Le centenaire de Riopelle prend son envol
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Une immense murale en l’honneur de l’artiste a été inaugurée et illuminée le 4 octobre, au centre-ville de Montréal.
Caroline Montpetit
7 octobre 2022
Jean Paul Riopelle aurait eu 99 ans le 7 octobre 2022. C’était un enfant de l’automne. Et l’automne avec ses couleurs, alors que les oies blanches, qu’il aimait tant, prennent massivement leur envol vers le sud, était une de ses saisons préférées.
Jean Paul Riopelle aurait eu 99 ans le 7 octobre 2022. C’était un enfant de l’automne. Et l’automne avec ses couleurs, alors que les oies blanches, qu’il aimait tant, prennent massivement leur envol vers le sud, était une de ses saisons préférées.
« L’automne, c’était une période où il travaillait énormément, dit en entrevue la conjointe de l’artiste, Huguette Vachon, à l’occasion du lancement des festivités entourant le centenaire de l’artiste. On déménageait vers l’Île-aux-Oies, dans les ateliers. Il faisait de grosses productions. Il était très stimulé. »
C’est aussi sur L’Isle-aux-Grues, au large de Montmagny, qu’Huguette Vachon a l’intention d’ouvrir, au cours des prochaines années, un musée-atelier et un centre d’interprétation.
L’endroit devrait servir autant à l’interprétation des oiseaux de l’île qu’à l’exposition d’oeuvres de Riopelle. « On va organiser des petites classes le samedi », dit-elle, ajoutant qu’elle souhaiterait aussi inviter des écoles à visiter le site durant la période des oies. On y exposera les oeuvres du maître, notamment tirées de la collection privée de Mme Vachon. De même, la bibliothèque de Montmagny entend également recevoir des prêts de collectionneurs des oeuvres du peintre et tenir des activités sur ce thème toute l’année.
« Il aimait tellement la nature que la protection, pour lui, c’était automatique. Il fallait protéger les beaux territoires, la faune, la flore. Il cueillait les champignons et il connaissait toutes les plantes qu’on pouvait manger », se souvient Huguette Vachon.
Jean Paul Riopelle pour tous
Le site du futur musée, dont le terrain a déjà été acheté, offre notamment une vue sur Baie-Saint-Paul, de l’autre côté du fleuve. L’architecte Pierre Thibault a déjà été choisi pour construire le musée-atelier, mais la Fondation Riopelle-Vachon dit devoir encore réunir les fonds, quatre millions de dollars, pour donner suite au projet.
De son côté, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), qui abritera une nouvelle aile à la gloire du peintre, a annoncé récemment que c’est la firme québécoise fabg qui construira l’édifice destiné à recevoir « la plus grosse collection d’oeuvres de Riopelle au monde ». Le plan prévoit que l’Espace Riopelle, qui devrait être terminé en 2026, évoque successivement l’atelier de l’artiste, avec ses plafonds de bois, la nordicité et les paysages de L’Isle-aux-Grues.
Éric Gauthier, architecte associé principal de fabg, a dit vouloir évoquer, avec le pavillon du MNBAQ, des éléments centraux de la vie et de l’oeuvre de Riopelle, « l’amour de la nature, le dynamisme, le mouvement ».
Ce monument fait partie de la gamme de projets qui consacrent le centenaire de Riopelle, avec la pièce en son honneur créée par Robert Lepage, qui prendra l’affiche chez Duceppe, ou encore le spectacle du Cirque des 7 Doigts qui lui rendra hommage à l’été 2023.
Mais le grand rêve de Jean Paul Riopelle, c’était de créer un centre d’artistes, où les plus grands côtoieraient les jeunes, rappelle Huguette Vachon.
« Quand il était vivant, ce qu’il aurait le plus aimé, c’est que tous ses amis artistes et lui aient un grand lieu pour échanger », dit Mme Vachon. En 1980, il avait été question qu’un tel centre se fasse dans l’actuel pavillon Charles-Baillairgé, du MNBAQ, sur le site de l’ancienne prison de Québec.
Si l’oeuvre de Jean Paul Riopelle est « de plus en plus connue à travers le monde », dit sa compagne, elle s’est tout de même développée en phases distinctes, en Europe et au Québec. « Le plus gros de sa carrière, il l’a fait en France », dit-elle. C’est une époque où il était moins connu de ce côté-ci de l’Atlantique.
L’année dernière, une toile de Jean Paul Riopelle, La sombreuse, peinte en 1954, s’est vendue 5,4 millions de dollars chez Christie’s à Paris. Cette toile n’avait jamais été mise en vente auparavant. Elle était, disait la fiche de présentation de Christie’s, « exceptionnelle tant par son ampleur que par son ambition ». L’année 1954 était par ailleurs considérée comme un moment clé dans la vie de l’artiste, puisque c’était l’époque de sa première exposition personnelle à la Pierre Matisse Gallery, à New York.
Autour de Rosa Luxemburg
Puis, lorsque le peintre revient au Québec, dans les années 1990, c’est au tour des collectionneurs européens de perdre sa trace. « C’est pourtant une période très importante de l’oeuvre de Riopelle, souligne Mme Vachon. Celle, notamment, qui a donné naissance à L’Hommage à Rosa Luxemburg, exposé au MNBAQ, un chef-d’oeuvre de l’artiste.
C’est d’ailleurs sur le thème de cet Hommage à Rosa Luxemburg que Robert Lepage a pensé la pièce qui célébrera l’oeuvre de Riopelle, a déjà annoncé le dramaturge. C’est le comédien Luc Picard qui assumera le rôle de Jean Paul Riopelle sur scène, et Anne-Marie Cadieux qui jouera celui de Joan Mitchell, conjointe défunte de l’artiste. D’autres comédiens incarneront les nombreux artistes qui ont gravité autour de Jean Paul Riopelle, d’André Breton à Samuel Beckett en passant par Alberto Giacometti.
Pour Huguette Vachon, le centenaire pourrait donner l’occasion à tous de connaître Jean Paul Riopelle, au-delà des milieux de l’art. En faire « une sorte de Maurice Richard », dit-elle.
UNE PANOPLIE D’ACTIVITÉS
Plusieurs activités rendront hommage à la mémoire de Jean-Paul Riopelle durant son centenaire jusqu’à l’automne 2023. En voici un aperçu :
Les travaux de construction du pavillon à la mémoire de Riopelle devraient débuter en 2023 au MNBAQ.
Robert Lepage présentera une pièce de théâtre, en coproduction avec Ex Machina et Duceppe, mettant en scène Luc Picard et Anne-Marie Cadieux, et évoquant la vie de l’artiste.
Une murale en hommage à Riopelle, signée Marc Séguin, a été illuminée cette semaine à l’angle des rues Milton et University.
Le musée d’art de Joliette consacrera, à l’hiver 2023, une exposition à Riopelle, sur le thème de l’art et de la migration.
À l’automne 2023, le Musée des Beaux-Arts du Canada devrait clore le cycle avec une grande rétrospective et un symposium international sur l’oeuvre de Riopelle.
On attend un livre sur Riopelle, réalisé à partir des travaux de l’historien de l’art et auteur Pierre B. Landry, intitulé Les êtres, saisons et territoires.
Le Cirque des 7 Doigts travaille à un spectacle intitulé Riopelle grandeur nature, qui devrait voir le jour à l’été 2023.