Logements sociaux, communautaires et abordables - Actualités

Logement social Un seul projet sur 41 en chantier

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le chantier d’un projet de 215 logements sociaux et coopératifs dans Pointe-Saint-Charles. Ce projet a mis 12 ans à se matérialiser.


Vincent Brousseau-Pouliot
Vincent Brousseau-Pouliot La Presse

À l’hiver 2022, le gouvernement Legault a décidé de tout chambouler en matière de logement social et abordable.

Publié à 1h02 Mis à jour à 6h00

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En remplaçant AccèsLogis par son nouveau Programme d’habitation abordable du Québec (PHAQ), la Coalition avenir Québec jurait avoir trouvé la solution pour mettre en chantier des projets de logement social et abordable en moins de 12 mois.

Ce mois-ci, ça fait un an que le PHAQ est officiellement en fonction. Combien des 41 projets financés il y a un an sont en chantier ? Trente ? Moins. Vingt ? Moins. Dix ? Moins.

Un projet.

Vous avez bien lu : un seul projet sur 41. Un projet de 40 logements à Fermont, dans le nord de la Côte-Nord.

Les 40 autres projets (1683 unités, soit 98 % des unités attribuées) attendent d’avoir leur financement, leurs plans d’architecte, leurs entrepreneurs ou l’approbation de la municipalité.

Quand elle avait annoncé la fin officielle d’AccèsLogis à notre collègue Maxime Bergeron en mars 2023, la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau avait expliqué que l’un des grands avantages du PHAQ était son délai de 12 mois pour commencer la construction. « Si ton projet ne sort pas en dedans de 12 mois, on retire les unités, puis on les donne à quelqu’un d’autre qui, lui, est prêt à sortir », avait dit la ministre Duranceau⁠1. Si en 12 mois « tu n’es pas parti, on passe à un autre appel », a-t-elle répété en mai à l’Assemblée nationale.

Devant de tels résultats, Québec a sagement décidé de retarder le délai à 18 mois pour la première année. Aucun projet ne perdra son financement. Heureusement.

Sauf qu’un projet réalisé dans les temps sur 41, ce n’est vraiment pas beaucoup. On a donc voulu comprendre ce qui s’est passé en parlant à la ministre de l’Habitation du Québec, France-Élaine Duranceau.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

France-Élaine Duranceau, ministre de l’Habitation

« Les gens ont déposé les projets assez en catastrophe, ils ont eu très peu de temps, les projets étaient très embryonnaires, le financement a été attaché six mois plus tard, rien pour aider. Le programme était tout jeune, il restait des choses à attacher, ça n’a pas été aussi vite que ça pourrait aller dans la deuxième année, dit la ministre Duranceau. Dans les prochaines semaines, on va avoir une meilleure visibilité sur les projets qui vont sortir entre 12 et 18 mois. On va être plus agile [pour la deuxième année], on a fait beaucoup de modifications pour répondre aux critiques. »

« On savait que ça allait être serré [12 mois]. On garde un délai qui peut paraître ambitieux, pour avoir le sentiment d’urgence », poursuit la ministre Duranceau, qui croit que le PHAQ est « une version améliorée d’AccèsLogis ».

Le FRAPRU, un organisme pour le droit au logement, voit la situation d’un autre œil. « On a lancé un programme qui n’était visiblement pas prêt pour donner une couleur caquiste au programme d’aide au logement, et on est en train de l’ajuster alors qu’on vit une sérieuse crise du logement, dit sa porte-parole Véronique Laflamme. Ce sont les mal-logés qui en font les frais. »

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Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPPRU

Ça fait des années que le Québec prend du retard en matière de logement social et abordable. AccèsLogis a été bloqué pendant plusieurs années parce que Québec a cessé d’indexer les subventions à partir de 2009. Cette décision a créé 15 000 projets sous-financés et bloqués dans un brouillard administratif en 2018. Cinq ans plus tard, 6617 des 15 700 unités ont été construites, et on tente toujours de bâtir les unités restantes.

Mais auparavant, AccèsLogis fonctionnait très bien : on a construit en moyenne 1800 logements par an entre 2005 et 2012. À titre de comparaison, on a construit 1619 logements au total depuis 12 mois avec les programmes de Québec (ce sont toutes des unités d’AccèsLogis)2.


Le plus gros problème du PHAQ, ce n’est pas que le délai de 12 mois pour commencer la mise en chantier n’est pas respecté.

Même dans les meilleures années d’AccèsLogis, à la fin des années 2000, il fallait de 12 à 18 mois pour qu’un projet financé soit mis en chantier. Le délai de 12 mois est visiblement irréaliste.

Le problème, c’est l’attitude générale du gouvernement Legault, en particulier sa préférence pour le secteur privé.

En mettant les projets en concurrence lors d’un seul appel d’offres par an, le PHAQ favorise le privé. La subvention du privé a été rehaussée pour rejoindre celle des organismes sans but lucratif et coops d’habitation. Dans le dernier budget, la CAQ a réservé 500 des 1500 unités de logement social pour le privé.

Ce virage vers le privé se fera au détriment des coops d’habitation, des groupes communautaires et des groupes de ressources techniques, des organismes sans but lucratif qui s’occupent traditionnellement du logement social.

Le PHAQ permet même une aberration incroyable : un logement lourdement financé par les fonds publics pourrait perdre sa vocation sociale après 10 à 35 ans. Le propriétaire privé pourrait le revendre à profit s’il le souhaite. Ça n’a pas de bon sens. Si les contribuables paient pour construire du logement social, ça doit rester du logement social.

Même si le programme a été conçu pour attirer le privé, celui-ci n’a pas l’air très intéressé : seulement 5 des 41 projets choisis en septembre 2022 provenaient du privé.

