Montréal Des découvertes archéologiques derrière le siège social d’Hydro
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Des objets du XVIIIe et du XIXe siècle ont été découverts derrière le siège social d’Hydro-Québec, à Montréal.
Des objets du XVIIIe et du XIXe siècle ont été découverts en plein cœur du centre-ville de Montréal, derrière le siège social d’Hydro-Québec. Ces rares objets ont été trouvés dans le cadre de fouilles archéologiques organisées par la société d’État.
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Jérémy L’Allier La Presse
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Parmi les vestiges datant du XVIIIe siècle, on retrouve des fragments de poterie de grès salin et de faïence dans un état de préservation remarquable. On estime que ces objets datent du début du régime anglais, lorsque la population a commencé à s’installer hors des fortifications de Ville-Marie. Bien qu’aucune trace de bâtiments datant de cette époque n’ait été trouvée, des lotissements octroyés à la fin du XVIIIe siècle prouvent une occupation de ce terrain.
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Parmi les vestiges datant du XIXe siècle, on retrouve une multitude d’objets comme de la vaisselle richement décorée, des retailles de cuir et des objets utilisés en cordonnerie. Il y a aussi des ossements de bœuf, porc, mouton et des instruments de boucherie. La qualité des objets trouvés évoque la possibilité d’une certaine richesse des personnes qui vivaient sur le site. « On pense que les gens qui habitaient cet endroit avaient un statut social élevé », indique Martin Perron, archéologue chez Hydro-Québec.
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Ces découvertes ont été faites dans le cadre de la démolition du stationnement du siège social d’Hydro-Québec, situé sur le boulevard René-Lévesque, entre les rues Saint-Urbain et Clark, dans le but d’y établir un espace public. Depuis les années 1980, Hydro-Québec organise des recherches archéologiques lors des travaux d’aménagement et de développement. « Nous avons des directives internes de préservation du patrimoine archéologique et culturel à Hydro-Québec », indique Martin Perron.
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Les chercheurs ont également découvert les fondations d’une maison qui fait face à la rue Clark, datant du début du XIXe siècle. Ce bâtiment « exceptionnellement bien préservé » en plein cœur du centre-ville a impressionné les archéologues présents sur le site. On y retrouve aussi un puits presque intact à l’intérieur même de la maison.
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« On a de la chance qu’en recouvrant le site, le stationnement d’Hydro-Québec ait préservé tout ça », avoue Martin Perron. La présence de ces objets s’explique parce que lors de la construction du siège social dans les années 1950, il n’y avait pas encore de directives de préservation du patrimoine. Les archéologues présents ignorent pourquoi le bâtiment a été démoli à la fin du XIXe siècle
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Autour de 1890, une scierie a été construite dans la cour arrière de la maison de pierres. Le plancher de l’ancienne cour à bois est dans un état remarquable. Aucun objet associé à la coupe de bois n’a été trouvé sur le site. Cependant, d’anciens plans de la ville datant de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle indiquent la présence de celle-ci. La scierie a été active jusqu’à l’aménagement du siège social d’Hydro-Québec.
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La société de recherche anthropologique Arkéos est chargée par Hydro-Québec de mener la fouille du site. Les travaux ont débuté il y a quatre semaines dans le cadre de l’aménagement d’un espace public là où se situait le stationnement. Dès la première pelletée de terre, les archéologues ont trouvé des objets, chose peu commune dans le domaine. « C’est très rare qu’une chose de ce type arrive », ajoute Martin Perron. La fouille et l’analyse des objets découverts sont en cours.
Un trésor archéologique est découvert sous le stationnement derrière Hydro-Québec
Des archéologues en plein travail
Photo : The Canadian Press / Ryan Remiorz
La Presse canadienne
Publié hier à 21 h 47
Quelque part entre 1801 et 1825, une maison de pierres, bâtie sur une fondation fort bien faite, a vu le jour dans ce qui est aujourd’hui le stationnement du siège social d’Hydro-Québec, en plein centre-ville de Montréal.
Ce trésor archéologique d’une rare richesse, qui vient d’être mis au jour par des archéologues de la société d’État, raconte l’histoire de résidents aisés installés au bord du ruisseau de la côte à Baron, qui n’existe plus, avec front sur la rue Saint-Charles-Borromée, devenue par la suite la rue Clark, en plein cœur du Faubourg Saint-Laurent.
À cette époque, le Faubourg Saint-Laurent était en train de naître dans un secteur jusque-là agricole.
C’était un bourg populaire qui s’est aménagé à l’extérieur des murs de fortification autour du milieu du 18e siècle, où l’on retrouvait des artisans, des gens un peu moins nantis, des agriculteurs, venus s’installer ici en réponse à la densification de plus en plus forte à l’intérieur des murs des fortifications, raconte l’archéologue Martin Perron, responsable du site.
On a été chanceux!
La découverte était prévisible, raconte-t-il, puisqu’on avait trouvé d’autres vestiges lors des constructions d’édifices environnants, mais on ne s’attendait pas à trouver un site d’une telle richesse.
