Lieux et nouvelles culturels

Comment Montréal est-elle devenue une plaque tournante des arts technologiques?

Grâce à des événements comme MUTEK, Montréal s’est taillé une place de choix dans l’écosystème des arts numériques en Amérique du Nord.

Photo : Autre banques d’images / Myriam Ménard

Publié à 4 h 00 HAE

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Que ce soit dans les musées, sur les scènes de spectacle ou encore au cirque, les arts numériques sont partout. À Montréal, une poignée de passionnés ont flairé la bonne affaire il y a près de 30 ans, permettant à la métropole de se hisser comme leader de cette forme d’art tentaculaire.

Le festival MUTEK, qui se déroule jusqu’au 27 août, a été l’un des fers de lance de cette petite révolution, avec ses spectacles de musique et de création numérique avant-gardiste.

À l’époque de sa fondation, dans les années 1990, peu de gens pouvaient imaginer que les nouvelles technologies allaient bientôt populariser des expositions sans tableaux, comme celle de Frida Khalo, ou encore permettre des expériences de réalité virtuelle qui allaient nous transporter jusque dans l’espace.

«Frida Kahlo, la vie d’une icône» a été projeté à L’Arsenal Art contemporain de Montréal en 2022.

Photo : fridakahlomontreal.com

La création numérique était vue comme un phénomène éphémère, réservé aux adeptes de soirées dansantes et de substances psychoactives. Le fondateur de MUTEK Alain Mongeau, lui, mesurait son immense potentiel culturel.

J’étais un peu frustré parce que je voyais que Montréal et l’Amérique du Nord avaient plusieurs trains de retard par rapport à ce qui se passait en Europe, se rappelle-t-il. Et je ne pouvais pas déménager, car je venais d’avoir un enfant. Alors, j’ai décidé de mettre la main à la pâte pour essayer de rendre Montréal intéressante.

Les arts technologiques, c’est quoi?

Les arts technologiques regroupent les pratiques artistiques qui mêlent créativité et technologie, comme les expériences de réalité virtuelle, les projections vidéo, les installations immersives, la musique électronique ou encore les œuvres créées avec l’intelligence artificielle. Ils s’immiscent de plus en plus dans les formes d’arts traditionnels, comme la danse ou le théâtre.

C’est ainsi qu’en 1996, Alain Mongeau a cofondé avec Monique Savoie et Luc Courchesne la Société des arts technologiques (SAT), un centre de recherche, de création et de formation devenu incontournable à Montréal. Puis, en 1999, c’était au tour de MUTEK de prendre son envol.

Alain Mongeau a été assez visionnaire, car parler d’art et de technologie en 1996, 1997, ce n’était pas très accepté, les outils n’étaient pas très démocratisés, estime Jenny Thibault, directrice générale de la SAT. Moi, j’ai eu ma boîte courriel en 2000!

L’artiste Olivia Lathuilliere, qui était à MUTEK cette année, expérimente avec les fluides magntiques.

Photo : Autre banques d’images / Myriam Ménard

Au même moment, un politicien décidait, lui aussi, de miser sur les nouvelles technologies. Bernard Landry, alors ministre des Finances du Québec, a lancé en 1996 un généreux crédit d’impôt aux entreprises multimédias, faisant de la province une terre promise pour l’industrie des jeux vidéo. Il a également convaincu Ubisoft de s’installer à Montréal.

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Ça a créé un écosystème fertile et fécond pour former des talents, poursuit Jenny Thibault. À Montréal, on est bon pour former des développeurs, des intégrateurs, des programmeurs, et on a beaucoup d’écoles spécialisées, car on avait cette industrie des jeux vidéo à nourrir.

La naissance d’une industrie

Durant cette période bouillonnante, on a notamment vu naître Elektra (1999), qui est à l’origine de la Biennale internationale d’art numérique à Montréal, et Moment Factory (2001), un studio de divertissement multimédia montréalais de renommée internationale.

Les raves et les afterhours étaient vraiment des lieux où on pouvait faire de l’expérimentation, où l’innovation était encouragée, et c’est devenu une locomotive pour le milieu des arts numériques, raconte Catherine Turp, directrice de la création et de l’innovation chez Moment Factory.

Les arts technologiques englobent la musique électronique et les projections vidéo, deux pratiques artistiques qui ont évoluées ensemble.

Photo : Autre banques d’images / Myriam Ménard

Des lieux comme la SAT et des événements comme MUTEK nous ont permis de nous rassembler, d’avoir un croisement entre les disciplines, de créer une communauté, mais aussi d’asseoir ces pratiques-là à l’intérieur d’une nouvelle forme d’art.

Aujourd’hui, on retrouve les bureaux de Moment Factory à Paris, Tokyo, New York et Singapour. L’entreprise collabore avec des artistes comme The Killers et Billie Eilish, et pilote des projets immersifs en tout genre dans plusieurs des grandes villes de la planète.

Il y a vraiment eu une révolution numérique à la fin des années 1990, et maintenant, c’est une industrie.

Une citation de Catherine Turp, directrice de la création et de l’innovation chez Moment Factory

Montréal est aussi choyée par son riche écosystème étudiant, fait remarquer Robert Normandeau, professeur associé à la Faculté de musique de l’UdeM, et poids lourd de la musique électroacoustique au Québec.

Avec ses quatre universités et son conservatoire de musique, la métropole est abreuvée d’une quantité impressionnante de jeunes talents, ce qui contribue à en faire la capitale des musiques expérimentales et électroaccoustiques en Amérique du Nord, selon lui.

Le professeur souligne que l’écologie artistique importante de Montréal permet à beaucoup de finissants et de finissantes de sa faculté de gagner leur pain en composant de la musique pour le milieu du théâtre, de la danse, des jeux vidéo ou encore de la postproduction.

La musique électroacoustique, c’est quoi?

La musique électroacoustique est un type de musique exploratoire qui utilise la technologie pour manipuler des sons acoustiques.

Les musiques expérimentales ont une place de choix à MUTEK.

Photo : Autre banques d’images / Myriam Ménard

Soutenir l’art technologique

N’empêche, l’art technologique n’est pas encore reconnu à sa juste valeur par les institutions gouvernementales, selon plusieurs intervenants et intervenantes rencontrés. Et ce, malgré l’intérêt grandissant du public et des artistes pour le numérique.