Ce n’est pas étonnant. Il n’y a pas d’argent à faire à gérer des logements sociaux.

Avec la hausse des taux d’intérêt, la participation du privé pourrait encore diminuer. On aura les résultats du deuxième appel d’offres cet automne. « On a fait des modifications au programme pour qu’il puisse être plus intéressant pour le privé, mais il faut comprendre qu’avec la hausse des taux d’intérêt, c’est plus difficile d’embarquer tout le monde », convient la ministre Duranceau.

Le gouvernement Legault ne s’en cache pas : il veut des programmes de logement social plus agiles.

C’est ainsi que Québec a fait appel à Desjardins, au Fonds de solidarité FTQ et à Fondaction à l’été 2022 pour construire 1000 unités d’ici 2025. « La plupart des premières pelletées de terre se feront cet automne ou au début de l’hiver », dit la ministre Duranceau.

Québec prévoit faire de nouvelles annonces en logement social cet automne. « Je travaille à développer d’autres bons outils, plus agiles, plus flexibles, pour aider à débloquer des projets, dit la ministre Duranceau. Chaque projet est un peu unique, ça prend des outils financiers souples, et le PHAQ est très encadré. »

C’est une excellente idée de vouloir être plus agile.

Mais s’il cherche une solution simple et facile à implanter, le gouvernement Legault devrait faciliter la vie au maximum aux groupes communautaires pour qu’ils démarrent des projets.

Le principal problème : les montages financiers sont compliqués parce que Québec ne paie pas une portion assez importante du coût de construction d’un logement social. La subvention provinciale ne couvre que de 30 à 38 % des coûts réels de construction, alors que ça devait être 45 % dans le PHAQ et que l’objectif d’AccèsLogis au départ était de 50 %.

En haussant la subvention de Québec à 50 % des coûts réels, on simplifierait les montages financiers. Les organismes n’auraient plus besoin de frapper à plusieurs portes (p. ex. : fédéral, fondations privées) pour boucler leur montage. Ça réduirait les délais.

On arriverait sans doute à de meilleurs résultats de cette façon plutôt qu’en courtisant le privé qui n’a pas l’air très intéressé.

1. Lisez la chronique « Des “centaines de millions” gelés à Québec »

  1. Du 31 juillet 2022 au 31 juillet 2023.

Du travail d’amateur qui ratera complètement les cibles fixées par les villes.


Abolition de la TPS Pas de définition de logement abordable dans le projet de loi

PHOTO BLAIR GABLE, ARCHIVES REUTERS

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déposé son projet de loi jeudi.

(Ottawa) Le gouvernement Trudeau ne prévoit pas de limite sur le prix des loyers dans son projet de loi pour abolir la TPS sur la construction de logements locatifs. Il mise plutôt sur l’augmentation de l’offre pour faire baisser les prix.

Publié à 12h14 Mis à jour à 15h11

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Mylène Crête
Mylène Crête La Presse

« C’est juste ridicule, insultant même, sur quelle planète vivent les libéraux ? », a dénoncé le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, lors de la période des questions jeudi.

Quelques heures plus tôt, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, déposait le projet de loi C-56 intitulé la Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable qui élimine la taxe sur les produits et services (TPS) pour les nouveaux immeubles locatifs et donne plus de mordant au Bureau de la concurrence.

Un haut fonctionnaire du ministère des Finances a confirmé dans une séance d’information que le texte législatif ne prévoit pas de critères pour définir ce qu’est un logement abordable. Les appartements construits pour la location à long terme pourront bénéficier d’un remboursement complet de la taxe de vente sur les produits et service, mais on ne sait pas si ce rabais sera par la suite transféré aux locataires.

« C’est une mesure ciblée pour la construction d’appartement à loyer, s’est défendu la ministre en conférence de presse. Et c’est précisément pour changer un peu le calcul économique que les grands constructeurs vont utiliser en décidant est-ce que je vais construire condos de luxe ou est-ce que je vais construire des appartements à loyer ? »

Le ministre du Logement, Sean Fraser, a ajouté que l’augmentation de l’offre de logement aidera le marché à se stabiliser.

« Lorsque l’offre augmente de manière significative, le coût du loyer diminue dans son ensemble », a-t-il dit en citant en exemple l’expérience de la Nouvelle-Zélande, de la ville d’Helsinki en Finlande et de celle de Minneapolis aux États-Unis.

Le projet de loi C-56 fait passer le remboursement de la TPS de 36 % à 100 % pour les immeubles dont la mise en chantier a débuté le 14 septembre ou se fera au plus tard le 31 décembre 2030. Leur construction doit être terminée le 31 décembre 2035.

Le coût de cette mesure atteindra 4,6 milliards sur six ans, selon les estimations du ministère des Finances. Les prévisions n’incluent pas la dernière année du programme.

Le gouvernement en profite également pour donner plus de mordant au Bureau de la concurrence qui obtiendra de nouveaux pouvoirs d’enquête et la capacité de bloquer des ententes qui empêchaient des épiciers indépendants de s’installer à proximité de grandes bannières.

Le projet de loi s’attaque également aux fusions anticoncurrentielles en supprimant la défense fondée sur le gain d’efficience.

La réplique du Conseil canadien des affaires n’a pas tardé. Il se dit « vivement préoccupé » par cette réforme de la Loi sur la concurrence et accuse le gouvernement de miner « les règles stables et prévisibles du libre marché ».

Cartierville Québec investit dans 79 logements sociaux

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau

En annonçant un investissement de 6,6 millions de Québec dans un projet de 79 logements sociaux dans Cartierville, à Montréal, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a assuré que des milliers d’autres unités seraient bientôt prêtes à recevoir des ménages touchés par la crise du logement.

