Idées « champ gauche » en architecture et en urbanisme

5/6- Un mouvement mondial que le Québec ignore.

Après le raz-de-marée moderniste qui a balayé les villes du monde après la 2e guerre mondiale, plusieurs pays ou ville, notamment en Europe commencent à remettre en question le fonctionnalisme mur-à-mur. Le nouvel urbanisme issu des années 1980 a remis en avant l’architecture traditionnelle comme moyen de créer des lieux porteurs de sens. Alors qu’au Québec, ce mouvement est venu mourir au pied des pentes du mont Tremblant, ailleurs il a continué à évoluer et à s’approfondir. En Europe et en Amérique du Sud, des villes entières ont été construites en mettant en valeur l’architecture traditionnelle locale.
Ce mouvement est une réponse à la mondialisation de la culture et des modes de vie en offrant une architecture qui valorise la culture et l’identité locale. C’est aussi une réponse à l’appétit populaire pour une forme de beauté et une ornementation que le fonctionnalisme a fait disparaître. Des architectes ont simplement pris acte de ce besoin universel pour une beauté riche et chargée de sens qu’on recherche tous pendant nos vacances à Rome ou Kamouraska. Et ils ont découverts qu’avant qu’on la mette aux poubelles, l’architecture traditionnelle avait développé un paquet de règles priorisant justement la beauté comme objectif ultime; des règles développées le long d’une quête esthétique de plus de 2000 ans.
Urbanistes et architectes nord-américains jugent souvent de manière hautaine le néo-traditionnalisme qui prend de plus en plus de place en Europe et en Amérique latine. Vous connaissez probablement ces exemples de quartiers ou villes nouvelles où tous les immeubles sont des pastiches. Je trouve ces exemples inspirants :

1- Le quartier Neumarkt à Dresden (Allemagne) où l’on a remplacé les immeubles modernistes de l’après-guerre par des immeubles reproduisant l’architecture du Dresden d’avant les destructions de 1945. Tout ce que vous voyez sur cette photo a été construit depuis 2005 :

2- Ciudad Cayalà au Guatemala : une ville d’environ 8 000 habitant conçue et développée à partir de 2003.

3- Poundbury en Angleterre. Cette ville fondée en 1993 à l’initiative de Charles III (à l’époque où il n’était que prince de Galles) pour promouvoir ses idées sur l’urbanisme et l’architecture compte maintenant 6 000 habitants.

4- Le Plessis-Robinson. En banlieue parisienne, on a remplacé entre 1991 et 2005 les barres des années 1950 par des pastiches de l’architecture haussmannienne. Qui s’en plaint ?

Plusieurs de ces projets ont en commun d’avoir bénéficié de l’apport du grand architecte Léon Krier, décédé cet été. Krier, n’est pas qu’un architecte qui a construit. Il a aussi théorisé et enseigné l’architecture et l’urbanisme néo-traditionnel. Le mouvement, s’il est si bien implanté en Europe lui doit beaucoup. C’est, je pense, ce dont le Québec a besoin, un Léon Krier qui viendrait brasser un peu la profession et remettre l’architecture traditionnelle au programme des facultés.

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6/6- On a besoin d’un Léon Krier québécois

Ok, ça achève. Je sais que c’est beaucoup trop long pour cette plate-forme…

Un dernier post pour insister sur le fait que la réhabilitation du pastiche passe par les facultés d’architecture. Si tous les architectes que je connais sont unanimes à condamner le pastiche, c’est qu’ils ont été formatés à penser comme ça pendant leurs études. Au Québec, on n’enseigne qu’un seul courant d’architecture. C’est pourquoi on ne pratique qu’un seul style architectural.
L’architecture moderniste et fonctionnaliste a sa place dans nos villes. Je veux que les architectes d’ici continuent à innover et à s’inspirer de ce qui se fait de mieux dans le monde, de Tokyo à Copenhague.

Mais j’aimerais aussi qu’une partie de la profession soit formée à l’art ancien de l’architecture traditionnelle. Que ces architectes soient en mesure de nous reconnecter avec notre identité collective architecturale issue de notre riche histoire. J’aimerais que ces architectes ainsi formés puissent faire du pastiche de qualité sans gêne, comme on joue encore du Molière au théâtre et comme Léa Strélisky compose de la musique néo-classique.

Croyez-vous qu’il serait possible qu’un jour une des écoles d’architecture du Québec embauche un professeur formé en Europe ou aux USA pour propager les idées de Krier ? Je pense que le Québec y gagnerait. Nos villes y gagneraient.

Merci à ceux (?) qui ont pris le temps de lire jusqu’au bout.

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Jamais vu ici des interventions qui sont autant dans le sujet “Idées « champ gauche » en architecture”. :slight_smile:

J’attends que l’on te traite de réactionnaire, de mec de droite, etc. (Pour m’y être intéressé, ce sujet est un champ de mines, même en Europe.)

Je m’y attends aussi. J’en ai déjà fait l’expérience.

