Campements urbains et autres enjeux liés à l'itinérance

Il suffit d’aller se promener au centre-ville de Saint-Jérôme pour voir la régionalisation de l’itinérance. Rad avait fait un reportage super intéressant il y a quelques mois. C’est un phénomène que je trouve très inquiétant, puisque si même à Montréal, les ressources manquent, c’est bien pire dans les villes et villages des régions.

Il y a même de l’itinérance visible dans les banlieues, c’est un phénomène nouveau, ou du moins, qui s’est aggravé récemment.

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Reportage au Téléjournal à Joliette

Plus d’itinérance en région : le visage des sans-abri à Joliette

Le nombre de personnes en situation d’itinérance a fait un bond énorme depuis cinq ans et c’est particulièrement marquant dans les villes en région, où le phénomène était absent auparavant.

Les maires vont en discuter au Sommet sur l’itinérance, qui commence vendredi (15 septembre 2023) à Québec.

Voici l’exemple de Joliette, avec le reportage de Davide Gentile.

Expulser un jeune du centre jeunesse dès qu’il a 18 ans sans s’assurer que le jeune a un logement… Un jeune ne peut pas devenir autonome du jour au lendemain après avoir vécu plusieurs années dans un encadrement stricte. C’est n’importe quoi!

Il faudrait faire comme à Londres en s’assurant que la personne a un logement avant de le mettre dehors de l’institution où elle est logée. J’ai entendu à la radio que c’est ainsi que la ville a réussi à quasiment éliminer les campements sur son territoire.

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Québec débloque 20 M$ en aide d’urgence pour les refuges

TVA NOUVELLES

Jeudi, 14 septembre 2023 08:56

MISE À JOUR Jeudi, 14 septembre 2023 09:34

Québec débloque 20 M$ en aide d’urgence pour les refuges afin de lutter contre l’itinérance. Hier, on apprenait que plus de 10 000 personnes sont sans-abri dans la province dont la moitié à Montréal.

• À lire aussi: Plus de 10 000 personnes vivent en situation d’itinérance au Québec, révèle un rapport très atte

«Nous avons vu les chiffres, ils sont inquiétants. On s’y attendait un peu. J’ai rencontré les maires. Le moment est crucial. Il faut que l’on brise la tendance et j’ai annoncé 20 M$ pour les 1335 qui vivent dans la rue. Il faut leur trouver un toit», appuie le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant.

«Dans le budget, il y avait 7 M$ pour rehausser les refuges et devant l’importance des chiffres que l’on voit, on a décidé de réaménager et d’offrir 20 M$», précise le ministre.

Lionel Carmant a donc demandé au «ministère d’approuver tous les projets qui seront mis en place dès cet hiver», selon ses dires. Le ministre assure aussi travailler en prévention.

«On parle des centres jeunesse pour s’assurer que les jeunes puissent avoir un logement en sortant des centres jeunesse. On travaille au niveau de la santé mentale en déployant la santé mentale communautaire. On a fait des investissements pour les surdoses d’opioïdes et on travaille ensemble pour le logement», détaille-il.

  • Écoutez l’édito d’Alexandre Dubé diffusé chaque jour en direct 6 h 30 via QUB radio :

Vulnérabilité extrême

La ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, parle de tempête parfaite. «Crise du logement et crise de l’itinérance. Il est important de se rappeler que derrière ces chiffres-là [10 000 sans-abri], des personnes sont en situation de vulnérabilité extrême. On est là pour aider, leur donner une chance, pour s’aider à s’aider, et ça, ça commence par avoir un logement, un toit sur la tête», fait-elle savoir.

La ministre affirme aussi comprendre l’inquiétude des maires et des mairesses devant la problématique de l’itinérance. «Tous les jours au bureau, c’est dans leur quotidien. On est là pour collaborer avec eux. 1700 logements pour itinérants sont en construction partout au Québec. Ce n’est clairement pas assez, ça en prend plus. Je travaille sur des mesures concrètes pour aider les gens directement, donc des aides financières à la personne», explique la ministre responsable de l’Habitation.

https://www.journaldemontreal.com/2023/09/14/quebec-debloque-20-m-en-aide-durgence-pour-litinerance

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Bonne nouvelle, mais encore faut-il que cet argent soit dépensé. Les obstacles dans ces dossiers ne se résument pas au manque de fonds, de ma compréhension. Il y a aussi des bloquants de toutes sortes, administratifs, capacité et disponibilité de la main d’oeuvre, etc.

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Je suis bien contente de voir les gens du gouvernement se mettre en action, ça me donne espoir!

Malheureusement le gouvernement a attendu d’être au pied du mur pour se décider à agir et encore les mesures sont modestes, car la crise est profonde et étendue dans tout le Québec.

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Verrouillez la porte et avalez la clé

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

« Le sommet sur l’itinérance qui se déroule ce vendredi à Québec ne devrait pas être exceptionnel. De telles rencontres, il en faut plus, autant pour l’itinérance que pour le logement », souligne notre chroniqueur.


