Le directeur général du Musée des beaux-arts de Montréal, Stéphane Aquin
Le directeur général du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), Stéphane Aquin, nommé en 2020 en pleine pandémie à la suite du congédiement de Nathalie Bondil, vient d’accepter un nouveau mandat de trois ans. Il aura la tâche de mettre en place le premier plan stratégique de l’institution muséale.
Création d’un nouvel espace consacré à l’art québécois et canadien dans le pavillon Claire et Marc Bourgie ; redéploiement de la collection d’art inuit dans le pavillon historique Hornstein ; aménagement de la nouvelle collection d’art décoratif et de design dans le futur pavillon Liliane et David M. Stewart ; transformation de l’aire d’accueil des visiteurs dans le pavillon Jean-Noël Desmarais ; réaménagement de l’avenue du Musée en jardin urbain ; ouverture d’un café…
Voilà quelques-uns des projets qui seront menés par le MBAM dans les prochains mois de manière à ce que l’institution soit parfaitement « adaptée à la réalité du XXIe siècle », a indiqué Stéphane Aquin, qui continuera de faire équipe avec la directrice de la conservation, Mary-Dailey Desmarais, et avec le directeur général adjoint, Yves Théoret.
« Notre but est de transformer le musée pièce par pièce de manière à ce que, cumulativement, quelqu’un qui ne serait pas venu au musée depuis dix ans ne s’y reconnaisse pas ! », a lancé Stéphane Aquin, qui souhaite « faire avec l’existant » et encore « promouvoir l’accessibilité » comme jamais auparavant.
Pour réaliser son plan stratégique, le MBAM mène une campagne de financement qui vise à amasser une somme de 100 millions de dollars sur cinq ans. Selon Jo-Anne Duchesne, directrice générale de la Fondation, le musée aurait déjà atteint 80 % de cet objectif. La répartition se fera de la manière suivante : 64 % des fonds seront investis dans la collection et la programmation ; 15 % iront dans les programmes d’éducation comme « Le musée en partage » ou « La ruche d’art », et 21 % seront consacrés à des projets spéciaux.
« La pandémie a accéléré une prise de conscience de ce qui fera le XXIe siècle : les phénomènes migratoires dus aux conflits, les préoccupations de justice sociale, la démographie changeante, avec le vieillissement de la génération des baby-boomers, l’importance grandissante de la diversité socioculturelle de Montréal… Les transformations que l’on veut faire visent à adapter le musée à ces changements pour en faire un lieu de vie et d’échanges », a indiqué le directeur général du MBAM.
Un musée « accueillant, accessible et ouvert »
Stéphane Aquin, qui était le conservateur en chef du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington jusqu’à sa nomination en 2020, avait laissé entendre que son passage à la tête du MBAM était temporaire. Dans une entrevue avec La Presse, il avait d’ailleurs affirmé : « Je suis là pour faire passer le musée à la prochaine génération. Mon mandat est un passage de témoin. Le Musée des beaux-arts est une invention du XIXe siècle. Il faut accélérer le passage vers le XXIe siècle et laisser une autre génération s’en occuper. »
Comment explique-t-il la prolongation de son mandat ? « En toute honnêteté, quand je suis rentré, je me disais que quelques années devraient suffire à accomplir le travail : l’assainissement du climat de travail, la mise en place d’un cadre de gouvernance, la mise en valeur de la collection, mais tout ça prend toujours plus de temps qu’on pense et, avec le dépôt du plan stratégique, le conseil d’administration m’a proposé de rester pour sa réalisation. »
Stéphane Aquin, dont l’objectif principal en arrivant était aussi de « renouer avec le personnel », estime avoir rempli sa mission.
« En toute humilité, les relations avec les 250 employés sont très bonnes. Ce sont des collègues extrêmement talentueux. Le fait de remettre en place des processus, de rescinder les postes de directeur général et de directeur de la conservation, qu’on n’aurait jamais dû fusionner, et de renouveler le conseil d’administration [présidé par André Dufour], qui est maintenant constitué de 14 personnes, tout ça a aidé », nous confie le directeur général.
