Électrification des transports

Northvolt dans la filière des batteries L’aide pourrait dépasser 7 milliards… et ce n’est pas fini

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Paolo Cerruti, cofondateur de Northvolt, le ministre Pierre Fitzgibbon, les premiers ministres François Legault et Justin Trudeau, le ministre François-Philippe Champagne et Peter Carlsson, chef de la direction de Northvolt

Les milliards offerts par Québec et Ottawa pour financer la méga-usine de Northvolt et subventionner sa production seront insuffisants pour permettre à l’entreprise de réaliser l’ensemble de ses ambitions québécoises. Les gouvernements devront une fois de plus délier les cordons de leur bourse s’ils veulent que la deuxième phase du complexe devienne réalité.

Publié à 0h55 Mis à jour à 5h00

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Julien Arsenault
Julien Arsenault La Presse

Ce qu’il faut savoir

Northvolt bâtira une usine de cellules de batteries sur la Rive-Sud de Montréal.

Québec et Ottawa offrent près de 3 milliards pour financer la construction.

Les gouvernements subventionneront aussi la production à hauteur de 4,6 milliards.

Occulté par l’ampleur des prêts, subventions et prises de participation – qui pourraient atteindre 7,3 milliards – dont bénéficiera la jeune pousse suédoise, cet aspect du projet n’a pratiquement pas été abordé, jeudi, au cours de la conférence de presse à grand déploiement à laquelle participaient notamment les premiers ministres François Legault et Justin Trudeau, officialisant le projet.

Tout cela ne concerne que la première phase.

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Cellule de Northvolt

« Absolument », a confirmé le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie Pierre Fitzgibbon, en entrevue avec La Presse, à qui on demandait s’il faudrait éventuellement se rasseoir avec Northvolt pour négocier un autre soutien financier.

Sur la Rive-Sud de Montréal, l’entreprise fabriquera des matériaux de cathodes (le pôle positif de la batterie), ainsi que des cellules, soit la dernière étape avant l’assemblage des batteries. Elle effectuera aussi du recyclage de batteries. D’une capacité de 60 gigawattheures, le projet sera capable d’alimenter l’équivalent d’un million de véhicules électriques.

Ce qui a été présenté jeudi ne constitue que la moitié de cette cible.

L’aide publique en bref

Pour la construction de l’usine ( 2,74 milliards d’argent public sur les 7 milliards prévus)

La part de Québec (environ 1,37 milliard)

  • Prêt : 376 millions
  • Subvention : 436 millions
  • Actions de l’entreprise : 567 millions

La part d’Ottawa (environ 1,37 milliard)

  • Prêt et actions de l’entreprise : 900 millions
  • Subvention : 400 millions

Subventions pour la production des cellules*

  • Québec : 1,5 milliard

  • Ottawa : 3,1 milliards

  • L’argent est versé une fois que les cellules sont produites et livrées.

« Les calculs n’ont pas été faits [pour la phase 2], mais l’investissement, ça va être un peu moins que 7 milliards et plus que 5 milliards, disons », a convenu M. Fitzgibbon, en ajoutant que l’on « spécule un peu » pour le moment.

Un autre effort financier public devrait donc être nécessaire, admet le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. La facture risque d’être moins salée pour les gouvernements, a expliqué le ministre, dans un entretien. Dans ce scénario, il n’y aurait vraisemblablement pas de subvention à la production.

« Avec la phase 1 en place, le contexte sera un peu différent, affirme-t-il. Il a fallu faire un pas de plus aujourd’hui, mais une fois qu’ils [Northvolt] sont là, ce n’est plus pareil. Ce qui est difficile, c’est de les attirer la première fois. »

Imiter les Américains

En s’établissant sur l’ancien site de l’usine d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL), qui chevauche les municipalités de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, Northvolt viendra ajouter le chaînon manquant de la filière québécoise des batteries. Le terrain est d’une superficie de 170 hectares.

ILLUSTRATION NORTHVOLT, FOURNIE PAR REUTERS

La méga-usine de Northvolt prévue à McMasterville

Le complexe, un projet estimé à 7 milliards, est présenté comme le plus important investissement privé de l’histoire du Québec. Le « pas de plus » que les deux ordres de gouvernement ont dû faire pour convaincre Northvolt de ne pas s’établir en Californie ? Imiter les Américains avec l’Inflation Reduction Act (IRA), doté d’une enveloppe de 370 milliards US pour subventionner un éventail de projets, comme la fabrication de batteries.

Cela signifie que les gouvernements Legault et Trudeau vont subventionner, jusqu’à hauteur de 4,6 milliards, la production de l’usine québécoise de Northvolt, qui doit débuter vers 2027. Québec versera jusqu’à 1,5 milliard, tandis qu’Ottawa pourrait offrir 3,1 milliards.

La raison pour laquelle le gouvernement et nous avions acquiescé, c’est que si on ne l’offrait pas, le projet s’en allait aux États-Unis pour des raisons évidentes.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Les gouvernements financeront aussi la construction de la première phase de l’usine. Québec met 1,37 milliard par l’entremise d’un prêt (367 millions), une subvention (436 millions) et une prise de participation (567 millions) dans Northvolt. Pour sa part, le gouvernement Trudeau accorde 1,34 milliard. M. Champagne n’a pas fourni les détails, mais la mécanique de l’aide est semblable à celle de Québec.

M. Legault a reconnu que les sommes sur la table frappent l’imagination. Pour défendre l’approche de son gouvernement, il a dressé un parallèle avec le chantier du barrage de la Baie-James lancé par l’ex-premier ministre libéral Robert Bourassa.

« Il y en a qui trouvaient ça fou, a lancé M. Legault. Ce [dont] on s’est rendu compte, c’est que c’était un coup de génie. »

Conditionnel

Interrogés sur l’ampleur du traitement réservé à Northvolt, tous les politiciens présents à la conférence de presse ont insisté sur le caractère conditionnel de la subvention de 4,6 milliards. Il faudra attendre la livraison des premières cellules à des clients avant de commencer à verser l’argent, ont-ils plaidé. La subvention est en vigueur jusqu’en 2032. De plus, toute modification qui rendrait l’IRA moins généreux sera aussi appliquée de ce côté-ci de la frontière. Si cette stratégie américaine venait à disparaître, la subvention canadienne ferait de même.

MM. Fitzgibbon et Champagne font par ailleurs valoir qu’avec les retombées fiscales anticipées, notamment avec la création de 3000 emplois, les gouvernements devraient obtenir un rendement sur leur investissement dans les neuf années suivant le début de la production, prévue vers 2026.