Paul Journet
Paul Journet La Presse

Il n’y a pas une solution unique – ni deux ou trois – permettant à elle seule de régler les crises de logement et de l’itinérance. Mais pour savoir quoi faire, la méthode est assez simple. Les décideurs devraient s’enfermer dans une pièce, verrouiller la porte et avaler la clé.

Publié à 0h48 Mis à jour à 5h00

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Le sommet sur l’itinérance qui se déroule ce vendredi à Québec ne devrait pas être exceptionnel. De telles rencontres, il en faut plus, autant pour l’itinérance que pour le logement. Car vu de l’extérieur, une impression de désordre se dégage.

Ceci n’est pas une chronique pour dire qui devrait faire quoi et quand. Je veux simplement expliquer comment une meilleure coordination et une meilleure définition des rôles permettraient d’éviter plusieurs des ratés actuels identifiés par les experts.

Il serait trop facile de dépeindre la nouvelle génération de maires en héros progressistes qui se battent contre Ottawa et Québec.

Le maire de Québec vise « l’itinérance zéro ». C’est louable. Mais comme avec le climat, les cibles ne signifient pas grand-chose. Ce qui compte, c’est le plan pour y parvenir.

Pour l’instant, on voit plutôt des plans promus chacun de leur côté par les municipalités, les provinces et le fédéral.

En 2017, le gouvernement Trudeau a annoncé sa stratégie sur le logement, dotée d’une enveloppe de 40 milliards répartie sur 10 ans. Comme d’habitude, il a fallu des années avant que le fédéral s’entende avec les provinces pour distribuer les enveloppes. Et ensuite, il restait à transférer ces sommes aux municipalités. Par exemple, des villes disent avoir réservé des terrains pour de futurs logements, mais attendre l’argent pour commencer le travail.

Autre symptôme de cette lenteur : jeudi, Justin Trudeau a annoncé l’abolition de la TPS pour les constructions d’immeubles locatifs. Le hic : il l’avait promis en 2015… Il a fallu huit ans pour bouger. Ç’aurait été moins interminable si les libéraux avaient jasé à la même machine à café que les provinces et les municipalités.

M. Trudeau a reproché aux villes de décourager la construction de logement à cause de leur bureaucratie, et il n’a pas tort.

Avec son règlement 20-20-20 qui exige un quota de logement abordable, social et familial dans les nouvelles constructions, Montréal a augmenté les coûts de construction, et donc incité les promoteurs à aller voir ailleurs ou à ne rien faire. En plus des diverses redevances prélevées aux promoteurs, les délais d’attente pour obtenir un permis sont longs. Comme l’a révélé le Journal de Montréal, la mairesse Valérie Plante a construit trois fois moins de logements abordables qu’elle ne le prétend.

Mais si les municipalités imposent ces contraintes, c’est aussi pour compenser leur manque à gagner. Leurs responsabilités n’ont jamais cessé d’augmenter depuis le début des années 1990. Elles dépendent de l’impôt foncier. N’ayant que cet outil, elles l’utilisent pour cogner partout.

On ne peut donc pas critiquer cette bureaucratie sans la mettre en lien avec le financement provincial. La réforme de la fiscalité est complexe. Elle ne se réglera pas en quelques semaines. Mais au minimum, Québec pourrait établir de nouveaux critères de densité. Cela protégerait les maires la prochaine fois qu’une poignée de citoyens essaient de bloquer un projet immobilier intégré au transport collectif.

Tout cela peut sembler très loin de l’itinérance. Mais en logement, les vases sont communicants.

La demande de logements augmente à cause de l’immigration et de la hausse du prix des condos – les jeunes demeurent locataires plus longtemps.

L’offre est déficiente à cause des retards et des coûts imposés aux promoteurs, des taux d’intérêt, de la pénurie de main-d’œuvre ainsi que des sous-investissements historiques dans le logement social, que le gouvernement Legault n’a pas renversés. Ceux qui en souffrent le plus sont évidemment les gens sans le sou. La preuve, les évictions sont devenues la principale cause de l’itinérance, juste devant les troubles de consommation de drogue et d’alcool.

Pour l’itinérance, avant le sommet avec les villes, le gouvernement caquiste aurait pu organiser plus de réunions à l’interne. Le manque de coordination commence à l’intérieur de l’État.

En 2021, la recommandation 14.1 du plan d’action en itinérance proposait de « préciser les rôles et les responsabilités » de chaque acteur. Deux ans plus tard, on attend encore. On parle de la simple définition des tâches !

Les experts exhortent les 10 ministères concernés à travailler en équipe, idéalement avec un ministre responsable. Et en misant sur la prévention et sur la réinsertion en logement. Les minorités sexuelles, les Premières Nations, les toxicomanes, les enfants de la DPJ et les ex-prisonniers sont surreprésentés dans la rue. Ceux qui les côtoient au quotidien ont d’excellentes suggestions à faire au gouvernement, mais ils se demandent à qui parler. Autre exemple souvent entendu : après un avis d’éviction, un soutien devrait être apporté à la personne qui se trouve sans logement.

Avis aux pingres, la répression et l’aide de dernier recours coûtent plus cher, et le communautaire est à bout de souffle.

