Industrie des médias et de l'information

Un comité d’experts veillera à la « pérennité » de CBC/Radio-Canada, annonce St-Onge

Pascale St-Onge est assise en studio.

Invitée à « Tout le monde en parle », la ministre du Patrimoine canadien Pascale St-Onge a réagi aux compressions budgétaires annoncées par CBC/Radio-Canada.

Photo : A.Media / Karine Dufour

Radio-Canada

Publié à 0 h 00 HNE

Le gouvernement fédéral mettra sur pied, au cours des prochains mois, un comité d’experts pour « réfléchir à l’avenir » de CBC/Radio-Canada et assurer la « pérennité » du diffuseur public.

C’est ce qu’a annoncé la ministre du Patrimoine canadien Pascale St-Onge, en entrevue à Tout le monde en parle ce dimanche, invitée à réagir aux compressions budgétaires annoncées cette semaine par la société d’État.

Ça fait partie de ma lettre de mandat de réfléchir à l’avenir du diffuseur public. On a modernisé la loi sur la radiodiffusion, et la prochaine étape, c’est vraiment CBC/Radio-Canada. On va annoncer de quelle manière on va travailler avec le comité d’experts, a affirmé la ministre St-Onge.

Le public sera également consulté en marge de ce comité d’experts, assure-t-elle.

Les revenus publicitaires, malheureusement, vont de plus en plus vers les géants du web. On est rendus de plus en plus à se dire : à quoi ça ressemble, CBC/Radio-Canada, au 21e siècle, avec toutes ces plateformes-là? Comment peut-on s’assurer qu’à long terme, [l’entreprise] sera viable et qu’elle pourra rendre des services à l’ensemble du Canada?

Une citation de Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

Le comité d’experts se demandera, entre autres, si la société d’État devrait se retirer complètement du marché publicitaire, tel que le suggère le ministre québécois de la Culture, Mathieu Lacombe.

L’annonce de ce comité survient après que CBC/Radio-Canada eut annoncé lundi la suppression, au cours des 12 prochains mois, de 600 emplois et l’abolition de 200 postes vacants, soit près de 10 % de ses effectifs.

Entrée d'un bâtiment.

CBC/Radio-Canada relève du ministère du Patrimoine canadien.

Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz

CBC/Radio-Canada invoque des facteurs structurels comme la diminution des revenus publicitaires à la télévision et la concurrence féroce des géants du numérique pour justifier ses compressions, estimées à près de 125 millions de dollars pour l’exercice 2024-2025.

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La ministre dit ne pas avoir été étonnée par les coupes qui frappent le radiodiffuseur public, compte tenu de la crise des médias observée depuis au moins une décennie.

Face à la crise qui secoue l’industrie médiatique, la ministre assure que son gouvernement va continuer de travailler pour s’assurer d’avoir un diffuseur public qui est fort d’un bout à l’autre du pays. On a toujours été convaincus de l’importance du diffuseur public pour la vie démocratique.

Réduction de 3,3 % du budget opérationnel?

Dans le dernier budget Freeland, Ottawa a demandé des compressions budgétaires de 3,3 % à l’ensemble des sociétés d’État et des ministères fédéraux.

La direction de CBC/Radio-Canada a indiqué cette semaine qu’une telle compression de 3,3 % représentera 11 millions de dollars dès l’an prochain et que la cible grimpera à 38 millions dans trois ans.

Pascale St-Onge en point de presse au parlement.

La ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, s’est dite lundi « pleinement engagée » envers CBC/Radio-Canada.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Plus tôt cette semaine, Pascale St-Onge semblait multiplier les signaux indiquant que CBC/Radio-Canada pourrait être exemptée, voire partiellement exemptée, de cet effort budgétaire fédéral.

Dimanche soir, à Tout le monde en parle, Mme St-Onge a réaffirmé qu’aucune décision finale n’avait été prise à savoir si CBC/Radio-Canada devrait se plier à de telles compressions.

On est présentement dans l’exercice responsable du gouvernement. Tout le monde la voit, la situation fiscale dans laquelle on est. [On doit] regarder nos dépenses. C’est un exercice qu’on a demandé à CBC/Radio-Canada de faire aussi, mais non, la décision finale n’a pas été prise.

Une citation de Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

La ministre laisse donc une porte ouverte, soutenant qu’il n’y a pas d’intention de mettre en péril une organisation comme CBC/Radio-Canada. Au contraire, notre gouvernement a investi massivement dans le diffuseur public après les coupes du gouvernement de Stephen Harper. Et on va continuer d’être là pour soutenir le diffuseur public.

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Proportionnalité des coupes

Des voix se sont élevées au Québec cette semaine pour dénoncer les coupes qui frappent de façon égale les services anglais et français de CBC/Radio-Canada, alors que les parts de marché en français du diffuseur public sont bien supérieures. En effet, 500 emplois seront supprimés à parts égales par CBC et par Radio-Canada.

Au sujet de la répartition des compressions, la ministre a évité de se prononcer, mais elle invite la direction à répondre aux questions légitimes que soulève cette décision.

C’est à la direction de CBC/Radio-Canada de répondre [aux questions] et d’être imputable au public canadien.

Une citation de Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien

La ministre a rappelé que le diffuseur public est indépendant. Tout ce qui concerne la gestion interne et le budget, le gouvernement, on ne s’en mêle pas. C’est important de garder un bras de distance.

Mme St-Onge a tout de même soutenu que le diffuseur public devrait continuer son mandat de défendre la langue française au Québec. Aussi, il ne faut pas oublier qu’il y a plein de minorités francophones à l’extérieur du Québec.

Catherine Tait en entrevue.

Catherine Tait en entrevue à CBC, lundi

Photo : Radio-Canada / Christian Patry

Le Comité permanent du patrimoine canadien des Communes a convenu jeudi à l’unanimité de convoquer la présidente du radiodiffuseur public, Catherine Tait, pour expliquer les coupes à CBC/Radio-Canada. Le comité veut entendre Mme Tait lors de sa première réunion de 2024, après les vacances des Fêtes, mais aucune date n’a encore été fixée pour cette réunion.

À lire aussi :

Avec les informations de La Presse Canadienne

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Un nouvel article choc de Montréal Campus, le journal étudiant de l’UQAM

Du jeu en ligne dissimulé sur le site de Patrick White

Antoine Pejot-Charrost et Gabrielle Fallu
14 décembre 2023
4 min

Casinos en ligne, site d’escorte, site de tricherie de devoirs : ce type de contenu était dissimulé sur le blogue de Patrick White, directeur du baccalauréat en journalisme à l’UQAM. En échange d’argent, M. White publiait des articles contenant des hyperliens menant à ces pages sur son site patwhite.com .

M. White ne sera pas de retour à la tête du baccalauréat en communication (journalisme) en 2024.

C’est Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’UQAM, qui a mené l’enquête. D’après ses recherches, 113 publications avec du contenu commandité, dont une soixantaine menaient vers des sites de casino virtuels, ont été mises en ligne sur patwhite.com . Du contenu de certaines d’entre elles était trompeur. Le Montréal Campus a vérifié et confirme ces informations.

« J’ai tout sauvegardé. C’est tellement incroyable que je croyais que personne n’allait me croire. »

– Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’UQAM

Par exemple, un article sur les salles de sport de Berlin renvoyait directement à un site d’escortes ukrainiennes. Un autre texte voué à aider les étudiants et les étudiantes en fin de session menait plutôt le lectorat vers un site qui offre de compléter les devoirs des utilisateurs et utilisatrices. Face à ces découvertes, M. Roy a contacté son collègue et l’a questionné sur l’éthique de ces pratiques.

Une crédibilité en péril

« Je lui ai dit que ma confiance en lui était fortement ébranlée et je lui ai demandé s’il pouvait encore être directeur de programme, ce à quoi il a répondu que j’avais raison et qu’il allait quitter son poste. Pour lui, le problème était réglé », rapporte Jean-Hugues Roy.

Depuis, M. White a supprimé ces articles, mais croit toutefois être resté dans les limites déontologiques du journalisme. D’après lui, son blogue n’a jamais été un site d’information. « Les contenus étaient clairement identifiés comme tels aux lecteurs », a-t-il indiqué au Montréal Campus par courriel.

Cependant, selon Jean-Hugues Roy, bien que le site patwhite.com soit un espace culturel, certains contenus sont plutôt identifiés comme ayant l’apparence d’articles d’information et non comme des contenus de marque. Le professeur donne l’exemple d’un article qui portait sur un film de Philippe Falardeau. « Quand tu veux en savoir plus en cliquant sur l’hyperlien, ça te renvoie vers un site de casino en ligne. C’est trompeur ! »

Patrick White réagit

Dans les dernières semaines, Patrick White a fait une demande de congé sans solde pour 2024 pour « des raisons personnelles, familiales et professionnelles », qui lui a été accordé. M. White affirme être fier de ses quatre années à la tête du baccalauréat en journalisme de l’UQAM, soulignant notamment la mise en place de l’École d’été d’immersion journalistique en communauté autochtone.

« Je comprends que certains journalistes puissent désapprouver cette pratique et je respecte leur point de vue. Je pense qu’il est important d’avoir un débat sur ces questions. »

– Patrick White, responsable du programme de journalisme

Chez les chargé(e)s de cours en journalisme, la réaction aurait été unanime. « La crédibilité journalistique, c’est notre pain et notre beurre, donc c’est sûr que d’apprendre que le responsable lui-même a enfreint ces règles-là, ça nous a chamboulés et déçus, même choqués », a confié une personne chargée de cours souhaitant garder l’anonymat.

La carte de membre associé de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) de Patrick White a été suspendue lundi. Le nouveau président de la FPJQ, Éric-Pierre Champagne, a été informé du dossier concernant Patrick White le 8 décembre dernier, vers 17 h. Dès 19h, le président avait demandé à ce que les membres du conseil d’administration se réunissent pour débattre de la situation. « On va réévaluer le dossier en 2024 », a dit M. Champagne. Une suspension de carte de membre ne se produit qu’une fois ou deux par année, a indiqué le président.

Quelques heures avant la publication de cet article, il était encore possible d’accéder au site web patwhite.com . Depuis, un code d’utilisateur et un mot de passe sont obligatoires pour accéder au blogue.

*Naomie Duckett Zamor, membre du Montréal Campus, siège au conseil d’administration de la FPJQ.

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Ayoye. Ça fait dur. En plus il est même pas capable de reconnaître ses erreurs. Je comprends même pas c’était quoi le but de cette pratique.

La gourmandise de Meta

PHOTO SEBASTIEN BOZON, AGENCE FRANCE-PRESSE

« D’abord, il faudrait expliquer à Meta que la crise que connaissent les médias canadiens touche tout le monde, sans exception. Il serait mal venu d’exclure un groupe de la négociation », affirme notre chroniqueur.


Mario Girard
Mario Girard La Presse

À quelques jours de l’entrée en vigueur de la loi C-18, qui vise à forcer les géants du web à indemniser les médias d’information pour le partage de leur contenu, Meta demande une exemption afin de retirer le blocage qu’il exerce sur Facebook et Instagram.

Publié à 1h18 Mis à jour à 6h00

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Le mot « arrogance » est tout de suite apparu en grosses lettres sous mes yeux.