La première phase du complexe de Northvolt devrait exiger près de 200 mégawatts de puissance, soit environ la moitié d’une aluminerie. Par ailleurs, Northvolt n’a pas obtenu de traitement de faveur de la part d’Hydro-Québec. L’entreprise paiera le tarif applicable aux entreprises grandes consommatrices d’énergie (tarif L).

Des rencontres pour rassurer

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Paolo Cerruti

Le cofondateur de Northvolt, Paolo Cerruti, qui déménagera au Québec pour diriger l’antenne nord-américaine de l’entreprise, qui sera à Montréal, veut rassurer rapidement les citoyens de la Rive-Sud préoccupés par la construction d’une méga-usine. Avec son équipe, M. Cerruti ira à la rencontre des résidants de McMasterville et de Saint-Basile-le-Grand les 4 et 5 octobre prochains. « Cela peut être très intimidant et on le reconnaît. Pour bien comprendre [le projet], il faut fournir un effort d’information. Il faut aller à la rencontre des communautés locales, avec les maires, sur le terrain, pour répondre aux questions et à leurs inquiétudes. » Une pétition en ligne qui s’oppose à la venue de l’entreprise a récolté quelque 770 signatures. Les signataires s’inquiètent notamment du bruit et de la proximité entre le complexe et les résidences du secteur.

L’opposition réagit

Je pense que la CAQ sent le besoin d’être généreuse envers les étrangers pour pouvoir stimuler une initiative, qui est la filière batterie. Est-ce que ça va porter des fruits ? On l’espère, quand même. Mais la réalité, c’est qu’on n’a pas de logements puis on n’a pas de bras. Ça fait que comment vont-ils réussir ? [Pour] moi, c’est les deux conditions essentielles […] avec l’énergie. On a besoin d’avoir ces trois éléments-là au rendez-vous pour que ça fonctionne. On souhaite que ça fonctionne.

Frédéric Beauchemin, porte-parole du Parti libéral en matière d’économie

Le seul qualificatif, c’est énorme. C’est gigantesque. Nous, ce qu’on veut, c’est que les Québécois en aient pour leur argent. C’est quoi, la garantie que les Québécois vont en avoir pour leur argent ? On annonce des milliards, des milliards, des milliards. C’est de l’argent public. Ce n’est pas de l’argent de Monopoly. […] C’est quoi, les garanties que cet argent-là il va être bien dépensé, qu’il va profiter aux gens du Québec, pas aux multinationales puis à leurs actionnaires ?

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

Pendant qu’on rêve à des entreprises qui vont construire davantage de voitures avec des batteries électriques, qu’en est-il de l’objectif de réduire nos gaz à effet de serre de 37,5 % d’ici 2030 ? Il y a un peu d’écoblanchiment aussi dans ce projet-là. On est évidemment pour la filière électrique, mais, à un moment donné, est-ce que c’est en produisant 175 térawattheures de plus d’électricité qu’on est vraiment dans la bonne direction pour atteindre nos objectifs, alors qu’on ne fait rien pour le bâtiment, on ne fait rien pour le transport lourd ?

Joël Arseneau, député du Parti québécois

Avec Fanny Lévesque, La Presse

En savoir plus

  • 15
    Somme des investissements qui devraient être annoncés dans la filière des batteries d’ici un an, selon le premier ministre François Legault

25
Nombre de projets actuellement sur la table de Québec dans ce créneau

Source : gouvernement du Québec

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Le projet du siècle de François Legault

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Le premier ministre François Legault lors de l’annonce officielle du projet de Northvolt au Québec, jeudi


Yves Boisvert
Yves Boisvert La Presse

François Legault a fait bien plus qu’annoncer un chantier industriel record, jeudi. Il s’est inscrit dans l’histoire comme un héritier de Robert Bourassa, son exécuteur testamentaire.

Publié à 1h58 Mis à jour à 5h00

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Quand, en 1971, Robert Bourassa a annoncé la mise en chantier des grands barrages de la Baie-James, on a vite parlé du « projet du siècle ».

Rien d’aussi ambitieux n’avait été mis sur les rails industriels au Québec. Cette décision allait être « un point tournant de notre histoire », avait osé déclarer le jeune premier ministre.

Il n’a pas manqué de détracteurs. Ce serait trop coûteux, trop compliqué, trop loin – il fallait emmener des dizaines de milliers de travailleurs. Plusieurs experts très avisés dénigraient les barrages comme des installations du passé : mieux vaudrait miser sur le nucléaire.

Sans compter qu’en annonçant en grande pompe cette nouvelle « Conquête », on avait « oublié » de consulter les principaux intéressés : les Cris et les Inuits – ce qui a entraîné une bataille judiciaire et plus tard les Ententes de la Baie-James et du Nord.

Cinquante-deux ans plus tard, plus grand monde ne remet en question la vision économique de Bourassa. La série d’aménagements successifs de la Baie-James fournissent la moitié de l’électricité québécoise. Elle est entièrement renouvelable.

Le débat barrages contre nucléaire s’est vite évanoui, et tous les gouvernements du Québec successifs ont loué le « projet du siècle ». D’autres projets importants ont été réalisés. On a utilisé l’électricité comme levier de développement économique, en offrant un tarif avantageux à diverses industries. Il n’a pas manqué de politiciens pour s’enorgueillir de « l’or bleu du Québec ».

Mais sans doute jamais avant cette « filière batterie » n’a-t-on poussé aussi loin, aussi vite et aussi fort le concept de développement économique national hydroélectrique.

Il n’y a plus vraiment de doute sur la raison du départ de Sophie Brochu de la tête d’Hydro-Québec. Dans toutes ses entrevues, l’omniministre Pierre Fitzgibbon dit qu’Hydro a fait un travail exceptionnel pour évaluer les besoins en électricité des citoyens. « Mais il manquait le volet industriel. »

M. Fitzgibbon, déjà ministre de l’Économie, n’est pas devenu ministre de l’Énergie pour rien. C’était exactement pour ça : créer une masse critique dans un domaine de pointe pour le reste du siècle en misant sur l’avantage comparatif du Québec, c’est-à-dire l’électricité la « plus propre » et la moins chère au monde.

Ce n’est pas pour rien non plus qu’on a choisi Michael Sabia pour diriger Hydro-Québec : un homme qui vient de la finance et non de l’énergie. Il est là pour faire arriver les mégawatts dans la filière industrielle, batteries et autres, et vite.

Le Québec sera le « champion du monde » en matière de batteries, a dit l’omniministre. Il faut pour ça allonger les subventions et les investissements publics en faveur d’une société étrangère. Mais c’est pour faire de la transformation ici de ressources naturelles québécoises.

Par l’ambition stratégique, le projet ne se compare absolument pas à Magnola, ni à la Gaspésia, qui avaient une portée purement régionale – et qui ont échoué après des injections massives d’argent public.