Publié hier à 18h48

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Isabelle Ducas
Isabelle Ducas La Presse

« C’est la plus grosse année de pelletées de terre qu’a connue la Société d’habitation du Québec. Il n’y a jamais eu autant de logements financés qu’en ce moment, a lancé la ministre. On a plus de 12 000 logements en construction actuellement, alors il y aura différentes annonces au fur et à mesure de leur livraison. On augmente la cadence. Ma commande à la SHQ c’est : exécution. »

Elle a aussi révélé qu’elle s’attendait à un déblocage « dans les prochaines semaines » des discussions en cours avec Ottawa au sujet du transfert des fonds pour la construction de logements. Le nouveau ministre fédéral du logement, Sean Fraser, a reconnu la semaine dernière que ce transfert était assorti de conditions.

« On a envoyé notre proposition en juin dernier alors il faut que ça débloque, a dit Mme Duranceau. On a eu plusieurs discussions depuis que le ministre Fraser est en place et on est vraiment sur la même page lui et moi. Dans les prochaines semaines, ça va être réglé. C’est un champ de compétence provincial, alors pour nous c’était important que cet argent-là s’en vienne au Québec sans conditions, alors ça a été ça la teneur des discussions des derniers jours. »

Selon l’Union des municipalités du Québec (UMQ), le Québec aurait droit à 900 millions pour la construction de logements.

La ministre se trouvait au nord de l’île de Montréal lundi pour souligner la participation de Québec à un projet de 17 millions qui permettra d’offrir des logements sociaux à 79 ménages.

En plus de recevoir 6,6 millions en fonds provinciaux, par l’intermédiaire du Fonds capital pour TOIT, créé par Québec et le Fonds de solidarité FTQ, l’organisme Interloge a aussi reçu 2,6 millions de la Ville de Montréal.

Interloge a acquis deux immeubles endommagés par un incendie, qui seront rénovés et remis en location, près de la future station Bois-Franc du REM. Les loyers des studios s’élèveront à 768 $, tandis que les plus grands logements, des 5 et demi, seront loués 1175 $.

L’organisme gère déjà 925 logements sociaux qui accueillent notamment des personnes aux prises avec des problèmes de santé ou qui ont connu l’itinérance, souligne Louis-Philippe Myre, directeur général d’Interloge. Il qualifie de « goutte d’eau dans un océan de besoins » l’apport de l’organisme en cette période de crise.

« Le gouvernement du Québec peut et doit agir pour réduire la pauvreté et l’itinérance avec des investissements massifs dans le logement social », a-t-il fait valoir.

De tels projets permettent à des locataires à faible revenu de se sentir en sécurité, en sachant qu’ils ne seront pas victimes de rénovictions, de reprises de logements ou d’augmentations de loyer déraisonnables, a ajouté Benoit Dorais, responsable de l’habitation au comité exécutif de la Ville de Montréal.

« On est très conscients de ce qui se passe en ce moment, on sait que la crise est aiguë et que l’augmentation du coût de la vie est tough pour bien des familles. On veut et on va aider ces gens-là, » a promis la ministre Duranceau.

Quelqu’un sait ou seront situé les 79 logements sociaux à Cartierville?

C’est les immeubles incendiés coin Dudemaine et Robert Giffard selon moi.

Finalement, ce serait ceux ci après recherche: Les édifices sont situés aux 11945 et 11955, rue Lachapelle

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L’abandon | Le Devoir

L’actualité du jour chasse celle de la veille. Si bien que nous sommes sans cesse réduits à « conjoncturer » d’un futur privé de tout passé. Permettez que je m’arrête encore cette semaine à cette [crise du logement]. Cet affreux champignon rejaillit sans cesse à la surface du présent, tandis que nous oublions à quel passé il s’attache.

Le gouvernement fédéral affirme qu’il va fouetter l’industrie de la construction pour que nous cessions d’être en défaut de logement. Il entend le faire grâce à l’exemption de la TPS sur les nouvelles constructions. L’abordabilité en sera-t-elle mieux assurée ? Le ministre québécois des Finances, Eric Girard, affirme que non. Il a raison. Supprimer une telle taxe n’assure d’aucune façon que les logements nouveaux seront plus abordables. Pas question, autrement dit, que Québec emboîte le pas en prenant le même sentier qu’Ottawa. Mais par quel chemin alors faut-il s’engager ?

Nous habitons un immense territoire d’une bien curieuse façon. L’espace cultivable au Québec a perdu, depuis un quart de siècle, l’équivalent de douze terrains de football chaque jour, [vient de rappeler] l’Union des producteurs agricoles dans le cadre d’une consultation nationale sur le territoire. Nous ne cessons de gruger l’espace censé nous nourrir. Au mépris de la terre nourricière, que faisons-nous de ce sol ? À force de spéculer plutôt que de nous loger et de nous nourrir, serons-nous bien avancés ? Le plan de développement emprunté par notre société a quelque chose d’affolant à forte d’être mortifère.

Comment concevoir qu’il puisse manquer 860 000 logements d’ici 2030 ? Il se trouve des gens qui, pour se dédouaner à tout prix, nous serinent que tout cela dépend des immigrants ! Comme aux temps sombres et puants de l’entre-deux-guerres, ce commode bouc émissaire planétaire qu’est l’immigration permet d’expliquer tout et n’importe quoi, en s’exonérant de toute responsabilité quant à ce qui nous arrive.