Non, mais, il faut avoir du front tout le tour de la tête ! Meta bloque les nouvelles depuis quatre mois dans le but de contourner une loi qui l’obligerait à verser de l’argent pour aider les médias canadiens en difficulté et, à la surprise générale, annonce du haut de son trône impérial qu’elle est prête à revenir sur sa décision à condition d’obtenir une exemption en ce qui a trait au « journalisme local ».

D’abord, il faudrait expliquer à Meta que la crise que connaissent les médias canadiens touche tout le monde, sans exception. Il serait mal venu d’exclure un groupe de la négociation.

Cette proposition a été faite mercredi par Rachel Curran, la cheffe des politiques publiques de Meta au Canada, alors qu’elle témoignait devant le comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes.

C’est une question du député bloquiste René Villemure qui nous a permis de prendre conscience du culot du géant américain. « Si nous étions exclus de la Loi sur les nouvelles en ligne, de sorte que les exigences de cette législation ne s’appliquent pas à nous, s’il y avait une exclusion pour le journalisme local, nous pourrions le ramener sur nos plateformes », a dit Mme Curran.

Wow ! Merci de nous offrir un tel privilège !

Attendez, ce n’est pas tout ! Rachel Curran a précisé que ce contenu actuellement bloqué (les nouvelles) n’a pas de « valeur commerciale » aux yeux de Meta !

Cette énormité s’ajoute à une autre de Rachel Curran qui a déclaré en juin dernier que les médias d’actualité obtiennent une grande valeur en visibilité marketing sur les plateformes de Meta et que cela était évalué à 230 millions de dollars.

Un peu plus et Meta demande aux médias de payer afin de permettre aux utilisateurs de partager le contenu qu’ils produisent sur Facebook et Instagram.

Si le contenu créé par les centaines de journalistes professionnels au pays n’a pas de valeur pour Mme Curran, pourquoi ouvre-t-elle alors la porte au retour du journalisme local sur ses plateformes ?

Cette demande saugrenue de Meta survient deux jours après la parution d’une enquête de NETendances pour le compte de l’Académie de la transformation numérique sur nos habitudes de consommation de l’information et les effets du blocage de nouvelles par Meta1.

On y découvre que la proportion des adultes québécois qui font confiance aux nouvelles et aux actualités diffusées sur les réseaux sociaux est passée de 38 % en 2022 à 31 % en 2023. En revanche, la proportion de la population québécoise qui fait confiance aux médias d’information traditionnels est demeurée stable à 73 %.

Toujours dans cette étude, on constate en 2023 une baisse de 4 points de pourcentage (de 42 % à 38 %) chez les adultes qui utilisent les réseaux sociaux comme source d’information et un gain de 4 points de pourcentage (de 36 % à 40 %) est observé du côté des sites web offrant des contenus d’information.

On peut supposer que cette baisse observée de l’utilisation des réseaux sociaux comme principale source pour s’informer sur les nouvelles et les actualités est liée au blocage des nouvelles par Meta depuis le 1er août 2023.

Extrait du rapport de NETendances

Dans une chronique2, je vous disais que la meilleure façon de riposter à l’affront de Meta était d’aller puiser l’information directement à la source. Il semble que certains ont pris ce chemin.

Par ailleurs, ce sondage, réalisé du 5 au 30 septembre 2023, indique qu’un adulte québécois sur cinq détenant un compte Facebook a l’intention (très ou assez probable) de fermer celui-ci si le blocage des nouvelles en ligne par Meta devait se poursuivre.

Pascale St-Onge, ministre du Patrimoine canadien, jongle maintenant avec l’idée de commander une étude approfondie à l’échelle nationale pour avoir un portrait plus précis. Bonne idée !

Cette situation donne un avantage à la ministre dans sa négociation avec les géants américains. Il ne faut surtout pas qu’elle abandonne un soupçon de la fermeté qu’elle affiche depuis son arrivée en poste l’automne dernier.

J’avoue que j’ai bien aimé la façon dont elle s’en est tirée avec Google. Le géant n’avait pas envie de négocier à la pièce avec les médias canadiens ! Une entente a été conclue afin que Google verse 100 millions par année à un fonds qui se chargera de redistribuer l’argent aux médias.

C’est un pas dans la bonne direction, mais c’est nettement insuffisant. Il faut augmenter cette somme de manière substantielle. En s’appropriant environ 80 % des revenus publicitaires (avec Google), il me semble que Meta pourrait mieux contribuer.

Depuis des mois, j’entends dire que Meta ne reviendra jamais sur sa décision. Ces indices nous permettent de croire que ce n’est peut-être pas tout à fait le cas.

1. Consultez le rapport de NETendances Actualités en ligne, réseaux sociaux et balados (2023)

2. Lisez la chronique « Évènements de presse sur Facebook : veut-on mener le combat ou pas ? »

Il s’est « expliqué » à Isabelle Hachey

Le b. a.-ba du journalisme bafoué


PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE
Patrick White

Isabelle Hachey
LA PRESSE

« Comment réduire le stress lié aux devoirs : conseils pour les étudiants », est titré l’article publié en décembre 2022. L’un de ces conseils a de quoi faire sursauter : « EduBirdie propose de prendre en charge vos devoirs en contrepartie d’une rémunération. »

Publié à 1h18 Mis à jour à 5h00

On s’en doute, le contenu fort discutable de ce « reportage » a été payé par EduBirdie, une entreprise ukrainienne qui fait de la tricherie organisée son fonds de commerce. Mais ce n’est pas le plus incroyable ni le plus choquant, dans cette histoire.

Le plus incroyable, c’est que le texte en question est signé Patrick White, nul autre que le directeur du programme de journalisme de l’UQAM !

Sur son site personnel, PatWhite.com, le professeur a signé au moins 113 articles ainsi commandités, dont plusieurs mènent à des sites de casinos en ligne. L’un d’eux mène directement à une agence d’escortes ukrainiennes !


CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB PATWHITE.COM
Cet article publié sur le site web PatWhite.com prétend dévoiler le « Top 3 des meilleures salles de sport avec piscine de Berlin ».


CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB PATWHITE.COM
À même l’article se trouve cependant un lien vers un site web d’escortes ukrainiennes.


CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB PATWHITE.COM
La plateforme héberge aussi un article censé donner des conseils pour les devoirs des étudiants.


CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB PATWHITE.COM
Un lien contenu dans l’article mène à un service de rédaction fantôme destiné à la communauté étudiante.


CAPTURE D’ÉCRAN TIRÉE DU SITE WEB PATWHITE.COM
Cet article sur l’art urbain contient un lien menant à un casino en ligne.

Le manque de jugement du professeur, dans cette affaire, est aussi affligeant qu’incompréhensible. Patrick White n’est pourtant pas né de la dernière pluie. Depuis des années, on l’invite à commenter les rouages des médias sur toutes les tribunes. Il a été journaliste et cadre à l’agence Reuters, à La Presse Canadienne, au Journal de Québec, à CTV News, au Huffington Post…

Mais voilà qu’on découvre que, journalistiquement parlant, ce communicateur d’expérience a commis une erreur de débutant. Pire, il a commis un crime de lèse-majesté. Il a été payé pour signer des reportages commandités. Même si, en réalité, ce n’est pas lui qui rédigeait ces textes-là, il a accepté de mettre son nom et son visage sur des dizaines d’articles qui n’avaient rien de journalistique.

C’était juste de la publicité. Du « contenu de marque », comme on dit. Des articles promotionnels, distribués par des régies publicitaires francophones d’Europe et du Canada.

Certains textes, signés PatWhite.com, étaient accompagnés d’un dessin représentant le professeur. D’autres, signés Patrick, étaient accompagnés de sa photo. Une mention « contenu de marque » chapeautait les articles commandités, qui ont été retirés du site au cours des dernières semaines.

Je lui ai avoué, jeudi, que je ne comprenais pas comment il avait pu se prêter à ce jeu-là. Je lui ai demandé : « Ça ne te dérangeait pas de mettre ton nom là-dessus ?

— Ce n’était pas mon nom, c’était le nom du site.

— Oui, mais le nom du site… c’est ton nom ! PatWhite.com !

— Oui, absolument, je comprends. C’est une zone grise, les contenus commandités. Et je comprends que ces contenus-là en particulier, ce n’était pas l’idée du siècle, effectivement. C’est pour ça qu’il n’y en aura plus jamais et que le site va fermer dans les prochains jours. »

Patrick White se retirera également de la direction du programme de journalisme de l’UQAM à la fin de l’année. Puis, en 2024, il prendra un congé sans solde pour réfléchir à son avenir au sein de l’université.

C’est le professeur Jean-Hugues Roy qui a découvert le pot aux roses en visitant le site de Patrick White, le mois dernier. « Ce que j’ai vu, ça m’a jeté à terre. Des dizaines et des dizaines de contenus commandités, qu’il signait lui-même. » Il a consulté une autre professeure, Kathleen Lévesque, ancienne journaliste d’enquête à La Presse. Elle a eu la même réaction que lui. « Franchement, dit-elle, la mâchoire m’est tombée. »

Le texte faisant la promotion d’EduBirdie, en particulier, l’a estomaquée. Il conseille carrément aux étudiants de payer des « techniciens » afin qu’ils fassent leurs devoirs à leur place. « C’est une incitation au plagiat », s’insurge-t-elle. Une faute impardonnable, dans une université comme en journalisme.

Un autre texte prétend dévoiler le « Top 3 des meilleures salles de sport avec piscine de Berlin ». Plutôt niché, comme sujet, vous me direz. Ça ne s’arrange pas à la lecture de l’article : « Si vous cherchez à allier remise en forme et plaisir de nager, Berlin est l’endroit idéal pour vous. C’est l’occasion rêvée d’y emmener votre compagne après une rencontre femme ukrainienne [sic] sur des sites à l’instar de Ladadate pour un moment de détente. » Un hyperlien mène au site de cette agence d’escortes ukrainiennes…

D’autres textes sur le coureur automobile Gilles Villeneuve, le cinéaste Philippe Falardeau ou l’art urbain mènent quant à eux à des sites de jeu en ligne. Tout cela est proprement sidérant.

« Il y a beaucoup d’automatisation des bannières publicitaires, m’a expliqué Patrick White. Il y a certains [articles] que je n’ai pas vus, il y en a que j’ai vus, c’était dans une zone grise, effectivement, et si c’était à refaire, je referais cela complètement différemment aujourd’hui. » Les contenus commandités ne l’ont pas enrichi, affirme-t-il, puisqu’ils ont uniquement servi à financer le site web.

N’empêche. Ça ne se fait tout simplement pas, en journalisme. C’est toute notre crédibilité qui est en jeu. C’est la confiance du public qu’on risque de perdre, avec des histoires pareilles. Heureusement, des étudiants en journalisme de l’UQAM ont eu le courage de dénoncer la situation, jeudi soir, dans le Montréal Campus, le journal étudiant de l’université. Il y a de l’espoir pour l’avenir de la profession.

Lundi, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a suspendu d’urgence la carte de membre associé de Patrick White. Elle décidera en janvier si elle la révoquera.

Pris dans la tourmente, le directeur de l’École des médias de l’UQAM, Pierre Barrette, souligne tout de même que Patrick White n’est plus journaliste, mais prof de journalisme. La nuance est subtile, mais importante, estime-t-il.

On peut poser un geste qui est douteux journalistiquement, mais qui du point de vue professionnel n’entraînera pas de sanction. On est dans cette zone floue là.