Autre nouvelle annoncée lundi : la sculpture en verre soufflé de Dale Chihuly, Le soleil, qui était exposée à l’extérieur du pavillon historique du MBAM depuis 2003 avant d’être retirée en 2020, sera réinstallée à l’intérieur du musée, au centre du futur pavillon voué à l’art décoratif et de design. Une décision justifiée par les intempéries qui ont fini par endommager les vrilles de l’œuvre. La restauration de celle-ci nécessitera un investissement de 200 000 $.
« On veut que le musée soit accueillant, accessible et ouvert, conclut Stéphane Aquin. Je pense que l’ensemble des projets de transformation que nous allons mettre en place vont justement nous permettre de réaliser ces objectifs. »
Histoire de l’art québécois et canadien
Le MBAM a l’intention d’exposer quelques-unes des 17 000 œuvres de sa collection d’art québécois et canadien au niveau 4 du pavillon Claire et Marc Bourgie, là où se trouve actuellement la collection d’art inuit. L’objectif du musée est d’y organiser des expositions temporaires au moins une fois par année, a précisé la directrice de la conservation, Mary-Dailey Desmarais. « Nous voulons inviter des commissaires et des artistes d’ici pour mener des projets québécois et canadiens. » Quant à la collection d’art inuit, qui compte environ 900 œuvres créées par quelque 300 artistes, elle sera exposée (en partie) dans le pavillon historique Hornstein – actuellement en rénovation. L’espace, qui sera deux fois plus grand que dans son état actuel, sera ouvert l’an prochain grâce au travail de la commissaire et artiste visuelle asinnajaq.
Je suis très ravi que ca bouge un peu au MBAM. Je le croyais endormi et cela me fait toujours peur car un musée doit constamment innover et se réinventer. Cela étant dit, le MBAM est tout de même un musée ‘‘classique’’ donc je le préfère plus conservateur.
J’aime bien que l’on réaménage les pavillons afin de dégager de l’espace mais j’aurais aimé un nouveau pavillon, comme l’achat du bâtiment coté est coin Sherbrooke et Crescent ou les immeubles vacants sur Crescent qui sont adossés au musée. D’ailleurs j’ai cru lire, il y a quelques années, qu’ils faisaient parti du musée, mais depuis ce temps, rien.
La bibliothèque Saint-Charles, dans Pointe-Saint-Charles
À partir du 1er janvier prochain, les usagers des 45 bibliothèques publiques de Montréal pourront être expulsés et mis à l’amende si leur hygiène est jugée déficiente, a appris La Presse. La nouvelle disposition indigne des regroupements d’aide aux personnes itinérantes de Montréal, dont le RAPSIM, qui y voit une « dérive très inquiétante » des institutions publiques de la métropole.
« C’est outrageant ! », lance d’emblée Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM). « C’est une tendance, dans beaucoup de lieux publics – donc payés avec nos fonds –, de dire que ce n’est pas leur rôle d’accueillir les personnes en situation d’itinérance. C’est extrêmement choquant et alarmant. »
La mesure controversée fait partie d’un nouveau projet de règlement relatif aux bibliothèques que les arrondissements déposent ou adoptent tour à tour ces jours-ci. Il sera désormais interdit « d’avoir une hygiène corporelle qui incommode les autres usagers ou le personnel ».
Les fautifs seront passibles d’expulsion et d’une amende de 350 $ à 1000 $ lors d’une première infraction. En cas de récidive, les sanctions prévoient un bannissement d’un mois et une facture de 3000 $.
La bibliothèque Saint-Henri, dans l’arrondissement du Sud-Ouest, dont le conseil d’arrondissement a donné le feu vert à la nouvelle disposition sur l’hygiène dans les bibliothèques
Huit conseils d’arrondissement, dont ceux d’Anjou, du Sud-Ouest et de Ville-Marie – dont Valérie Plante est la mairesse –, ont donné leur feu vert. Neuf autres doivent le faire d’ici la mi-décembre, tandis que les deux derniers arrondissements déposeront une motion prochainement.