L’autre jour, Diane Bérard, une ancienne du magazine Commerce et du journal Les Affaires, plaidait avec beaucoup d’aplomb à la télévision, au micro de l’excellent Gérald Fillion, pour que l’État s’engage dans la construction de logements sociaux. Cela nécessite, selon elle, que l’État fasse un pas de côté face à l’habituel modèle du tout au privé. Les projets de logements mis en avant par des promoteurs à but non lucratif doivent être favorisés en priorité, expliquait Diane Bérard. Il faut savoir les valoriser plutôt que de continuer de les traiter comme les autres.

Le secteur privé n’est ni intéressé, ni équipé, ni à même de créer des logements sociaux voués à demeurer abordables. Cesser de croire à la panacée du privé dans ce secteur s’impose de toute urgence, expliquait à raison Diane Bérard. Construire davantage s’impose, mais encore faut-il construire autrement. Ce qui suppose de se sortir un peu le nez de la doctrine du profit afin que la vie cesse d’être empuantie.

Il faudrait créer, suggère-t-elle, un fonds fiscalisé destiné à la construction et à la rénovation de logements sociaux et de logements abordables. L’épargne des citoyens serait de la sorte directement vouée à corriger ce problème de société que nous payons collectivement de plus en plus cher.

Cependant, en matière de rénovation, le gouvernement pourrait bien commencer par donner lui-même l’exemple. Combien d’immeubles de grande valeur, pourtant placés [sous la responsabilité de nos gouvernements], pourrissent au milieu du paysage sans que personne se soit donné la peine de les recycler pour les mettre de nouveau au service d’une population qui peine de plus en plus à se loger ?

Prenez le cas parfaitement abracadabrant du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Sa construction a coûté au moins 3,6 milliards de dollars. Pendant qu’était mené ce très vaste chantier, personne n’a établi de plan viable pour réutiliser le site de l’Hôtel-Dieu et de ses bâtiments abandonnés dans le même élan. Au point qu’un entrepreneur a pu démolir un vaste mur d’enceinte presque bicentenaire de l’Hôtel-Dieu sans que personne s’en aperçoive !

L’ancien hôpital n’a pratiquement pas bougé depuis sa fermeture en 2017. Le déménagement de ce centre hospitalier était pourtant prévu depuis 1998. Autrement dit, en un quart de siècle, notre société n’a pas trouvé le temps ni les moyens de mettre en place un projet viable pour assurer sa reconversion sociale ?

Après des années d’un abandon du même ordre de l’hôpital Victoria, la Caisse de dépôt et placement du Québec étudie la possibilité de la transformer en résidences étudiantes. C’est un peu tard pour y penser. Les lieux sont abandonnés depuis le printemps 2015. Cette échéance était d’ailleurs annoncée de longue date avant. Pourquoi faut-il attendre 2030, au mieux, pour que quelque chose soit enfin réalisé là ? Même la vaste piscine qui faisait la joie des baigneurs l’été a été abandonnée. Elle n’est plus que ruine, comme si nos installations publiques ne méritaient pas d’être sauvées et utilisées. Comment fait-on pour dilapider et saboter aussi facilement des biens collectifs ? Dormons-nous au gaz ?

Rue Saint-Denis, cœur battant de Montréal, l’immense bâtiment de l’ancien [Institut des Sourdes-Muettes] a été utilisé jusqu’en 2015 par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal. Les bureaux sont déménagés. Le lieu a tout bonnement été abandonné et clôturé. Ses intérieurs élégants ont pourtant accueilli et logé des milliers de gens au fil du temps. Toujours rien, pourtant, n’est lancé de ce côté pour que les lieux soient vite réutilisés. Quel propriétaire le moindrement conséquent abandonnerait aussi longtemps au néant ses biens immobiliers ?

Les architectes du pouvoir étatique dessinent beaucoup de ruines en notre pays. Nous en payons le gros prix.

Au printemps 2020, dans un rapport accablant, la vérificatrice générale du Québec avait pointé du doigt la très mauvaise gestion des biens immobiliers de l’État. La situation a-t-elle vraiment changé depuis ?

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Merci, je demandais car le projet n’apparais pas sur notre carte des projets en planifications

Je crois aussi que ce n’est qu’une rénovation des logements, c’est un peu petit pour en faire un sujet (corrigez moi si je me trompe!).

Pour ceux que ça intéresse, ce sont ces deux édifices qui seront rénovés pour 79 logements de Interloge:

‘‘ils seront rénovés’’. Mais en ce moment, est-ce qu’ils sont occupés ? Car si on regarde l’image de google qui date de 2023, ils ne semblent pas en si mauvais état que ca.

Difficile de juger l’état des logements à partir d’une simple photo, surtout que c’est à l’intérieur que les vrais dommages seraient clairement visibles.

Ils auraient été rénovés en 2020, reste à a voir si les travaux ont été terminés depuis et si les locataires ont pu réintégrer leurs logements.

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Itinérance autochtone | Un refuge déménagera sur la rue Sherbrooke


PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE
Le refuge de l’Hôtel des arts, qui devrait déménager sur la rue Sherbrooke en 2027

Un refuge pour itinérants autochtones vient d’acheter deux bâtiments sur la rue Sherbrooke et devrait y déménager fin 2027.

Publié à 14h04
Philippe Teisceira-Lessard
LA PRESSE

Projet autochtone du Québec (PAQ) opère actuellement une ressource d’une cinquantaine de places près de l’intersection Saint-Dominique et Ontario, au centre-ville. Elle est toutefois installée dans un bâtiment privé, l’ancien Hôtel des arts, dont le propriétaire peut renouveler ou interrompre le bail à sa guise.

« Situé à proximité, cet établissement continuera de lutter contre l’itinérance dans la région de Milton-Parc, en fournissant un hébergement d’urgence pour jusqu’à 50 hommes et femmes autochtones, ainsi que des services d’intervention 24 heures sur 24 », a déclaré Stacy Boucher-Anthony, directrice générale de Projets autochtones du Québec. Ce refuge accepte tous les itinérants autochtones, y compris ceux qui sont intoxiqués.