— Pierre Barrette, directeur de l’École des médias de l’UQAM

Si Patrick White était prof, disons, de biologie, et s’il avait diffusé du contenu commandité sur son site personnel, ça n’aurait pas fait autant sourciller. Soit. Mais bon, Patrick White est bel et bien prof de journalisme. Il enseigne à de futurs journalistes la déontologie. L’éthique journalistique. Le b. a.-ba du métier.

Et pendant qu’il leur enseigne tous ces beaux principes, il se fait payer pour des articles sur de la tricherie organisée, sur des casinos en ligne et sur plein de bébelles à vendre…

Comme m’a dit Jean-Hugues Roy : « Tu ne monnayes pas ta crédibilité pour du mobilier de jardin. » C’est l’évidence. Ça ne prend pas un cours de journalisme 101 pour comprendre ça.


Faire de l’argent avec son blogue! J’ai vu cette même pratique dans d’autres petites publications… Les textes, toujours des pubs de casinos ou autres trucs douteux, sont publiés mais pas nécessairement mis en lien sur une page d’accueil. La rémunération doit être lié à la publication du texte, mais le lecteur normal du blogue ne le voit pas normalement vu que la page est pas mal orpheline.

Crise des médias CBC/Radio-Canada aura 7 millions de l’enveloppe de Google

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

CBC/Radio-Canada ne recevra pas plus de 7 millions.

(Ottawa) CBC/Radio-Canada obtiendra 7 millions de l’argent que Google versera aux médias tandis que la part des radiodiffuseurs privés s’élèvera à 30 millions. Les médias écrits obtiendront le reste de l’enveloppe, soit près des deux-tiers comme le rapportait La Presse ce matin.

Publié à 11h22 Mis à jour à 12h06

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Mylène Crête
Mylène Crête La Presse

Les médias écrits à l’échelle du pays recevront donc 63 millions, soit environ 17 000 $ par journaliste employé à temps plein, selon les estimations du ministère du Patrimoine canadien. Les fonctionnaires n’ont pas été en mesure de fournir une estimation similaire pour les radiodiffuseurs ou pour CBC/Radio-Canada lors d’une séance d’information technique vendredi puisqu’ils ont fait leur calcul à partir des demandes pour le crédit d’impôt pour la main-d’œuvre en journalisme canadien disponible seulement pour la presse écrite.

Le ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mathieu Lacombe, avait demandé à Ottawa d’exclure CBC/Radio-Canada des redevances de Google au lendemain de la conclusion d’une entente entre le géant du web et le gouvernement fédéral. Une demande reprise par le Bloc québécois. Le diffuseur public emploie un tiers des journalistes au pays et aurait donc pu se retrouver avec une large portion de l’enveloppe.

Le gouvernement a tenu compte du fait que CBC/Radio-Canada reçoit déjà du financement public, plus d’un milliard annuellement. Il a également utilisé un critère de dépendance des médias écrits par rapport aux plateformes numériques, le nombre de journalistes employés et la relation des entreprises de presse avec les plateformes numériques. Par exemple, l’usage de moteurs de recherche par les radiodiffuseurs pour faire découvrir leurs contenus.

La réglementation de la Loi sur les nouvelles en ligne (C-18) publiée vendredi définit quelles plateformes devront conclure des ententes d’indemnisation avec les médias, sans quoi elles devront participer à un processus de négociation obligatoire supervisé par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Google aura six mois pour conclure une entente avec un collectif de médias qui déterminera comment l’argent sera distribué. Le collectif pourra utiliser une partie de l’enveloppe de 100 millions pour payer ses frais administratifs. Le règlement ne donne pas davantage de précisions sur la formation de ce groupe de négociation. Un fonctionnaire a précisé qu’il reviendra à l’industrie des médias de s’organiser.

Le règlement reconnaît également la valeur non monétaire des liens affichés dans le moteur de recherche, en permettant à Google de fournir une valeur une indemnisation non financière aux entreprises de presse en plus des 100 millions.

Pour l’instant, Google est le seul géant du web à qui la loi s’applique puisque Meta a bloqué le contenu de nouvelles sur ses plateformes Facebook et Instragram pour s’y soustraire. Le gouvernement n’a pas l’intention de lui accorder une exemption en échange de la publication du contenu de médias locaux.

Si la multinationale américaine en venait à revenir sur sa décision, la part de financement qu’elle verserait aux médias serait déterminée par le CRTC à partir de ses revenus publicitaires.

Pour être assujetties à la loi, les plateformes doivent générer des revenus mondiaux d’au moins 1 milliard annuellement et compter au moins 20 millions d’utilisateurs mensuels pour être visées par la loi. Leurs activités doivent également impliquer la distribution et l’accès à du contenu de nouvelles en ligne au Canada.

Les plateformes doivent générer des revenus mondiaux d’au moins 1 milliard annuellement et compter au moins 20 millions d’utilisateurs mensuels pour être visées par la loi. Leurs activités doivent également impliquer la distribution et l’accès à du contenu de nouvelles en ligne au Canada.

La législation pourrait éventuellement s’appliquer au moteur de recherche Bing de Microsoft lorsqu’il remplira ces critères.

Une dizaine de médias québécois ont fait la promotion de casinos en ligne illégaux

Bien que certains médias affirment avoir accepté de diffuser ces publicités pour assurer leur survie, cela pourrait entacher leur réputation et leur faire du mal à long terme, jugent des experts.

Capture d'écran du site web du Courrier Laval. Le titre de l'article est "Comment commencer à jouer aux casinos en ligne à Laval comme un pro". La photo de l'article est une machine à sous.
Le Courrier Laval est l’un des médias québécois qui ont publié des articles commandités pour des casinos illégaux. Ils ont depuis été retirés.
PHOTO : COURRIER LAVAL

Jeff Yates
Nicholas De Rosa
Publié à 12 h 48 HNE

De nombreux médias québécois ont diffusé des articles commandités pour des casinos en ligne au cours des dernières années, montre une enquête des Décrypteurs. Cette pratique promotionnelle, connue sous le nom de « backlinking », sert à profiter de la crédibilité des médias pour manipuler les résultats des moteurs de recherche et ainsi améliorer la visibilité de ces sites, qui demeurent illégaux au Québec.

Jeudi soir, le journal étudiant Montréal Campus révélait que le site web personnel (Nouvelle fenêtre) de Patrick White, directeur du baccalauréat en journalisme de l’UQAM, avait diffusé des articles promotionnels contenant des liens vers des casinos en ligne. M. White a annoncé partir en congé sans solde pour l’année 2024 pour des raisons personnelles, familiales et professionnelles, rapportait le journal étudiant.

La nouvelle a fait réagir. Sa carte de membre de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) a été suspendue. Jeudi matin, la chroniqueuse de La Presse Isabelle Hachey signait un texte sur l’affaire (Nouvelle fenêtre), jugeant que M. White avait bafoué le b. a.-ba du journalisme.

Je prends l’entière responsabilité de mes gestes et je ne minimise pas la situation, a réagi M. White dans une déclaration écrite, vendredi matin. Le contenu commandité servait à payer la maintenance du site. Je regrette de l’avoir approuvé même si ce n’est pas moi qui le faisais. Ce type de contenu n’avait pas du tout sa place sur le site.

Patrick White un homme au micro de même fréquence
Le directeur du baccalauréat de journalisme de l’UQAM, Patrick White, sera en congé sans solde pour l’année 2024.
PHOTO : JEAN-PIERRE PEROUMA

L’arbre qui cache la forêt

Les Décrypteurs peuvent révéler que Patrick White est loin d’être la seule figure médiatique à avoir agi de la sorte. Au cours des dernières années, une dizaine de médias québécois ont aussi diffusé des articles promotionnels contenant des liens vers des casinos en ligne illégaux.

Nous avons pu repérer des articles contenant des liens vers ces casinos sur les sites de plusieurs médias locaux, dont le Courrier de Laval, le Journal Les Deux Rives de Sorel-Tracy, le Courrier de Saint-Hyacinthe, la Pensée de Bagot, l’Oeil régional de Beloeil et Estrie plus. Des médias culturels ont aussi publié des articles de la sorte, dont Atuvu, Baron Mag, Le canal auditif et Pieuvre.ca.

De plus, les sites web de médias locaux ayant cessé leurs activités servent aujourd’hui de plateforme de promotion de ces casinos en ligne. Les anciens sites du Journal de Sherbrooke, du Journal le Havre et de l’édition de Québec du journal Métro ne diffusent aujourd’hui que des publicités du genre.

Une page web qui se présente comme le Journal de Sherbrooke. Elle sert exclusivement à promouvoir des casinos en ligne. Il est écrit "Casino en ligne le journal de Sherbrooke". Il y a également une photo d'un téléphone avec des jetons de casino et une roulette.
Le site web du Journal de Sherbrooke s’est transformé en outil promotionnel de casinos en ligne.
PHOTO : LE JOURNAL DE SHERBROOKE

À l’exception de Baron Mag, les articles en question n’étaient pas identifiés comme étant du contenu commandité ou publicitaire. Certains de ces articles contenaient d’ailleurs de fausses informations, vantant par exemple la légalité de ces sites.

Car, en effet, ces casinos sont carrément illégaux, martèle Loto-Québec. Il n’y a pas d’ambiguïté au Québec. Si ce n’est pas Loto-Québec, c’est illégal, a rappelé Renaud Dugas, porte-parole et directeur des relations médias de l’organisme. Il n’y a pas de zone grise. Il a ajouté que faire de la publicité pour ces sites n’est pas permis dans la province.

Contraire à l’éthique, mais payant

La directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, Colette Brin, estime que le fait que des journaux aient accepté de diffuser des publicités qui pourraient porter atteinte à leur réputation illustre bien la crise dans laquelle sont plongés les médias.

C’est un problème de réputation et de crédibilité pour ces entreprises-là. Je pense qu’un média d’information qui se respecte ferait très, très attention à ce genre de chose. Mais disons que je ne jette pas la pierre, parce que je sais que certains de ces médias ont très, très peu de ressources et très peu d’expertise en la matière, juge-t-elle.

Une femme parle dans un micro, dans un studio de radio.
Colette Brin est la directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval.
PHOTO : RADIO-CANADA / MARIE-EVE CLOUTIER

Quand on est pauvre, on est prêt à faire des compromis sur l’éthique parce qu’on a besoin de revenus simplement pour survivre. Ça fait penser à l’ancienne époque des enveloppes brunes et des journalistes qui étaient mal payés et qui acceptaient des petits cadeaux de la part de leurs sources pour faire une couverture plus positive, ajoute Colette Brin.

Car, en effet, les articles promotionnels pour des casinos illégaux sont beaucoup plus payants que des publicités traditionnelles, nous ont expliqué plusieurs gestionnaires de site.

Si ces publicités sont aussi profitables, c’est que leur auditoire visé n’est pas les lecteurs des médias en question, mais bien les moteurs de recherche, comme Google. Ces articles font partie d’une stratégie publicitaire connue sous le nom de backlinking, qui sert à améliorer la visibilité d’un site dans les résultats de recherche.

Lorsqu’un utilisateur effectue une recherche, Google tente de déterminer quels sont les résultats les plus pertinents. Un des éléments pris en compte par l’algorithme est ce que des sources fiables, dont font partie les sites d’information, disent à propos du sujet. En publiant un lien vers un casino en ligne sur le site d’un journal local, les annonceurs espèrent ainsi inciter Google à le montrer à des gens qui effectuent des recherches à propos de casinos en ligne.