Est-ce que le pari est le bon ? Est-il trop risqué ? Est-ce que, comme le dit le président de la Banque Nationale, des subventions aussi massives à une société étrangère vont nuire aux entreprises québécoises, par leurs effets pervers de concurrence déloyale ?

Je ne le sais pas et en ce moment, malgré toutes les bonnes questions qu’il faut poser, personne ne sait à quel point ce sera le cas.

Mais c’est un faux débat d’opposer le financement des services publics et l’investissement public dans le développement industriel. Les sociétés occidentales les plus égalitaires, celles qui investissent le plus dans les services publics, ont aussi une économie forte. Ah tiens, Northvolt est justement suédoise. Des services publics bien financés s’appuient sur une production économique robuste.

On n’en est plus, comme en 1971, à une époque où l’on promet des emplois pour se faire élire. Mais il ne faudrait pour autant pas que sous prétexte de plein-emploi et de pénurie de main-d’œuvre, on en vienne à avoir peur de créer trop d’emplois et à vouloir mettre tout « sur pause » – très à la mode, ça, mettre sur pause.

On ne crache pas sur des jobs hautement qualifiées et très payantes, et toutes les retombées qui les accompagnent par peur de manquer d’employés dans cinq ou dix ans. Le marché de l’emploi n’est pas statique. Il bouge. Il y a de la concurrence. D’ici l’ouverture de cette usine, on a le temps d’attirer et de former des milliers d’étudiants du Québec et d’ailleurs dans la filière électrique, dans toutes ses déclinaisons. On a aussi amplement le temps de construire des maisons.

Je ne sais pas plus que vous ce que tout cela donnera au bout du compte. Ni si on en aura pour notre argent dans 7, 9, 12 ans ou jamais.

Mais j’ai beau chercher, je ne vois pas de gouvernement ayant mis en œuvre une stratégie de développement industriel moderne aussi ambitieuse et aussi précise depuis 50 ans.

Comme si l’on rattachait le fil du « projet du siècle » pour ce siècle-ci.

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Il y a quelque chose que j’aime bien dans l’annonce de ce projet et dans l’engouement du gouvernement pour cette nouvelle aventure industrielle. C’est l’idée de voir grand et cela fait du bien de constater qu’il y a encore des gens qui voient grand et qui essaient de propulser le Québec en avant, loin en avant.

Jamais je ne blâmerai un gouvernement d’essayer ce genre de chose quoique qu’il advienne de cette industrie. Je suis d’ailleurs plutôt du style de critiquer les gouvernements pour leur manque d’ambition, mais dans ce cas-ci, ce n’est pas le cas du tout.

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De l’électricité au rabais pour Nouveau Monde Graphite

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Installations de Nouveau Monde Graphite à Saint-Michel-des-Saints

La mine et la future usine de matériau de batteries de Nouveau Monde Graphite à Bécancour ont obtenu un bloc d’énergie à un prix inférieur au tarif industriel ordinaire (tarif L).

Mis à jour hier à 9h00

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Hélène Baril
Hélène Baril La Presse

« Nous avons obtenu un rabais sur le tarif industriel régulier pour nos deux futurs sites d’exploitation », a indiqué la porte-parole de l’entreprise, Julie Paquet.

Nouveau Monde Graphite veut traiter à Bécancour le graphite extrait de sa mine de Saint-Michel-des-Saints pour le transformer en matériel d’anode pour les batteries lithium-ion.

Son projet, dont le coût est estimé à 400 millions pour la mine et à 900 millions pour l’usine de Bécancour, est l’un des 11 projets industriels acceptés dernièrement par le ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, assure Mme Paquet. Le gouvernement du Québec dit être submergé par les demandes d’entreprises qui veulent s’établir au Québec, attirées par son électricité renouvelable à bon prix, et il doit donc faire des choix.

Nouveau Monde Graphite a l’ambition d’électrifier complètement ses opérations et l’obtention d’un tarif industriel « escompté » pour 77 mégawatts d’électricité renouvelable lui facilitera les choses.

« Le bloc d’électricité octroyé permettra l’établissement d’une plateforme de fabrication avancée pleinement intégrée à Bécancour, au cœur de la filière batteries du Québec, pour la transformation du graphite en matériel d’anode actif », a indiqué l’entreprise.

Le gouvernement du Québec consent à Nouveau Monde Graphite un rabais de 20 % sur le tarif industriel régulier d’Hydro-Québec.

En plus des tarifs d’électricité favorables, l’entreprise a obtenu qu’Hydro-Québec construise une ligne électrique dédiée pour relier la mine de Saint-Michel-des-Saints au réseau électrique principal.

Toujours dans le but de réduire l’empreinte environnementale de ses activités, Nouveau Monde Graphite travaille avec Caterpillar pour développer de l’équipement minier électrique et des structures de recharge adaptées.

Northvolt dans la ligne de mire

Les fabricants de batteries sont les clients potentiels pour le matériel d’anodes qui sortira de la future usine de Bécancour, y compris Northvolt, dont l’implantation au Québec vient d’être annoncée en grande pompe, a fait savoir la porte-parole de l’entreprise.

Nouveau Monde Graphite a déjà une entente de principe avec l’un d’eux, Panasonic Energy, qui envisage d’acheter une partie de sa production.

L’entreprise compte multiplier les ententes du genre, qui l’aideront à réunir le financement requis pour démarrer ses activités commerciales.

« On est déjà très avancés », a indiqué Mme Paquet au sujet de la recherche de financement. Les premières livraisons commerciales de matériel d’anode devraient commencer 28 mois après la clôture du financement, a-t-elle précisé.

Inscrites à la Bourse de croissance, les actions de Nouveau Monde Graphite ont varié entre 2,95 $ et 8 $ depuis un an.

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Inutiles, les véhicules électriques ?

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Après avoir parcouru 150 000 km, les VE génèrent 65 % moins de GES que les véhicules à essence au Québec, selon une étude.


Francis Vailles
Francis Vailles La Presse

Je lis et j’entends toutes sortes de choses sur la pertinence des véhicules électriques. Sur Facebook circule même une vidéo professionnelle où une dame, à l’air crédible, les démolit méthodiquement, affirmant qu’ils polluent bien plus que les véhicules à essence…

Publié à 1h39 Mis à jour à 6h30

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Il est temps de remettre les pendules à l’heure, dans le contexte du développement de la filière des batteries électriques au Québec.

D’abord, les études sérieuses arrivent toutes aux mêmes constats : les véhicules électriques (VE) émettent beaucoup moins de gaz à effet de serre GES sur leur durée de vie que les véhicules à essence, tout pris en compte.

Les GES au Québec

L’étude la plus connue au Québec a été réalisée en 2016 par le Centre international de référence sur l’analyse du cycle de vie et la transition durable (CIRAIG), affilié notamment à Polytechnique Montréal.