Le projet d’acquisition et de transformation est soutenu par Ottawa (7,7 millions), Québec (6,5 millions), ainsi que par la Société Makivik (650 000 $), qui représente les intérêts des Inuits. En plus des 14 villages du Nunavik, « on a une autre communauté ici », a reconnu Joey Partridge, de Makivik.

La date d’inauguration prévue du refuge, qui sera situé au 65 rue Sherbrooke Ouest, a été établie pour décembre 2027, a indiqué Mme Boucher-Anthony, citant la complexité de fusionner deux bâtiments centenaires. PAQ a dit espérer que les travaux et l’obtention des permis soient accélérés, rapprochant la date d’ouverture de plusieurs mois. Entretemps, le refuge de l’Hôtel des arts demeure à la merci du propriétaire du bâtiment.

« On travaille là-dessus. On ne veut pas qu’il y ait d’arrêt de service », a indiqué le ministre des Affaires autochtones Ian Lafrenière. « Présentement, on est dans une situation ou tout le monde est dépendant de la volonté de quelqu’un de louer ou pas. On ne peut pas continuer comme ça. »

La mairesse Plante a affirmé que la Ville de Montréal faisait le nécessaire pour informer les voisins de ce futur refuge et les rassurer. « Moi ce que j’entends, au conseil d’arrondissement ou au conseil de ville, c’est que ça n’a pas de bon sens qu’il y ait des gens qui vivent dans la rue, que ça n’a pas de bon sens qu’il y ait des gens qui se retrouvent à dormir sous une bâche ou à faire une overdose dans une ruelle, a-t-elle dit. C’est ça que j’entends. »

ce serait ce bâtiment

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C’est bien situé, mais ça me semble petit comme bâtiment, l’Hôtel des Arts avait l’air plus grand et à un grand terrain vague voisin.

J’ai l’impression que ça rend l’Hôtel des Arts bien intéressant pour un redéveloppement justement! Vu que l’organisme n’est pas propriétaire, c’est possible qu’ils savent que leur occupation actuelle n’est pas permanente…

J’avais justement remarqué la pancarte “vendu” sur l’édifice concerné sur Sherbrooke. C’est un très bel édifice, j’espère que la rénovation sera respectueuse.

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En plus ce genre d’établissement sur ce quadrilatère très particulier devrait susciter moins de protestations de la part du voisinage.

Sortie de crise Les dégâts de la spéculation

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Stéphan Corriveau, directeur général du Centre de transformation du logement communautaire


Paul Journet
Paul Journet La Presse

La crise du logement fait mal, et ce n’est qu’un début. À quoi ressemblerait une sortie de crise ? J’ai demandé à des experts de proposer des idées audacieuses. Voici la première d’une série de rencontres.

Publié à 1h58 Mis à jour à 6h00

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Stéphan Corriveau a une idée audacieuse. Radicale, il le concède. Elle exige de repenser notre rapport à la propriété. Au lieu d’être un outil d’épargne forcée, un abri fiscal ou un mode de spéculation, il propose que le logement redevienne… une façon de se loger, tout simplement.

Le directeur général du Centre de transformation du logement communautaire ne fait pas que philosopher. Il a un plan, concret et chiffré, basé sur des décennies d’expertise.

M. Corriveau voudrait massivement augmenter la proportion de logements à but non lucratif. L’État hausserait son financement et allégerait ses contraintes. La classe moyenne pourrait désormais y habiter.

Mais en a-t-on les moyens ? M. Corriveau répond par sa propre question.

« Savez-vous quelle était la plus coûteuse mesure du fédéral durant la COVID ? Demander à la Société canadienne d’hypothèques et de logement [SCHL] d’intervenir à hauteur de 150 milliards sur le marché résidentiel. Elle a dit aux prêteurs : je vous achète les hypothèques risquées dans votre portefeuille. Les gens ont continué à rembourser leur banque, qui acheminait l’argent à la SCHL. Il y a eu un énorme transfert de risque aux frais de l’État », raconte-t-il.

Il poursuit.

« La SCHL est aujourd’hui engagée à hauteur de 1 trillion – 1000 milliards de dollars – dans le marché. Elle émet des obligations et les dépose à la banque à une condition : qu’elle prête ensuite ces sommes pour stimuler la construction. Et la SCHL offre un programme d’assurance. Si le prêt n’est pas remboursé, elle redonne l’argent à la banque. »

Que doit-on en conclure ? « Que l’État intervient déjà dans le marché, répond-il. Énormément, même. Alors quand on dit que le communautaire coûte cher, n’oublions pas que le privé est soutenu lui aussi. »

Cette mise au point étant faite, il développe son idée.

Le coût des loyers est influencé par la spéculation d’une grande partie des promoteurs immobiliers. Et il dépend aussi des appartements existants où le locataire déménage. Puisque les appartements sont rares, des gens accepteront de payer plus que le maximum recommandé par le Tribunal administratif du logement.

Il faut donc plus d’offre. Mais pas n’importe laquelle. Des appartements où le locataire paye le prix coûtant. Ni plus, ni moins.

M. Corriveau ne veut évidemment pas éliminer le privé. Seulement réduire sa place. À l’heure actuelle, à peine 5 % du parc résidentiel au Québec est à but non lucratif. Il viserait un taux de 20 %. Cela resterait modéré. En Allemagne et aux Pays-Bas, la proportion est de 30 %. Et en Autriche, elle dépasse 60 %.