Voilà ce qu’on appelle une crise – des crises, en fait – à facteurs multiples. C’est déjà assez difficile à gérer. Pas besoin de le faire chacun dans son coin, en jouant au héros ou à la victime.

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Construire vite (et bien), ça se peut

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Le projet Studios du Pas est un ensemble de 19 logements construit en un temps record dans l’est de Montréal.


Maxime Bergeron
Maxime Bergeron La Presse

« Je suis comme une reine ici. »

Publié à 1h14 Mis à jour à 6h00

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Lorraine Charette profitait du soleil sur le balcon de son petit studio de l’est de Montréal, vendredi midi, pendant que des dizaines d’élus débattaient à Québec pour chercher des solutions à la crise de l’itinérance.

La femme de 62 ans m’a raconté les sales moments qu’elle a vécus ces dernières années. L’expulsion de son logement. Son bref séjour dans la rue. Ses cinq ans de purgatoire dans une maison de chambres miteuse.

Puis, ce cadeau inattendu : un logement.

Une deuxième chance.

Lorraine Charette est l’une des 19 locataires des Studios du Pas, un petit complexe construit en un temps record pendant la pandémie. Tous les logements sont subventionnés et occupés par des gens de 55 ans et plus qui étaient itinérants ou en situation de précarité extrême.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

L’intérieur d’un des 19 studios, qui mesurent environ 300 pieds carrés chacun

Les locataires paient le quart de leurs revenus mensuels, soit 404 $ par mois dans le cas de Mme Charette. Ils ont accès à des services spécialisés, à des repas et aux activités du centre communautaire situé à deux pas. Un vrai milieu de vie organisé.

« Je ne le crois quasiment pas encore, m’a-t-elle confié au téléphone. Ma vie a changé complètement. Le goût de vivre m’a repris. »

La sexagénaire me parle de son nouveau logis comme d’un miracle, et elle n’a pas tort.

Il s’est écoulé 18 mois à peine entre l’idée originale du projet et le déménagement des locataires.

Une anomalie, pour un immeuble de logement social.

Les délais se calculent d’habitude en années, lorsque les projets ne tombent pas carrément à l’eau faute de financement – ce qui est le cas pour une bonne partie d’entre eux.

Je vous raconte l’histoire de Lorraine Charette, car la question de l’accès au logement est centrale dans la crise actuelle de l’itinérance. Les deux problèmes sont imbriqués.

Tout le monde s’entend pour dire qu’il faut construire davantage, mais personne ne semble s’accorder sur la façon de faire la plus efficace.

Au sommet sur l’itinérance organisé par l’Union des municipalités du Québec (UMQ), auquel j’ai assisté vendredi à Québec, cette impasse a été au cœur de la plupart des discussions.

Au rang des coupables : la multiplication des ordres de gouvernement impliqués dans le financement des projets.

Montré du doigt : le gouvernement du Québec, par qui transitent toutes les sommes fédérales – on parle ici de centaines de millions – destinées à l’habitation.

Presque toutes les sommes, en fait.

Il y a une poignée de projets qui ont été financés directement par Ottawa, en collaboration avec les villes, sans que Québec fasse partie de l’équation. Les Studios du Pas sont du nombre.

Ce projet a été conçu avec un sentiment d’urgence bien réel, au début de la pandémie de COVID-19.

En octobre 2020, Ottawa a créé un programme de 1 milliard de dollars, appelé Initiative pour la création rapide de logements (ICRL), qui visait à financer des projets d’habitation pour les sans-abri partout au pays. Le critère principal pour se qualifier : que les travaux soient exécutés en 12 mois.

C’était une cible très ambitieuse, voire irréaliste, mais plusieurs groupes communautaires ont quand même voulu relever le défi.

À Montréal, le Groupe CDH, une entreprise d’économie sociale, a pris contact avec l’organisme Pas de la rue pour proposer un projet qui serait réalisé avec les sommes du fédéral. Les démarches se sont vite mises en branle, et la firme L. McComber – architecture vivante, mandatée pour développer un concept, a proposé une construction modulaire, préfabriquée en usine.

La Ville de Montréal, l’arrondissement, les entrepreneurs, bref, tous ceux qui sont impliqués ont travaillé rondement pour lever les obstacles habituels.

PHOTO FOURNIE PAR LA FIRME L. MCCOMBER – ARCHITECTURE VIVANTE

Installation des modules préfabriqués sur le site. La maçonnerie et d’autres éléments ont été ajoutés par la suite.

« Je ne veux pas faire l’apologie de la vitesse, mais ce qu’il faut remarquer, c’est que plus il y a du monde autour de la table, plus c’est long », m’a souligné l’architecte Laurent McComber.

Il aura fallu 18 mois – plutôt que 12 – avant que le projet accueille ses premiers locataires, ce qui reste quand même un rythme inédit.

« On a eu accès à une courte fenêtre d’efficacité », m’a résumé une source au cœur de l’élaboration de ce chantier.

Les Studios du Pas ne ressemblent pas à des roulottes de chantier empilées. Le complexe est beau et bien intégré au quartier. En témoignent les sélections qu’il a obtenues, entre autres aux Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec.

Mieux encore : il a coûté 5,4 millions de dollars, ce qui revient en moyenne à 282 000 $ par studio de 300 pieds carrés.