Sa conclusion : bien que les VE consomment un peu plus de ressources lors de la construction, notamment des métaux, ils gagnent nettement sur les indicateurs de changements climatiques, de santé humaine et de qualité des écosystèmes, entre autres.

Après avoir parcouru 150 000 km, les VE génèrent 65 % moins de GES que les véhicules à essence au Québec, selon l’étude. La proportion grimpe à 80 % après 300 000 km, ce qui est l’équivalent de 5 fois moins de GES !

Cet écart deviendra encore plus grand, puisque l’étude n’a pas tenu compte du recyclage des composantes de la batterie. Or, la technologie s’est beaucoup développée depuis 2016 et peu de projets sont aujourd’hui lancés sans prévoir le recyclage. C’est notamment le cas du projet Northvolt, récemment annoncé⁠1.

Les GES dans le monde

Les VE sont évidemment bien plus verts dans des endroits où la principale source d’énergie de recharge est renouvelable, comme le Québec, la Norvège ou la France, avec son nucléaire.

À l’époque de l’étude du CIRAIG, les VE n’étaient pas gagnants dans des pays comme l’Inde, l’Australie ou l’Afrique du Sud – où l’électricité vient beaucoup du charbon – ou moins avantagés dans des pays comme les États-Unis, qui dépendent des énergies fossiles.

Toutefois, avec les récents changements, d’autres études sérieuses constatent que les VE sont maintenant gagnants presque partout sur la planète. L’économie de GES sur le cycle de vie complet d’un véhicule en 2021 était de quelque 68 % en Europe, de 64 % aux États-Unis, de 41 % en Chine et de 27 % en Inde, selon une étude de l’International Council on Clean Transportation (ICCT).

Cet écart grimpera d’encore 5 à 16 points de pourcentage d’ici 2030, prévoit l’étude, avec la décarbonation de la production énergétique⁠2.

Le travail des enfants africains

Il est vrai que la batterie électrique traîne encore une tache noire à son dossier. L’une des composantes de nombreuses batteries lithium-ion est le cobalt (batteries NMC ou nickel manganèse cobalt). Or, les deux tiers de ce minerai proviennent de la République démocratique du Congo (RDC), où les conditions de travail sont fort critiquées.

Dans ce pays très pauvre, de nombreux enfants travaillent dans les mines, détenues principalement par des entreprises chinoises. Les conditions les plus misérables viennent de la production artisanale (de 12 à 20 % de la production), achetée principalement par les Chinois, selon Amnistie internationale.

Cela dit, les véhicules électriques ne sont pas les seuls utilisateurs du cobalt congolais. La vaste majorité de nos appareils électroniques sans fil sont aussi munis de batteries NMC fabriquées avec du cobalt (téléphones, perceuses, etc.).

Et selon ce que me dit Manuele Margni, coresponsable du CIRAIG, « la grande majorité du cobalt vient de mines où il n’y a pas de travail d’enfants et où les droits de la personne sont respectés ».

Nul doute qu’il faut faire pression pour que changent ces conditions déplorables et exiger du gouvernement corrompu de la RDC qu’il rende les mines conformes aux normes. Toutefois, cesser d’y acheter du cobalt priverait le pays et ses habitants du boom des véhicules électriques, les laissant dans la misère.

Certains constructeurs comme Tesla commencent d’ailleurs à le faire, pour des questions éthiques et technologiques, misant davantage sur une batterie sans cobalt composé de lithium-fer-phosphate (LFP). Cette batterie équipe maintenant la populaire Tesla Model 3.

Le consortium composé de Ford, EcoProBM et SKOn a aussi l’intention de réserver l’une de ses 5 chaînes de production de cathodes à Bécancour aux batteries LFP, ai-je appris.

Tourner le dos à la RDC retarderait aussi le virage mondial vers les véhicules électriques, qui sont indispensables à l’atteinte de nos objectifs climatiques, puisque la seule utilisation des transports en commun par nos populations est illusoire, comme la privation totale de voitures.

D’ailleurs, « Amnistie internationale reconnaît l’importance cruciale des batteries rechargeables dans la transition énergétique pour mettre fin à la dépendance aux énergies fossiles », mais l’organisme exige, avec raison, une transition juste et la fin de la violation de droits de la personne en RDC.

Le secteur pétrolier, en passant, a lui aussi un historique entaché de violation des droits de la personne.

Sachant tout cela, il faut se demander à qui profitent ces dénonciations des véhicules électriques, souvent anonymes, comme celles dans la vidéo Facebook, qui provoquent une série de commentaires anti-véhicules électriques des internautes. J’ai comme un soupçon, on dirait…

Réduire le nombre ou l’utilisation des voitures est certainement la première solution en transport pour atteindre nos objectifs climatiques. Mais prétendre que les véhicules électriques polluent autant que ceux à essence, qu’ils sont inutiles et ne font pas partie de la solution est tout simplement une hérésie.

  1. Les experts jugent que les ressources servant à la production des batteries électriques, notamment le lithium, sont amplement suffisantes pour alimenter la demande pendant des centaines d’années. La pollution produite par le développement des nouveaux gisements exige toutefois que nous misions sur le recyclage.

  2. Une autre étude, cette fois de la firme T & E, constate que même dans un pays au charbon comme la Pologne et avec des batteries produites en Chine, les VE sont environ 37 % plus propres que les voitures à essence.

Consultez l’étude du CIRAIG

Consultez l’étude de l’ICCT (en anglais)

Consultez l’étude de T&E (en anglais)

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Des avions électriques. Je ne savais pas que c’était rendu à grande échelle pour avoir besoin d’une usine de batteries

La firme suisse H55 construira des batteries pour avions électriques à Longueuil

Mme Fournier, M. Larose et M. Borschberg en conférence de presse.
L’entreprise suisse H55, spécialisée dans les systèmes de propulsion électrique et de gestion de batteries, annonce le début de la construction des locaux de sa filiale canadienne, à Longueuil. De gauche à droite : Catherine Fournier, mairesse de Longueuil; Martin Larose, directeur général de H55; et André Borschberg, cofondateur et président exécutif de H55.
PHOTO : RADIO-CANADA / SÉBASTIEN LAUZON

La Presse canadienne
Publié à 16 h 26 HAE

La possibilité de prendre un avion électrique est désormais à portée de main.

La firme suisse H55 a annoncé mercredi à l’aéroport de Saint-Hubert, à Longueuil, un investissement de 100 millions de dollars afin d’y construire une usine de production de batteries destinées au secteur aéronautique.

Déjà, l’entreprise s’attend à fournir dès 2024 ses premiers modules de batteries au motoriste Pratt & Whitney pour la fabrication d’appareils Dash-8 hybrides.