Les annonceurs sont donc prêts à payer cher pour pouvoir profiter du statut particulier que réserve Google aux sites web des médias.

Arnaud Nobile, rédacteur en chef du site atuvu.ca, affirme que son site n’acceptait de publier des backlinks que si l’annonceur offrait au minimum 400 $, soit beaucoup plus que ce qui serait offert pour une publicité traditionnelle. Il dit recevoir régulièrement de telles offres de régies publicitaires, et que les montants promis par publicité sont souvent de 50 $ ou moins.

Nous acceptons à contrecœur ces contrats qui dénaturent le contenu de notre plateforme. Nous le faisons pour simplement compléter nos revenus. Car notre petit média culturel de niche est obligé de ne négliger aucune source de revenus, aussi minime soit-elle, pour des raisons de survie, nous a-t-il répondu par courriel, soulignant que son site web ne reçoit pas le même type de subventions que les médias généralistes, les journaux communautaires ou le milieu culturel. Les publicités en question ont été retirées du site web.

Nous n’avons aucun intérêt pour notre image et pour nos lecteurs à proposer des publications parlant de casinos. Aussi, nous avons mis en place des stratégies pour que ce contenu de casino soit quasiment invisible par nos lecteurs.

Une citation d’Arnaud Nobile, rédacteur en chef du site atuvu.ca

Le directeur des ventes et du contenu chez Estrie plus, François Lafleur, a reconnu qu’il y a quand même des revenus appréciables associés à ça, et que, dans un contexte où les revenus publicitaires sont en baisse, il y a un incitatif à accepter ce type de publicité.

Il a assuré qu’Estrie plus ne publierait plus d’articles de la sorte et que ceux qui contiennent des informations erronées ont été retirés du site, mais que les autres demeurent en ligne pour respecter les contrats avec les publicitaires.

Le gestionnaire de Pieuvre.ca, Hugo Prévost, nous a expliqué qu’il croyait que ces publicités étaient au pire une zone grise, et qu’il avait décidé de les diffuser parce que le montant qu’ils offrent, c’est beaucoup plus important que ce que tu peux avoir avec des publicités traditionnelles.

L’argent de ces publicités-là, c’est du revenu qui m’a permis de faire fonctionner le site et de payer des pigistes. Je n’ai pas mis l’argent dans mes poches, a-t-il assuré. Il a fait le ménage et retiré les articles en question dès qu’on l’a informé que ces sites étaient illégaux. Je ne suis pas fier de ça, se désole celui qui est un employé surnuméraire de Radio-Canada.

Dès que nous avons été informés, nous avons demandé à Hugo Prévost de mettre fin à cette pratique, car cela est incompatible avec son statut de journaliste, a réagi Charles Grandmont, directeur de l’information en continu et des opérations numériques à Radio-Canada.

Les articles contenant des liens vers des casinos illégaux sur le site web du Courrier Laval ont été retirés après que nous avons contacté son propriétaire, 2M Média. La nuance entre les sites […] où le jeu est gratuit et permis, et [ceux] où le jeu est payant et pour lequel il est interdit de faire la promotion, nous avait malencontreusement échappé, a réagi son vice-président, Patrick Marsan, par courriel.

Les articles ont également été retirés des sites des journaux locaux que possède DBC Communications, soit le Journal Les Deux Rives, le Courrier de Saint-Hyacinthe, la Pensée de Bagot et l’Oeil régional. Ça n’aurait pas dû se retrouver sur nos sites Internet, a soutenu le rédacteur en chef du groupe médiatique, Martin Bourassa. Quelqu’un l’a échappé au niveau publicitaire. J’aime ça que mon propriétaire soit rentable, mais je ne pense pas que c’est ce genre de publicité là qui fait la différence.

Capture d'écran du site web du Courrier de Saint-Hyacinthe. L'article a comme titre "Payer des jeux en ligne avec des bitcoins ou d'autres cryptomonnaies : est-ce possible?"
Le Courrier de Saint-Hyacinthe, le doyen des journaux français d’Amérique, hébergeait également sur son site web des articles faisant la promotion de casinos illégaux. Les articles ont maintenant été retirés.
PHOTO : LE COURRIER DE SAINT-HYACINTHE

Baron Mag et Le canal auditif n’ont pas répondu à nos demandes d’entrevue.

Selon Camille Alloing, directeur du Laboratoire sur l’influence et la communication de l’UQAM, cette stratégie, bien que payante pour le moment, pourrait coûter cher aux médias à long terme.

C’est un jeu qui est dangereux, d’une part, pour les sites de presse qui font ça, tout simplement parce que, à un moment donné, un moteur de recherche peut s’apercevoir qu’il y a trop de liens qui amènent à des sites que lui-même considère comme du spam, explique-t-il. Il ajoute que les moteurs de recherche pourraient punir les sites des médias s’adonnant au backlinking en diminuant leur visibilité.

Colette Brin voit dans toute cette affaire un triste reflet du paysage médiatique dans le contexte de la plongée des revenus sur le web, un véritable cimetière des médias, selon elle.

Elle s’est désolée lorsqu’on lui a appris que le Courrier de Saint-Hyacinthe s’était aussi adonné à cette pratique. Publié sans interruption depuis 1853, il est le plus vieux journal francophone du Canada, où ont entre autres travaillé des figures historiques québécoises telles que l’ancien premier ministre du Québec Honoré Mercier et le fondateur du Devoir, Henri Bourassa.

C’est vraiment d’une tristesse épouvantable. Le Courrier de Saint-Hyacinthe, c’est un média légendaire, mythique au Québec, en termes de réputation, d’histoire. Et de le voir rendu là, c’est vraiment préoccupant, laisse-t-elle tomber.

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Éditoriaux

Les médias sociaux rendent nos jeunes malades

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

« Peu importe le pays, peu importe les indicateurs, la santé mentale des jeunes pique du nez depuis 2010, soit le moment où s’est imposé le téléphone mobile… et les médias sociaux qui viennent avec », affirme notre éditorialiste.


Stéphanie Grammond
Stéphanie Grammond La Presse

La grève arrive à un très mauvais moment pour les jeunes dont la santé mentale est en chute libre. Il s’agit d’une véritable crise de santé publique que l’on doit prendre plus au sérieux.

Publié à 4h17 Mis à jour à 5h00

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Au Québec, la moitié des jeunes de 17 à 25 ans ont des symptômes d’anxiété ou de dépression sévère à modérée1. Les prescriptions d’antidépresseurs chez les 17 ans et moins ont pratiquement triplé depuis 2014.

Partout, c’est le même constat. Peu importe le pays, peu importe les indicateurs, la santé mentale des jeunes pique du nez depuis 2010, soit le moment où s’est imposé le téléphone mobile… et les médias sociaux qui viennent avec.

La pandémie n’a pas aidé. Et la grève pourrait avoir le même effet, avec tous les enfants qui se tournent les pouces.

Le fait d’être cloué à la maison exacerbe l’utilisation des écrans chez les jeunes. Ce phénomène a été bien documenté durant le confinement2. Au Québec, plus du quart des ados passaient cinq heures ou plus quotidiennement devant un écran, le temps pour les travaux scolaires non compris.

C’est trop. C’est dangereux. Au-delà de trois heures par jour sur les médias sociaux, les adolescents courent deux fois plus de risques de souffrir de problèmes de santé mentale.

C’est le médecin en chef des États-Unis qui le dit3.

En mai dernier, celui-ci a lancé un signal d’alarme très clair pour pousser les gouvernements et les entreprises privées à mieux encadrer l’utilisation des médias sociaux chez les jeunes.

Ailleurs, ça bouge.

En octobre, par exemple, le Royaume-Uni a adopté l’Online Safety Bill pour rendre l’internet plus sécuritaire pour les enfants, après le suicide d’une jeune fille de 14 ans influencée par du contenu sur le suicide et l’automutilation sur Instagram et Pinterest.

Au Canada, un garçon de 12 ans, victime de cyberextorsion à caractère sexuel, vient de mettre fin à ses jours en Colombie-Britannique. Malheureusement, on attend toujours le projet de loi contre la haine en ligne que le gouvernement Trudeau promet depuis 2019.

Au moins, la sénatrice Julie Miville-Dechêne a réussi à faire adopter, cette semaine, un projet de loi pour limiter l’accès des jeunes à la porno.

Il est urgent d’en faire plus. Les géants du web ont prouvé qu’ils ne pouvaient pas s’autoréguler. Un exemple ? En théorie, plusieurs plateformes acceptent les jeunes seulement à partir de 13 ans. Mais elles font peu d’efforts pour faire respecter leur règle.

Au contraire, les médias sociaux font tout pour rendre les jeunes dépendants, comme l’allègue une poursuite contre Meta lancée en octobre par une quarantaine d’États américains qui allèguent que Facebook et Instagram ont sciemment nui à la santé mentale des jeunes.

C’est que les adolescents ont besoin de modèles. Ceux qu’ils trouvent sur les médias sociaux sont des idéaux inatteignables. À cause du sentiment de ne jamais être à la hauteur, les jeunes développent de l’anxiété, une perte d’estime de soi, une dépression. C’est encore plus vrai pour les filles, qui disent qu’Instagram accentue leurs pensées suicidaires et leurs troubles alimentaires, selon une étude dont Meta avait connaissance.

Autre problème.

Dans l’univers du capitalisme cognitif, les médias sociaux et les jeux vidéo nourrissent les jeunes de gratifications instantanées qui deviennent autant de petites décharges de dopamine. Pourtant, ce n’est pas ce qui procure le véritable bien-être, qui s’atteint plutôt en utilisant ses compétences et en déployant des efforts pour atteindre son objectif. Autrement dit, il faut mériter sa récompense4.

Mais ce qui pose problème avec les médias sociaux, c’est aussi tout ce que les jeunes négligent lorsqu’ils sont devant leur écran : dormir, faire de l’exercice, socialiser, rencontrer un amoureux.

Ce n’est pas un hasard si les jeunes sont beaucoup moins actifs sexuellement depuis une dizaine d’années5. Pendant qu’ils regardent de la porno en ligne, avec une facilité déconcertante, les jeunes ne développent pas la capacité de nouer des liens intimes.

Tout cela peut créer un cercle vicieux où les jeunes, inaptes à socialiser, se replient encore plus vers les médias sociaux comme stratégie d’évitement.

Pour briser ce cercle, les parents ont un rôle important à jouer. Un rôle de modèle, pour commencer (message aux parents eux-mêmes accros à leur cellulaire). Un rôle aussi pour baliser l’utilisation des écrans.

Comment ?

On peut retarder le jour où on dote son enfant d’un cellulaire, lui acheter un flip ou opter pour un forfait sans données qui force l’enfant à utiliser le WiFi… qu’on peut couper au besoin. Il est d’ailleurs conseillé de réserver les écrans aux aires communes et d’éviter leur utilisation avant de dormir où après le réveil.

De leur côté, les écoles peuvent apporter leur contribution en utilisant les écrans avec parcimonie dans le cadre des activités pédagogiques ou en faisant de la prévention en santé mentale, à l’image de l’Ontario, qui va instaurer un programme obligatoire l’année prochaine.