C’est dans le bas de la fourchette habituelle pour ce type de projet, et à des années-lumière de la facture des Maisons des aînés du gouvernement Legault, dont le coût moyen frôle le million par chambre.

Devrait-on construire des résidences modulaires aux quatre coins du Québec pour loger nos 10 000 sans-abri ? Bien sûr que non.

Mais ce petit exemple montre qu’il y a moyen d’appuyer sur l’accélérateur, lorsque les différents ordres de gouvernement, et leurs partenaires des secteurs privé et communautaire, rament dans la même direction.

Il y a en ce moment même environ 900 millions en fonds fédéraux disponibles pour construire du logement, qui restent coincés quelque part entre Ottawa et Québec.

Les pourparlers s’étirent depuis des mois, pour déterminer comment envoyer le chèque. Pour choisir la couleur de l’enveloppe et le format du timbre.

Il faut presser le pas, et vite. Retrouver ce sentiment d’urgence qui a permis de faire de petits miracles pendant la pandémie, au profit des mal-logés.

Ils seront malheureusement de plus en plus nombreux.

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Pourquoi pas?

Ou en tous cas, tendre vers cette solution? Ça reviendrait sûrement beaucoup moins cher à long terme!

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La Grande bibliothèque inclut les personnes itinérantes

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Depuis deux ans, un jardin communautaire situé à l’arrière de la Grande bibliothèque est aussi entretenu par des jeunes de l’organisme Spectre de rue.

La Grande bibliothèque a accueilli mardi la septième édition de Camelot d’un jour de l’organisme L’Itinéraire, où des personnalités publiques sont jumelées à des personnes vendant ce magazine partout dans la métropole.

Publié à 5h00

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Lila Dussault
Lila Dussault La Presse

Lieu de ressourcement et d’action culturelle, située en plein cœur de Montréal, la Grande bibliothèque est aussi aux premières loges de la lutte à l’itinérance. Parmi ses outils : une halte-chaleur, un jardin communautaire et des activités pour que des citoyens de tous les horizons se rencontrent.

« Je me suis souvent réfugié dans les bibliothèques », confie Siou Deslongchamps, camelot pour le magazine L’Itinéraire depuis maintenant sept ans. « La Grande bibliothèque, ah ! Ici, j’ai de la concentration. Le beau bois, les mezzanines, ça m’apaise », décrit-il.

M. Deslongchamps vit désormais dans un studio, mais son amour des bibliothèques date de l’enfance. Et il n’est pas le seul à trouver dans la bâtisse emblématique du cœur de la métropole une forme de refuge.

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Le camelot Sioux Deslongchamps et le comédien Stéphane Demers au travail au métro Bonaventure

Dès 2015, la Grande bibliothèque a embauché une personne dédiée à favoriser la cohabitation entre tous ses usagers, incluant les plus vulnérables. « C’est important pour nous d’être une partie intégrante de la communauté, et d’apporter des solutions », résume Marie Grégoire, la présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).

Située à l’angle du boulevard de Maisonneuve et de la rue Berri, la Grande bibliothèque se trouve dans un secteur où les questions d’itinérance et de toxicomanie ont fait les manchettes depuis des mois.

Mais en ses murs, la tranquillité demeure. En 2022, par exemple, 104 « retraits » de personnes ont été effectués à la Grande bibliothèque, par rapport à 220 avant la pandémie, en 2019 (l’achalandage avait aussi diminué de moitié en 2022), indique Claire-Hélène Lengellé, responsable des relations avec les médias pour BAnQ.

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La présidente-directrice générale de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Marie Grégoire et Marie-Pierre Gadoua, coordonnatrice de la médiation sociale et de l’action culturelle

Désormais, certaines personnes peuvent arriver avec des problématiques plus intenses, mais elles ne sont pas plus nombreuses, affirme aussi Mme Grégoire. Le but de la Grande bibliothèque : offrir un lieu sécuritaire et accueillant. À tous.

Faire partie de la solution

En février dernier, quand le mercure est descendu à -40 sous zéro, la Grande bibliothèque s’est transformée en halte-chaleur, en collaboration avec L’Itinéraire et la Société de développement social (SDS). Une expérience appelée à se reproduire cet hiver.

Ce n’est que l’un des services mis sur pied pour aider les plus vulnérables. Par exemple, les agents de sécurité ont été formés des organismes spécialisés en itinérance. Et une personne n’a pas besoin d’avoir une adresse fixe pour s’abonner à BAnQ.

Depuis deux ans, un jardin communautaire situé à l’arrière de la Grande bibliothèque est aussi entretenu par des jeunes de l’organisme Spectre de rue. « À la fin août, on avait remis 100 kilos de denrées à une bonne dizaine de banques alimentaires. Et ce n’est pas terminé », souligne Marie-Pierre Gadoua, coordonnatrice de la médiation sociale et de l’action culturelle à BAnQ.

Autre nouveauté : une unité mobile de la mission Old Brewery se stationne une fois par semaine à la Grande bibliothèque, depuis août. Les intervenants font des rondes et peuvent aider les sans-abri avec leurs démarches administratives (impôts, recherche de logement).