À la suite des questions de La Presse, l’administration Plante a affirmé qu’elle comptait modifier la formulation de la nouvelle disposition sur l’hygiène, qui « ne reflète absolument pas [sa] volonté d’inclusion dans les espaces publics de la ville ».
Pourtant, Mme Plante, en tant que mairesse de Ville-Marie, est membre du conseil de cet arrondissement. Celui-ci a adopté le règlement litigieux le 7 novembre dernier.
Une question « arbitraire »
Pour Annie Savage, directrice du RAPSIM, la question de l’hygiène corporelle est « extrêmement arbitraire ».
« Je ne vois pas comment le personnel des bibliothèques va être en mesure d’appliquer ce règlement-là sans qu’il y ait des débordements et de l’abus », souligne la directrice.
C’est sûr qu’on rentre dans une zone extrêmement propice à la stigmatisation des personnes les plus marginalisées.
Annie Savage, directrice du RAPSIM
Une vision partagée par Céline Bellot, directrice de l’Observatoire des profilages de l’Université de Montréal. « Qui a le pouvoir de décider qui sent bon et qui ne sent pas bon ? C’est choquant parce que c’est une répression de l’accès à l’espace public, juge-t-elle. On s’appuie sur des stéréotypes pour mener à une pénalisation des personnes. »
À la Ville, on dit vouloir fournir « un guide d’accompagnement aux gestionnaires, leur permettant d’appliquer en tout temps la réglementation de façon humaine, sensible et respectueuse ».
La bibliothèque Réjean-Ducharme, dans l’arrondissement du Sud-Ouest
« Les bibliothèques de Montréal, comme tous les lieux publics de la métropole, se veulent des lieux inclusifs, sécuritaires et accueillants pour tout le monde », assure par écrit Catherine Cadotte, attachée de presse principale du cabinet de la mairesse.
« Néanmoins, nous reconnaissons que plusieurs situations délicates et complexes vécues par le personnel des bibliothèques nécessitent d’être mieux encadrées. »
Un règlement dit « nécessaire »
Dans une justification utilisée par plusieurs arrondissements avant le vote, le nouveau règlement est considéré comme « nécessaire afin d’éviter des situations délicates avec les usagers des bibliothèques ».
Dans leur présentation du projet de règlement, les conseils d’arrondissement ont soutenu que celui-ci respectait les politiques de la Ville.
« Ce dossier contribue à l’atteinte des résultats de Montréal 2030, soit d’offrir à la population montréalaise des milieux de vie sécuritaires et de qualité. »
Or, ce même plan stratégique précise aussi que la Ville doit « favoriser le lien social et assurer la pérennité du milieu communautaire et des services et infrastructures inclusifs répartis équitablement sur le territoire ».
Sans compter que dans son Plan d’action solidarité, équité et inclusion 2021-2025, la Ville de Montréal s’engage à offrir « un accès à des services de qualité et de proximité sans égard [au] statut ou [aux] conditions [des citoyens] ».
Un lieu de socialisation
Un premier code de conduite commun a été entériné par les bibliothèques publiques du réseau montréalais il y a 10 ans. Les conseils d’arrondissement expliquent « que les comportements des usagers des bibliothèques évoluent au fil des ans et que le personnel des bibliothèques doit faire face à des situations qui n’ont pas été prévues dans le règlement entériné en 2014 ».
Dans les dernières années, les bibliothèques se sont détournées du seul prêt de livres pour devenir des lieux de socialisation et de développement communautaire. Les personnes en situation d’itinérance sont nombreuses à converger dans ces refuges publics en quête de chaleur, de sécurité ou d’un accès à l’internet.
En septembre, l’Association des bibliothèques publiques du Québec a déposé un mémoire invitant à favoriser l’embauche d’intervenants sociaux dans les bibliothèques pour faire face à ces nouveaux défis. La bibliothèque de Drummondville a été la première à implanter ce nouveau modèle au Québec.
Au Mouvement pour mettre fin à l’itinérance, on estime que « le fait d’exclure [une personne marginalisée] n’est jamais une solution constructive ».
« Même si tout le monde remet le problème au suivant, ces personnes ne disparaîtront pas », souligne Julie Grenier, porte-parole du Mouvement.