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Oasis immersion, plus grand lieu destiné à l’art immersif déambulatoire au Canada, a ouvert ses portes au Palais des congrès de Montréal durant la pandémie. MUTEK, quant à lui, a reçu une nombre record de propositions de projets cette année.

Et le Conseil des arts de Montréal, de son côté, dit être de plus en plus sollicité par des d’artistes adeptes de création numérique.

On avait une longueur d’avance [sur les autres pays], mais est-ce qu’on l’a encore? Je ne sais pas, laisse tomber Jenny Thibault. La directrice générale de la SAT montre du doigt la vision de la France ou encore de Taiwan, qui ont investi massivement la scène numérique ces dernières années.

Montréal est encore perçu comme étant un leader, mais parfois, j’ai peur que d’autres pays flairent la bonne affaire et qu’ils s’organisent plus vite que nous.

Une citation de Jenny Thibault, directrice générale de la SAT

Car la créativité numérique coûte cher. La SAT le sait bien, elle qui vient de rouvrir son dôme, une immense structure de projection immersive, après de coûteux travaux.

Le dôme de la Société des arts technologique (SAT) est souvent utilisé pour des concerts et des expériences immersives.

Photo : Autre banques d’images / Myriam Ménard

Et contrairement au secteur des jeux vidéo, celui des arts numériques est encore en train de prouver ses modèles d’affaires, ce qui complique les demandes de financement.

On commence à avoir des success-stories. On commence à avoir des projets qui ont rayonné à l’international et qui ont eu des retombées commerciales intéressantes, souligne toutefois Jenny Thibault.

Alain Mongeau, qui a piloté MUTEK jusqu’à Barcelone, Buenos Aires, Mexico et Tokyo, regarde vigilant lui aussi. On ne peut pas s’asseoir sur nos lauriers. Le financement reste toujours un problème, surtout avec la sortie de la pandémie, et le coût de la vie qui a explosé.

Il faut rester proactif pour continuer à tirer notre épingle du jeu.

Le beatmaking réclame sa place au sein des arts technologiques

Le beatmaking (conception de son) est en vitrine à MUTEK cette année avec Loop Sessions, qui propose des ateliers de composition et d’échantillonnage.

J’ai l’impression que quand on parle d’art numérique, les gens pensent nécessairement à quelque chose d’audiovisuel et d’immersif, remarque Mark The Magnanimous, cofondateur de Loop Sessions avec Mario Reyes alias Shmings.

Mais le beatmaking repose sur la création numérique depuis ses débuts. Ça devrait avoir autant de valeur que les installations audiovisuelles.

Loop Sessions offre un lieu de rencontre et d’expérimentation aux producteurs et productrices de tous les niveaux depuis plusieurs années à Montréal. On retrouve aussi de ses chapitres un peu partout dans le monde.

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PHOTO FOURNIE PAR LE MUSÉE POINTE-À-CALLIÈRES

Le marché public inspiré de l’ambiance du Régime français organisé chaque été dans le Vieux-Montréal fête ses 30 ans.

Le fameux marché public organisé annuellement sur la place Royale par le musée Pointe-à-Callières fête ses 30 ans.

Publié hier à 11h45

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Pierre-Marc Durivage
Pierre-Marc Durivage La Presse

On y recrée chaque été l’ambiance des marchés publics du Régime français, avec une galerie de personnages authentiques interprétés par des comédiens de talent, mais aussi avec des dizaines d’artisans qui invitent le public à découvrir les métiers d’autrefois : fileuse de laine, luthier, bardeleur, tisserande, dentellière, fabricant de canot d’écorce, scieur de long, ou encore tourneur sur bois. L’expérience est aussi ludique que pédagogique.

Comme l’endroit était aussi un important lieu de rencontres et d’échanges entre les Autochtones et les Français, les visiteurs sont invités à venir rencontrer une nouvelle génération d’artisans abénaki, anishinabe, kanyen’kehà:ka, mi’gmaq et wendat dans la section contemporaine du Marché.

Enfin, l’offre gourmande variée est évidemment toujours au rendez-vous, notamment avec la brasserie Brewskey, une institution du Vieux-Montréal qui a brassé une bière exclusive pour l’évènement : la Pinte-à-Callières, une lager blonde légèrement houblonnée, sera offerte à l’auberge du Marché.

Marché public du Régime français du musée Pointe-à-Callières, place Royale, 26 et 27 août

Consultez le site du Marché public

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Magnifique évènement qui mériterait de se reproduire plus souvent et à plusieurs endroits. D’ailleurs, les jeunes ‘‘acteurs’’ sont excellents et ont souvent une physionomie naturelle pour ce genre de situation, comme le démontre la photo. Ou est-ce peut-être l’habit qui fait le moine dans ce cas.

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Un mois de juillet record dans des cinémas de Québec

2:05

Le Téléjournal Québec

Un mois de juillet record dans des cinémas de Québec

Les cinémas battent de l’aile depuis plusieurs années en raison de l’essor des plateformes de diffusion en continu. (Photo d’archives)

Photo : Krists Luhaers - Unsplash

Publié hier à 14 h 19 HAE

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Les fervents du grand écran se sont visiblement bousculés au portillon des cinémas de la grande région de Québec cet été. Les films du moment – Barbie, Oppenheimer – et la météo, parfois pluvieuse, ont permis aux cinémas Le Clap d’enregistrer le meilleur mois de juillet depuis l’ouverture du premier établissement en 1985.

C’est un juillet exceptionnel, dit d’emblée le directeur général des cinémas Le Clap, Robin Plamondon.

Le film de Barbie qui a attiré les foules, ainsi que le long métrage de Christopher Nolan Oppenheimer ont grandement contribué à ces chiffres mais des films québécois ont aussi su tirer leur épingle du jeu d’après M. Plamondon.

Le mois de juillet est toujours un mois très fort, étant donné les vacances estivales et les grosses sorties, mais cette année les films québécois, Le temps d’un été et aussi Les hommes de ma mère, qui ont très bien fonctionné ainsi que Barbie et Oppenheimer.

Une citation de Robin Plamondon, le directeur général des cinéma Le Clap

Pour M. Plamondon, le retour à la normale en termes d’achalandage post-pandémie surpasse ses attentes. Il remarque aussi que de nombreux adolescents se sont déplacés dans ses salles.