C’est sans compter toutes sortes d’ateliers et d’activités culturelles – visite des lieux, exposition photo, lectures de poésie, etc. – créés en lien avec des organismes comme L’Accueil Bonneau et L’Itinéraire.

« Pour une personne en itinérance, entrer à la Grande bibliothèque, c’est faire partie de la société », estime le directeur général de L’Itinéraire, Luc Desjardins. L’ Itinéraire est un magazine de rue bimensuel qui vise la réinsertion sociale des personnes marginalisées.

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Luc Desjardins, directeur général de L’Itinéraire.

« [Comme directeur] je vais entendre beaucoup plus nos membres parler d’un passage à un atelier ou une discussion à la bibliothèque que de vendre un magazine ! », remarque-t-il.

La prochaine étape, pour la Grande bibliothèque, est d’engager ses propres intervenants, un projet inspiré de ce qui se fait déjà à la bibliothèque de Drummondville.

Camelot d’un jour

Autre exemple de son implication dans le quartier : la Grande bibliothèque a accueilli mardi la septième édition de Camelot d’un jour, dans une ambiance festive. À cette occasion, des personnalités publiques sont jumelées à des camelots de L’Itinéraire et passent quelques heures à vendre le magazine partout dans la métropole.

« C’est vraiment très difficile, le rejet », observe l’acteur Stéphane Demers, rencontré au métro Bonaventure avec Siou Deslongchamps. « Mais j’aime l’idée de m’impliquer et de vivre l’expérience, comme Siou ou les autres camelots la vivent », ajoute celui qui en est à sa deuxième année avec Camelot d’un jour.

À la Grande bibliothèque, l’actrice et réalisatrice Mariloup Wolfe a trouvé l’espace dans son horaire pour participer à Camelot d’un jour pour la première fois. Elle est jumelée à Samir, qu’elle voit depuis des années devant le Jean Coutu près de chez elle, sur l’avenue du Mont-Royal. « J’ai hâte d’en connaître plus sur son histoire ! », lance-t-elle au passage.

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il y a quelques semaines, j’ai décidé de marcher jusqu’à Berri au lieu de prendre la ligne verte, car il faisait beau. Sans me rappeler qu’il s’agissait de “l’allée du crack”, ni les histoires, ni même du nom de la rue, lorsque je suis passé devant, je m’en suis immédiatement souvenu. C’était le bordel, il y avait environ 20 à 30 personnes qui flanaient, certaines se droguant. Absolument aucune présence de police ou de toute organisation. La rue était pratiquement impraticable à moins que vous soyez courageux ou un homme de grande taille… lol. Cela n’augure rien de bon pour les installations permettant de fumer près du marché Atwater, et cela fait définitivement affaiblir le soutien de la population à l’égard de ce type d’installations. Harm reduction, ouais… Les toxicomanes ne semblent pas moins dépendants qu’avant, la misère et la souffrance dans le secteur sont à un niveau sans précédent, et il n’y a aucun semblant de désir de « cohabitation » harmonieuse.

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Ce ne sont pas les sites de consommation supervisée qui vont sortir les gens de la misère, c’est le dernier recours pour éviter des décès. C’est vraiment le dernier filet de santé publique.

Ce qui s’installe proche du marché Atwater, c’est un gros volet de réhabilitation: entrevues pour les futurs résidents, lieux stables et logements, suivi régulier, réinsertion…

Si on refuse carrément de créer une ressource pour les gens qui font le choix personnel de s’en sortir, je ne sais pas trop ce qu’on peut faire. L’allée du crack va juste devenir la normalité, et avec plus d’overdose en prime. C’est une crise alimentée par une autre crise: celle du logement, et des gens font les frais du désengagement massif des gouvernements pour créer du logement social qui assurerait un filet social avant la rue. Donc il va en avoir plus, et c’est plus difficile de sortir une personne de la rue que de l’empêcher d’y aller au départ.

C’est évident qu’il faut plus de ressources pour gérer les endroits problématiques, mais en quoi déménager CACTUS va créer ces ressources pour essayer de limiter les débordements? En quoi ça serait plus harmonieux dans un autre endroit? Soit les consommateurs suivent, et on répète la même erreur. Soit ils ne suivent pas, et l’allée du crack va devenir l’allée de la mort. Faut donnez des ressources conséquentes devant le problème, pas espérer que les choses vont s’améliorer si ces mêmes ressources n’existent pas.

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Bon, un site qui administre directement des drogues aux toxicomanes, où se rassemblent la plupart des toxicomanes qui utilisent un type spécifique de drogue. J’ai l’impression que c’est un endroit où nous pouvons déployer un peu plus d’efforts pour connecter ces toxicomanes avec des services qui peuvent les aider à sortir de leur dépendance, ou des services de logement, ou les aider à obtenir des comptes bancaires ou des adresses gouvernementales. Ce que j’ai vu dans la rue, c’était essentiellement des gens qui attendaient dehors et se droguaient sans surveillance, puis des gens qui rentraient à l’intérieur et se droguaient sous surveillance… et qui sortaient ensuite ? Bien sûr, tout cela signifie que le secteur est plein plein de trafiquants qui cherchent à capitaliser sur ce marché. Dans l’état actuel des choses, ce dernier recours de santé ne semble pas aider les gens au-delà de leur aider à se droguer. Nous pouvons probablement faire mieux j’imagine.