On a une responsabilité collective, parce qu’on est face à des problématiques collectives qui font en sorte qu’autant de gens sont dans cette situation de vulnérabilité.
Julie Grenier, porte-parole du Mouvement pour mettre fin à l’itinérance
Pas qu’une question d’hygiène
Outre la question de l’hygiène, le fléau des punaises de lit fait aussi l’objet d’un paragraphe dans la nouvelle mouture du règlement. Il sera désormais prohibé « de fréquenter les bibliothèques ou de participer à une activité organisée par ces dernières en ayant des punaises de lit sur soi ou sur les objets en sa possession ou lorsqu’une infestation de punaises de lit est active dans son lieu de résidence ».
En 2018, des sections de la Grande Bibliothèque – qui ne fait pas partie du réseau des Bibliothèques de Montréal – avaient été fermées en raison d’une infestation d’insectes piqueurs dans des centaines de fauteuils. Plutôt que de légiférer, la direction avait choisi d’installer des sièges antiparasitaires et d’intensifier ses traitements préventifs.
En fait, dès 2015, la Grande Bibliothèque a embauché une personne responsable de favoriser la cohabitation entre tous ses usagers, y compris les plus vulnérables. Les gardiens de sécurité ont notamment été formés pour interagir avec les personnes itinérantes, rapportions-nous récemment dans un article.
L’initiative d’actualisation du règlement relatif aux bibliothèques de Montréal découle de la Table des chefs de section des bibliothèques. Les recommandations ont ensuite été soumises aux directeurs culture, sports, loisirs et développement social des 19 arrondissements, puis à l’approbation des conseils.
Chaque bibliothèque du réseau doit assurer l’application du règlement « afin d’éviter qu’un usager qui contrevient à l’une ou l’autre des règles de conduite dans une bibliothèque puisse se déplacer et continuer à contrevenir aux règles de conduite dans d’autres bibliothèques du réseau », explique-t-on dans les procès-verbaux de plusieurs conseils d’arrondissement.
Mis à part les enjeux d’hygiène, des modifications mineures ont été apportées au code de conduite. Si l’ancien règlement prohibait déjà toute forme de harcèlement, la nouvelle mouture ajoute par exemple l’interdiction d’exercer toute forme « d’intimidation ou de menace envers les autres usagers ou le personnel de la bibliothèque ».
Des règlements ailleurs au Québec
Il est à noter que les codes de conduite de nombreuses bibliothèques partout au Québec encadrent l’hygiène des usagers. La bibliothèque publique de Westmount note dans son code de conduite que « les personnes dont l’hygiène corporelle fait l’objet de plaintes seront invitées à quitter les lieux ». « Ayez une tenue vestimentaire convenable et une hygiène corporelle qui n’incommode pas les autres personnes », demande le Code de responsabilités de l’usager de la Bibliothèque de Québec. Dans les bibliothèques publiques de Laval, un règlement interdit aux usagers d’« avoir une hygiène corporelle qui incommode les usagers ou le personnel de la bibliothèque ». En matière de « respect d’autrui », le code de conduite de la Grande Bibliothèque énonce que « tout usager s’engage à avoir une tenue vestimentaire et une hygiène adéquates ». Toutefois, contrairement aux autorités montréalaises, ces Villes ne prévoient pas de sanctions pénales en cas d’infraction.
D’autres initiatives visant à exclure des personnes itinérantes
Constables spéciaux patrouillant dans le métro de Montréal
La Société de transport de Montréal (STM) a annoncé l’ajout de 20 nouveaux constables spéciaux et de 8 intervenants sociaux cet hiver dans le réseau de métro. La mesure vise à « maintenir un sentiment de sécurité chez tous les utilisateurs du métro », a expliqué Jocelyn Latulippe, directeur Sûreté et sécurité incendie pour la STM, sur les ondes de Radio-Canada mardi. « Le métro de Montréal n’est pas un refuge », a-t-il aussi précisé. Pour Annie Savage du RAPSIM, la STM s’est dotée des mécanismes qui vont lui permettre de déplacer les personnes vulnérables tout l’hiver, quitte à ce qu’elles se retrouvent dehors. « On peut se demander si les personnes en situation d’itinérance ont encore leur place dans l’espace public », observe-t-elle.