H55 prévoit construire un bâtiment de 13 000 pieds carrés (environ 1208 mètres carrés) pour la première phase de son usine de Longueuil, mais entend rapidement tripler et même quadrupler cette superficie.

Outre la fabrication, l’entreprise prévoit également mener des activités de recherche et de développement à ses installations.

À terme, H55 croit être en mesure de produire un demi-million de modules de batteries par année et vise l’ensemble du marché nord-américain.

Ottawa viendra soutenir le projet avec un prêt de 10 millions de dollars. Québec n’a pas annoncé de contribution jusqu’à maintenant, mais la firme n’a pas caché dans ses communications qu’elle en espère une. Le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, présent lors de l’annonce, s’est montré ouvert à soutenir les efforts de H55.

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Contrôle des exportations de graphite La Chine fait un cadeau à Nouveau Monde Graphite

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Nouveau Monde Graphite négocie avec ses clients potentiels des ententes de gré à gré pour sa production, dont le prix varie en fonction de la qualité du produit, de son empreinte environnementale et de la sécurité d’approvisionnement.

La décision de la Chine de restreindre ses exportations de graphite pour des raisons de sécurité nationale arrive au meilleur moment possible pour Nouveau Monde Graphite.

Publié à 3h16 Mis à jour à 6h00

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Hélène Baril
Hélène Baril La Presse

L’entreprise québécoise mène actuellement des discussions avancées pour réunir le financement de 1,3 milliard de dollars nécessaire pour mettre en exploitation sa mine de graphite de Saint-Michel-des-Saints et l’usine de Bécancour qui transformera ce graphite en matériel d’anodes pour les batteries lithium-ion.

« C’est un game changer pour nous autres », affirme le président et fondateur de Nouveau Monde Graphite, Éric Desaulniers, lors d’un entretien avec La Presse.

Les investisseurs semblent du même avis. Le titre de NMG s’est envolé vendredi à la Bourse de croissance de Toronto, après l’annonce de la décision du gouvernement chinois. L’action est passée de 2,84 $ à 4,10 $, avant de finir la journée à 3,74 $, en hausse de 32 %.

Nouveau Monde Graphite prévoyait clôturer son financement au début de 2024 et commencer ses premières livraisons commerciales de matériel d’anodes en 2028. La pression sera forte pour devancer les livraisons.

« On peut se permettre d’être plus optimiste sur l’échéancier », a fait savoir Éric Desaulniers.

Les négociations en cours avec les investisseurs potentiels sont complexes, explique-t-il. Il n’y a pas de cours officiel en Amérique du Nord pour le graphite, dont le marché est dominé par la Chine. « On est en train de taper une trail », illustre le président.

Semer la pagaille

Nouveau Monde Graphite négocie avec ses clients potentiels des ententes de gré à gré pour sa production, dont le prix varie en fonction de la qualité du produit, de son empreinte environnementale et de la sécurité d’approvisionnement. Un accès limité au graphite chinois vient lui donner un as dans son jeu, selon M. Desaulniers.

Le japonais Panasonic Energy est un des clients qui négocie actuellement avec Nouveau Monde Graphite pour un contrat d’approvisionnement à long terme.

La Chine exigera à compter du 1er décembre que ses producteurs obtiennent un permis pour exporter du graphite, dont la demande est en forte augmentation dans le monde en raison de la multiplication des usines de batteries.

Le pays de Xi Jinping produit actuellement 65 % du graphite dans le monde et presque 100 % du graphite transformé en matériel d’anodes. Sa décision de limiter ses exportations aura pour effet de favoriser les producteurs chinois de batteries et de véhicules automobiles, mais elle vient semer la pagaille chez les principaux constructeurs de batteries et de véhicules électriques ailleurs dans le monde.

Les constructeurs des États-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, dont l’approvisionnement en graphite vient presque entièrement de Chine, devront se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement.

C’est d’ailleurs la volonté de réduire cette dépendance envers la Chine qui a fait naître des projets comme celui de Nouveau Monde Graphite. « Tout le monde prévoyait que cette décision de la Chine allait arriver un jour, mais pas aussi rapidement et pas aussi agressivement », estime Éric Desaulniers.

Le gouvernement chinois a déjà restreint les exportations de deux minéraux critiques, le gallium et le germanium, qui entrent dans la fabrication de semiconducteurs, pour répondre aux restrictions imposées par les États-Unis à la vente de semiconducteurs en Chine.

D’autres projets réanimés

Les restrictions qui seront imposées le 1er décembre aux exportations de graphite chinois donneront aussi une nouvelle impulsion aux projets de mines et d’usines ailleurs dans le monde. Au Québec, Northern Graphite, une entreprise ontarienne qui exploite une mine en fin de vie à Lac-des-Îles, songe à prolonger ses activités et a annoncé un projet d’usine de matériel d’anodes qui serait construite à Baie-Comeau.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Complexe de Nouveau Monde Graphite à Saint-Michel-des-Saints

Selon le président de Nouveau Monde Graphite, la demande risque de surpasser de beaucoup l’offre de graphite au cours des prochaines années. « La seule usine de Northvolt [qui sera construite au Québec] aura besoin d’une fois et demie ce qu’on prévoyait produire dans la première phase de notre projet, estime-t-il. Il faut monter notre ambition. »

Nouveau Monde Graphite estime avoir les gisements de graphite les plus intéressants à mettre en valeur en Amérique du Nord et les projets de transformation les plus avancés. En plus de celui de Saint-Michel-des-Saints, l’entreprise a une participation dans le projet de mine de graphite de Mason Graphite au lac Guéret, à 285 km de Baie-Comeau.

Nouveau Monde Graphite ambitionne d’électrifier ses activités, tant à la mine qu’à son usine de Bécancour. L’entreprise a obtenu du gouvernement du Québec l’assurance d’un approvisionnement en électricité à un tarif réduit de 20 % par rapport au tarif industriel régulier d’Hydro-Québec.

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L’autre côté de la médaille


La voiture électrique : « une opération d’écoblanchiment »

Dans son essai La ruée vers la voiture électrique - Entre miracle et désastre (Écosociété), l’ingénieur français Laurent Castaignède remet en question les vertus supposées de l’électrification des transports. Entrevue.

Illustration d'un véhicule électrique.

« La première liberté automobile retrouvée, c’est celle de pouvoir s’en passer avant de décider de l’utiliser », affirme Laurent Castaignède, conseiller en impact environnemental.

Photo : iStock / Just_Super

Publié à 4 h 00 HAE

Diplômé de l’École Centrale Paris et conseiller en impact environnemental, il a fondé le bureau d’études BCO2 Ingénierie, spécialisé dans l’empreinte carbone des projets de bâtiments, de transports et d’événements.