Robin Plamondon mentionne également que les salles de cinéma vivent toujours un trimestre à l’avance.

On a une clientèle qui a été exposée aux bandes-annonces, […] c’est la meilleure façon pour nous d’assurer les prochaines semaines ou les prochains mois.

Le directeur général des cinémas Le Clap, Robin Plamondon.

Photo : Radio-Canada / Nicole Germain

Cet été a été un avant-goût des années prépandémiques dans les salles de Sylvain Gilbert, propriétaire des cinémas Lido et des Chutes à Lévis.

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Est-ce que ça va tenir ? , se demande le propriétaire. Il l’espère grandement.

Sylvain Gilbert pointe une trentaine de films qui ont attiré sans cesse dans les salles tout au long de l’été, surtout des films américains mais aussi certains films québécois comme Cœur de slush et Les hommes de ma mère.

Et ce sont les cinémas de la province qui ont bénéficié de ces films très attendus par le public.

La comédienne australienne Margot Robbie incarne Barbie dans le film de Greta Gerwig.

Photo : Gracieuseté de Warner Bros. Pictures

Le coprésident de l’Association des propriétaires de cinémas du Québec, Éric Bouchard croit aussi que cet été il y avait une variété de films qui pouvaient plaire à un large public.

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La température a été de notre côté et on aime croire également que des gens sont revenus et ont aimé leur expérience et qu’ils ont redécouvert le cinéma.

Grève à Hollywood, quels impacts ?

Alors que la sortie du très attendu Dune : deuxième partie de Denis Villeneuve est reporté à l’année prochaine en raison de la grève à Hollywood. Robin Plamondon n’est pas forcément inquiet à court terme.

Il y a quand même des films québécois, français, pour l’automne ce n’est pas un enjeu pour nous. Une grève par contre qui perdurerait jusqu’à la fin de cette année aurait des répercussions jusqu’en 2025.

Par ailleurs, dimanche était la Journée nationale du cinéma. Pour l’occasion, tous les films à l’affiche dans les cinémas participants sont présentés pour seulement 4 $ le billet.

Avec des informations de Philippe L’Heureux et Louis-Simon Lapointe

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Michel Tremblay, l’écrivain du siècle

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

L’écrivain Michel Tremblay


Chantal Guy
Chantal Guy La Presse

Dans cette province dont la devise est « Je me souviens », de grands artistes ont souvent sombré dans l’oubli avant d’être, s’ils sont chanceux, redécouverts après leur mort. Ce n’est vraiment pas ce qui se passe avec Michel Tremblay. Aucun écrivain n’a autant été célébré de son vivant au Québec. Comme s’il n’y en avait qu’un, comme s’il n’y avait que lui, et ça peut en énerver certains, mais il n’a pas d’équivalent. Il n’a pas sombré dans l’abîme du rêve, son destin d’écrivain n’est en rien tragique ; il est toujours là, à 81 ans, à écrire, à recevoir les honneurs et les hommages, à mesure que nous comprenons la place incomparable qu’il occupe dans la culture québécoise.

Mis à jour hier à 7h15

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Très rares sont les gens qui connaissent en totalité l’œuvre de Tremblay, et je n’en fais pas partie. Il y a ceux qui fréquentent son théâtre, mais pas ses romans, et vice versa, ceux qui s’en tiennent aux classiques (les Chroniques du Plateau-Mont-Royal), et d’autres qui l’ont découvert (ou redécouvert) avec La diaspora des Desrosiers.

J’ai compris que Michel Tremblay était dans quelque chose de bien plus vaste que je ne le pensais quand il s’est lancé dans La diaspora des Desrosiers. Comme sa voisine Marie-Claire Blais à Key West qui était plongée dans l’énorme projet du cycle Soifs. Dans cette île gay-friendly américaine, ces deux-là, qui ont failli être réduits à leurs premiers chefs-d’œuvre, ont créé des mondes qui font croire au pouvoir de l’art et de l’affirmation, et ils seront à jamais associés dans ma tête sous la lumière de Key West.

PHOTO CAROLINE GRÉGOIRE, ARCHIVES LE SOLEIL

La première de l’opéra de Michel Tremblay Messe solennelle a eu lieu en juillet dernier, à Québec.

La richesse de l’œuvre de Tremblay prête à toutes les formes artistiques : théâtre, opéra, comédie musicale, cinéma, télésérie. Pendant que j’écris ceci, Les belles-sœurs a été joué au festival de Stratford et la comédie musicale sera transposée au cinéma par René Richard Cyr ; les Chroniques du Plateau-Mont-Royal font l’objet d’une série télé par Serge Boucher que j’attends impatiemment ; Messe solennelle pour une pleine lune d’été et Albertine en cinq temps sont des opéras de Christian Thomas et Catherine Major, tandis que Luc Provost, alias Mado Lamotte, incarnera Hosanna au Trident à Québec dans La Shéhérazade des pauvres.

J’en oublie sûrement, mais l’hommage le plus imposant concernant Tremblay en ce moment est La traversée du siècle. Un travail titanesque d’Alice Ronfard, aidée au début par le regretté André Brassard, qui a voulu adapter à partir de ses écrits tout l’univers de Tremblay en une pièce de 12 heures, présentée dans sept théâtres montréalais jusqu’en 2024 – du jamais-vu, une telle collaboration.

La traversée du siècle a été créée une première fois en août 2022 à Espace Libre, devant un Michel Tremblay qui a pleuré « pendant douze heures », selon ses propres mots. Mon amie, la journaliste Marie-Christine Blais, qui était là, m’a convaincue d’aller vivre cette expérience unique, parce que 12 heures, ça me faisait peur. Mon chum aussi d’ailleurs, heureux d’apprendre que je n’avais pas pu obtenir deux billets – imaginez-vous donc que ce spectacle-fleuve est pratiquement complet partout.

PHOTO MARLÈNE GÉLINEAU PAYETTE, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Une partie de la distribution de La traversée du siècle

Mais nous avions écouté ensemble la balado de Radio-Canada de La traversée du siècle, émus dès les premières minutes par ce spunkie écossais, une créature fantastique débarquée en Amérique du Nord pour découvrir qu’il n’existe aucune féérie dans le village de Duhamel, celui de Josaphat et Victoire, frère et sœur dont l’amour incestueux est à l’origine d’une famille maudite.

