MONTRĂAL DANS LâASSIETTE DU PLUS CĂLĂBRE CRITIQUE GASTRONOMIQUE DE FRANCE
François-Régis Gaudry, co-animateur de Top Chef France, déclare son amour à la « gastropole » québécoise.

PAR BILLY EFF
03 MARS 2023
BĂ©at et souriant comme une Ă©coliĂšre, me voici dans le hall froid et bruyant du foyer de la Place des Arts. Jâattends ce moment depuis plus dâune dĂ©cennie, accrochĂ© comme plus de deux autres millions dâauditeurs Ă lâĂ©mission de radio française On va dĂ©guster. Dedans, François-RĂ©gis Gaudry et son Ă©quipe se concentrent sur un aliment, une recette, un chef ou un lieu quâils dĂ©cryptent au maximum en une heure, du jardin Ă lâassiette.
Celui qui a dĂ©jĂ reçu Ă son micro des stars de notre gastronomie locale, comme Martin Juneau, ou encore notre Ricardo national, a fait le dĂ©placement jusquâau QuĂ©bec pour un enregistrement public dans le cadre du festival MontrĂ©al en lumiĂšres accompagnĂ© au micro de Simon Mathys, chef du restaurant Mastard, et de GeneviĂšve VĂ©zina-Montplaisir, du magazine spĂ©cialisĂ© Caribou.
On a attrapĂ© lâanimateur entre deux agapes pour quâil nous parle de MontrĂ©al, tel quâil lâimaginait auparavant et quâil la conçoit aujourdâhui.
DĂCOUVRIR UN NOUVEAU MONTRĂALâŠ
« On commence Ă comprendre, depuis quelques annĂ©es, quâil se passe vraiment quelque chose Ă MontrĂ©al », explique celui qui anime On va dĂ©guster depuis ses dĂ©buts, il y a 12 ans. Incidemment, cela fait aussi 12 ans quâil nâa pas plantĂ© sa fourchette dans un restaurant quĂ©bĂ©cois.
Il faut dire que les choses ont pas mal changĂ©, depuis : la plupart des Ă©tablissements quâil a pu visiter Ă lâĂ©poque ont fermĂ©, nos menus se sont vĂ©gĂ©talisĂ©s et le vin nature a eu le temps de vivre un cycle de clout complet. De son cĂŽtĂ©, Gaudry est devenu lâun des journalistes culinaires et critiques gastronomiques les plus influents de la France en plus de co-animer lâĂ©mission Ă succĂšs Top Chef France.
« Ă MONTRĂAL, IL Y A UN COSMOPOLITISME QUI FAIT QUâON TROUVE DES SPĂCIALITĂS ĂTRANGĂRES VRAIMENT SUPER »
De retour en terre montrĂ©alaise, Gaudry a plutĂŽt entamĂ© une tournĂ©e des adresses classiques. « On a vraiment fait la carte postale, mais moi jâassume! On est allĂ© chez Schwartzâs, Ă©videmment, pour un smoked meat, on a comparĂ© les bagels de St-Viateur et Fairmount. On est aussi allĂ© Ă la Banquise, et puis un tout petit restaurant de travailleurs: la Binerie Mont-Royal. »
Bon, un line-up assez touristique, mais rassurez-vous, il sâest aussi aventurĂ© Ă lâextĂ©rieur des sentiers classiques. Entre autres, le critique sâest pris de passion pour les biĂšres artisanales et le club sandwich « tout simple et bien fait » du Harricana, dans le Mile-Ex, mais aussi pour le filet de cerf maturĂ© et grillĂ© au barbecue « absolument extraordinaire ».
Cela fait dâailleurs partie de la dĂ©marche de François-RĂ©gis Gaudry, qui ne tente pas de retrouver des saveurs françaises lors de ses pĂ©riples, mais plutĂŽt de sâintĂ©resser aux communautĂ©s locales et Ă leurs cuisines, traditionnelles ou mĂ©tissĂ©es.
« Quand je visite une ville, jâessaie dâen dĂ©couvrir tous les aspects. Ă MontrĂ©al, il y a un cosmopolitisme qui fait quâon trouve des spĂ©cialitĂ©s Ă©trangĂšres vraiment super, il y a une vraie influence italienne qui est trĂšs intĂ©ressante. MontrĂ©al est aussi rĂ©putĂ©e pour sa communautĂ© chinoise et vietnamienne. Pour moi, il y a trois volets quand on dĂ©couvre une ville: les adresses âinstitutionnellesâ, celles plus crĂ©atives, comme le Mastard, et puis aprĂšs, jâadore toutes les cuisines Ă©trangĂšres! »
UN AMOUR QUI TRANSCENDE LâOCĂAN
Au fil de notre discussion, jâapprends que câest notamment grĂące Ă Instagram que les foodies dâoutre-Atlantique suivent de loin ce qui se trame chez nous. François-RĂ©gis Gaudry confie dâailleurs quâaprĂšs avoir publiĂ© sur la plateforme des photos de lâun de ses repas, il a Ă©tĂ© assailli par des chefs et acteurs du monde gastronomique français lui demandant si la hype autour de la scĂšne gastronomique montrĂ©alaise Ă©tait rĂ©elle et validĂ©e par le Big Boss lui-mĂȘme.