M. Corriveau ne fait pas l’apologie du modèle communautaire sous sa forme actuelle. Au contraire, il le juge brisé.

« C’est une maison de fous ! L’État donne une somme pour construire un nombre prédéfini d’unités. Or, le budget est insuffisant. Le milieu demande de les indexer et le gouvernement prend environ 18 mois pour répondre. Dans l’intervalle, l’inflation gonfle les prix. Alors on se retrouve avec plein de projets dans l’entonnoir. C’est ce qui explique en bonne partie les longs délais et l’impression de perte de contrôle des coûts. »

Et encore pire, les frais d’entretien sont souvent grossièrement sous évalués. Donc on construit moins que prévu, et quand on construit, ça se dégrade vite.

Stéphan Corriveau, directeur général du Centre de transformation du logement communautaire

Il veut s’inspirer du modèle bien connu de Vienne. « Lors d’un récent séjour là-bas, j’ai rencontré le sous-ministre de l’Habitation. Il vivait dans le même appart que dans sa vingtaine. Dans un logement social. »

Selon lui, il faut concevoir le logement communautaire autrement.

Première étape : simplifier et bonifier le financement. Il propose que l’État consente un prêt sans intérêt pour le tiers du coût de construction. Cette somme serait remboursée 25 ans plus tard. Ces enveloppes devraient être allouées par portefeuille, et non par projet, avec un guichet unique. Les groupes à but non lucratif développeraient ainsi leur expertise et amortiraient leurs coûts.

Deuxième étape : élargir l’accès au logement social. La classe moyenne devrait y être admissible. En contrepartie, l’opérateur pourrait faire payer le coût réel du logement. Soit ce qui correspond au coût de construction, d’emprunt et d’entretien, mais sans la marge de profit liée à la spéculation. « Tu payes ce que ça coûte, sans financer le projet d’investissement de quelqu’un d’autre », résume-t-il. Quant aux gens à faible revenu, ils recevraient encore un supplément au loyer.

« Dans l’ensemble, ça libère du revenu discrétionnaire pour que les ménages dépensent ailleurs, ce qui n’est pas mauvais pour l’économie locale. »

Ce qui nous ramène à l’idée simple et radicale de départ : un appartement devrait avant tout être un endroit où on vit, et non un instrument financier.

« Plusieurs municipalités y sont favorables, dit-il. Le fédéral nous dit : “Que fera le Québec ?” Et le Québec répond : “Le fédéral fera quoi ?” Je me demande de quoi on a peur… »

Voilà une proposition qui mérite d’être enfin prise au sérieux.

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Reportage au Téléjournal

Itinérance à Montréal : un nouveau refuge ouvrira ses portes

Un nouveau refuge pour sans-abri autochtones va ouvrir ses portes en 2027.

Ces ressources viennent à point alors que les Premières Nations sont surreprésentées parmi les personnes en situation d’itinérance.

Le reportage de Gabrielle Proulx

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Logements sociaux Des projets en attente depuis 10 ans

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le projet de logements sociaux de la Coopérative d’habitation de la Pointe amicale, en construction dans Pointe-Saint-Charles, a mis 12 ans à se concrétiser.

Y a-t-il vraiment 12 000 logements sociaux en construction au Québec en ce moment, comme l’a affirmé la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, lundi dernier ?

Publié à 1h17 Mis à jour à 5h00

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Isabelle Ducas
Isabelle Ducas La Presse

Ce qu’il faut savoir

La ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a affirmé la semaine dernière qu’il y avait 12 000 logements sociaux en construction au Québec.

Selon les données de la Société d’habitation du Québec, 4454 unités sont « en réalisation » à divers stades, tandis que 7655 sont « en développement », mais n’ont pas encore reçu la confirmation d’une aide gouvernementale.

Certains projets de logements sociaux attendent leur financement depuis plus de 10 ans.

La réponse est non, révèle une vérification de La Presse. En réalité, il y a actuellement 99 projets de logements sociaux, représentant 4454 unités, « en réalisation » à divers stades, selon les données de la Société d’habitation du Québec (SHQ).

On compte aussi 7655 logements « en développement » dans 171 projets d’habitation « qui n’ont pas encore reçu la confirmation de la participation financière de la SHQ », indique l’organisme gouvernemental.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

France-Élaine Duranceau, ministre de l’Habitation du Québec

Or, la ministre Duranceau a additionné ces deux données pour laisser entendre qu’il y avait 12 000 logements sociaux « en construction », ou « financées » par le gouvernement, comme elle l’a dit à un autre moment, en conférence de presse à Montréal, dans Cartierville, la semaine dernière.

Lisez l’article « Cartierville : Québec investit dans 79 logements sociaux »

Questionné à ce sujet, un porte-parole de la SHQ a précisé, par courriel, que « la ministre voulait mentionner qu’il y avait présentement plus de 12 000 logements dont les projets sont rendus à différentes étapes de réalisation ».

Dix ans d’attente

Parmi les 7655 logements « en développement », dont le financement n’est pas assuré, certains projets sont dans les cartons depuis aussi longtemps que huit ou dix ans et attendent toujours des fonds publics pour lever de terre.

Consultez le tableau de bord de la SHQ

C’est le cas du projet Habitations de Mont-Laurier, mené par la coopérative Défi Autonomie d’Antoine-Labelle, qui souhaite construire 34 logements pour personnes âgées en perte d’autonomie. La demande de financement a été déposée en septembre 2012 à la SHQ, dans le cadre du programme AccèsLogis.

Le projet était au départ évalué à 6 millions, mais la facture est aujourd’hui estimée à 14,5 millions.

« Ça fait plus de 10 ans qu’on en parle », témoigne Michel Langevin, directeur général de la coopérative.

Pendant ce temps, la surchauffe du marché a fait augmenter les coûts de presque 1 million par année.

