ça, il faut aussi travailler à moyen et long terme. Il faut se projeter dans l’avenir et saisir les opportunités quand elles passent, et c’est ce qu’on a fait. En parallèle, on va continuer d’utiliser les outils novateurs que notre administration a développés ces dernières années pour créer des milieux de vie inclusifs et sains qui répondent aux besoins de notre population de se loger à coût abordable.

Laurence Lavigne Lalonde
Mairesse de l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension

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Montréal atteint le cap des 100 chambres « protégées de la spéculation »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

L’immeuble acheté par la ville fait trois étages et abrite notamment une maison de chambres de 11 unités rue Wellington, dans le quartier Pointe-Saint-Charles.

L’administration Plante exerce de nouveau son droit de préemption pour acquérir un immeuble et y faire du logement social. Cette fois, ce sera au coût de 590 000 $ dans l’arrondissement du Sud-Ouest, ce qui portera le total de chambres « acquises et protégées de la spéculation » à plus d’une centaine.

Publié à 0h30

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Henri Ouellette-Vézina
Henri Ouellette-Vézina La Presse

C’est ce qu’annoncera ce lundi le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais. L’immeuble en question fait trois étages et abrite notamment une maison de chambres de 11 unités rue Wellington, dans le quartier Pointe-Saint-Charles.

Sans donner beaucoup de précisions sur la suite des choses, Montréal assure néanmoins que « des travaux seront effectués pour améliorer la bâtisse et conserver sa vocation de logement social ».

Dans une déclaration, Benoit Dorais, lui, affirme que, « par cette acquisition, la Ville contribue à la préservation d’un milieu de vie inclusif dans un secteur où les besoins sont importants ». « Grâce au droit de préemption, nous avons pu confirmer, dans la dernière année, l’acquisition de 104 chambres et petits logements dans les arrondissements du Sud-Ouest, de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, de Ville-Marie et de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension », poursuit-il.

« Actions concrètes »

Au total, ces acquisitions ont coûté plus de 22 millions à la Ville. « Ces acquisitions font partie de nos actions concrètes pour protéger les logements abordables existants et pérenniser des solutions d’hébergement adaptées aux populations vulnérables », affirme M. Dorais, qui est également vice-président du comité exécutif et maire du Sud-Ouest.

Plus tôt, en juin, la Ville avait aussi annoncé l’achat des anciens Jardins Gordon, dans Verdun. La résidence de 99 chambres a fermé ses portes l’an dernier et est vacante depuis. « On sait que la pression, elle est intense dans Verdun », avait dit la mairesse Valérie Plante devant la mairie d’arrondissement de Verdun. « Ce qu’on essaie de faire, c’est de protéger des bâtiments dès qu’on en a l’opportunité. »

Montréal avait alors dépensé 8,1 millions pour l’acquisition de l’immeuble, alors qu’il en valait 3,9 millions selon le rôle foncier. C’était alors la troisième fois en quelques mois que Montréal devait casser la tirelire pour acheter des immeubles à un prix qui dépassait le double de leur évaluation foncière.

Au mois de novembre, l’administration Plante avait annoncé l’achat d’un terrain rue Jarry Est pour 4,75 millions (évaluation municipale : 1,3 million), ainsi qu’un immeuble en mauvais état rue Bernard Est pour 4 millions (évaluation municipale : 1,6 million).

En vigueur depuis quelques années déjà à Montréal et dans plusieurs autres municipalités, le droit de préemption permet essentiellement à une ville d’avoir priorité sur tout acheteur lors de la vente d’un immeuble ou encore d’un terrain. L’administration peut alors y réaliser du logement social ou aménager une infrastructure communautaire, par exemple.

Avec Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

Ville de Montréal Des maisons de chambres achetées à prix gonflé

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Louis Boucher, entrepreneur et propriétaire de logements, dénonce le fait que la Ville de Montréal paie trop cher les maisons de chambres qu’elle achète en exerçant son droit de préemption. Par exemple, une propriété de sept chambres située sur la rue Centre, dans le quartier Pointe-Saint-Charles, a été acquise pour 1 385 000 $ en juillet dernier. Or, cette maison, dont l’évaluation foncière est de 503 000 $, avait été vendue 599 000 $ en 2021.