« Ce quâil y a de magique, câest que grĂące Ă internet, les chefs français sont connectĂ©s au monde entier et peuvent Ă©changer, trouver des inspirations, et avec MontrĂ©al il nây a pas de barriĂšre de la langue », se rĂ©jouit le gastronome.
Câest lâemphase sur la (re)dĂ©couverte de nos produits locaux et le dĂ©sir des chefs de les sublimer qui plaĂźt tant au journaliste culinaire. Les ingrĂ©dients, leur histoire et notre maniĂšre de les transmettre, avec toujours ce dĂ©sir dâabordabilitĂ© et de transmission, font la magie de notre scĂšne gastronomique.
« CâEST TRĂS APPRĂCIABLE, QUâIL Y AIT UNE DĂCONTRACTION ET UNE CONVIVIALITĂ. »
« Câest trĂšs apprĂ©ciable, quâil y ait une dĂ©contraction et une convivialitĂ©. Et en mĂȘme temps, jâai observĂ© que ce lien direct avec le client, il vient avec une vraie expertise. Par exemple, le niveau des sommeliers, dans les endroits quâon a visitĂ©s, est vraiment excellent. MĂȘme si le vin nâest pas forcĂ©ment un patrimoine trĂšs ancien ici, du coup les gens qui sâoccupent du service du vin ont vraiment travaillĂ© dessus. »
Il Ă©voquera plusieurs fois au cours de notre entretien le gĂąteau de topinambour, le sabayon au poivre, lâestragon ou encore le dorĂ© de lac, poisson peu commun dans lâHexagone et prisĂ© par les pĂȘcheurs du QuĂ©bec. Ayant bien documentĂ© lâessor de la Nouvelle Cuisine Nordique pour le public français, Francois-RĂ©gis Gaudry abonde dans le mĂȘme sens que le chef Ă©toilĂ© suĂ©dois Magnus Nilsson, qui me rĂ©vĂ©lait il y a quelques annĂ©es voir la gastronomie quĂ©bĂ©coise comme Ă©tant nordique, ou du moins nordiste, voire borĂ©ale.
« Jâobserve des choses dans le travail des produits sauvages, des gibiers, des produits de la mer. Ils ont beaucoup de goĂ»t, ce qui est dĂ» Ă la qualitĂ© de lâeau du Saint-Laurent qui est trĂšs froide », dit-il avec des yeux qui pĂ©tillent lorsquâil Ă©voque les crevettes de Matane, les pĂ©toncles des Ăles-de-la-Madeleine ou le homard gaspĂ©sien.
PARTIR POUR MIEUX REVENIR
HabituĂ© aux voyages « saut de puce », comme il les appelle, le journaliste nâaura Ă©tĂ© Ă MontrĂ©al que quelques jours, mais sera malgrĂ© tout subjuguĂ© par le repas Ă quatre mains prĂ©parĂ© par Romain Meder, trois macarons Michelin au Plaza AthĂ©nĂ©e, et le chef Simon Mathys pour MontrĂ©al en lumiĂšres.
« SI JE FAIS DE PETITS SĂJOURS, CâEST UNE FAĂON DâEN GARDER UN PEU POUR REVENIR. »
Concernant la ville en elle-mĂȘme, il ne lui en fallut pas plus pour laisser tomber son verdict et, tout comme plusieurs de ses pairs dâĂ travers le monde, rĂ©affirmer MontrĂ©al comme une « gastropole » se joint Ă quâil ne faut absolument pas perdre de vue. Il repart dâailleurs avec une valise remplie de ses dĂ©couvertes alimentaires, notamment le sumac quĂ©bĂ©cois qui lâa pris par surprise, des Ă©pices des lĂ©gendaires De Vienne et bien entendu, quelques biĂšres de micro!
« Si je fais de petits sĂ©jours, câest une façon dâen garder un peu pour revenir. Je nâĂ©tais pas venu Ă MontrĂ©al depuis longtemps, jâai vraiment trop tardĂ©, regrette François-RĂ©gis Gaudry. Mais jâai vraiment la nĂ©cessitĂ© de revenir [âŠ] parce que je sais quâil y a autre chose Ă explorer. Ăa mâarrive avec trĂšs peu de villes. »