Ça ne sera pas, et c’est ça le problème. Si ces ressources ne peuvent pas cohabiter avec leur environnement, alors les gens n’en voudront pas. L’idée que l’allée du crack serait là de toute façon je suis pas sûr, car ça existe seulement a cause d’ une ressource qui pousse les gens à se rassembler, que ce soit une bonne ou une mauvaise chose. Le fait que la ville n’envoie pas plus d’agents de surveillance pendant la journée et que la ressource ne semble faire aucun effort pour maîtriser la situation à l’extérieur n’augure rien de bon pour le soutien du public. C’est la vérité.

Si Atwater réussit, les ressources devraient toujours être ainsi. L’expérience complet. En ce qui me concerne, s’il n’y a pas une partie importante de l’établissement consacrée à aider les gens à sortir de leur situation, cela n’est pas “harm reduction” (au-delà du maintien de l’individu en vie pour qu’il continue à se droguer et vivre dans la misère, le strict minimum je suppose).

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Je suis complètement d’accord.
Mais ça ne se fait pas par manque de volonté ou pour cette raison:

C’est fondamentalement un manque de ressources: de l’argent, des intervenants, de l’immobilier, des ressources en santé. Personne ne se lance dans un projet comme CACTUS par désir de “faire aucun effort”, ce sont des organismes qui fonctionnent par vocation, et c’est une vocation ingrate.

Je suis certain que si CACTUS pouvait faire de quoi pour ces gens dehors ils le feraient, comme ils font à l’intérieur de l’édifice.

C’est vrai que c’est une raison, mais on observe le même phénomène de rassemblement pour diverses raisons, que les ressources existent ou non. On aurait tout simplement un autre point chaud ailleurs, organisé autour du trafic de la drogue, d’autres ressources en itinérance, des campements, etc… Dans ce cas, je crois qu’on se rejoint sur cette idée: il faut plutôt capitaliser sur la bonification de l’aide dans ces secteurs.

C’est mon avis aussi, c’est le genre de modèle qu’on devrait se voir multiplier (bien sûr s’il fonctionne, mais en tout cas les moyens semblent aller dans la bonne direction à mon avis).

Je suis d’accord que c’est un strict minimum en regard au bien-être, mais garder une personne en vie en respect de sa volonté, c’est quand même une base éthique fondamentale et inévitable.


Je comprends complètement ta perception du phénomène, et je comprends aussi les gens qui sont exposés à vivre avec une grande proximité de cette misère. C’est vrai qu’on peut complètement braquer les gens contre les ressources si on elles sont associées à une augmentation de la misère dans un secteur, une perte de qualité de vie, si on ne voit pas d’amélioration. Je crois juste qu’il ne faut pas tomber dans le piège, collectivement, que ces ressources sont responsables du problème. C’est plutôt la rareté et les limitations de ces ressources qui sont problématiques. S’il y avait 25 CACTUS, il y aurait moins de monde dans cette seule rue rue a attendre une place disponible en ressource. Si ces gens avaient un studio dans un édifice avec des aires communes toujours ouvertes, ils passeraient plus de temps là que dans une ruelle. Avec plus d’intervenants, les rues pourraient être patrouillées adéquatement. On ne rejoindrait pas tout le monde, mais beaucoup de gens, et surtout on pourrait le faire avant que la situation s’empire à un point difficile à réchapper.

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Des campeurs itinérants de nouveau expulsés d’un boisé du quartier Ahuntsic

Marco Fortier
27 septembre 2023
Société

« On n’est chez nous nulle part. On ne sait plus où aller. » Trois mois après avoir été chassés d’un parc où ils avaient planté leurs tentes, des résidents du quartier Ahuntsic, dans le nord de Montréal, ont été expulsés d’un autre terrain boisé où ils s’étaient installés. Ils sont atterrés de se faire encore déplacer.

En fin d’après-midi, mercredi, Scott DeRapp et ses deux voisins s’apprêtaient à plier leurs tentes. Ils ramassaient leurs chaises pliantes et leur glacière. Ils ignoraient où ils allaient passer la nuit. Encore une fois. C’est devenu une habitude. Les trois hommes dans la cinquantaine se démènent depuis des mois pour trouver un logement, mais ils ne trouvent rien, pas même un bout de terrain où vivre en paix dans leurs tentes.

« On était bien ici, on a passé un bel été », dit en soupirant l’un des campeurs, qui a demandé à garder l’anonymat.

On rencontre les trois voisins sur le terrain boisé adjacent à l’école secondaire Sophie-Barat, en bordure de la rivière des Prairies. Ils s’étaient installés à cet endroit isolé après la fin des classes, en juin dernier. Ils venaient alors d’être expulsés du parc Basile-Routhier, près de là, où ils avaient campé pendant près d’un an — y compris durant l’hiver.