Au Québec, on peut se réjouir du fait que le cellulaire sera interdit dans les classes à partir de janvier. Enfin, s’il y a des classes.

La position de La Presse

La génération Z vit une grave crise de santé mentale. Élus, écoles et parents doivent agir pour mieux encadrer l’utilisation des écrans et des médias sociaux.

1. Consultez le rapport 2023 Enquête sur la santé psychologique des 12-25 ans

2. Consultez l’étude Regards sur l’utilisation des écrans chez les adolescents montréalais en contexte de pandémie

3. Consultez l’article « Surgeon General Issues New Advisory About Effects Social Media Use Has on Youth Mental Health » (en anglais)

4. Consultez l’article « PERMA™ Theory of Well-Being and PERMA™ Workshops » (en anglais)

5. Consultez l’article « Changes in Penile-Vaginal Intercourse Frequency and Sexual Repertoire from 2009 to 2018 » (en anglais) .)

Un sujet connexe:

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Facebook Stop aux médias, feu vert à leurs usurpateurs

PHOTO DADO RUVIC, ARCHIVES REUTERS

Depuis le mois d’août 2023, dans la foulée du projet de loi fédéral C-18 – qui vise à forcer les « géants du web » à indemniser les médias pour le partage en ligne de leurs articles –, toutes les nouvelles canadiennes sont bloquées sur les réseaux sociaux de Meta.

Alors que Meta a supprimé l’accès aux contenus d’information partout au Canada, l’entreprise derrière Facebook et Instagram fait peu de cas des fraudeurs qui usurpent l’identité de médias comme La Presse, CTV et Le Monde.

Publié à 1h16 Mis à jour à 5h00

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Charles-Éric Blais-Poulin
Charles-Éric Blais-Poulin Équipe d’enquête, La Presse

Depuis le mois d’août 2023, dans la foulée du projet de loi fédéral C-18 – qui vise à forcer les « géants du web » à indemniser les médias pour le partage en ligne de leurs articles –, toutes les nouvelles canadiennes sont bloquées sur les réseaux sociaux de Meta. Toutes ? Certaines, entièrement fausses, réussissent à se frayer un chemin jusqu’aux utilisateurs. Et Facebook accepte l’argent de ces contenus « commandités » émanant de pages piratées.

Des publicités qui vont et viennent inventent notamment une entrevue que l’animateur Normand Brathwaite aurait prétendument donnée à son collègue Guy A. Lepage sur le plateau de Tout le monde en parle. « Ses déclarations devant tout le monde ont affecté sa vie. Est-ce la fin de tous ses mérites ? », demande-t-on dans une accroche invraisemblable attribuée à La Presse sous le titre « Scandale mondial : une confession inattendue ».

CAPTURE D’ÉCRAN DE FACEBOOK

Fausse nouvelle attribuée à La Presse impliquant Normand Brathwaite

Selon le compte rendu de la soi-disant entrevue, M. Brathwaite aurait trouvé une faille dans le système monétaire mondial pour s’enrichir grâce à la cryptomonnaie.

« Au cours d’une discussion animée, Guy A. Lepage a mis en doute la véracité des propos de Normand Brathwaite, le traitant de menteur devant des milliers de téléspectateurs en direct », raconte le texte mensonger. « En réponse à cet incident, la direction de la chaîne de télévision a décidé de retirer l’interview de l’antenne, refusant de commenter la situation et le comportement de Guy A. Lepage. »

CAPTURE D’ÉCRAN

Les fraudeurs ont emprunté l’environnement de La Presse.

L’article bidon mène à une page où l’on vante une « plateforme de trading » qui fait gagner « entre 850 et 2100 $ par jour » en échange d’un « investissement » de plus de 300 $. Le but ultime des fraudeurs est de faire atterrir les internautes sur un site transactionnel factice où des informations bancaires sont demandées.

CAPTURE D’ÉCRAN

Dans l’article bidon sur Normand Brathwaite, Ky Harlin, scientifique de données (BuzzFeed, Condé Nast), apparaît sous le nom fictif de Martin Walsh, « éditeur de La Presse ».

« Le frère de mon gars de son à Bell et Bum a investi 300 $ là-dedans, raconte Normand Brathwaite, joint au téléphone. C’est comme ça que je l’ai appris. Une autre personne m’a aussi dit qu’elle avait mis de l’argent. »

Dans les réseaux sociaux, des victimes expliquent pour leur part avoir été victimes de « harcèlement » téléphonique de plusieurs numéros internationaux à la suite de leur dépôt.

Arnaque « grossière »

M. Brathwaite, qui se tient loin de Facebook, souligne que ce genre de stratagème est « triste » à la fois pour les victimes qui sortent leur portefeuille et pour les personnalités qui tentent d’être fidèles à leurs valeurs.

Quand je signe des contrats, on ne fait pas n’importe quoi. Je trouve ça profondément insultant parce que même si je savais c’était quoi, des bitcoins, et même si j’avais fait de l’argent, je n’en parlerais pas publiquement.

Normand Brathwaite, en entrevue avec La Presse

L’animateur Guy A. Lepage, pour sa part, a déjà été impliqué dans une fraude similaire au côté de Marie-Claude Barrette, comme le soulignait un reportage publié en septembre dans Le Journal de Montréal. Il se demande comment des gens peuvent embarquer dans une arnaque aussi « mal faite » et « grossière ».

Guy A. Lepage s’étonne néanmoins de voir ces fausses nouvelles « minables » survivre sur Facebook et Instagram au contraire des contenus authentiques. L’animateur fait d’ailleurs partie des personnalités qui participent à une campagne publicitaire « irrévérencieuse » de 12 médias canadiens pour « sensibiliser le public au fait que le blocage des nouvelles par Meta fragilise nos médias ».

Dans le cadre de cet effort de sensibilisation, des nouvelles aussi fausses qu’insolites appâtent les utilisateurs vers des capsules informatives – celles-là véridiques – des journalistes Noémi Mercier et Pierre Bruneau.

Ailleurs dans le monde

Dans le Canada anglais, une supercherie équivalente à celle mettant en scène Normand Brathwaite emprunte l’environnement de la chaîne de télévision CTV et convoque tantôt l’animatrice et cheffe cuisinière Mary Berg, tantôt l’acteur et producteur Howie Mandel. Des images caricaturales simulent même leur arrestation à la suite de révélations « scandaleuses ».

CAPTURE D’ÉCRAN DE FACEBOOK

Fausse nouvelle attribuée à CTV impliquant Howie Mandel

En France, ce sont Anne-Claire Coudray et Michel Drucker qui font l’objet d’un reportage fallacieux attribué au journal Le Monde. En Belgique, c’est plutôt la chanteuse Natalia Druyts qui sert d’hameçon par l’entremise d’un faux article du quotidien néerlandophone Het Laatste Nieuws.

Dans les publications destinées aux Québécois, l’adresse web www.lapresse.ca est affiché trompeusement. Or, contrairement aux reportages véritables du quotidien, ces fausses nouvelles n’ont eu aucun mal à se faufiler sur Facebook. Les publications apparaissent en bonne et due forme dans la Bibliothèque publicitaire de Meta.

Les contenus commandités émanent d’une page Facebook attribuée au photographe et chasseur de tempêtes Mike Olbinski, qui compte près de 100 000 abonnés. Le compte américain est désormais géré à partir du Viêtnam et de l’Indonésie, selon les informations de transparence affichées par Facebook.

PHOTO MIKE OLBINSKI, TIRÉE DE SON COMPTE FACEBOOK

Le photographe américain Mike Olbinski

« Ma page est piratée depuis deux mois maintenant », explique par courriel le véritable Mike Olbinski, qui dit avoir payé pour s’abonner à Meta Verified et obtenir davantage de soutien. « Je n’ai reçu aucune aide », regrette-t-il. « Dans ses courriels, Meta me dit qu’elle enquête, mais rien ne change. Bien que la page publie arnaque après arnaque après arnaque, ils ne font rien. C’est dégoûtant. »

CAPTURE D’ÉCRAN DE FACEBOOK

Malgré un tas d’échanges courriel avec Meta Business Support, Mike Olbinski est incapable de récupérer l’accès à son compte professionnel, aujourd’hui aux mains de fraudeurs.

Des internautes ont contacté La Presse pour savoir si les propos de Normand Brathwaite à Tout le monde en parle étaient authentiques.

Par l’entremise d’un formulaire de signalement, le contentieux de La Presse a demandé à Meta de « prendre les mesures nécessaires pour s’assurer qu’aucun utilisateur de la communauté Facebook ne puisse utiliser sans droit le nom, la marque et le logo de La Presse dans le cadre d’une publication publicitaire frauduleuse ».

Puisque l’adresse URL fournie par La Presse pointe vers du contenu externe, « vous souhaiterez peut-être contacter le tiers responsable des éléments signalés pour résoudre votre problème directement avec lui », s’est contentée de répondre Meta. Des signalements similaires dans le passé, notamment pour une fausse nouvelle attribuée à La Presse et mettant en scène le chef ontarien Michael Bonacini, n’ont pas porté leurs fruits.

Meta n’avait pas répondu à nos demandes d’information au moment où nous écrivions ces lignes. L’entreprise explique toutefois sur son site web qu’elle « interdit les publicités qui incluent de fausses informations, car cette pratique va à l’encontre des Standards de la communauté ».

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Techno

L’UE déclenche une « enquête formelle » visant X pour désinformation

PHOTO CARLOS BARRIA, REUTERS

Il s’agit de la première procédure « formelle » dans le cadre de la nouvelle législation européenne sur les services numériques (DSA).

(Bruxelles) Bruxelles a annoncé lundi une « enquête formelle » visant le réseau social X pour des manquements présumés aux règles européennes en matière de modération des contenus et de transparence, une première dans le cadre de la nouvelle législation européenne sur les services numériques (DSA).

Publié à 6h46 Mis à jour à 7h19

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Daniel ARONSSOHN Agence France-Presse

« L’époque où les grandes plateformes en ligne se comportaient comme si elles étaient trop grandes pour se préoccuper des règles est révolue », a déclaré le commissaire européen au numérique, Thierry Breton, soulignant que les nouvelles règles permettaient de « protéger nos citoyens et nos démocraties ».

La Commission européenne avait déjà annoncé le 12 octobre l’ouverture d’une procédure préliminaire au sujet de « fausses informations », « contenus violents et à caractère terroriste » et « discours de haine », visant le réseau social du milliardaire Elon Musk, cinq jours après les attaques du Hamas contre Israël.

Cette première étape consistait en une demande d’informations pour vérifier le respect des obligations européennes par la plateforme X.

Les réponses apportées par l’entreprise américaine, ainsi que son « rapport de transparence » publié début novembre pour faire le point sur les moyens de modération des contenus mis en œuvre, n’ont pas convaincu l’exécutif européen, désormais doté de pouvoirs de contrôle et de sanctions.

La législation européenne prévoit des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial du groupe mis en cause. En cas de violations graves et répétées, une plateforme peut même être interdite d’opérer dans l’UE.

« Preuves suffisantes »

« Les preuves dont nous disposons actuellement sont suffisantes pour ouvrir officiellement une procédure à l’encontre de X », a indiqué la vice-présidente de l’exécutif européen, Margrethe Vestager, citée dans un communiqué.