Depuis le printemps dernier, des cartes étudiantes magnétiques sont nécessaires pour accéder à certaines toilettes de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), située en plein cœur du centre-ville. Dans les pages du journal étudiant Montréal Campus, plusieurs associations étudiantes ont jugé la mesure anti-itinérants. Cependant, depuis l’installation des lecteurs, le nombre d’interventions des équipes d’entretien de plomberie liées à « des incidents et des dégâts » a chuté de 30 %, indiquait Jenny Desrochers, directrice des relations de presse de l’UQAM, dans le même article. « En plein centre-ville, l’UQAM est censée être un pôle de démocratie, c’est extrêmement alarmant », dénonce Mme Savage.
Panneaux de contreplaqué installés par la STM pour bloquer l’accès aux bancs du métro Bonaventure, en février 2021
En février 2021, au milieu de l’hiver, des panneaux de contreplaqué ont été installés par la STM pour bloquer l’accès aux bancs qui servaient aux itinérants, rapportait alors La Presse. La STM avait assuré que la mesure avait été adoptée en contexte pandémique, « pour améliorer la fluidité dans ce corridor et contribuer au respect d’une distanciation physique adéquate, en respect des consignes sanitaires en vigueur », avait indiqué Philippe Déry, conseiller en relations publiques de la STM.
Ce n’est pas la première fois que la Ville de Montréal impose des restrictions critiquées dans l’espace public visant les personnes itinérantes. En 2008, les 15 derniers parcs de Ville-Marie ouverts la nuit, dont les parcs Émilie-Gamelin et Viger, avaient cessé d’être accessibles une fois la nuit tombée. La mesure avait été considérée comme « une violation du droit à l’accès, sans discrimination, au domaine public [qui] porte atteinte au droit des personnes itinérantes à la dignité et à la liberté », selon un rapport de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse de 2009.
Je doute quant à l’utilité des amendes, mais entièrement d’accord avec l’expulsion.
Pour que quelqu’un fasse une plainte quant à l’odeur corporelle, c’est que ça doit être extrêmement dérangeant.
Nous modifierons la formulation de la nouvelle disposition au règlement des bibliothèques pour qu’elle reflète notre volonté d’inclusion dans tous les espaces de la Ville. En aucun cas, la discrimination n’a sa place à Montréal.
Il faut cependant reconnaître que le personnel des bibliothèques vit des situations délicates et complexes, qui nécessitent d’être mieux encadrées. Nous fournirons un guide d’accompagnement aux gestionnaires qui leur permettra d’appliquer en tout temps la réglementation ajustée de façon humaine, sensible et respectueuse.
Les bibliothèques de Montréal, comme tous les lieux publics de la métropole, seront toujours des lieux inclusifs, sécuritaires et accueillants pour tout le monde.
La scène du bar montréalais et salle de concert Turbo Haüs
(Montréal) Des propriétaires de clubs montréalais demandent à la Ville de mettre à jour les règlements sur le bruit et les règles d’aménagement afin de mieux protéger ses petites salles de concert.
Publié à 9h42
La Presse Canadienne
Ces destinations nocturnes populaires se sont retrouvées ces dernières années de plus en plus entourées de nouvelles constructions résidentielles qui, selon certains propriétaires de clubs, les exposent à un risque accru de plaintes pour bruit et d’amendes coûteuses.
Jon Weisz, directeur d’une association de salles de concert indépendantes au Québec, affirme que les plaintes liées au bruit menacent l’existence même de certains établissements.
Il soutient que les règlements sur le bruit à Montréal sont généralement trop subjectifs et accordent trop de crédit aux plaintes.
Lui et d’autres souhaitent également que Montréal oblige les promoteurs à s’adapter aux conditions sonores existantes du quartier en intégrant des éléments d’atténuation du bruit dans la conception et la construction des bâtiments.
Sergio Da Silva, copropriétaire du bar montréalais et salle de concert Turbo Haüs, se dit favorable au développement à usage mixte dans son quartier, mais la ville doit faire davantage pour garantir que les résidents et les clubs puissent coexister harmonieusement.