On a été chanceux! Les vestiges archéologiques se trouvent vraiment à faible profondeur sous le pavé de l’asphalte, se réjouit M. Perron.
Ce bâtiment, il est exceptionnellement bien préservé, dit-il. On a des fondations sur presque trois ou quatre pieds de hauteur avec les premières assises du mur d’élévation. On présume l’avoir dans son entier parce que le front est, qui donnait sur la rue Saint-Charles-Borromée, est sous l’actuel trottoir de la rue Clark.
Il ajoute qu’on a trouvé un puits d’eau à l’intérieur, ce qui était assez commun, mais c’est assez inusité d’en trouver aussi bien préservé enfoui. On a la couche de construction, les fondations, dans laquelle on a trouvé plusieurs matériaux de construction et surtout des petits éclats de pierre qui ont été taillés pour bien s’insérer dans les fondations du mur.
Des archéologues à la recherche d’artéfacts
Photo : The Canadian Press / Ryan Remiorz
Mystérieux tessons du 19e siècle
La cache aux objets précieux ne s’arrête pas là, bien au contraire, poursuit-il, expliquant que l’on a découvert de nombreux artéfacts datant, pour la grande majorité, du 19e siècle, mais on a quand même retrouvé quelques tessons, en grès salin et en faïence, qui remontent assurément à la seconde moitié du 18e siècle, soit vers le début du régime anglais, et qui représentent un premier mystère, raconte l’archéologue.
Ça, c’est la grande question. Est-ce que ce sont des tessons épars qui ont été laissés là lorsqu’il y a eu des gens de passage près du ruisseau? Peut-être des agriculteurs? Mais sur les plans antérieurs, on n’a aucune trace d’aucun bâtiment ou d’aucune activité autre qu’agricole. Il n’y avait pas de construction connue. Ces artéfacts sont orphelins pour le moment, mais c’est hyper intéressant et on veut continuer les recherches pour essayer de trouver d’autres niveaux peut-être associés à cette occupation de seconde moitié du 18e siècle.
La caverne d’Ali Baba
Pour ce qui est des objets directement associés à la maison, c’est la caverne d’Ali Baba.
On a vraiment de tout, tout ce qui était utilisé à l’époque : vaisselle, vaisselle de présentation, des pichets, des assiettes, des bols dont certains sont quand même richement décorés.
On a toute la séquence de production de ces matériaux au 19e siècle avec des importations qui proviennent d’Angleterre, de France, des États-Unis, du Bas et du Haut-Canada. On a également des bouteilles de boissons gazeuses, de bière, de vin, des encriers, des objets pour l’hygiène courante, beaucoup d’ossements associés à l’alimentation des gens, dont plusieurs avec des traces de boucherie, du porc, du mouton, du bœuf.
Puis, un deuxième mystère est soumis aux chercheurs. C’est que la qualité des objets trouvés pointe en direction d’un propriétaire ou d’un locataire bien nanti, explique Martin Perron, alors que le Faubourg Saint-Laurent, au départ, c’est surtout un quartier populaire. L’hypothèse d’un occupant membre d’une profession libérale, comme un avocat ou un notaire, est dans l’esprit des fouilleurs.
Une troisième énigme
Enfin, une troisième énigme se présente. Ce bâtiment-là, pour une raison qu’on s’explique encore mal, a été rasé à la fin du 19e siècle, vers 1890, peut-être un peu avant. Cette maison a été mise à terre alors que le Faubourg Saint-Laurent, à cette époque, est en pleine expansion, en pleine effervescence. Est-ce qu’il y a eu un incendie? Est-ce que les bâtiments étaient maintenant vétustes?
L’archéologue Martin Perron sur les fondations de la maison du 19e siècle découverte à Montréal
Photo : The Canadian Press / Ryan Remiorz
Mais l’espace n’est pas demeuré inoccupé longtemps. Dès 1890, une scierie et une cour à bois s’y installent : scierie qui sera en activité jusqu’à la construction du siège social d’Hydro-Québec à la fin des années 1950. Ce qui reste du plancher de bois de la scierie est présentement exposé et s’étend probablement sous la portion du stationnement qui n’a pas encore été excavée, mais ne sera pas là longtemps, précise M. Perron, qui est d’abord intéressé par ce qu’il y a en dessous.
Ces vestiges seront éventuellement démantelés lorsqu’ils auront été documentés de façon plus systématique pour voir s’il n’y a pas des niveaux plus anciens qui pourraient être associés au Faubourg Saint-Laurent.
Les fouilles archéologiques en cours ne sont pas un sauvetage d’urgence avant construction. Bien au contraire, l’objectif était dès le départ de réaménager le stationnement en espace public. Les découvertes sont un bonus dont le public pourra profiter.
On veut en faire une place pédagogique, didactique et de repos qui va venir s’harmoniser avec l’esprit du Quartier des spectacles, donc un endroit où on va pouvoir venir se reposer, avec panneaux d’interprétation, des murales.
Ce moment pourrait prendre encore du temps, mais il sera accueilli avec plaisir, l’histoire étant souvent oubliée dans les différents projets urbains.
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