On a tendance à oublier le sens du fantastique et du merveilleux dans l’œuvre de Tremblay, dont le tout premier livre est le recueil Contes pour buveurs attardés. Ce qu’Alice Ronfard a placé dès le début, pour rappeler que c’est une mythologie québécoise que Tremblay a fini par tricoter, comme Florence, Mauve, Rose et Violette ont tricoté des vies. Et qui touche aujourd’hui à l’universel.

Tremblay a fait du destin de familles canadiennes-françaises une grande tragédie aux accents antiques. Si Les belles-sœurs a fait le tour du monde et a été traduit en tant de langues, c’est que partout des femmes vivent les mêmes choses, ce que l’écrivain a su saisir juste en regardant autour de lui dans les rues du Plateau Mont-Royal et sur la Main.

Mais c’est encore plus que ça, Tremblay. C’est la voix des marginaux, des déclassés et des humiliés qui se fait entendre, celles des femmes, des fous et des minorités sexuelles, tandis que les hommes sont presque tous anéantis et alcooliques. Je ne suis guère surprise que des jeunes soient en train de le découvrir, ça demeure avant-gardiste. Et tout cela en inscrivant la langue québécoise pour toujours au patrimoine de l’humanité.

Un jour, j’ai fait un reportage sur les influences littéraires de la jeune génération comme on en fait souvent, et Michel Tremblay ne figurait pas sur cette liste à ce moment-là. J’ai reçu un courriel de Michel que je n’oublierai jamais :

« En toute humilité : et moi, je suis un coton ? »

J’avais l’impression d’être dans un dialogue de Tremblay, et j’avais envie de lui répondre « mais laissez-en des fois pour les autres, Michel ». En fait, j’ai pensé : « Vous ne savez donc pas que vous êtes le plus grand ? »

Ce doute, ce besoin insatiable d’être aimé et pertinent, quand on est l’écrivain québécois le plus célébré de son vivant, m’a bouleversée. C’est l’une des raisons qui m’ont fait voir La traversée du siècle, dont j’avais finalement besoin.

Samedi dernier au Centre du Théâtre d’aujourd’hui, à traverser les 12 heures de La traversée du siècle dans une sorte de communion avec le public et les interprètes, j’étais en train de vivre ce qui fait les classiques. Ce sont leurs contemporains. Tous ces gens qui se réunissent pour un auteur, pendant qu’il est dans la salle, comme autrefois des gens ont dû voir du Shakespeare en même temps que le dramaturge. Entendre rire Tremblay, quelques rangées plus loin que la mienne, ça n’avait pas de prix. Je pourrai dire que j’étais là, comme d’autres se vantent d’avoir été les premiers spectateurs des Belles-sœurs.

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Dans ce projet incroyable d’Alice Ronfard qui a tout lu, et que j’ai juste envie de remercier, Michel Tremblay craignait qu’elle ne découvre des erreurs – « parce que j’ai commencé à l’envers, par l’apocalypse pour finir avec la genèse, je n’avais pas de plan », m’a-t-il dit. Ce qui l’a le plus marqué dans le résultat de La traversée du siècle est la cohérence. « Tout ça se tient. » Il y a de quoi pleurer quand un écrivain traverse ainsi ses 60 ans d’écriture en un seul spectacle qui dure quand même une journée. Car ce n’est pas la cohérence des dates et des faits que l’on découvre avec cette pièce, c’est celle de l’écriture, implacable. La langue de Tremblay, comme on pourrait dire la langue de Molière.

Il m’a fallu tenir pendant 12 heures pour comprendre ça, éblouie par ce qui se déployait devant moi. Une formidable offrande pour l’auteur, évidemment, mais d’abord pour les spectateurs qui peuvent maintenant combler des trous dans leur connaissance de l’œuvre immense de Tremblay en suivant une chronologie.

Beaucoup de morceaux du puzzle trouvent ainsi leur place dans nos têtes avec La traversée du siècle, en suivant les destins de Victoire, Albertine et Thérèse, entourées de personnages tout aussi inoubliables (au premier rang Édouard, la Duchesse de Langeais).

J’ai cassé au beau milieu, après la mort de Victoire, incapable de retenir mes larmes. Trop d’émotions, comme si je prenais conscience que j’assistais à quelque chose de rare, un partage profond et sincère, une catharsis, une compréhension de mon identité, par la seule force de l’écriture de Tremblay. Un tel voyage devrait enlever pour toujours cette peur de disparaître qui tenaille ce peuple depuis si longtemps : Michel Tremblay l’a tout simplement rendu immortel.

La traversée du siècle, en tournée

  • Le 2 septembre 2023, à Espace Libre
  • Le 20 avril 2024, à La Licorne
  • Le 25 mai 2024, au Quat’Sous
  • Le 8 juin 2024, au Rideau Vert
  • Le 15 juin 2024, chez Duceppe
  • Le 29 juin 2024, au Théâtre du Nouveau Monde

La traversée du siècle

Michel Tremblay et Alice Ronfard

Leméac

461 pages

Écoutez la balado Michel Tremblay : La traversée du siècle

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Force est d’admettre que c’est un très bel hommage journalistique qu’elle fait pour Michel Tremblay. J’aime bien entendre parler de nos grands personnages, cela me permet de dire, ou enfin de penser, que nous sommes quand même plus qu’un bout de l’Amérique du nord.

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Musée des beaux-arts de Montréal : quand l’art fait « pop »

Le Musée des beaux-arts de Montréal propose une incursion dans l’univers du pop art.

Les œuvres exposées permettent de découvrir ce mouvement artistique qui a marqué les années 1960 et 1970.

Le reportage de Nabi-Alexandre Chartier

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Arts visuels

La rentrée des galeries et centres d’art

PHOTO FOURNIE PAR ARSENAL ART CONTEMPORAIN

Edward Burtynsky, Tailings Pond #2, Wesselton Diamond Mine, Kimberley, Northern Cape, South Africa, 2018

L’automne s’annonce fécond pour les galeries et les centres d’art, qui multiplient les expositions, dont plusieurs sont associées à l’évènement MOMENTA Biennale de l’image. Voici un aperçu, partiel, de ce qui vous attend pour la rentrée.