Il plaide pour une meilleure utilisation du moteur électrique et pour la remise en question de l’auto solo.

Dans votre livre, vous semblez dubitatif quant au recours aux voitures électriques pour limiter la pollution, notamment atmosphérique. Expliquez-nous.

Laurent Castaignède. Oui, je mets là un gros bémol. Le principal intérêt historique pour la voiture électrique est la réduction de la pollution de l’air urbain, ce qui n’a rien à voir avec la lutte globale contre les changements climatiques.

Le problème, c’est qu’on se retrouve avec une voiture plus lourde à cause de cette batterie qui est très compliquée et très polluante à fabriquer.

Avec l’extraction des métaux et leur raffinage, le processus de fabrication de la batterie est un facteur important en émission de gaz à effet de serre (GES). À kilomètre zéro, la voiture électrique neuve a un bilan d’émissions de GES bien supérieur à celui de la voiture thermique.

En revanche, ce livre n’est pas contre la voiture électrique, mais plutôt pour une autre vision. Il ne s’agit pas de la mettre à la poubelle, mais d’avoir une utilisation plus raisonnée.

Vous faites la démonstration que la généralisation du moteur électrique n’est pas synonyme de réduction des émissions de GES, même en cas de recours massif à une électricité décarbonée. Pourquoi?

L.C. En France comme au Québec, il y a un accès à une électricité peu carbonée. Au Québec, grâce à l’hydroélectricité, en France avec le recours au nucléaire. On peut donc penser que la voiture électrique roule à bas carbone. Eh bien, c’est complètement faux, au moins à court terme.

Il y a de fortes chances que les batteries qui sortiront de l’usine suédoise (NDLR : Northvolt, à McMasterville, en Montérégie) pèsent plus de 500 kilos et alimentent des VUS de trois tonnes, gourmands en énergie.

Si c’est le cas, il va falloir construire de nouveaux barrages pour avoir le même nombre de véhicules sur les routes, parce que la capacité d’alimentation actuelle est insuffisante. Il faut que les citoyens en aient conscience.

La construction de barrages sera une importante source d’émissions de GES, avec par exemple un recours massif à des véhicules à essence.

D’autre part, les exportations d’électricité vers les États-Unis vont probablement diminuer pour satisfaire le marché local. Il est très clair que cela va stimuler la production d’électricité au charbon sur place pour compenser cette perte. Dans ce cas-là, pour leur bilan carbone, c’est la pire option.

Dans un marché en pleine expansion, comme en Chine, la voiture électrique ne va pas se substituer à la voiture à essence. Elle va probablement s’additionner. Les gens vont passer du vélo ou du scooter à la voiture électrique. En plus, là aussi, le charbon vient habituellement alimenter les nouveaux besoins en électricité. Évidemment, en termes d’impact, cela ne va pas dans le bon sens.

Laurent Castaignède.

Laurent Castaignède est un ingénieur spécialisé dans l’empreinte carbone des transports.

Photo : Gracieuseté

Vous soutenez également que l’usage du moteur électrique n’est pas fait à bon escient. Quels sont vos arguments?

L.C. Pour le moment, les efforts sont dirigés vers la motorisation de véhicules individuels. Si on veut vraiment réduire les nuisances, les efforts devraient plutôt être dirigés vers les véhicules urbains à usage intensif, comme les autobus ou les camions de livraison.

Il faudrait aussi considérer tous les engins d’entretien et de jardinage avec des petits moteurs à essence qui polluent beaucoup pour leur taille et qui font du bruit.

Deuxièmement, il faudrait s’attaquer à la taille des véhicules, car historiquement il y a une croissance quasi continue.

On devrait profiter de l’occasion pour réduire les gabarits et les masses, mais c’est tout à fait l’inverse qui est en train de se passer.

Les VUS et les camionnettes sont toujours plus populaires. Avec un moteur électrique, ces véhicules sont encore plus gros, encore plus lourds et accélèrent plus fort.

Ils représentent un danger supplémentaire et c’est potentiellement une poudrière à accidents.

Le troisième point, c’est le modèle systémique de l’auto solo. On sait qu’il favorise la congestion routière, l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, et qu’il occasionne de lourdes dépenses en infrastructures.

Bref, lorsqu’on s’en rendra compte, on va se dire : on n’a pas équipé les bons véhicules en priorité, mais en plus ils sont trop imposants et trop nombreux. On a l’impression de régler tous les problèmes parce qu’il n’y a plus de pot d’échappement, mais ce n’est pas le cas.

La faible empreinte carbone de la voiture électrique demeure le plus souvent une promesse sur papier seulement.

Une citation de Extrait du livre La ruée vers la voiture électrique

Est-ce que cette transition vers l’auto électrique promue par les constructeurs et les gouvernements est de l’écoblanchiment?

L.C. Bien sûr, c’est une opération d’écoblanchiment. Je pense que nous nous dirigeons vers un electricgate. Il se manifestera par une prise de conscience d’un énorme gaspillage de ressources parce que le résultat en termes de réduction de la pollution ne sera pas extraordinaire.

En plus, les vertus de la voiture valorisées dans les publicités sont factices, dont les images de liberté, de découverte des paysages, de villes vides sans embouteillages.

D’un côté, il y a un besoin global de réduire la place de la voiture, et de l’autre, des incitations individuelles à l’augmenter. C’est un grand paradoxe qui est clairement alimenté par le lobby de la voiture électrique et la publicité.

La couverture représente le branchement d'une voiture électrique.

Couverture du livre « La ruée vers la voiture électrique - Entre miracle et désastre » (Écosociété) de Laurent Castaignède

Photo : Gracieuseté

Dans ce livre, mais aussi dans vos ouvrages précédents, vous soutenez justement qu’une bonne partie du problème de la pollution des transports pourrait être réglée en modifiant nos habitudes. Expliquez-nous.

L.C. Je pense que les voitures prennent trop de place dans nos vies. Il y a une trop grande dépendance.

Par exemple, de nombreuses personnes les utilisent chaque jour pour aller au travail à quelques dizaines de kilomètres de leur domicile. Elles n’ont pas le choix, mais ce ne sont pas des trajets plaisir, peu importe si c’est une voiture électrique ou à essence.

Il faudrait réorganiser nos espaces. Il faudrait que ces gens habitent plus près de leur travail, parce que la voiture est souvent la seule option.

Par ailleurs, les promoteurs de la voiture électrique insistent sur le fait qu’elle coûte moins cher en énergie et pollue moins, ce qui enlève une certaine culpabilité pour les utilisateurs qui pourraient être encouragés à l’utiliser davantage.

Mais il faut se rendre à l’évidence, la voiture, électrique ou pas, n’est pas la bonne option pour faire un petit trajet de 500 mètres qu’on pourrait faire à pied ou en vélo.