Avec le déclenchement de la procédure « formelle », la Commission a expliqué lundi qu’elle allait continuer à « rassembler des preuves » en réclamant de nouvelles informations à X, en conduisant des interviews ou en menant des inspections.

Cette procédure permet désormais à la Commission de prendre des mesures pour contraindre X à se conformer aux règles, ou bien d’accepter des remèdes proposés par la plateforme pour répondre aux sujets d’inquiétudes.

Aucune date limite n’est fixée pour l’enquête en cours.

Les investigations porteront en particulier sur « la diffusion et l’amplification de contenus illégaux et de désinformation dans l’UE », a souligné Thierry Breton.

La nouvelle législation a permis à Bruxelles de lancer un vaste tour de vis pour mettre au pas les très grandes plateformes en matière de diffusion de contenus, mais aussi de commerce en ligne.

Diverses enquêtes préliminaires ont déjà été ouvertes sur différents sujets contre Apple, Google, Meta (Facebook, Instagram), TikTok, Snapchat, YouTube ou Amazon.

Mais la procédure ouverte lundi à l’encontre de X est inédite et souligne les inquiétudes spécifiques du régulateur européen à son sujet.

Liberté d’expression

Bruxelles s’était déjà inquiété fin septembre du taux de désinformation sur X, épinglant ses résultats particulièrement mauvais lors de tests effectués sur plusieurs plateformes.

Après avoir racheté Twitter l’an dernier, Elon Musk a procédé à une vague massive de licenciements, ce qui a décimé les équipes de modération. Il réaffirme régulièrement sa vision de la liberté d’expression, refusant toute « censure », même s’il assure respecter les lois de chaque pays.

La Commission européenne a demandé en novembre à ses services de suspendre leurs campagnes publicitaires sur X, une mesure également justifiée par une « hausse alarmante de la désinformation et des discours de haine » sur la plateforme.

Le DSA impose le respect d’une série d’obligations, comme celle d’agir « promptement » pour retirer tout contenu illicite ou d’en rendre l’accès impossible dès que la plateforme en a connaissance. Elle oblige à suspendre les utilisateurs bravant fréquemment les interdictions.

Les très grandes plateformes doivent aussi analyser elles-mêmes les risques liés à leurs services et mettre en place les moyens pour les atténuer. Elles ont, en outre, obligation d’offrir au régulateur et à des chercheurs agréés un accès à leurs données afin que le respect du règlement puisse être vérifié.

Pas de relance pour le journal Une offre à prix cassé pour la dépouille du journal Métro

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Antoine Fradet, PDG d’Atedra, une firme de publicité numérique de Montréal, offre 50 000 $ pour les ordinateurs, le nom et la propriété intellectuelle, ont dit à La Presse des employés au fait du dossier.

Un entrepreneur actif dans le domaine de la publicité numérique a déposé une offre d’achat à un prix cassé pour les restes du journal Métro.

Publié à 17h00

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Denis Arcand La Presse

Pierre-Antoine Fradet, PDG d’Atedra, de Montréal, et d’Adstanding, de New York, offre 50 000 $ pour les ordinateurs, le nom et la propriété intellectuelle, ont dit à La Presse des employés au fait du dossier.

L’offre, qui a été communiquée aux ex-employés, n’implique pas la continuité des affaires de ce média local qui a déjà employé près de 70 personnes, dont la moitié à la rédaction, avant de cesser ses activités le 11 août.

Il s’agit d’une déception pour ces derniers, puisque M. Fradet avait déposé au mois d’octobre une offre qui impliquait la continuité des affaires, à certaines conditions.

M. Fradet avait alors offert une somme à préciser entre 500 000 $ et 2 millions de dollars et proposait d’offrir des emplois aux journalistes et autres employés de Métro responsables du contenu, à condition de s’entendre sur les conditions de travail et les modalités d’emploi.

Cette offre avait été jugée insatisfaisante par le syndic au dossier, Stéphane De Broux, de KPMG, qui avait invité M. Fradet à la préciser et lui avait donné du temps pour ce faire.

Dernier clou dans le cercueil

Selon les employés, l’offre récente beaucoup plus basse – et sans mention d’une relance – s’explique essentiellement par l’abandon par l’acheteur, cette fois, des crédits d’impôt qui demeurent dans les actifs de l’entreprise et qui auraient pu aider à la reprise des activités : « En gros, il offre 27 000 $ pour les ordinateurs et 23 000 $ pour le nom du journal, la propriété intellectuelle et les archives, qui contiennent probablement des données analytiques qui ont de la valeur pour un publicitaire », a dit à La Presse un ex-journaliste du Métro. « L’idée de réembaucher les employés n’est plus là. Ce n’est pas clair ce que l’acheteur veut faire. C’est décevant pour nous, malgré qu’après 4 mois, plusieurs se soient replacés ailleurs. »

« Il n’y a pas l’air d’avoir de relance dans cette nouvelle offre, en tout cas, ça n’est pas indiqué. On aimerait avoir plus d’informations sur ses intentions. C’est flou. Avec la nouvelle offre, on dirait que son intention est d’acheter des données et des ordis », a dit à La Presse une autre ex-employée.

M. Fradet n’a pu être joint au numéro de son entreprise.

Sa deuxième offre a été faite le 18 décembre et expire le 21 décembre à 17 h.

« Si le dénouement de cette affaire est la mort du Métro, je suis catastrophée », a dit Annick Charette, présidente de la Fédération nationale des communications, affiliée à la CSN, qui représentait les employés du journal. « Ce serait la fin de l’information locale à Montréal. »

Le syndic De Broux n’avait pu être joint au moment de publier.

Sur la chaîne YouTube du Devoir

Bilan d’une «année difficile» pour les médias québécois | Entrevue avec Éric-Pierre Champagne

2023 a été «une année difficile» dans le domaine des médias au Québec: fermeture du journal «Métro», importantes coupes de postes à TVA et à SRC/CBC, fin du papier pour les Coops de l’information. La liste est longue. Éric-Pierre Champagne, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et journaliste à «La Presse», dresse le bilan de cette année avec notre équipe.

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Coops de l’information Les six quotidiens ont livré leur dernière édition papier

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

La salle de rédaction du journal Le Soleil, à Québec

Pour la toute dernière fois ce samedi matin, les Québécois pourront feuilleter les pages du Soleil, de La Tribune, de La Voix de l’Est, du Droit, du Nouvelliste et du Quotidien. Les six quotidiens régionaux de la Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) défonceront la nouvelle année en basculant dans le tout-numérique. Petit aperçu d’une grande transformation.

Publié à 1h01 Mis à jour à 5h00

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Charles-Éric Blais-Poulin
Charles-Éric Blais-Poulin La Presse

Une fin, un début

Jointe au téléphone dans les bureaux du Soleil, la voix de Valérie Gaudreau, qui a piloté le dernier numéro imprimé du quotidien de Québec en kiosque ce samedi, contient des inflexions à la fois de deuil et de fête.

Le vin joyeux versé en ce vendredi après-midi célèbre 127 ans d’histoire qui ne continueront plus de s’écrire à l’encre, mais exclusivement en pixels, avec une salle « très jeune », « réactive » et rompue au numérique.

SOURCES : BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES NATIONALES DU QUÉBEC ET SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE LA HAUTE-YAMASKA

Premières parutions des six quotidiens régionaux, désormais regroupés au sein de CN2i

Le vin triste, lui, sera versé comme des larmes pour le départ de précieux artisans qui ont décidé de quitter la scène en même temps que le papier. C’est aussi un support emporté par le même vent qui a soufflé sur les journaux imprimés de La Presse, en semaine dès 2016 puis le samedi à partir de 2018.

« C’est la fin d’un objet, d’un artisanat qui est de produire un journal chaque jour, mais l’information, l’équipe, tout demeure », nuance Valérie Gaudreau, ex-rédactrice en chef du Soleil qui signera la chronique municipale en remplacement de François Bourque à partir de janvier.

À Sherbrooke, le rythme de travail dans les locaux de La Tribune, fondée en 1910, était somme toute « mollo » en ce vendredi matin. « On a travaillé vraiment fort dans les dernières semaines, surtout dans les deux, trois derniers jours », explique la rédactrice en chef, Chloé Cotnoir, en entrevue avec La Presse. « Aujourd’hui, ce sont les dernières corrections. Plusieurs collègues vont venir nous rejoindre pour faire un petit happening au moment d’envoyer la dernière une à l’impression. »

Un passage inévitable

Les six quotidiens régionaux de CN2i avaient déjà largué le papier en semaine à la fin du mois de mars 2020. Depuis, ces journaux, qui misent sur les abonnements, n’ont cessé d’accroître leur présence numérique ; ils lançaient, au milieu du mois d’avril dernier, une nouvelle plateforme web et des applications revampées pour téléphones et tablettes.

« C’était toute une gymnastique de soutenir en même temps le papier et le numérique, observe Mme Cotnoir, de La Tribune. Ce n’est pas le même lectorat, ce n’est pas la même façon de produire de la nouvelle. »

PHOTO JEAN ROY, ARCHIVES LA TRIBUNE

Chloé Cotnoir, rédactrice en chef de La Tribune

Il y a une forme de soulagement dans l’équipe de pouvoir concentrer à 100 % nos efforts et nos énergies sur le numérique, plutôt que de faire [le grand écart] entre les formats.

Chloé Cotnoir, rédactrice en chef de La Tribune

« On va pouvoir penser 100 % numérique », acquiesce Valérie Gaudreau, à Québec. « Le papier dictait la production ; notre réactivité était un peu captive. Mais là, on va vouloir expérimenter, par exemple dans la façon de présenter l’information. »

Si la pandémie de COVID-19 a précipité l’abandon du format papier, les journalistes du Soleil sont aujourd’hui dans l’« acceptation », croit-elle.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Valérie Gaudreau, ex-rédactrice en chef du Soleil

En publiant une seule fois par semaine depuis trois ans, l’équipe s’est faite à l’idée. C’est sûr, par contre, que des métiers n’existeront plus. C’est le quart des effectifs qui part au Soleil.

Valérie Gaudreau, ex-rédactrice en chef du Soleil

Afin de mener à bien sa transition numérique, CN2i avait instauré un programme de départs volontaires au printemps 2023, une opération qui a permis d’éviter des mises à pied. Quelque 125 membres travailleurs des Coops de l’information ont levé la main, soit environ le tiers des travailleurs de l’information du réseau.

Des exemplaires souvenirs

Les exemplaires des six quotidiens qui tacheront les doigts des lecteurs pour la dernière fois ce samedi ne contiendront aucune trace d’actualité brûlante. Pour Le Soleil et La Tribune, il s’agira, en quelque 100 pages, de se remémorer plus d’un siècle d’histoire et d’histoires.

« C’est vraiment un plongeon dans le passé, illustre Chloé Cotnoir, rédactrice en chef du quotidien sherbrookois. On revient sur les 114 ans du journal ; les évolutions technologiques, les métiers qui ont contribué à la production du journal papier, qu’il s’agisse des pressiers, des camelots, des gens de la distribution, etc. On a aussi redonné de l’espace à d’anciens journalistes et chroniqueurs qui ont accepté de reprendre la plume pour raconter des moments marquants ou des faits cocasses. »

Au Soleil, l’ultime édition, ponctuée de rétrospectives, de photos et de caricatures d’archives et de témoignages de lecteurs, sera tirée à 40 000 exemplaires, de quoi récompenser les abonnés et permettre à 5000 curieux d’acheter leur exemplaire en kiosque. Le travail sur cet exemplaire historique s’est amorcé au début de l’automne.