Mis à jour hier à 11h00

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Arsenal art contemporain

Ces dernières années, Arsenal a attiré les foules avec ses expositions-projections immersives de grands peintres européens. Espérons qu’une partie de ce public accordera un vote de confiance à l’exposition Edward Burtynsky – Le paysage abstrait, qui commence la semaine prochaine. Parce que la proposition du photographe canadien est aussi rassembleuse, d’un autre point de vue. Burtynsky regarde le monde de haut. Le photographe capture des paysages, souvent industriels, et nous en offre des images dramatiquement belles, inquiétantes. Le centre d’art contemporain propose une trentaine de photos grand format, des expériences interactives, une vidéo. Les attentes sont grandes. Du 7 septembre au 1er octobre.

Stéphanie Bérubé, La Presse

Consultez le site d’Arsenal art contemporain

PHOTO FOURNIE PAR PHI, AVEC LA PERMISSION DE L’ARTISTE ET DE LA GALERIE HUGHES CHARBONNEAU

Moridja Kitenge Banza, Chiromancie #14 n°1 (détail), 2023. Acrylique sur toile.

Phi

Phi entame l’automne sur plusieurs fronts. Commençons par le Centre Phi, qui prolonge ses deux expos en cours : d’abord l’installation en réalité virtuelle Space Explorers : L’Infini, qui recrée l’expérience de la Station spatiale internationale, sera présentée jusqu’au 29 octobre. Idem pour Sexe, désirs et data, une expo immersive qui fait le lien entre notre sexualité et la technologie. De son côté, la Fondation Phi prolonge l’expo de Moridja Kitenge Banza : Habiter l’imaginaire jusqu’au 8 octobre. Mais à partir du 3 novembre, on pourra voir les deux installations de l’artiste argentin Rikrit Tiravanija, des œuvres ludiques où le visiteur sera « invité à participer à l’expérience artistique ». À suivre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de Phi

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Bradley Ertaskiran

L’artiste peintre originaire de Toronto Stephanie Temma Hier – qui vit maintenant à Brooklyn – présente une expo de ses œuvres sculptées. Influencée par la culture pop, Stephanie Temma Hier peint des produits de consommation (fruits, viandes, etc.) ou simplement des scènes du quotidien, qui sont par la suite encadrées par des objets en céramique. Durant la même période, Alexandre Pépin présentera ses fresques inspirées de l’art byzantin et du mouvement Pattern & Decoration pour illustrer « des moments d’intimité queer ». Du 28 septembre au 28 octobre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de Bradley Ertaskiran

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Patel Brown

Patel Brown, qui vient de doubler la superficie de sa galerie montréalaise, accueille l’artiste canadien d’origine afghane Shaheer Zazai, qui a exposé ses œuvres à The Power Plant de Toronto récemment. Dans Allow me to Sow and See the Garden I Become, Shaheer Zazai – qui fait des impressions numériques sur papier aquarelle en se servant de Microsoft Word ! – explore l’idée du jardinage en zone de guerre comme acte de résilience. Pour cette expo, qui fait aussi partie de la programmation de MOMENTA Biennale de l’image, l’artiste collabore avec une fleuriste d’Atelier Bochatay. Jusqu’au 1er octobre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de Patel Brown

PHOTO RACHEL TOPHAM PHOTOGRAPHY

Valérie Blass, Le mime, le modèle et le dupe, 2019. Gesso acrylique, peinture, plâtre, cuivre, sac de croustilles, résine, époxy et fibres de verre.

Fonderie Darling

Ceci n’est pas une métaphore est la nouvelle expo de la sculpteure Valérie Blass, qui continue de brouiller les pistes entre art figuratif et abstrait. Dans cette expo présentée à l’automne, Valérie Blass explore la tension entre « l’objet familier » que l’on reconnaît d’emblée, et « l’irruption d’une anomalie optique ». On parle d’un « parcours à travers les métamorphoses de l’image considérée en tant que peau sculpturale à partir de photographies ». Du 8 septembre au 22 octobre. À voir également : l’exposition de Jeannette Ehlers Play Mas, qui explore les enjeux de la mascarade dans le contexte colonial, à travers la figure de Moko Jumbie.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de la Fonderie Darling

PHOTO GUY L’HEUREUX, FOURNIE PAR SIMON BLAIS

Jean McEwen, Les cages d’îles n o 8, 1974, huile sur toile, 178 x 203 cm

Simon Blais

Plusieurs expos intéressantes à la galerie Simon Blais à l’automne, à commencer par une rétrospective du peintre abstrait Jean McEwen, qui aurait fêté ses 100 ans cette année. Du 13 septembre au 28 octobre, le galeriste présentera un survol de ses 40 ans de travail. Durant la même période, on pourra voir un corpus d’œuvres au pastel de Carol Bernier, qui rendra hommage à sa façon au peintre McEwen, mort à Montréal en 1999. Enfin, ceux qui n’ont pas eu la chance de voir l’expo de Françoise Sullivan (Pastels 1996-2004) peuvent le faire jusqu’au 9 septembre. Une autre expo de Sullivan sera présentée au Musée des beaux-arts de Montréal à partir du 1er novembre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de la galerie Simon Blais

PHOTO CLAUDIA LOPEZ TERROSO, FOURNIE PAR L’UQAM

Soneto de Alimañas, 2022, de Naomi Rincón Gallardo. Vidéo HD, 19 min.

Galerie de L’UQAM

La galerie de l’UQAM présentera cet automne Momenta X, qui réunira les œuvres des artistes Marion Lessard, Émilie Pitoiset et Naomi Rincón Gallardo. L’expo, dont la commissaire est Ji-Yoon Han, est présentée dans le cadre de la MOMENTA Biennale de l’image. Le thème ? « Alors que les individus sont sans cesse fichés, formatés, figés dans du même et de l’identique, comment pouvons-nous mettre en mouvement nos manières de comprendre les identités et les différences ? » Du 7 septembre au 21 octobre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de la galerie de l’UQAM

PHOTO LEONARD & BINA ELLEN

L’artiste sud-coréenne siren eun young jung

Leonard & Bina Ellen

La galerie accueille la première expo solo de l’artiste sud-coréenne siren eun young jung, qui présente des extraits de son projet sur le théâtre traditionnel des femmes (Yeoseong Gukgeuk). Une recherche étalée sur 15 ans où l’artiste explore différentes manières de sortir des normes à travers une série de vidéos et de performances filmées où des actrices au corps vieillissant « se fardent et se racontent, se contemplent dans leurs photographies de jeunesse, rejouent devant la caméra des gestes laissés en dormance, reperforment avec humour leurs techniques du “faire masculin”. » Du 5 septembre au 28 octobre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de Leonard & Bina Ellen