En considérant les dimensions économique et géopolitique, vous êtes préoccupé par la vitesse de transition actuelle du parc automobile, soit le remplacement de véhicules à moteur atmosphérique par des modèles à moteur électrique. Faut-il être inquiet?

L.C. La transition est extrêmement rapide. Chaque année, il se vend toujours plus de voitures électriques. Même si elles demeurent minoritaires, leur croissance est exponentielle en Amérique du Nord, en Europe, en Chine et au Japon, entre autres.

Il y a cependant plusieurs risques qui pourraient faire en sorte que le système grippe assez brutalement.

Alors, la question maintenant est de savoir : quand frapperons-nous ce mur? Je pense que ce ne sera pas forcément dans très longtemps, peut-être dans quelques années.


Bannière Ça nous regarde.

Pourquoi des acteurs de l’industrie de l’automobile électrique risquent-ils de frapper un mur?

L.C. Contrairement au moteur atmosphérique qui a un seul ingrédient stratégique, le pétrole, le moteur électrique requiert de grandes quantités de plusieurs métaux critiques comme le lithium, le cobalt ou le manganèse.

Si la chaîne d’approvisionnement est rompue pour un seul des ingrédients, le château de cartes s’effondre.

Les gisements de ces métaux ne sont pas répartis équitablement à travers le monde. En cas de problème de disponibilité, il y a un fort risque d’avoir des tensions géopolitiques, comme une guerre ou l’apparition de groupes tels que l’OPEP qui pourraient profiter de leur position privilégiée et limiter l’accès aux ressources.

Il y a en ce moment un grand besoin d’ouvrir des mines, sauf que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Les grands constructeurs mondiaux de voitures électriques investissent directement dans des mines. C’est le signe évident qu’ils redoutent de ne pas avoir accès aux matières premières.

Il y a cependant la possibilité de voir des échanges entre constructeurs : Je te donne du cobalt, tu me garantis un approvisionnement en lithium. Mais celui à qui il manquera une carte aura forcément perdu la partie et fermera ses usines.

Par souci de clarté, nous avons édité les questions et les réponses.

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Not again. :man_facepalming:t2:

That nonsense has been disproven time and again. From mines to scrapheap, wells to wheels, electric vehicles are significantly greener than their internal combustion equivalents.

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Le classique «c’est pas parfait, donc le pétrole c’est mieux»…
Déjà, des fabricants, dont Tesla, on passé à une autre chimie de batterie pour éviter les métaux plus «rares». C’est maintenant des LFP, lithium, fer, phosphore.
Pour le poids… Une Model 3 pèse dans les 1800kg, certes plus lourd qu’une sous-compacte, mais encore moins lourd que ce qu’on avait entre les années 50 et 80 !! Vous vous souvenez, c’est gros bateaux avec de gros V8 et qui faisaient 200 km avec 100 litres ???
On sait tous que dans un monde parfait, on marche, on fait du vélo, on prend les TEC. Malheureusement, dans la réalité, c’est pas toujours possible ! Et avec les prix avancés pour les projets de transport en commun, faut se rendre à l’évidence qu’on est pas à la veille de cesser d’utiliser nos voitures…

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Je ne suis pas contre le développement de la voiture électrique et encore moins contre l’électrification des transports publics. Ce sont davantage les composantes batteries qui posent problème et qui pèsent lourd dans l’équation au sens propre et figuré. Ici le danger c’est de subventionner à grand frais des usines de batteries dont la technologie n’est pas optimale et qui pourrait devenir obsolète avant même de rentabiliser ces dites subventions gouvernementales. Donc j’émets un feu jaune dans une industrie qui est loin d’avoir atteint son plein potentiel et un degré de maturité qui garantirait sa pérennité.

En d’autres mots ça sent encore trop fort l’improvisation de la part du gouvernement Legault.

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Et quels sont les barèmes pour déterminer que l’industrie a atteint son plein potentiel ? Je n’ai jamais entendu parlé d’entreprises, mais vraiment aucune, qui arrive sur le marché avec un produit qui ne nécessitera jamais de modifications, d’ajustements !
Ça fait plus de 10 ans que les voitures électriques sont sur le marché. Et les grands changements technologiques au niveau des batteries sont promises depuis tout ce temps ! On entendait la même chose il y a 10 ans : «une voiture électrique va perdre sa valeur à cause des changements annoncés. Ce modèle sera vite dépassé.» Et pourtant, finalement, aucune des peurs ne s’est avérées. Et les grands changements technologiques, on les attend encore !
Tout comme les fameuses hausses de tarifs d’électricité qui rendraient toute économie sur l’essence nulle…

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Les premiers véhicules électriques font leur entrée au Salon de la motoneige

Une motoneige électrique de marque BRP.2:06

Le Téléjournal Québec

Les premiers véhicules électriques font leur entrée au Salon de la motoneige

Cette année, BRP dévoile le Ski-Doo Grand Touring 2024 électrique, un modèle qui n’est pas encore disponible pour les particuliers, mais qui sera offert à la location cet hiver pour des circuits de 40 kilomètres en Outaouais, au Saguenay ainsi que dans Charlevoix.

Photo : Radio-Canada

Publié hier à 18 h 14 HNE

Les toutes premières motoneiges électriques ont fait leur entrée au Salon de la motoneige et du quad Québec. Deux entreprises québécoises tentent de séduire les amateurs de motoneiges qui songent à faire la transition.

C’est un hiver d’apprentissage pour nous , indique Martin Auger, gérant de district pour BRP, rencontré samedi au Centre de foires de Québec. Avec la nouvelle technologie vient une nouvelle demande et on veut bien comprendre le marché pour amener un produit qui va performer et dépasser les attentes.

Martin Auger, gérant de district pour BRP, présente la toute nouvelle motoneige électrique de la compagnie.

Martin Auger, gérant de district pour BRP, présente la toute nouvelle motoneige électrique de la compagnie.

Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Arsenault

Cette année, BRP dévoile le Ski-Doo Grand Touring 2024 électrique, un modèle qui n’est pas encore disponible pour les particuliers, mais qui sera offert à la location cet hiver pour des circuits de 40 kilomètres en Outaouais, au Saguenay et dans Charlevoix.

Même si les concessionnaires rencontrés par Radio-Canada disent ne pas encore ressentir l’intérêt des consommateurs, l’entreprise québécoise Taiga vend des motoneiges électriques depuis trois ans et a l’objectif de construire 1000 unités d’ici la fin de l’année. Pour le moment, les véhicules ont une autonomie de 100 kilomètres.

Plusieurs personnes n’avaient pas de motoneiges en raison des odeurs, des émissions et du bruit et ça ouvre un tout nouveau marché pour ces personnes-là , assure Anthony Ellyson, spécialiste de produit chez Taiga.