Craintes pour la pérennité de l’information régionale

Les nouvelles locales de villes d’importance comme Gatineau, Sherbrooke, Saguenay, Granby et Trois-Rivières perdront leur principal support papier. Les difficultés des médias écrits ces dernières années font craindre non seulement pour le contenant, mais aussi pour le contenu, souligne Colette Brin, directrice du Centre d’études sur les médias et professeure titulaire à l’Université Laval.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Les six quotidiens régionaux de CN2i avaient déjà largué le papier en semaine à la fin du mois de mars 2020.

Elle fait remarquer que le passage au tout-numérique des quotidiens régionaux a entraîné une réduction des équipes autant à la production qu’à la rédaction. « La technologie numérique permet de faire certains gains d’efficacité, par exemple dans la recherche, mais c’est sûr que pour l’information locale, il y a une tendance à la réduction du nombre de journalistes sur le terrain », se désole-t-elle.

Elle se rappelle une époque où les bureaux du Soleil accueillaient une centaine de journalistes, contre une trentaine aujourd’hui. Chute des revenus publicitaires oblige, le quotidien de Québec a dû faire ses adieux à une trentaine d’employés en mars 2020, puis à une vingtaine d’autres en 2023 en vue de l’abandon du papier.

Malgré une équipe réduite, « il n’y a pas de secteurs d’activité qu’on va laisser tomber », assure Valérie Gaudreau, jusqu’à tout récemment rédactrice en chef.

La Tribune a pour sa part perdu 13 employés, dont 7 dans la salle de rédaction. « C’est sûr que ça vient avec une réflexion sur la réorganisation du travail et sur la façon de continuer à offrir du contenu de qualité avec une équipe réduite », note la rédactrice en chef, Chloé Cotnoir.

En savoir plus

  • 1 $
    Propriété de Gesca jusqu’en 2015 puis du Groupe Capitale Médias, les quotidiens Le Soleil (Québec), La Tribune (Sherbrooke), La Voix de l’Est (Granby), Le Droit (Gatineau-Ottawa), Le Nouvelliste (Trois-Rivières) et Le Quotidien (Saguenay–Lac-Saint-Jean) ont été acquis en décembre 2019 par une nouvelle entité, la Coopérative nationale de l’information indépendante, au montant symbolique d’un dollar.

Les fausses infos alimentées par l’IA se répandent; le Canada pourra-t-il s’en protéger?

Prime Minister Justin Trudeau and Conservative Leader Pierre Poilievre take part in the National Prayer Breakfast in Ottawa on Tuesday, May 30, 2023. (Sean Kilpatrick/The Canadian Press)
Les prochaines élections fédérales, où Justin Trudeau (à gauche) et Pierre Poilievre tenteront respectivement de rester ou de devenir premier ministre du pays, pourraient être affectées par les nouvelles technologies. (Archives)
PHOTO : (SEAN KILPATRICK/THE CANADIAN PRESS)

Radio-Canada
Publié à 17 h 41 HNE

Quelques jours avant les élections nationales slovaques de l’automne dernier, un mystérieux enregistrement vocal est venu bouleverser la campagne électorale. On y entend Michal Šimečka, chef du parti Progresívne Slovensko, discuter de l’achat de votes avec un journaliste local.

Or, cette conversation n’a jamais eu lieu. Il s’agissait d’un deepfake (hypertrucage) audio.

M. Šimečka a perdu l’élection aux mains de Robert Fico du parti Smer, qui a fait campagne pour cesser tout soutien à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. M. Fico reprend donc le poste de premier ministre qu’il occupait jusqu’en 2018.

Même s’il est difficile de quantifier l’impact d’un tel hypertrucage sur les résultats aux urnes, cet événement illustre l’importance qu’aura l’intelligence artificielle sur la démocratie dans le monde.

Nous savons que la désinformation constitue déjà une menace pour les processus démocratiques. [L’intelligence artificielle] risque de l’amplifier. C’est très préoccupant, explique Caroline Xavier, cheffe du Centre sécurité des télécommunications (CST).

Si les agences des différentes démocraties, partout dans le monde, explorent leurs options afin de se prémunir contre ces nouvelles technologies, certains experts se demandent jusqu’où iront ceux qui ont des intentions néfastes.

Jusqu’où pousser l’audace?

Hany Farid est professeur à l’université de Californie-Berkeley et spécialisé dans la criminalistique numérique. Il explique que la diffusion de fausses informations créées à l’aide de l’intelligence artificielle est déjà bien en cours.

Créer un enregistrement de 10 secondes du premier ministre qui raconte quelque chose d’inapproprié, ça prend deux minutes. Et ça se fait avec très peu d’argent, très peu d’efforts et très peu de compétences.

— Hany Farid, professeur à l’université de Californie-Berkeley

L’impact d’une telle technologie se fera sans doute sentir un peu partout dans le monde en 2024. Les Américains, les Indiens, les Indonésiens, les Portuguais, les Mexicains, les Sud-Africains, les Sud-Coréens, les Algériens, les Belges et les Autrichiens, entre autres, seront appelés aux urnes.

Je ne pense pas que quiconque soit vraiment prêt, dit le professeur Farid.

Il ajoute que la création de fausses nouvelles qui sont aussi crédibles, même si elles sont démenties par toutes les personnes impliquées, a un impact immédiat. Vous pouvez remettre les pendules à l’heure si vous voulez, […] le mal est fait.

La différence entre les candidats se compte généralement en dizaines de milliers de voix. Il n’est pas nécessaire de [changer l’opinion] des millions d’électeurs.

Un portrait de Hany Farid.
Hany Farid est professeur à l’Université de Californie-Berkeley.
PHOTO : ASSOCIATED PRESS

Mais le professeur Farid s’inquiète davantage de la possibilité de voir des politiciens utiliser une telle technologie pour mentir à la population.

Si votre premier ministre, votre président ou votre candidat est surpris en train de dire quelque chose d’offensant ou d’illégal, [il n’a qu’à dire qu’il s’agit d’un hypertrucage]. [Les politiciens] n’ont plus à faire face à quelconque conséquence.

Opérations cybernétiques défensives

Du côté du CST, on se prépare.

Le Canada n’est pas à l’abri, explique Mme Xavier. Nous anticipons le pire. […] Nous sommes prêts.

Le mois dernier, le CST a publié un rapport intitulé Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada (Nouvelle fenêtre).

Nous estimons qu’il est très probable que la Russie et la Chine soient encore responsables de la plupart des activités de cybermenace attribuées visant les élections étrangères dans les deux prochaines années, particulièrement contre les pays ayant une importance stratégique pour elles.

— Extrait du rapport du CST, Cybermenaces contre le processus démocratique du Canada

Mme Xavier n’écarte pas la possibilité de devoir passer à l’acte.

Pourrions-nous éventuellement recourir à des opérations cybernétiques défensives si le besoin s’en faisait sentir? Absolument, explique-t-elle. Notre ministre les avait autorisées avant les élections de 2019 et de 2021. Nous n’avons pas eu à y recourir. Mais en prévision des prochaines élections, nous ferons de même. Nous serons prêts.

Une femme porte un veston avec deux écussons et regarde la caméra.
Caroline Xavier est la cheffe du Centre sécurité des télécommunications du Canada. (Archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / OLIVIER PLANTE

Selon Mme Xavier, le fait que les élections fédérales continuent de se faire à l’aide de bulletins de vote papier confère un certain degré de protection au pays.

Malgré tout, lit-on dans le rapport, nous évaluons qu’il est très probable que la capacité de générer des hypertrucages surpasse notre capacité à les détecter.

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Les licenciements débutent à Radio-Canada


Photo: Marie-France Coallier, Archives Le Devoir
Le service des communications et du marketing de la société d’État est le premier à écoper. Le secteur de l’information, lui, retient son souffle.

Étienne Paré
20 h 18
Médias

Radio-Canada a amorcé cette semaine ses premiers licenciements en vertu des compressions annoncées en décembre dernier. D’ici la fin de l’année, ce sont environ 10 % des postes au sein de la société d’État qui devraient être supprimés. Mais un flou persiste sur la manière dont ces compressions seront mises en place. Le syndicat exige plus de transparence de la part du diffuseur public.

« Le discours qu’on entend en ce moment, c’est que tous les départements vont devoir supprimer 10 % de leur effectif. Mais dans certains endroits, en région entre autres, c’est juste impossible de couper 10 %. Forcément, la direction va devoir faire des choix. Il y a des décisions dans la programmation qui vont devoir être prises. On ne pourra pas continuer de tout faire. Il y a des projets qui vont devoir être arrêtés », croit le président du Syndicat des travailleuses et travailleurs de Radio-Canada, Pierre Tousignant.

Pour l’heure, en effet, on ne dispose que de peu d’informations sur la manière dont seront ventilées les compressions de 125 millions de dollars au sein de la société d’État prévues lors de la prochaine année. On sait par contre que 800 postes devraient être supprimés, dont 200 étaient déjà vacants. Autant de personnes perdront leur emploi Radio-Canada qu’à CBC, même si le service français résiste beaucoup mieux dans le contexte actuel que son pendant anglophone.

Le couperet commence d’ailleurs à tomber à Radio-Canada, où l’on a appris mardi que 21 postes seraient éliminés dans le secteur du marketing et des communications, dont 6 de cadres. Le porte-parole de l’institution, Marc Pichette, a annoncé le lendemain son départ en vue de la fin mars. Mais sa décision n’a rien à voir avec les compressions au sein de son équipe, a précisé vendredi le principal intéressé.

« Mon départ n’est aucunement lié aux compressions. Après 23 ans de loyaux services pour le diffuseur public, j’ai informé mes supérieurs en novembre dernier de ma volonté d’accrocher mes patins », a fait savoir Marc Pichette, premier directeur de la promotion et des relations publiques à Radio-Canada.

Dans l’attente des compressions

Les compressions annoncées mardi représentent 15 % des effectifs dans le secteur du marketing et des communications. C’est pour l’heure le seul département où des compressions ont été confirmées.

Des suppressions d’emplois sont attendues dans le secteur de l’information, mais aucune annonce n’a encore eu lieu. En interne, cette attente génère beaucoup de stress, selon le président du syndicat, Pierre Tousignant, qui presse la direction de dévoiler son plan de match.

« C’est très opaque. On n’est mis au courant de rien. Quand il y a eu l’annonce des coupes de 800 postes en décembre, on a demandé à la direction du respect et de la transparence. En ce moment, on n’a ni l’un ni l’autre », déplore-t-il.

La présidente-directrice générale de CBC/Radio-Canada, Catherine Tait, avait expliqué en décembre dernier devoir procéder à des compressions majeures en raison de la baisse des revenus publicitaires, que subit actuellement l’ensemble des diffuseurs en télévision. Elle a aussi cité la diminution du financement public, laissant entendre que les compressions pourraient être moins importantes que prévu si la participation financière du gouvernement était rehaussée.

Lors de son dernier budget, le gouvernement Trudeau a demandé aux différents organismes fédéraux de réduire leurs dépenses de 3 %. Après l’annonce de Catherine Tait en décembre, la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, avait suggéré que cet effort budgétaire pourrait ne pas s’appliquer à CBC/Radio-Canada. Ainsi, le nombre de licenciements pourrait être moins élevé que ce qui avait été annoncé au départ. Mais là encore, un flou persiste.