PHOTO FOURNIE PAR LE MAI

Extrait de l’installation multimédia Driving Palestine, de Rehab Nazzal

MAI

Le Montréal arts interculturels (MAI) présente une installation multimédia de l’artiste canadienne (d’origine palestinienne) Rehab Nazzal, Driving Palestine, qui représente « les structures israéliennes de ségrégation, de confinement, de restriction et de surveillance en Cisjordanie occupée ». Les images diffusées ont été captées entre 2010 et 2020 et témoignent tristement de la violence du projet colonial d’Israël. Parallèlement à l’expo, Rehab Nazzal présente aussi un court métrage, Vibrations from Gaza, qui s’intéresse à la manière dont les enfants sourds de Gaza survivent aux attaques militaires. Tout ça se passe du 8 septembre au 21 octobre.

Jean Siag, La Presse

Consultez le site de MAI

PHOTO FOURNIE PAR CACHE

Dans l’ombre de l’artifice, Laurent Lamarche et Ianick Raymond, 2023, impression numérique

Galerie Cache

Le centre d’exposition en arts contemporains Cache présente cet automne l’expo Dans l’ombre de l’artifice, résultat d’une collaboration entre Ianick Raymond et Laurent Lamarche. Les deux artistes présentent des œuvres communes et séparées, des peintures, des photos et des installations vidéo, avec la collaboration de l’écrivain Pierre-Marc Asselin. Du 23 septembre au 15 octobre. À partir du 19 octobre, ce sera au tour de Matthieu Bouchard d’accrocher ses tableaux. Un artiste qui « travaille patiemment à construire et déconstruire formellement son langage pictural », nous dit le peintre et commissaire de chez Cache, Eric Carlos Bertrand.

Jean Siag, La Presse

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PHOTO FOURNIE PAR LA GALERIE HUGUES CHARBONNEAU

Rajni Perera, A Starry-eyed Subspecies (détail), 2022-2023

Galerie Hugues Charbonneau

Cet automne, on se questionnera aussi sur la nature et les traces que nous y laissons, mais d’une tout autre façon, avec le travail de Rajni Perera. L’artiste explore beaucoup le thème des migrations – d’origine sri lankaise, elle s’est installée au Canada – et salue ses origines dans ses œuvres. Phylogeny est une ambitieuse exposition multimédia où elle aborde la taxidermie et le naturalisme, en plus de beaucoup d’autres choses. Intrigant. Jusqu’au 14 octobre.

Stéphanie Bérubé, La Presse

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Québec investit 34,3 millions dans les arts numériques

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe

Le ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a annoncé lundi un investissement de 34,3 millions dans les arts numériques. Une annonce faite en marge du 7e Marché international de la créativité numérique, Hub Montréal, au Palais des congrès de Montréal.

Publié à 12h17

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Jean Siag
Jean Siag La Presse

Le ministre Lacombe a rappelé que l’essor de la créativité numérique était l’une de ses trois priorités, un secteur qu’il considère comme « la culture de l’avenir ». Sa présence à Hub Montréal, une première en sept ans, a servi de rampe de lancement à la stratégie du gouvernement pour les deux prochaines années.

Pour sa phase 1, le gouvernement veut favoriser l’accessibilité d’œuvres numériques dans des espaces publics, encourager l’exportation des entreprises en créativité numérique, mettre en place un programme d’aide aux producteurs d’expériences numériques, élargir le crédit d’impôt pour la production d’évènements et offrir un soutien additionnel pour la réalisation de projets entre les partenaires du milieu, justement comme Hub Montréal, qui reçoit une aide de 350 000 $, Xn Québec, l’incubateur La Piscine, etc.

La part du lion de cet investissement, soit 15,4 millions, sera accordée par appel de projets dans le cadre du programme Appel de projets pour le rayonnement de la culture québécoise.

« Notre premier objectif est de faire vivre la créativité numérique, a indiqué le ministre Lacombe en point de presse. On veut travailler sur la demande, avec les municipalités, les Premières Nations, les Inuits, les musées, les bibliothèques publiques, pour produire des évènements partout au Québec. Concrètement, dans les centres-villes, sur les bâtiments qui donnent du sens à nos communautés, dans les parcs ou sur les artères commerciales. »

Mathieu Lacombe a donné les exemples du circuit historique de Cité Mémoire, dans le Vieux-Montréal, du Vol de l’oiseau mécanique à Charlevoix ou du parcours multimédia Foresta Lumina de Moment Factory, à Coaticook.

Le deuxième objectif du Ministère est de « mieux accompagner les entreprises et les artisans de la créativité numérique », notamment en mobilisant le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et la SODEC, que ce soit pour accompagner les producteurs d’expériences numériques (10 millions leur seront alloués) ou offrir un service-conseil, un programme d’aide financière et des mesures fiscales, dont un crédit d’impôt remboursable pour la production d’évènements ou d’environnements multimédias qui passera de 50 % à 60 %.

Enfin, le troisième objectif du gouvernement est de renforcer l’écosystème de la création numérique. « Il faut travailler avec le ministère de l’Économie et de l’Innovation pour avoir accès à des moyens encore plus importants. » Une somme de 1,2 million sera investie pour financer ces projets de « maillage ».

Également présent au coup d’envoi de Hub Montréal, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, en a d’ailleurs profité pour annoncer une aide directe de 3 millions à la Société des arts technologiques de Montréal (SAT).

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Françoise Sullivan, un «trésor national vivant» à l’affiche du MBAM


Valérian Mazataud, Le Devoir
Vue de l’exposition de Francoise Sullivan «Je laissais les rythmes affluer» au Musée des Beaux-Arts de Montreal.

Marco Fortier
31 octobre 2023
Arts visuels

Le phénomène nommé Françoise Sullivan prend l’affiche au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). À 100 ans, parmi lesquelles 80 ans de carrière, ce « trésor national vivant » fait l’objet d’une exposition qui comprend des oeuvres récentes d’une pertinence indéniable, reflets de notre époque trouble et tourmentée.

À la fois frêle et vive, d’une élégance et d’un aplomb qui imposent le respect, cette pionnière de l’art contemporain est venue présenter lundi matin les oeuvres inédites et plus anciennes qui forment cette exposition événement.