Il y a une question existentielle à laquelle je n’ai jamais eu de réponse.
Publié à 3h38 Mis à jour à 6h00
Comment peut-on déménager à quelques mètres d’une salle de spectacles ou d’un bar bruyant, en toute connaissance de cause, et espérer un silence aussi absolu que dans une tanière au milieu d’une forêt ?
La réponse relève de l’évidence : c’est impossible.
Ou l’est-ce vraiment ?
J’ai parlé à plusieurs gros noms du nightlife montréalais ces derniers jours, et leur découragement est unanime. La tendance des dernières années favorise nettement les voisins plaignards, souvent même un seul, qui invoquent la réglementation municipale pour entraver leurs activités.
La guerre au bruit est lancée dans plusieurs quartiers traditionnellement animés, et c’est surtout l’individualisme extrême qui triomphe jusqu’ici.
Le cas de la Société des arts technologiques (SAT) est assez révélateur à cet égard.
Pour ceux qui ne la connaissent pas, il s’agit d’une salle multidisciplinaire située sur le boulevard Saint-Laurent, à quelques pas de la rue Sainte-Catherine. En plein cœur du « Red Light », l’un des points chauds des nuits montréalaises depuis plus d’un siècle.
On n’est pas à Saint-Lambert, ici. Ça brasse.
La SAT, donc, a ouvert ses portes en 1996 et tenu au fil des ans des centaines de soirées, qui ont contribué à la réputation de Montréal sur la scène internationale de la musique électronique. C’est aussi un haut lieu de création et de diffusion culturelle, entre autres grâce au dôme « immersif » qui surplombe l’immeuble.
Pas ennuyeux, pour y avoir passé plusieurs soirées mémorables dans mes jeunes années.
C’était incontournable : les condos ont poussé comme des champignons autour de la SAT. Un nouveau voisin, qui a emménagé dans un appartement situé à quelques mètres du fameux « dôme », déteste le bruit.
Il a multiplié les plaintes, ce qui a entraîné plusieurs visites des policiers. Puis un constat d’infraction de 1500 $. Puis la menace d’autres amendes plus salées. Et une interdiction pour la SAT de prolonger ses heures de vente d’alcool dans le cadre du dernier festival MUTEK, pour une seule soirée, en raison de cette vilaine tache à son dossier.
Jenny Thibault, directrice générale de la Société des arts technologiques (SAT)
Bref, un paquet de troubles à cause d’un voisin « quérulent », m’a résumé Jenny Thibault, directrice générale de la SAT.
Elle s’est rendue jusqu’en Cour pour contester la contravention, sans parler des 10 000 $ investis jusqu’ici pour embaucher un acousticien, bonifier l’insonorisation et acheter de nouveaux appareils sonores pour réduire les fréquences basses provenant du système sonore de la SAT.
Ça nous a fait perdre des revenus, causé beaucoup de préjudices, et on a engagé beaucoup de frais.
Jenny Thibault, directrice générale de la SAT
L’issue reste incertaine : c’est « David contre Goliath » dans ce dossier, dit-elle en soupirant.
Les Montréalais qui se plaignent du bruit peuvent se reposer sur une réglementation qui leur est largement favorable. En vertu d’un article controversé, « le bruit produit au moyen d’appareils sonores, qu’ils soient situés à l’intérieur d’un bâtiment ou qu’ils soient installés ou utilisés à l’extérieur », est strictement prohibé.
Ce qui est bien entendu une mission impossible.
Les propriétaires du resto-bar Grenade, rue Ontario, tout près du pont Jacques-Cartier, l’ont appris à la dure cet automne. Un voisin a multiplié les plaintes contre leur commerce ouvert depuis 10 ans, ce qui s’est traduit par plusieurs visites d’inspecteur et une contravention.
Le constat d’infraction de 1500 $, que j’ai pu voir, fait état d’un bruit « audible depuis l’extérieur ». Même s’il a installé des rideaux insonorisant, réduit le volume des haut-parleurs et coupé toute musique sur la terrasse, le copropriétaire Charles Méthot redoute la suite des choses.
