Dirigeants et locataires de HLM assis à la même table pour combattre l’insécurité
Cour intérieure du HLM La Pépinière à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Karine Mateu
Publié à 1 h 06
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Les résidents de l’habitation à loyer modique (HLM) La Pépinière à Montréal tentent l’expérience de discuter de leurs problèmes directement avec des dirigeants du secteur de la santé, du logement, de la police, de la Ville et du milieu communautaire.
Bienvenue dans le HLM La Pépinière situé dans l’Est de Montréal. Ici, environ 300 personnes, des familles et des personnes seules, habitent dans les 192 logements construits dans les années 70.
Une partie des habitations est en rénovation. Le reste est normalement entretenu. Quelques appartements sont vacants. Au centre des habitations, il y a le Projet Harmonie, un organisme communautaire qui offre des services aux résidents, comme de l’aide alimentaire, une halte-garderie, une maison des jeunes, un jardin communautaire, entre autres.
Cour intérieure du HLM La Pépinière à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Karine Mateu
L’enjeu de la sécurité
L’intervenante chargée de la mobilisation citoyenne, Laurie Hétu, elle, a été embauchée pour mobiliser et soutenir les locataires afin qu’ils trouvent des solutions aux problèmes rencontrés, comme le manque de sécurité dans les habitations. Un enjeu ciblé par les locataires.
Dans les blocs au sous-sol, il y a une buanderie et une resserre où les gens peuvent mettre leurs choses. Ce sont des endroits libres où des groupes de jeunes vont consommer, chiller, manger, boire. Il y a souvent les portes des blocs qui sont souvent cassées, c’est facile d’entrer. Et lorsque les logements sont vacants, c’est pire encore.
Une citation de Laurie Hétu, intervenante chargée de la mobilisation citoyenne
L’intervenante chargée de la mobilisation citoyenne pour le Projet Harmonie, Laurie Hétu devant le jardin communautaire du HLM La Pépinière.
Photo : Radio-Canada / Karine Mateu
La locataire, Frantzcesca Cornet, habite le HLM depuis son adolescence et aujourd’hui, elle y élève ses cinq enfants et attend sous peu un nouveau-né.
J’habite ici depuis que j’ai 16 ans. J’en ai 43 aujourd’hui. Je trouve que les jeunes respectent moins ce qui ne leur appartient pas. Il y a du vandalisme. Ma fille s’est fait vandaliser son vélo. Il y a aussi des vols, raconte-t-elle.
Pas question pour elle de penser quitter les habitations. Non, parce que ça ne va rien changer! Le problème peut être ailleurs, affirme-t-elle avec conviction.
Frantzcesca Cornet fait partie d’un groupe de locataires qui agissent pour rendre leur milieu de vie plus sécuritaire.
Photo : Radio-Canada
J’ai compris qu’il faut régler les problèmes. Ne pas les fuir! C’est pour ça que j’ai décidé de me battre!
Une citation de Frantzcesca Cornet, locataire
Tout comme Frantzcesca, Ahmed Chourifi, qui habite dans le HLM La Pépinière avec sa famille depuis six ans, veut changer les choses. Il faut s’impliquer pour le bien-être de la communauté, dit-il.
Le HLM est proche de l’école Louis-Riel. On a remarqué qu’il y a du flânage en raison de cette proximité et parce que les élèves n’ont pas d’espace pour se rassembler et donc, ils viennent dans le plan [HLM, NDLR], explique Ahmed.
Il ajoute, par ailleurs, que les logements doivent être davantage rénovés.
L’un des locataires du HLM La Pépinière à Montréal, Ahmed Chourifi.
Photo : Radio-Canada / Karine Mateu
PDG, DG et locataires à la même table
Les enjeux de sécurité ne sont pas nouveaux, mais cette fois-ci pour régler le problème, une nouvelle approche a été tentée par une équipe de chercheurs, dirigée par la professeure et titulaire de la Chaire de recherche sur les inégalités sociales de santé, Janie Houle. Elle a voulu innover et provoquer des changements.
On a réalisé que les locataires rencontrent beaucoup d’obstacles pour réussir à améliorer leur environnement résidentiel. Ils vivent aussi dans des situations où ils n’ont pas de contrôle, pas de pouvoir et le pouvoir, c’est important pour changer les choses, explique la chercheuse.