Dans sa campagne d’achat pour « protéger » les maisons de chambres de la métropole, la Ville de Montréal risque de payer trop cher ces propriétés, selon des investisseurs et experts du monde immobilier

Publié à 0h52 Mis à jour à 5h00

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Isabelle Ducas
Isabelle Ducas La Presse

L’administration de Valérie Plante a annoncé lundi qu’elle avait dépassé le cap des 100 chambres acquises grâce au droit de préemption, dans sept immeubles de différents secteurs, pour un coût d’achat total de 17,2 millions de dollars.

Mais les prix payés pour certaines maisons de chambres font tiquer. Par exemple, une propriété de sept chambres située rue Centre, dans le quartier Pointe-Saint-Charles, a été acquise par la Ville pour 1 385 000 $ en juillet dernier. Or, cette maison, dont l’évaluation foncière est de 503 000 $, avait été vendue 599 000 $ en 2021.

Dans un autre cas, une maison de 18 chambres de la rue Louis-Hémon, dans le quartier Villeray, a été payée 1 617 000 $ par la Ville, alors que son évaluation foncière est de 997 000 $. En 2019, l’immeuble avait changé de mains pour 762 600 $.

Un entrepreneur en construction, qui possède un parc de logements à Montréal, dénonce le fait que l’usage du droit de préemption ait pour effet de faire grimper le prix des propriétés qui y sont assujetties.

Selon Louis Boucher, rien n’empêche le propriétaire d’une maison de chambres d’organiser des offres d’achat bidon à des prix gonflés, dans le but que la Ville délie les cordons de sa bourse pour acheter l’immeuble.

Montréal vient de faire exploser la valeur de toutes les maisons de chambres de Montréal, puisqu’ils ont mis des droits de préemption sur la majorité. Dans les coulisses, tous les propriétaires de maisons de chambres se préparent à se faire donner de fausses offres d’achat pour pouvoir les faire matcher par la Ville.

Louis Boucher, entrepreneur en construction

« Montréal se fait avoir. Une chambre ne vaut pas plus de 100 000 $ l’unité », ajoute-t-il.

Or, pour la propriété de la rue Centre, le prix payé par la Ville représente 198 000 $ par chambre.

Qu’est-ce que le droit de préemption ?

Le droit de préemption est un droit de premier refus. La municipalité peut égaler une offre d’achat soumise au propriétaire pour la vente de son immeuble, sur lequel elle avait indiqué à l’avance vouloir exercer ce droit. L’avis d’assujettissement de l’immeuble ne peut avoir une durée de plus de 10 ans.

Quand le propriétaire désire vendre, la municipalité reçoit un avis d’intention mentionnant le prix et les conditions de la vente projetée. La Ville dispose alors d’un délai de 60 jours pour exercer son droit de préemption.

Depuis 2022, la Ville de Montréal a assujetti au droit de préemption 101 maisons de chambres, qui sont par ailleurs, dans plusieurs arrondissements, protégées par un règlement empêchant qu’elles soient converties pour d’autres usages.

La valeur d’un immeuble visé par un droit de préemption va effectivement grimper, confirme François Des Rosiers, professeur de gestion urbaine et immobilière à la faculté d’administration de l’Université Laval.

« C’est toujours ce qui se passe quand une ville annonce un programme pour acheter des terrains ou des logements. Elle annonce ses couleurs, dit l’expert. Les propriétaires vont tout faire pour en profiter. C’est la même chose quand les villes planifient de densifier aux abords des axes de circulation : c’est un message aux propriétaires qu’ils peuvent demander le gros prix. »

« Veux-tu que je te fasse une offre ? »

« On a tous le même réflexe quand on apprend que notre immeuble est visé par un droit de préemption : on éclate de rire », témoigne Steve Forget, propriétaire d’immeubles résidentiels à Montréal et à Joliette.

Une de ses propriétés vient justement d’être mise sous droit de préemption par la Ville de Joliette. « Un ami investisseur m’a dit en riant : “Veux-tu que je te fasse une offre d’achat de 1,4 million sur ton immeuble de 900 000 $ ?” » lance-t-il.

Parmi les maisons de chambres que Montréal a achetées, certaines ont été payées un peu plus que l’évaluation municipale, ce qui est plutôt en phase avec ce que l’on observe dans le marché. Par exemple, une propriété de la rue Wellington a été récemment acquise pour 590 000 $, alors que son évaluation foncière est de 545 800 $.