Charles Méthot et Mathieu Boudrias, copropriétaires du resto-bar Grenade
« Il y a eu des bars depuis des décennies dans ce local, avant nous, lance-t-il. Un moment donné, les nouveaux qui viennent dans le secteur doivent s’acclimater à partir de ça. Si demain matin on voulait devenir une discothèque, ce serait à nous de nous acclimater. »
À mi-chemin entre la SAT et le Grenade, en plein cœur du Quartier latin, la question du bruit fait aussi (étonnamment) des vagues. On est ici à quelques pas de l’UQAM, dans l’hypercentre de Montréal, un secteur fréquenté surtout par les étudiants et par un nombre important de sans-abri.
Le Turbo Haüs, un bar-spectacle ouvert depuis cinq ans, a reçu récemment la menace d’un constat d’infraction de 1500 $ en raison de plaintes de bruit d’un voisin. Le copropriétaire Sergio Da Silva ne décolère pas, d’autant plus que la plainte provient vraisemblablement d’un immeuble tout juste aménagé à côté de son commerce.
Sergio Da Silva, propriétaire du bar-spectacle Turbo Haüs
Le statut de Montréal comme ville festive et créative est plus que jamais « fragilisé » par la hausse fulgurante des loyers et par la saignée des années pandémiques, tonne M. Da Silva. La guerre au bruit ajoute une couche de difficulté supplémentaire.
Il dit ne plus avoir « aucune sympathie » envers les nouveaux résidants intolérants. « Vous pouvez déménager à Candiac, à côté d’un parcours de golf. C’est tranquille. »
Je suis 100 % d’accord.
Si vous vous installez dans le Quartier des spectacles, ou dans le Quartier latin, ou à côté d’un bar bruyant, en toute connaissance de cause, assumez cette décision ou sinon, allez ailleurs.
Vous êtes en ville. Pas en banlieue, et encore moins en forêt.
Plusieurs bars et salles de spectacles sont tombés au combat contre le bruit ces dernières années à Montréal, surtout sur le boulevard Saint-Laurent – la Main. Il y a eu le Divan Orange, le Diving Bell Social Club, Les Bobards, entre autres.
Un autre cas récent a fait la manchette : celui de La Tulipe, dans l’est du Plateau Mont-Royal. La mythique salle de spectacles s’est fait ordonner de baisser le volume par un juge de la Cour supérieure cette année, après une saga ahurissante avec un voisin1.
C’est dans ce contexte précaire et tendu que Montréal déposera bientôt sa première politique sur la vie nocturne, promise depuis la campagne électorale de 2017. La Ville entend réviser du même coup sa réglementation sur le bruit, qu’elle reconnaît être « inadéquate ».
Un projet pilote sera mené à partir de l’été 2024 dans une demi-douzaine de salles de spectacles, afin de trouver le meilleur calibrage pour assurer un « bon équilibre » entre les tenanciers et leur voisinage, m’a expliqué une source proche du dossier.
À très court terme, la Ville envisage de suspendre l’application de l’article le plus litigieux de son règlement sur le bruit, pour les salles de spectacles. Celles-ci pourraient donc poursuivre leurs activités sans craindre de recevoir à tout bout de champ une contravention, d’ici à ce que de nouvelles normes soient édictées.
L’administration Plante compte aussi suivre l’exemple d’autres grandes villes internationales, qui mettent de l’avant le principe de « l’agent de changement ». En gros, cela oblige les nouveaux projets immobiliers construits proche des lieux de diffusion à insonoriser suffisamment leurs unités, et inversement, à forcer les nouvelles salles de spectacles à ne pas déranger leurs voisins2.
Cette politique de la vie nocturne est attendue de pied ferme par le milieu du nightlife. Plusieurs craignent une distinction trop nette entre les salles de spectacles traditionnelles et les bars (beaucoup plus nombreux) qui offrent des prestations en tout genre.
Les détails viendront à la fin du mois ou en janvier prochain.
Il faudra souhaiter que cette politique soit accompagnée d’un plan d’action (très) concret, au-delà des bonnes intentions sur papier.