À 100 ans et des poussières, Françoise Sullivan peint encore presque tous les jours. Elle a produit au cours des derniers mois des toiles inspirées par son désarroi face au climat déréglé. L’exposition, intitulée Je laissais les rythmes affluer, intègre aussi de grands pastels des années 1990, une imposante sculpture en aluminium et d’autres oeuvres des huit dernières décennies.

Ses tableaux récents ont été notamment inspirés par « l’été vraiment incroyable que nous avons eu, avec la pluie, la tempête, le soleil, encore la pluie et les nuages qui revenaient ». « Pour moi, c’était impossible de ne pas aborder ce qui se passait dans le monde. […] C’est assez grave, ce qui se passe », a raconté Mme Sullivan dans l’une des salles d’exposition qui lui sont consacrées.

Une enfant du siècle

Cette artiste totale, signataire de Refus global, cofondatrice de l’automatisme et précurseure de la danse moderne dans les années 1940, est un « trésor national vivant », a lancé Stéphane Aquin, directeur général du MBAM.

Bien avant Céline Dion et le Cirque du Soleil, Françoise Sullivan a été une grande ambassadrice de la culture québécoise, avec des expositions dans les grandes galeries et les musées du Canada, des États-Unis et de l’Europe. Les superlatifs fusaient d’ailleurs de toutes parts, lundi, pour décrire le parcours « phénoménal » de cette femme qui a été témoin des grandeurs et des misères du dernier siècle.

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Photo: Valérian Mazataud,Le Devoir
L’artiste multidisciplinaire Françoise Sullivan lundi lors du vernissage de l’exposition qui lui est consacrée, devant une de ses oeuvres, sans titre, créée en 1999.

Née tout juste après la Première Guerre mondiale, Françoise Sullivan a fait ses premiers pas artistiques pendant la Seconde. Elle a vu naître et mourir l’Empire soviétique. Elle a dénoncé la grande noirceur et a participé à l’essor du Québec moderne. « Elle a saisi les préoccupations de son époque et les a traduites de manière exemplaire », estime Stéphane Aquin.

L’artiste centenaire s’exprime de façon claire, par des phrases courtes et sans flafla. Dans la salle d’exposition où l’écho amplifie le moindre bruit, Françoise Sullivan entend mal certaines questions. Quand elle devine qu’on la couvre de louanges, elle réfléchit un moment et répond par un mot : « Merci. » Avec le sourire. Et l’oeil allumé.

Artiste en mouvement

Florence-Agathe Dubé-Moreau, commissaire invitée de l’exposition, souligne la « vitalité » de cette artiste centenaire. « Il y a une présence très forte du geste, du mouvement et de la chorégraphie dans ses tableaux. »

Il y a une présence très forte du geste, du mouvement et de la chorégraphie dans ses tableaux

— Florence-Agathe Dubé-Moreau

L’oeuvre de Sullivan est un « trait d’union entre la danse et la peinture », selon la commissaire. Le titre de l’exposition Je laissais les rythmes affluer réfère à la célèbre chorégraphie Danse dans la neige, livrée en 1948 au pied du mont Saint-Hilaire, filmée par Jean Paul Riopelle (cet autre géant, né en 1923 et mort en 2002) et photographiée par Maurice Perron.

« Sa peinture s’apparente à une improvisation dansée ou automatiste par laquelle sont libérées les énergies de l’inconscient et où la couleur se change en émotion », écrit d’ailleurs Mme Dubé-Moreau en marge de l’exposition.


Photo: Jean-François Brière, MBAM
Françoise Sullivan, Maison pour des triangles, 1960.

L’annonciateur des lunes, de 2022, incarne cette couleur émotion. Les lignes rouges sur fond vert évoquent un électroencéphalogramme porteur de mauvaises nouvelles. On y sent la succession des âges (2023) suggère la fragilité, comme la radiographie d’un os brisé.

Les titres de ses oeuvres récentes paraissent en eux-mêmes une forme de poésie — inspirée de Flaubert, précise Françoise Sullivan. L’artiste est arrivée avec la liste des tableaux et l’ordre dans lequel elle souhaitait les voir alignés. C’est ainsi que le public découvrira Sous les vapeurs d’un volcan, un souffle flottait, Tes éclairs m’éblouissent, Tu glisses dans les espaces, Tu frôles la cime des monts, luisante et ronde, Déesse, où donc vas-tu ? et bien d’autres surprises.

Je laissais les rythmes affluer

De Françoise Sullivan. Commissariée par Stéphane Aquin et Florence-Agathe Dubé-Moreau. Au Musée des beaux-arts de Montréal, du 1er novembre 2023 au 18 février 2024.

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À l’Arsenal art contemporain

Notre-Dame de Paris : plongée dans l’histoire de la cathédrale

Arsenal art contemporain propose une nouvelle exposition pour redécouvrir la cathédrale Notre-Dame de Paris.

C’est l’occasion de plonger dans son histoire et sa reconstruction après l’incendie, tout ça grâce à la réalité augmentée.

Le reportage de Nabi-Alexandre Chartier

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Triste nouvelle, les Cowboys Fringants viennent d’annoncer le décès de Karl Tremblay

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Il aura interprêté ce que je considère être la chanson québécoise. Peut-être pas la meilleure absolue du répertoire québécois, mais si je dois choisir une seule chanson pour représenter la musique d’ici, c’est Les étoiles filantes que je choisis.

C’est une bien triste nouvelle et une grande perte pour le Québec.

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C’est vraiment un gros morceau qui part aujourd’hui. Les Cowboys Fringuants sont vraiment un des, sinon LE groupe le plus important du 21è siècle au Québec.

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Ce qui est intéressant avec ce groupe c’est que chaque chansons pouvait surpasser le succès précédent. D’année en année le groups s’améliorait sans perdre la spécificité qui le caractérise. C’est assez formidable d’avoir eu ce groupe qui a dominé la scène musicale dans les années 2000 et 2010. Tout comme les Co-Locs ont façonnés les années 90.

Ce chanteur, dans sa simplicité et sa modestie, a réussi un tour de force incroyable, soit de donner une nouvelle force à la musique québécoise avec un savoureux mélange de rock, pop, folk et trad.