Je n’ai rien contre le pastiche, personnellement, et je crois que ça pourrait même contribuer à une plus grande variété (ou à plus de folies !) dans le design des nouvelles constructions. Les normes de construction seront respectées, alors pourquoi pas y aller d’un brin de créativité et de whimsy ?

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C’est drôle que tu amènes ce sujet, car quand je donne des tours à mes clients et qu’on entre dans le bâtiment de la Banque Royale, je pointe toujours du doigt le fait que qu’il y a moins d’un siècle, on construisait encore des bâtiments d’un tel luxe. Je crois qu’un aspect que tu n’as peut-être pas mentionné est la perte des compétences: on a plus autant d’artisans spécialisés pour tout ce qui touche à l’ornementation. C’est dommage et une partie de ça est causé par l’automatisation des métiers ainsi que le désir de sauver de l’argent, mais c’est quand même dommage tout ce qu’on y perd. C’est aussi étrange que jusqu’au modernisme, les courants architecturaux recyclaient over and over des éléments de l’Antiquité et de Rome et la Grèce, avec des résultats toujours intéressants.

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Je trouve le sujet très intéressant!

J’ajouterais que si les architectes de plus de 40 ans sont effectivement pas mal unanimement contre le pastiche, chez les plus jeune, c’est plus nuancé.

Une nuance importante dans les exemples: pour moi il y a les cas de reconstruction et les cas de construction neuve. Je crois qu’il faut les traiter différemment. Pour l’exemple hypothétique du Square Saint-Louis, on serait pour moi dans le même cas que Dresden. La reconstruction à neuf tel que le passé, si c’est fait de manière exemplaire, peut être tout à fait justifiable.

C’est dans les cas d’une construction entièrement neuve que c’est plus délicat. Les raisons sont nombreuses, que ce soit notre contexte historique, notre climat, notre capacité financière. Ça va bien au-delà du simple «le pastiche c’est mal», et ce n’est pas nécessairement lié à la formation qui se veut plutôt neutre. J’ai d’ailleurs déjà eu un groupe d’étudiantes avec un projet très art nouveau, et en aucun cas c’est critiqué nit empêché. Tant que c’est bien fait et bien justifié.

Je lance quelques pistes. Est-ce que c’est réellement du pastiche que vous souhaitez, ou est-ce simplement une architecture de qualité, avec des échelles de composition, des détails raffinés, des matériaux texturés, des volumes soignés et équilibrés? Est-ce que cette recherche du pastiche n’est pas plutôt une réaction à une déception de l’architecture contemporaine, que ce soit la Tour Banque nationale, le TNM ou le MAC? À cette anonymisation, cette stérilisation de l’architecture? Si l’architecture dite contemporaine offrait le même attrait que l’architecture classique, comme on le voit dans certains projets, est-ce que ce serait suffisant?

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J’ai vécu des renaissances de villes et villages grâce à la reproduction du style architectural traditionnel et j’apprécie beaucoup ce que ça apporte aux lieux et à la continuité d’usage.

Aussi, je trouve ceci très intéressant:

… et je trouve que ça répond bien à cela:

Je vois l’architecture traditionnelle comme un produit fini qui se réplique bien avec de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques et technologies si le besoin s’y prête.

Par contre, je pense qu’on devrait être rigoureux sur la fonction autant que sur la forme, pour éviter de copier-coller des produits dénaturés de leur fonction d’origine.

J’utilise le mot pastiche à dessein parce qu’il est tellement chargé négativement. C’est mon côté provocateur. J’aurais pu parler d’architecture inspirée du passée…

Je pense que ce que tu avances est bien vrai. On se tourne vers l’architecture du passé pour y trouver ce qu’on ne trouve pas dans l’architecture contemporaine : de la chaleur, une âme. Je crois qu’il y a de la place pour une architecture plus chaleureuse qui ne serait pas du pastiche.

Malgré tout, je pense qu’on devrait avoir le droit de reprendre les styles traditionnels, même sur des constructions neuves, surtout quand on intervient dans des milieux anciens. Tu fais bien de distinguer ces cas de figure (Dresden, square Saint-Louis) c’est vrai que c’est un contexte différent.

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Merci pour les contributions, c’est effectivement un sujet fascinant.

J’ai l’impression que la connotation négative du pastiche vient du fait que c’est souvent grossier et mal fait, au point où ça dénature le style qui servait d’inspiration. On tombe facilement dans le kitsch, et dans des fioritures “esthétiques” qui ne sont pas faites avec le souci du détail et de la qualité d’autrefois, surtout lorsque ces détails ne sont plus nécessaires d’un point de vue structurel ou fonctionnel. Par exemple, j’ai une sainte horreur des fermes de toit en PVC des pignons de certaines maisons de banlieue, surtout que ça vient généralement avec des volets de fenêtres non-fonctionnels et beaucoup trop petits pour couvrir les fenêtres en question…

Ceci dit, quand on respecte les codes de l’époque, je ne vois aucun problème à reproduire les styles anciens. La Place Royale dans le Vieux-Québec est un bel exemple de pastiche que je considèrerais réussi.