Anthony Ellyson, spécialiste de produit chez Taiga.

Taiga commercialise des motomarines et des motoneiges 100 % électriques depuis trois ans.

Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Arsenault

Le défi, l’autonomie

Ces véhicules, qui se vendent de 20 à 30 % plus cher que ceux à essence, possèdent une autonomie pouvant atteindre 100 kilomètres par temps doux. Une autonomie bien en deçà des besoins réels du marché, estime la Fédération des clubs de motoneigistes du Québec.

Ce n’est pas rare que des gens se tapent des journées entre 250 et 400 kilomètres. Avec l’autonomie maximale [des motoneiges électriques], on a des défis à relever à ce niveau-là, prévient le directeur des relations externes Michel Garneau.

En attendant, Taiga propose à ses clients des boucles électriques , soit des circuits de motoneiges qui incluent des bornes de recharge rapide.

À lire aussi :

À l’assaut du tourisme écoresponsable

Si l’intérêt pour l’électrique est encore timide, l’engouement se fait sentir chez les visiteurs européens, remarque Martine Houde, propriétaire d’Imago Village, une entreprise qui offre des randonnées en motoneige électrique au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

C’est le tourisme du futur. Avec les changements climatiques, l’écotourisme va prendre de l’ampleur de façon considérable dans les prochaines années et il faut être prêt à accueillir de nouvelles manières de voyager, estime Martine Houde.

Martine Houde devant son kiosque au Salon de la motoneige et du quad Québec.

Martine Houde offre des randonnées en motoneige au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Photo : Radio-Canada / Louis-Philippe Arsenault

Ce premier hiver de test sera déterminant pour BRP, qui s’associe pour la première fois avec Imago Village pour offrir des expériences à bord de motoneiges électriques. Le fabricant de produits récréatifs a l’intention d’offrir des véhicules électriques dans tous les portefeuilles d’affaires d’ici 2027, soient les motomarines, les motoneiges, les véhicules côte à côte et tout-terrain.

Avec les informations de Louis-Philippe Arsenault

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Vers une électrification des autobus scolaires

D’ici 2030, 65 % des autobus scolaires devront être électrifiés au Québec et pour accélérer la transition, le gouvernement provincial a modifié certaines clauses de son programme, mais est-ce suffisant? Des transporteurs croient que ça ne l’est pas.

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Filière des batteries Une facture inattendue guette les contribuables

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

François Legault et Justin Trudeau (au centre)

Les subventions massives offertes à Northvolt, Volkswagen et Stellantis pour les convaincre de construire des méga-usines de batteries au Québec ainsi qu’en Ontario pourraient s’accompagner d’une facture inattendue de plusieurs milliards de dollars pour les contribuables.

Publié à 9h39 Mis à jour à 16h25

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Julien Arsenault
Julien Arsenault La Presse

Cet avertissement figure dans une analyse publiée vendredi par le directeur parlementaire du budget (DPB), qui chiffre à 43,6 milliards le coût total de l’aide des ordres de gouvernement pour séduire ces multinationales. C’est presque 6 milliards de plus que les projections gouvernementales.

Le calcul du chien de garde des contribuables ne tient toutefois pas compte des frais de la dette publique engagés par les gouvernements pour subventionner Northvolt, Volkswagen et Stellantis. La facture pourrait ainsi grimper de 6,6 milliards d’ici 2032-2033 si les subventions viennent creuser les déficits gouvernementaux.

C’est l’angle mort de ce type de subvention. C’est clair que ça aura un impact sur les déficits et que tout cela aura besoin d’être financé par des emprunts additionnels. Peut-être moins au Québec avec l’horizon du retour à l’équilibre, mais au fédéral, il n’y a pas de cible.

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget (DPB)

Le rapport du DPB n’offre pas de ventilation entre le Québec, l’Ontario et le gouvernement fédéral. N’empêche, les frais de la dette devraient faire partie de l’équation lorsque l’on tente de calculer le délai de recouvrement, souligne M. Giroux.

« L’inclusion d’autres coûts (c’est-à-dire le soutien à la construction, les pertes de revenus et le service de la dette) prolongerait davantage les seuils de rentabilité », souligne le rapport du DPB.

Un peu plus long

L’équipe de M. Giroux estime par ailleurs que Québec et Ottawa devront patienter deux ans de plus que prévu avant de récupérer le montant total des subventions à la production de 4,6 milliards offerte à Northvolt pour son usine de cellules de batteries. En confirmant l’arrivée de l’entreprise suédoise en Montérégie, en septembre dernier, les deux ordres de gouvernement faisaient miroiter un horizon oscillant entre cinq et neuf années.

Pourquoi un écart entre calculs gouvernementaux et ceux du DPB ? La méthode du directeur tient compte de la montée en cadence de la production qui devra s’effectuer lorsque l’usine de la jeune pousse suédoise démarrera, vers 2026. De son côté, le ministère fédéral de l’Innovation, Sciences et Développement économique table sur une « pleine production » dès le début des activités.

Avec Northvolt, les gouvernements ont bien fait leurs devoirs, estime M. Giroux.

« On a été agréablement surpris de voir que notre méthodologie a été utilisée pour Northvolt, dit-il. On ne considère pas que c’est un écart majeur (avec l’hypothèse gouvernementale). Ce n’est certainement pas au même titre que le fédéral qui avait annoncé que tout serait remboursé en moins de cinq ans pour Volkswagen et Stellantis alors que c’est plus proche de 20 ans. »

En marge d’une allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal (CORIM), le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie ne s’est pas formalisé de l’écart entre sa prévision et celle du DPB.

« Neuf ans ou 11 ans… Je pense que le neuf est bon, a dit M. Fitzgibbon. Les hypothèses sont différentes. Mais c’est un projet qui va être payant dans dix ans. »

Plus que des subventions

En plus de subventionner la production du complexe de Northvolt — une décision pour répliquer à l’Inflation Reduction Act (IRA) de l’administration Biden — les gouvernements Legault et Trudeau financent également conjointement sa construction à hauteur de 2,74 milliards par l’entreprise de prêts et de prises de participation.

Northvolt s’établira sur l’ancien site d’explosifs de la Canadian Industries Limited (CIL), qui chevauche les municipalités de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, en banlieue sud de Montréal. Le terrain est d’une superficie de 170 hectares — environ 130 terrains de football.

La première phase du complexe devrait exiger près de 200 mégawatts de puissance, soit environ la moitié d’une aluminerie. En principe, les travaux doivent s’amorcer d’ici la fin de l’année.

En savoir plus

  • 62 %
    Portion de l’aide publique à Northvolt, Volkswagen et Stellantis assumée par Ottawa.

directeur parlementaire du budget