Michel Langevin, directeur général de la coopérative Défi Autonomie d’Antoine-Labelle

L’organisme a été invité à présenter son projet à nouveau, en début d’année, pour l’obtention de financement dans le cadre de l’Initiative pour la création rapide de logements, des fonds fédéraux gérés par la SHQ. Mais M. Langevin a appris il y a quelques semaines que leur projet n’avait pas été retenu.

« On a eu des discussions avec la SHQ qui nous ont donné espoir, ils disent chercher une façon de débloquer notre projet. Mais c’est très difficile d’avoir du financement, se désole-t-il. À Mont-Laurier, on n’a pas de grosses compagnies qui pourraient contribuer. »

Risque d’itinérance

L’espoir est aussi revenu du côté du projet Pavillon Bien-Aimé, piloté par la Société d’amélioration de Pointe-Saint-Charles en partenariat avec l’organisme Rêvanous, qui œuvre auprès de personnes ayant une déficience intellectuelle. Dans le futur édifice de 39 logements, 10 seraient réservés à des personnes ayant une déficience intellectuelle.

« On travaille avec des personnes très vulnérables, qui risquent de se retrouver en itinérance si elles n’ont plus de famille et ne sont pas prises en charge », affirme Yves Marcotte, président du C.A. de Rêvanous.

L’organisme a déjà un édifice de 79 logements, en plus de gérer quelques unités dans des édifices de l’Office municipal d’habitation de Montréal. Sa liste d’attente pour un logement compte 140 noms, et Rêvanous l’a récemment fermée parce qu’il y a très peu de chances que de nouvelles places se libèrent rapidement.

Le projet Pavillon Bien-Aimé, maintenant estimé à 11,1 millions, est dans les cartons de la SHQ depuis 2012. M. Marcotte espérait obtenir le financement nécessaire il y a deux ans, mais le gouvernement avait alors versé des sommes moins importantes que prévu.

Notre projet a été mis sur la glace, comme plusieurs autres. Mais là, il semble avoir été ressuscité il y a trois mois.

Yves Marcotte, président du C.A. de Rêvanous

Cependant, s’il se construit, l’édifice coûtera plus cher que prévu.

Les conséquences risquent d’être les mêmes pour nombre de projets qui attendent depuis des années. D’autres exemples ? La coopérative d’habitation Rose-Main (63 logements), à Montréal, dont le projet date de 2014, le projet Maison Émilie, (86 logements), qui date de 2018, le projet Convergence Griffintown (272 logements), qui date de 2019, le projet Habitation patrimoniale des cantons unis de Stoneham-et-Tewkesbury (35 logements), qui date de 2019.

Coûts doublés

« En 2018, le coût moyen était d’environ 200 000 $ par porte, alors que c’est maintenant environ 400 000 $. Les coûts de construction ont doublé, mais pas les subventions », déplore Éric Cimon, directeur général de l’Association des Groupes de ressources techniques (GRT) du Québec, des organismes qui accompagnent le monde communautaire dans le développement de logements sociaux.

Le programme AccèsLogis avait été conçu de façon à ce que le financement public représente 50 % des coûts d’un projet, tandis que le reste pouvait être financé au moyen d’une hypothèque ou d’autres sources. Mais comme les subventions gouvernementales n’ont pas été majorées, les montages financiers ne fonctionnent plus, explique M. Cimon. « On est plutôt dans du 34 % », observe-t-il.

La ministre de l’Habitation dit s’attaquer au « backlog » des projets déposés auprès d’AccèsLogis ces dernières années, pour débloquer du financement. Mais les sommes sont encore insuffisantes dans bien des cas.

Selon Edith Cyr, directrice générale du GRT Bâtir son quartier, les projets financés en priorité sont ceux qui peuvent se réaliser rapidement. Mais le gouvernement devrait aussi prendre en considération les besoins des communautés, note Éric Cimon.

Le nouveau programme sera-t-il efficace ?

Pour remplacer le programme AccèsLogis, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a annoncé l’année dernière la création du Programme d’habitation abordable Québec (PHAQ), dont le but est d’accélérer les mises en chantier de logements sociaux. En 2022, 41 projets totalisant 1723 logements ont été sélectionnés pour une subvention gouvernementale, mais un seul projet a été mis en chantier jusqu’à maintenant, un édifice de 40 logements à Fermont. Pour 2023, l’appel de projets s’est terminé le 22 septembre dernier. En principe, 1500 unités devraient recevoir du financement, mais 500 de ces unités sont réservées au secteur privé. Parmi les membres de l’Association des GRT du Québec, les projets déposés totalisent 4881 logements, révèle Éric Cimon. La majorité de ces projets ne recevront donc pas le financement espéré.

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Chronique de Natalie Collard dans La Presse

Pour en finir avec le mot « abordable »


PHOTO PHILIPPE BOIVIN, ARCHIVES LA PRESSE
Selon un rapport de la SCHL publié en janvier 2023, le prix moyen d’un appartement dans la région montréalaise tournerait autour de 1022 $ par mois pour un appartement deux chambres.

NATHALIE COLLARD
LA PRESSE

Le mot « abordable » résonne beaucoup dans l’actualité ces temps-ci.

Publié à 1h22 Mis à jour à 6h00

Il y a la ministre fédérale des Finances, Chrystia Freeland, qui vient d’annoncer une somme de 20 milliards de dollars pour la construction de 30 000 logements par année, dont une portion serait réservée aux logements « abordables ». Il y a la ministre provinciale France-Élaine Duranceau qui s’est, elle aussi, déjà engagée à accélérer la construction de logements sociaux et abordables. Et il y a la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui espère voir sortir du sol des logements abordables sur le site de l’ancien Hippodrome Blue Bonnets.