Sans hésiter je seconde cette affirmation mais…mais j’ajoute qu’il fut aussi l’un des meilleurs groupes non seulement au Québec mais au delà. Et oui, je n’ai pas peur de dire qu’avec ce groupe nous n’avons rien à envier à ce qui se fait ailleurs. Et c’est aussi en cela que la tristesse est d’autant plus grande. C’est comme perdre un Guy Lafleur ou un Michel Coté !

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absolument. d’ailleurs je ne serais pas surpris que des hommages dans la toponymie surviennent d’ici peu

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Karl Tremblay (1976-2023) Legault propose des funérailles nationales

« C’est tout le Québec qui pleure aujourd’hui, a affirmé le premier ministre Legault. Je sens qu’il y a beaucoup de Québécois qui voudraient lui rendre hommage et c’est pour ça que le gouvernement du Québec est prêt, si la famille est d’accord, à faire des funérailles nationales. Je veux que tous les Québécois qui veulent lui rendre hommage puissent le faire. »

Publié à 11h15 Mis à jour à 11h40

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Jean Siag
Jean Siag La Presse

« Le décès de Karl Tremblay a causé un choc énorme au Québec et depuis hier, je sens une vague immense d’amour et de tristesse, j’ai rarement vu ça ici au Québec, a commencé par dire François Legault sur un ton solennel. Il y a de la tristesse, mais aussi de la beauté. Parce que Karl était capable de rassembler des foules, de montrer des émotions avec beaucoup de force. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le premier ministre François Legault a annoncé que des démarches avaient débuté pour offrir à Karl Tremblay des funérailles nationales, si son entourage le permet.

Le premier ministre a ajouté que les Cowboys Fringants avaient composé certaines des « plus belles chansons de l’histoire ».

« Je pense aux Étoiles filantes, et évidemment, avec son décès, on comprend que le temps passe comme une étoile filante, mais aussi Toune d’automne, j’en parle et j’ai des frissons… “Comment vas-tu ma petite sœur, as-tu retrouvé le bonheur, je suis content que tu reviennes, as-tu trouvé le bonheur ?” Y as-tu quelque chose de plus beau que ça ? »

Le premier ministre Legault, qui est aussi député de L’Assomption où vit la conjointe de Karl Tremblay (et membre des Cowboys), Marie-Annick Lépine, ainsi que leurs deux enfants, a indiqué vouloir poursuivre les discussions sur les projets « en environnement » dont il avait discuté avec Karl Tremblay et trouver le moyen de lui rendre hommage à Repentigny. « On va regarder ce qu’on est capable de faire. »

Questionné sur son plus beau souvenir des Cowboys Fringants, le premier ministre Legault a évoqué une remise de médailles à l’Assemblée nationale.

« Je ne suis pas toujours présent lors des remises de médailles, a-t-il indiqué, mais au mois de mai dernier, on savait que Karl était malade, donc j’ai fait déplacer tout ce que j’avais dans mon agenda pour lui rendre hommage. Dans la salle, sans ce que ce soit prévu, les gens se sont mis à chanter Les étoiles filantes, et on a senti une vague d’amour un support incroyable. On souhaitait qu’il passe à travers… »

Le premier ministre a aussi souligné la capacité du groupe de réunir plusieurs générations. « On connaît leurs chansons par cœur, elles vont continuer à nous trotter dans la tête et à nous faire réfléchir. Il y a beaucoup de tendresse et d’engagement, de nationalisme québécois dans leurs chansons. Donc je pense qu’on ne les oubliera jamais. »

Rassemblements un peu partout au Québec

De nombreux amateurs des Cowboys Fringants ont l’intention de se rassembler jeudi soir à travers le Québec pour rendre hommage à Karl Tremblay, « l’âme de toute une génération et d’un peuple ».

Sur le coup de 19 h, un rassemblement est prévu sur les plaines d’Abraham, à Québec, « pour honorer la mémoire d’un poète moderne, d’un conteur de nos vies ». C’est sur ces mêmes plaines que le groupe a donné un concert mémorable, l’été dernier, devant 90 000 festivaliers du Festival d’été de Québec, alors que le chanteur défiait par tous les moyens la maladie pour offrir un spectacle impeccable.

Au même moment, dans la métropole, des Montréalais prévoient de se réunir au parc Jeanne-Mance, afin de célébrer la vie de Karl Tremblay.

Les organisateurs des deux évènements, qui ont pris naissance sur les réseaux sociaux, espèrent que les veillées se dérouleront dans une ambiance « festive et amicale » à laquelle « seuls les Cowboys ont toujours su nous convier ».

En ce sens, ils invitent les participants à amener avec eux « vos instruments de musique, votre joie de vivre et votre envie de fêter l’un de nos grands ».

« Rejoignez-nous pour un instant de recueillement où les étoiles illumineront notre chemin et où chaque mélodie rappellera les instants précieux que nous avons partagés grâce à Karl et aux Cowboys Fringants. Les étoiles filent, mais jamais elles ne s’éteignent vraiment », peut-on lire dans la description de l’évènement qui a été créé sur Facebook sur l’occasion.

Ces évènements ne seront que deux des nombreux hommages auxquels on doit s’attendre afin de saluer la vie et la carrière du chanteur d’un des groupes musicaux les plus influents de l’histoire du Québec.

Les drapeaux seront mis en berne à plusieurs endroits en signe de respect, notamment à Québec, Montréal et Repentigny, ville d’origine des Cowboys Fringants.

Après une bataille de plusieurs années contre un cancer de la prostate, Karl Tremblay s’est éteint mercredi à l’âge de 47 ans.

Avec La Presse Canadienne

Lisez notre dossier sur le décès du chanteur

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J’ai toujours ça étrange que des gens puissent pleurer une personne qu’ils ne connaissent pas. Mais là je comprend. Personnellement je ne me souviens pas par d’avoir été autant ému du départ d’un artiste comme ça.

C’est vraiment un gros coup pour mes repères culturels. Toutes les chansons des Cowboys me renvoient directement à mon époque au CÉGEP, ma jeunesse, la naissance de mes enfants.

À voir les éloges et l’émotion réelle des gens sur la rue, les artistes et les politiciens, pour moi c’est clair que des funérailles nationales sont de mise.

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La place publique de l’Assomption sera renommée Place Karl Tremblay

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Je vois que Legault veut vraiment capitaliser au max la mort de Karl Tremblay.

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