Mercredi matin, les trois campeurs ont trouvé sur leurs tentes une lettre signée par la direction de l’école : « En raison de la présence d’élèves, d’activités pédagogiques, etc. sur le terrain, l’école ne peut accueillir d’occupants. Par conséquent, nous vous prions de quitter immédiatement le terrain et de ne pas laisser vos effets sur place. »

Les campeurs « devaient être expulsés pour assurer la sécurité des élèves et de la communauté », indique Alain Perron, porte-parole du Centre de services scolaire de Montréal. « Il se faisait des feux sur le terrain de l’école. De petits réchauds au gaz et du matériel relatif à la consommation de drogue ont été trouvés sur le terrain. »

Des anges gardiens

Le directeur de l’école a offert de l’aide aux trois campeurs évincés. Scott DeRapp et ses amis pouvaient déjà compter sur le soutien de deux anges gardiens, les travailleurs de rue Marc-André Lachapelle et Annie Archambault, qui accompagnent les personnes itinérantes du nord de l’île.

« On est dans un cul-de-sac. On déplace les personnes au lieu de régler leur problème », dit Marc-André Lachapelle, de l’organisme RAP Jeunesse, qui offre un centre de jour et des services sociaux aux personnes itinérantes d’Ahuntsic-Cartierville. La crise du logement et de l’itinérance frappe de plein fouet le nord de Montréal, explique le travailleur de rue. On trouve très peu de logements ou de chambres accessibles aux gens sur l’aide sociale. Il n’y a aucun refuge pour les personnes itinérantes dans le quartier. À peu près pas de logements sociaux non plus. La solution est pourtant simple : « On a besoin de logements subventionnés où les locataires paient 25 % de leurs revenus », dit M. Lachapelle.

Le travailleur de rue et sa collègue aident les trois campeurs à empaqueter leur matériel de camping. Le groupe se préparait à marcher en quête d’un autre endroit discret, un peu plus loin, où établir un campement temporaire. En attendant, sans doute, de se faire chasser une fois de plus.

Un lieu propre et fréquenté

Au moment du passage des représentants du Devoir, le terrain de camping improvisé était propre. Scott DeRapp et ses amis avaient bricolé un foyer artisanal pour les feux de camp. Ils disent avoir eu des visites occasionnelles de policiers et de pompiers. Les campeurs se faisaient discrets : ils passaient leurs journées ailleurs en ville et revenaient pour dormir.

« C’est un endroit où il y a toujours eu des campements de personnes itinérantes. Malgré toutes les précautions qu’elles prennent, elles ont des difficultés à se faire accepter », dit Marc-André Lachapelle.

L’enseignant Michel Stringer, de l’école Sophie-Barat, dit avoir croisé des campeurs au fil des ans. Lui et ses élèves ont présenté en 2021 un grand spectacle extérieur à deux pas du terrain boisé, et ont fraternisé avec un campeur itinérant. « On lui a demandé de rester là et d’assister au spectacle. Il est venu manger avec nous autres sur les tables à pique-nique. Tout s’est bien passé. »

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Des milliers de campements démantelés au pays face à une itinérance croissante


Darryl Dyck La Presse canadienne
Avec plus de 4200 campements démantelés dans cinq grandes villes canadiennes depuis le début de l’année, des personnes sont forcées d’être en constant déplacement alors que les refuges débordent.

Zacharie Goudreault
5 octobre 2023
Société

Plus de 4200 campements d’itinérants ont été démantelés dans les cinq plus grandes villes du pays depuis le début de l’année, montrent des données compilées par Le Devoir. D’Edmonton en passant par Toronto et Montréal, des milliers d’itinérants se retrouvent forcés de se déplacer constamment dans des villes où les refuges sont au maximum de leur capacité.

Depuis 2021, ce sont 12 879 campements de personnes en situation d’itinérance qui ont été démantelés par les forces de l’ordre et des employés municipaux dans les 5 villes les plus populeuses du pays, montrent des données fournies par celles-ci en réponse aux questions du Devoir.

Ce phénomène a pris de l’ampleur dans plusieurs métropoles, y compris Montréal, mais c’est à Edmonton, la deuxième ville d’Alberta, que cette hausse a été la plus marquée au pays. La Ville a ainsi démantelé 4605 campements jugés à « haut risque » depuis 2021, soit presque autant qu’à Toronto, qui compte pourtant une population 2,5 fois plus grande.

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« Les campements sont un problème à l’échelle de la ville et représentent un symptôme de la pénurie de logements sécuritaires, adéquats et abordables et de problèmes de capacité dans les refuges », explique la Ville d’Edmonton par courriel. Elle affirme que le nombre de personnes en situation d’itinérance dans la ville a doublé pendant la pandémie pour atteindre 3119 en septembre, selon un registre en ligne. Du lot, 57 % sont des Autochtones, même s’ils représentent moins de 6 % des résidents de cette ville.

Selon la Ville, le démantèlement de campements sur son territoire est nécessaire pour des raisons de sécurité publique, notamment pour prévenir des incendies. Or, devant le manque de places dans les refuges d’Edmonton, de nombreux itinérants ne font que se déplacer plus loin chaque fois que des policiers viennent démanteler et jeter aux ordures leur hébergement de fortune et une partie de leurs biens, précarisant encore davantage leur situation, déplore l’avocat Chris Wiebe.