Selon les données fournies par l’Association professionnelle de courtiers immobiliers du Québec, les plex à Montréal se sont vendus, en 2023, 10 % de plus que l’évaluation foncière, en forte baisse comparativement à 2022, alors que les prix de vente surpassaient de 49 % l’évaluation foncière.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal

Mais le responsable de l’habitation au comité exécutif, Benoit Dorais, admet que le risque que Montréal paie trop cher existe. Rien ne peut assurer que des propriétaires n’utiliseront pas de stratagèmes pour faire grimper les prix, dit-il.

« On ne peut pas se prémunir contre ceux qui voudraient abuser des pouvoirs publics, » reconnaît M. Dorais.

Dans les faits, la Ville a-t-elle été flouée lors de ces achats ?

Nos professionnels au service de la stratégie immobilière sont des anciens courtiers et des analystes du marché résidentiel qui sont chargés d’évaluer la valeur marchande du bâtiment au moment de l’achat. Chaque cas est unique.

Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal

Ils tiennent compte du secteur, de l’état du bâtimen t, bien sûr, mais analysent aussi les offres d’achat déposées pour s’assurer qu’elles sont légitimes et qu’il ne s’agit pas de tactiques déloyales, assure l’élu.

Transactions annulées

Ainsi, on a refusé d’exercer le droit de préemption lors de deux transactions touchant des maisons de chambres depuis un an, révèle Benoit Dorais, parce qu’on a jugé qu’il ne s’agissait pas de bonnes affaires pour la Ville.

Dans ces deux cas, les transactions n’ont finalement jamais eu lieu, mais rien ne laisse entendre qu’il s’agissait d’offres de complaisance, ajoute-t-il.

La motivation de la Ville de Montréal pour placer des maisons de chambres sous droit de préemption et en faire l’achat est de s’assurer que ces logements, qui sont souvent loués à des prix abordables et permettent à certaines personnes d’éviter l’itinérance, demeurent bien gérés et soient mis à l’abri de la spéculation, explique M. Dorais chaque fois qu’une acquisition est annoncée. La gestion de la maison de chambre est confiée à une OBNL spécialisée en habitation, à la suite de l’achat.

Du côté de l’opposition à l’hôtel de ville, on demande l’instauration de mécanismes permettant d’éviter une envolée des prix.

« Dès l’entrée en vigueur du droit de préemption, on se doutait qu’il pourrait y avoir des problématiques de spéculation et de surenchères. Bien que ce soit un bel outil, le droit de préemption n’est pas parfait et ne prévoit pas de procédure de contrôle des prix de vente », souligne Julien Hénault-Ratelle, porte-parole de l’opposition en matière d’habitation.

Quatre maisons de chambres achetées par la Ville

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Maison de chambres rue Louis-Hémon

Rue Louis-Hémon, 18 chambres
Prix payé par la Ville : 1, 617 000 $
Évaluation municipale (2021) : 996 600 $

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Maison de chambres rue Centre

Rue Centre, 7 chambres
Prix payé par la Ville : 1 385 000 $ $
Évaluation municipale (2021) : 503 100 $

Rue Gordon, 85 chambres
Prix payé par la Ville : 8 100 000 $
Évaluation municipale (2021) : 3 993 600 $

Rue Plessis, 17 chambres
Prix payé par la Ville : 2 418 000 $
Évaluation municipale (2021) : 1 935 000 $

Ça me semble défaitiste. Pourquoi ne pas se retirer du processus lorsque la ville constate que le prix ne semble pas être la valeur marchande?

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C’est ce qu’ils tentent de faire. Les transactions sont analysées, certaines annulées.

Mais je crois que le le nœud du problème est d’avoir un acheteur d’importance (la ville) qui vient changer la valeur marchande par sa simple existence. Si tu sais que la ville a un intérêt d’acquisition sur un type spécifique de logements, tout d’un coup un bien qui ne valait pas nécessairement beaucoup avant devient plus intéressant.

Je ne sais pas trop c’est quoi la solution. L’article n’en apporte pas par ses intervenants.

On dit qu’une maison de chambre ne devrait pas valoir plus de 100 000 dollars. Est-ce que c’est possible d’en construire à ce prix?

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expropriation :smiling_imp: … jk