On a eu comme idée de rassembler autour d’une même table des locataires en HLM, qui ont peu de pouvoir sur leur environnement et des personnes qui ont beaucoup plus de pouvoir qu’eux, les dirigeants!
Une citation de Janie Houle, professeure et titulaire de la chaire de recherche sur les inégalités sociales de santé de l’UQAM
Au départ, la démarche a surpris. Des intervenants de proximité disaient à la chercheuse ne pas avoir accès directement aux dirigeants. Pourquoi alors les locataires y parviendraient-ils? Mais, les DG et PDG du secteur de la santé, du logement, de la police, de la Ville et du milieu communautaire ont accepté de participer au projet. Ils ont maintenant à leur horaire deux rencontres par année avec les locataires, dont une a déjà eu lieu.
Participants à la première rencontre entre hauts-dirigeants et locataires du HLM La Pépinière à Montréal.
Photo : Projet Harmonie
Je pense que les rencontres avec les principaux dirigeants viennent renforcer, consolider et dire aux citoyens : ‘‘on est encore là pour vous aider et ceux qui sont là au quotidien pour vous vont continuer à faire leur travail,’’ explique l’adjoint à la direction générale à l’Office municipale d’habitation de Montréal (OMHM), Rouzier Métellus, qui fait partie des dirigeants impliqués dans cette coalition communautaire.
Il précise, cependant, que même les dirigeants ont des contraintes à respecter, mais que ça ne veut pas dire qu’ils ne peuvent rien faire.
On n’a pas plus de marge de manœuvre, mais le thème de notre planification stratégique, c’est oser faire autrement. Donc, avec les mêmes paramètres financiers, on essaie de faire autrement.
Une citation de Rouzier Métellus, adjoint à la direction générale à l’OMHM
Par exemple, dit-il, l’horaire ou les priorités du préposé à l’entretien et réparation qui fait le ménage peuvent être revus et adaptés selon les besoins d’une habitation en particulier. Même chose pour le patrouilleur qui assure la surveillance en soirée, son horaire aussi peut être modifié. Par contre, pour obtenir des budgets supplémentaires, l’OMHM doit discuter avec la Société d’habitations du Québec.
Autre constat : l’Office gère près de 900 HLM et les dirigeants ont la plupart du temps un horaire bien chargé. Il semble impossible que les dirigeants puissent rencontrer tous les locataires qui y habitent.
C’est certain qu’on ne peut pas le reproduire dans l’ensemble de nos HLM. De toute façon, même si les milieux de vie se ressemblent, les dynamiques sont différentes. On ne peut pas penser avoir une solution qu’on peut implanter dans tous les HLM. Ailleurs, il y d’autres expériences qui se font et qui fonctionnent très bien, soutient Rouzier Métellus.L’intention c’est de s’en inspirer!
Cour intérieure du HLM La Pépinière à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Karine Mateu
L’importance du contact
Malgré les limites des différents partenaires, la professeure Janie Houle croit qu’un contact direct entre hauts dirigeants et locataires est essentiel pour comprendre les réalités de chacun.
Ça permet des rencontres d’humain à humain au-delà des statistiques. Lors de la dernière rencontre, les locataires ont abordé le fait que des gens s’introduisaient dans les logements vacants et comment ça créait un sentiment d’insécurité. C’était touchant et la charge émotive ont la ressentait.
On sait que pour faire changer les personnes, il ne faut pas seulement s’adresser à la tête, mais s’adresser au cœur.
Une citation de Janie Houle, professeure et titulaire de la chaire de recherche sur les inégalités sociales de santé de l’UQAM
Selon elle, la démarche permet aussi aux locataires de comprendre mieux le travail des dirigeants et la façon dont sont prises les décisions.
En tout cas, les locataires sont confiants et ont l’ espoir de voir leur sort s’améliorer. J’ai vraiment aimé cette rencontre-là. J’ai ressenti qu’ils étaient prêts à travailler avec nous autres, qu’on fait un seul, dit Frantzcesca Cornet.
Ils ne peuvent pas dire que c’était juste un chef d’équipe qui n’a pas bien évaluer la situation! Ce sont des dirigeants, alors s’ils disent quelque chose, ça doit être vrai, ajoute Ahmed Chourifi.
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