Bilan annuel 2023 La Presse en position de réinvestir dans le journalisme au Québec

PHOTO LA PRESSE

La salle de rédaction de La Presse

La Presse publie son bilan annuel qui fait le point sur ses finances et qui revient sur ses grands projets de l’année.

Publié à 1h37 Mis à jour à 5h00

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Pierre-Elliott Levasseur
Pierre-Elliott Levasseur Président de La Presse

La Presse a pour mission d’offrir une information de qualité gratuite et accessible à tous. Cette mission, qui guide nos actions et nos décisions chaque jour, est essentielle pour donner une voix à la communauté, pour couvrir l’actualité au quotidien, pour vérifier les faits avec rigueur, pour les analyser, les décortiquer et les expliquer. Bref, pour contribuer à préserver une saine démocratie. Grâce entre autres à nos 56 000 donateurs de 2023, nous avons terminé l’année avec un bilan positif, ce qui nous permettra de contribuer à notre fonds de réserve pour assurer notre pérennité, et surtout, de réinvestir de façon concrète dans notre mission et dans le journalisme au Québec.

Ainsi, nous comptons dès cet hiver contribuer encore plus largement à ce qui vous préoccupe et ajouter des postes de journalistes à notre salle de rédaction. Dans le contexte de l’implantation d’une vaste réforme du réseau de la santé, au moment où l’on se relève d’une grande crise sanitaire, nous investirons dans la couverture de cet enjeu d’importance qu’est la santé dans nos vies. Nous le ferons aussi pour suivre de très près, sur le terrain, la prochaine élection présidentielle américaine, en multipliant les textes, analyses, dossiers et voyages. Nous nous pencherons également avec une attention accrue sur les enjeux environnementaux et énergétiques, qui touchent les citoyens de près.

Nous prévoyons aussi bonifier notre présence dans les grandes villes hors Montréal, qui sont le cœur des régions du Québec.

En cohérence avec notre mission d’accessibilité à tous, il est primordial pour nous d’assurer une information régionale de qualité, afin qu’une pluralité de journalistes puisse s’atteler à établir les faits, à poser des questions, à enquêter, à analyser, à ajouter du contexte pour vous donner l’heure juste, mais également pour mieux vous guider dans votre vie, et ce, dans toutes les communautés.

Ces développements ne pourraient être possibles sans les efforts de toutes nos équipes et de nos syndicats. La collaboration demeure au cœur de l’ensemble de nos initiatives et notre réussite est due à la passion, au dévouement et à l’engagement de nos employés. Elle est également due à tous ceux qui nous soutiennent, dont nos annonceurs et nos donateurs. Grâce à eux, nous prévoyons enregistrer un bénéfice net de 13 millions de dollars* en 2023.

Un modèle d’affaires qui fonctionne

Indépendante, sans actionnaires commerciaux, La Presse évolue dans une structure à but non lucratif. Ses surplus sont entièrement réinvestis dans la mission et l’organisme. Si La Presse peut aujourd’hui évoluer avec assurance dans une industrie en mouvement, c’est parce que nous avons conclu, avec succès, notre audacieuse mais cruciale transformation numérique entamée il y a plus de 10 ans. Une transformation qui nous a permis de complètement repenser nos façons de faire pour être en phase avec l’évolution des habitudes de consommation d’information de nos lecteurs ainsi qu’avec les besoins de nos annonceurs.

Depuis plus de cinq ans maintenant, ce modèle d’affaires est basé sur la diversification de nos revenus.

En 2023, nous avons connu une hausse de nos revenus publicitaires dans un marché en décroissance. Ces résultats sont attribuables entre autres aux innovations réalisées chaque année sur le plan de notre offre de produits publicitaires.

Cette offre est désormais en grande partie basée sur l’utilisation de la donnée et la segmentation fine de nos audiences, en tout respect des plus hauts standards de l’industrie en matière de respect de la vie privée. Elle nous permet d’être compétitifs avec certains outils proposés par les géants américains du numérique, mais de façon éthique et locale.

La Presse s’est également adaptée au marché afin de pouvoir rejoindre davantage les PME avec le lancement imminent d’Atelier direct La Presse, une plateforme en libre-service qui offre la possibilité à des annonceurs avec des budgets plus modestes de lancer et gérer des campagnes efficaces et performantes, en toute autonomie et à moindres coûts.

L’engagement de nos donateurs

En 2023, plus de 56 000 donateurs ont contribué à La Presse pour un total de 7,8 millions recueillis en dons, une augmentation de 13 % par rapport à 2022. Plus de la moitié des donateurs offrent par ailleurs une contribution mensuelle, ce qui nous garantit un revenu stable et prévisible. À cela s’ajoute un nouveau type de don annuel lancé en 2023, se renouvelant automatiquement chaque année, qui vise aussi à nous soutenir à plus long terme.

Cet engagement nous touche énormément et témoigne de la force de notre communauté de soutien qui ne cesse de grandir.

Nos donateurs contribuent à offrir une information de qualité gratuitement à près de 4 millions de lecteurs que rejoignent nos plateformes chaque mois, soit autour de 60 % de la population adulte francophone du Québec.

Ils nous permettent de continuer d’être présents pour vous, et pour tous ceux qui comprennent l’importance de s’informer auprès de sources fiables, crédibles et rigoureuses. Mais également de renouveler et bonifier notre offre de contenu pour ajouter de la valeur dans la société. Nous tenons à les remercier sincèrement pour leur soutien renouvelé, leur générosité et, surtout, leur fidélité.

L’appui des gouvernements

La Presse bénéficie également de programmes gouvernementaux normés accessibles à l’ensemble des médias. Notre industrie traverse aujourd’hui une crise sans précédent qui affecte directement le financement des salles de nouvelles, et par conséquent, l’accès au public à une information fiable et rigoureuse. Nous tenons à saluer l’annonce du gouvernement fédéral de bonifier son aide par une hausse des crédits d’impôt sur la masse salariale rédactionnelle. Cette décision, à laquelle s’ajoute la mise en application de la Loi sur les nouvelles en ligne et la conclusion d’un accord historique avec Google pour le paiement de redevances aux médias d’ici, démontre que le gouvernement reconnaît et valorise le travail essentiel des médias d’information et leur apport à notre démocratie.

Un fonds de réserve pour assurer notre pérennité

Depuis deux ans maintenant, nous sommes en mesure de réinvestir une part de nos surplus annuellement dans un fonds de réserve, créé pour assurer la pérennité de notre institution. Le solde de ce fonds est aujourd’hui de 40 millions de dollars.

Notre objectif est d’y accumuler une somme importante permettant la pérennité et le développement de l’information au Québec sans être mis à risque par les fluctuations économiques ou des changements technologiques d’envergure qui sont de plus en plus complexes et coûteux à réaliser.

La Presse évolue dans une industrie en profonde mutation et dans un environnement compétitif dominé par les géants du web ainsi que de grands acteurs intégrés. Elle doit donc, en tant qu’entreprise indépendante responsable, sans actionnaires commerciaux, faire croître son fonds de réserve.

Une industrie en bouleversement

Nous avons traversé bien des tempêtes au cours des 10 dernières années, pour complètement transformer nos produits, puis notre modèle d’affaires, afin de pouvoir faire face à la crise qui frappe durement notre industrie. En 2023, des médias ont dû fermer leurs portes, ou procéder à des réductions importantes d’effectifs ayant un impact sur les salles de rédaction. La situation est préoccupante et il est primordial que notre écosystème soit fort et diversifié afin de favoriser une pluralité d’opinions et de contrer la désinformation.

En 2023, nous avons continué d’innover autant sur le plan de notre contenu, de nos produits que de notre infrastructure publicitaire. Notre salle de rédaction vous a livré toujours plus de contenu d’impact, qui a contribué à faire bouger les choses.

La qualité de notre information a été récompensée par sept prix au Concours canadien de journalisme, dont celui de journaliste de l’année pour Isabelle Hachey, deux prix Judith-Jasmin ainsi que six prix Antoine-Desilets qui soulignent le travail de nos photojournalistes. Le prestigieux Prix de la liberté de la presse a également été remis au chef de notre équipe d’enquête, Vincent Larouche.

Nous amorçons 2024 avec la volonté ferme de continuer de répondre et de nous adapter à vos besoins de façon proactive, chers lecteurs, pour poursuivre, grâce à votre soutien renouvelé, notre essentielle mission. Pour ce faire et pour affronter les défis qui nous attendent, nous comptons sur l’engagement de nos annonceurs et sur les dons de grandes fondations et entreprises. Tous sont des piliers essentiels à la pérennité de notre institution, mais également à la bonification de notre couverture dans l’ensemble des communautés du Québec.

  • Excluant les réévaluations actuarielles sans impact sur la trésorerie et les résultats du fonds de réserve.

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Le commissaire aux langues officielles enquêtera sur les licenciements à CBC/Radio-Canada


Photo: Marie-France Coallier, archives Le Devoir
En décembre, CBC/Radio-Canada a annoncé l’abolition de 800 postes, dont 200 étaient déjà vacants.

Lise Denis
à Ottawa
Initiative de journalisme local
17 h 31
Médias

Le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, va enquêter sur les compressions à CBC/Radio-Canada.

Depuis l’annonce de décembre, quatre plaintes ont été déposées auprès du Commissariat aux langues officielles. Jugées recevables, elles « feront l’objet d’une enquête », qui « portera sur les obligations de l’institution en lien avec les compressions », a confirmé au Devoir l’institution, qui veille au respect de la Loi sur les langues officielles.

Selon Radio-Canada, qui a d’abord rapporté la nouvelle, « l’une [des plaintes] allègue qu’en voulant couper à parts égales dans les services français et anglais, CBC/Radio-Canada défavorise de manière disproportionnée les francophones ».

« J’encourage fortement les dirigeants de CBC/Radio-Canada à tenir compte de leur rôle au sein des communautés de langue officielle lorsqu’elle prendra ses décisions », a déclaré par écrit le commissaire Raymond Théberge, soulignant que Radio-Canada est « parfois la seule source d’information locale en français ». « Je tiens à rappeler que dans sa nouvelle mouture, la Loi reconnaît maintenant de façon formelle l’importance de CBC/Radio-Canada pour l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada », a-t-il ajouté.

En décembre, la société d’État a annoncé l’abolition de 800 postes, dont 200 étaient déjà vacants. Avec ces compressions, qui feront partir environ 10 % de l’effectif, CBC/Radio-Canada espère faire des économies de 125 millions de dollars, dans un contexte de baisse du financement public et de la diminution des revenus publicitaires.

Les suppressions de postes seront réparties équitablement entre CBC et Radio-Canada. Une décision jugée injuste du côté francophone, qui s’en tire beaucoup mieux que le service anglais. En 2021-2022, CBC représentait moins de 5 % des parts de marché à la télévision anglophone, tandis qu’ICI Radio-Canada Télé atteignait jusqu’à 25 % des audiences dans le marché francophone.

D’après les informations du Devoir, l’ancien vice-président des services français, Michel Bissonnette, aurait été écarté de la haute direction en octobre dernier, car il croyait que les compressions devraient davantage viser CBC plutôt que Radio-Canada.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.

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