La cathédrale Notre-Dame à Paris a été restaurée avec un souci du détail incomparable, et ce, même si son apparence doit beaucoup à Viollet-le-Duc qui faisait du pastiche décomplexé et souvent assez peu fidèle à l’histoire. Sans vouloir tomber dans le pastiche fantaisiste à la Carcassonne, je suis aussi d’avis que le mélange peut avoir sa place lorsque le milieu est déjà hétéroclite, mais que le pastiche peut être très approprié dans les milieux plus homogènes.

Ceci dit, le souci de la qualité et du détail doit être au rendez-vous. C’est comme au niveau vestimentaire; un complet trois pièces ça peut être très élégant, mais s’il est en polyester, mal ajusté et qu’il vient avec un noeud papillon pré-noué (et mouchoir de poche de même motif…), c’est clownesque.

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Je suis assez partagé dans ce débat et bien que je sois généralement davantage du camps d’éviter de simplement refaire une architecture passée, certains exemples comme celui de Kamouraska me font vraiment réfléchir.

Pour en ajouter un peu à la discussion, que pensez-vous des exemples de Beaux-Arts dans Maisonneuve (bain Morgan, château Dufresne, théâtre Denise-Pelletier)? Ce sont de beaux édifices qui sont aujourd’hui assez vieux pour avoir une valeur patrimoniale de part leur histoire et leur contexte, mais même si je les aime et que j’aime les présenter, j’ai toujours un petit pincement car ils étaient une forme de pastiche à l’époque, particulièrement le théâtre Denise-Pelletier. Ça ne les empèche pas d’être les principaux repères historiques dans le quartier.

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Pour moi ce sont des exemples réussis! Quand j’en ai appris plus sur le Château Dufresne j’étais vraiment surpris de sa date de construction. Et encore plus quand j’ai su que beaucoup de la décoration intérieure et des moulures venaient de catalogues!!!

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Un autre bel exemple de ‘pastiche’ ou du moins d’éléments pastiches très réussi est le Centre de commerce mondial!

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Nouvelle vidéo de DamiLee

Est-ce champ gauche de parler de l’architecture dans l’univers de Tolkien? :wink:

Why Lord of the Rings Architecture Isn’t Just Fantasy… It’s a Warning

This video argues that Middle-earth’s architecture is a worldview. We begin at Bag End, where Hobbit holes embody comfort and resistance rooted in Sarehole and threatened by Birmingham’s industry.

Tolkien describes atmospheres, so Alan Lee gives them form: Rivendell and Lothlórien echo Art Nouveau and the Arts and Crafts movement, while Gaudí’s Sagrada Família shows nature’s logic in stone. Dwarven realms—Moria and Erebor—channel Art Deco’s geometry, inverted into mountains.

Across Hobbits, Elves, and Dwarves, buildings mirror values and time, revealing a memory palace and Tolkien’s warning about modernity.

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un peu plus connecté à l’urbanisme, mais mon rêve c’est que cette blague du 1er avril devienne réalité

📢 Fini les coups de klaxon inutiles! Dès le 1er mai, chaque “beep” sera facturé 1,00$ grâce à une micropuce installée dans le volant. Les conducteurs trop impatients risquent de voir leur facture grimper rapidement! 💰💳

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à quand le chapitre Montréalais d’Architectural Uprising?

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:flushed: Je me rappelle d’un temps où les klaxons étaient seulement en cas de vie ou de mort. Aujourd’hui, ils font partie du paysage auditoire commun de l’heure de pointe du soir. La grève de la STM met en lumière pour moi à quel point les gens des quartiers centraux doivent endurer les automobilistes qui on un mauvais comportement, en plus de respirer ce qui sort de leur tuyau d’échappement. 1$ ce n’est pas assez, je te dirais que 300$, ça rentrerais plus dans le cadre des désagréments que les klaxonneux peuvent causer quotidiennement aux habitants de la ville.

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Je nous trouve trop difficiles avec le projet Haleco.

Oui, c’est peut-être mal maitrisé. Oui, c’est peut-être laid. Oui, ce n’est pas le projet qui a gagné le concours d’architecture.

Mais ça reste une gigantesque œuvre de Marc Séguin qui marque le paysage de Montréal. Ce ne sont pas toutes les villes qui peuvent se vanter d’avoir un tel canevas artistique aussi prédominant dans le skyline.

Le support d’une œuvre, sa technique et ses matériaux sont une part de l’expérience. Un artiste ne travaille pas toujours avec les meilleurs matériaux ou outils, et l’œuvre n’en a pas moins de valeur. Ce sont des contraintes qui moulent la créativité.

Montréal a un skyline un peu gris, Haleco est une curiosité immédiatement reconnaissable. C’est unique, c’est à nous, c’est montréalais. On ne l’oubliera pas, contrairement à un édifice peut-être mieux réussi d’un point de vue architectural, mais internationalisé et anonyme.

Image réelle du Haleco dans son environnement cosmique:

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Ça c’est rien, attends que je parle des bons côtés de l’architecture du CUSM. :stuck_out_tongue:

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