Mais quand je vois le prix des logements grimper dans l’île de Montréal, quand je vois des 5 ½ très ordinaires se louer plus de 2700 $ par mois, je me demande : qu’est-ce que ça signifie, abordable, en 2023 ? À vrai dire, on ne le sait plus.

Abordable, mais pour qui ?

« On essaie de ne jamais dire les mots “logement abordable” », me lance Adam Mongrain, responsable du dossier habitation pour l’organisme Vivre en Ville. Il confirme mon malaise et ma confusion avec ce mot utilisé à toutes les sauces.

C’est un mot bizarre. Car d’un côté, il y a le prix d’un logement et de l’autre, les moyens d’une personne. Le prix ne garantit pas que le logement sera occupé par quelqu’un qui a les moyens de le payer.

Adam Mongrain, responsable du dossier habitation pour l’organisme Vivre en Ville

Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) publiait récemment son dossier noir sur le logement et la pauvreté. Selon des données de 2021, il y aurait 1 482 645 locataires au Québec. De ce nombre, le quart consacrerait une proportion démesurée de ses revenus à se loger : 373 615 personnes y consacreraient 30 %, 128 795 y consacreraient 50 % et 49 895, presque la totalité de leurs revenus, soit 80 % et plus. On parle ici de gens dont le salaire médian est très bas, quelque part entre 9900 $ et 23 800 $ annuellement. Pour eux, un logement abordable est un rêve inaccessible sans aide gouvernementale.


PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, et le maire de Laval, Stéphane Boyer, sur un chantier de logements sociaux, au printemps dernier

La règle du 30 %

Il y a presque autant de définitions du mot « abordable » qu’il y a de programmes gouvernementaux, me confirme le professeur à l’École de travail social de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Louis Gaudreau.

La définition de logement abordable est d’abord venue du fédéral (plus précisément de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL). Elle désigne un logement pour lequel un ménage consacre moins de 30 % de son revenu avant impôts, peu importe que le logement en question soit privé, public ou à but non lucratif.

Selon cette règle du 30 %, une personne qui gagne un salaire annuel de 23 800 $ devrait pouvoir habiter un logement dont le loyer environnerait les 595 $ par mois. Pour trouver un loyer aussi bas, il faut avoir accès à un logement social subventionné ou regarder du côté des coopératives, où l’attente peut être parfois très longue.

Maintenant, qu’en est-il des gens qui gagnent un revenu plus « décent » et qui n’ont pas accès aux logements à coût modique ? Si le salaire moyen d’un Québécois est de 55 000 $ par année (selon l’Institut de la statistique du Québec), cela voudrait dire que son loyer ne devrait pas dépasser 1375 $.

Dans la région montréalaise, où le prix moyen d’un appartement tournerait autour de 1022 $ par mois pour un appartement de deux chambres, selon le rapport sur le marché locatif de la SCHL daté de janvier 2023 (une moyenne qui ne tient pas compte des plus récentes augmentations), c’est à peu près impossible de se loger à coût abordable dans les quartiers centraux.

C’est à se demander si le mot a encore un sens.

« La règle du 30 % ne tient pas, me confirme Adam Mongrain, de Vivre en Ville. Prenons un quartier comme Outremont, où on peut supposer que la majorité des propriétaires consacrent moins de 30 % de leurs revenus à se loger. Ça ferait donc d’Outremont un des quartiers les plus abordables ! »

Le FRAPRU dénonce lui aussi l’utilisation du terme « abordable », qu’il juge confuse. « Ça donne lieu à des distorsions, comme ces appartements à 2225 $ subventionnés par le fédéral parce que leur prix était sous le prix médian du marché », m’explique sa porte-parole Véronique Laflamme, faisant référence à une chronique de mon collègue Maxime Bergeron, publiée en octobre 2021⁠1.

Un marché qui a perdu ses repères

Cette façon de déterminer le prix d’un logement abordable en le comparant à celui du marché ne reflète pas la réalité. En effet, « quand le prix médian du marché augmente, le prix des logements augmente aussi, et ce, indépendamment de la capacité à payer des locataires », observe Louis Gaudreau.

« La SCHL a établi cette mesure à une époque où les revenus et les prix étaient connectés, note pour sa part Adam Mongrain. Et ils avançaient tous les deux à la même vitesse. Mais aujourd’hui, c’est n’importe quoi. »

Sans compter que le marché immobilier a perdu ses repères au cours des dernières années. Trouver un appartement de moins de 2000 $ dans les quartiers centraux de Montréal relève du défi.

La faute, entre autres, aux acheteurs marginaux, m’explique Adam Mongrain. Qui sont-ils ? Des gens qui ont vendu leur propriété et disposent d’une grosse mise de fonds, les acheteurs étrangers qui arrivent d’un marché beaucoup plus élevé (disons une ville française) et qui font grimper les enchères. Ou encore tous ces Montréalais qui ont quitté la métropole durant la pandémie pour intégrer le marché immobilier en périphérie, contribuant à faire grimper les prix dans des villes comme Granby. Penser que les prix baisseront significativement un jour relève du fantasme, ou du déni.

On le voit bien, le mot « abordable » – qui, à l’origine, signifie « pas cher » ou « raisonnable » – a été dépossédé de son sens.

« Il faudrait plutôt travailler à créer un “contexte d’abordabilité” », suggère Adam Mongrain de Vivre en Ville. Tous les ménages auraient plus qu’une option pour se loger, indépendamment de leurs moyens. »

Pour cela, il faudrait une offre de logements plus grande que la demande. Et avec notre lenteur à construire des logements, ce n’est manifestement pas pour demain…

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