Ce dernier travaille pour la Coalition for Justice and Human Rights (CJHR), qui a lancé à la fin août une action judiciaire contre la Ville d’Edmonton dans l’espoir de rendre illégaux les démantèlements de campements lorsque les refuges leur étant réservés sont au maximum de leur capacité.

« Les refuges sont pleins ou il y a des raisons légitimes pour lesquelles des gens décident de rester dans des campements plutôt que dans les refuges », notamment parce que ceux-ci ne sont pas adaptés pour les besoins des familles ou en raison de la présence de vermine, relève M. Wiebe. Des jugements rendus dans les dernières années dans des villes en Ontario et en Colombie-Britannique ont d’ailleurs reconnu que le fait de démanteler des campements pour itinérants sans avoir suffisamment de solutions à leur proposer allait à l’encontre de leurs droits fondamentaux.

La Ville d’Edmonton a décliné notre demande d’entrevue.

Toronto en « crise »

Toronto, pour sa part, est « de loin » la ville canadienne ayant le plus grand nombre de places en refuges par habitant pour accueillir des itinérants, indique en entrevue la porte-parole de la métropole canadienne, Lindsay Broadhead. Or, le nombre de lits disponibles dans ces ressources n’augmente pas aussi vite que le nombre de sans-abri, qui a dépassé les 10 000 dans les derniers mois à Toronto, soit autant qu’au Québec en entier.

Le nombre de campements de fortune est ainsi en croissance dans la métropole du pays pour atteindre 259, répartis dans 72 parcs et espaces verts. La Ville rapporte d’autre part 1410 campements dont les tentes ont été « retirées ou abandonnées » depuis le début de l’année, ces campements allant à l’encontre de certains de ses règlements entourant l’usage des parcs municipaux et de l’espace public, indique la Ville par courriel.

Or, là aussi, les refuges débordent. On y recense 200 refus par jour « parce qu’il n’y a pas de lits disponibles », indique Lindsay Broadhead. « C’est pour ça qu’on parle d’une crise. Il y a plus de gens qui viennent dans la ville, il y a de la pression financière [en raison du coût élevé des loyers] et il y a moins d’endroits où aller pour les gens », ajoute-t-elle.

La Ville de Toronto tente ainsi, dans la mesure du possible, d’offrir l’accès à un logement aux itinérants qui se trouvent dans des campements, mais les logements se font rares. « On manque de ressources », ajoute Mme Broadhead, qui interpelle le gouvernement ontarien et Ottawa pour permettre à la Ville d’avoir plus de fonds pour loger des sans-abri.

C’est difficile d’avoir accès à un logement abordable

— Peter Tilley

À Ottawa, seulement une trentaine de démantèlements ont été rapportés depuis le début de l’année, même si la Ville est intervenue dans 375 campements, un écart qui s’explique par le fait que dans la grande majorité des cas, les itinérants ont été dirigés vers des refuges avant qu’un démantèlement soit nécessaire. Or, de nombreux itinérants retournent dans des campements peu de temps après avoir été dirigés vers des refuges, constate le président-directeur général de la Mission d’Ottawa, Peter Tilley. « C’est difficile d’avoir accès à un logement abordable, donc les gens vont dormir dans des campements », résume-t-il.

Adapter les ressources

À Montréal, à la mi-août, plus de 280 campements avaient été démantelés depuis le début de l’année. Plusieurs arrondissements ne compilent toutefois pas d’informations à ce sujet, ce qui laisse croire que ce nombre est sous-évalué. Chose certaine, « il y a une augmentation de l’itinérance partout sur le territoire », relève le commissaire aux personnes en situation d’itinérance de la Ville de Montréal, Serge Lareau.

Ce dernier convient d’ailleurs que le manque de places disponibles dans les refuges de la métropole québécoise dans les dernières années a contribué à l’arrivée de campements de fortune dans certains parcs et sous des viaducs. Ainsi, même si la Ville a « doublé » depuis le début de la pandémie le nombre de lits destinés aux itinérants, « il faut encore augmenter le nombre de places en refuge », constate-t-il.

Il y a en particulier un manque de refuges offrant des services et des soins spécialisés pour des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, relève la directrice des services d’urgence à la Mission Old Brewery, Émilie Fortier. Dans ce contexte, « la grande majorité [des itinérants], quand il y a un démantèlement, ne font que se déplacer ailleurs » plutôt que d’aller dans un refuge, précise-t-elle.

Mme Fortier constate d’ailleurs que ce que veulent la majorité des personnes qui dorment dans des tentes à Montréal, c’est un logement abordable. « Une personne qui choisit l’espace public, son besoin, ce n’est pas un transport vers un refuge. Son besoin, c’est un chez-soi sur lequel elle a un contrôle. »

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Des Longueuillois inquiets devant une halte pour itinérants qui déborde

Dans le Vieux-Longueuil, des sans-abri sont de plus en plus nombreux à installer des campements aux abords de la bibliothèque Claude-Henri-Grignon. Une cohabitation insoutenable pour plusieurs résidents et employés de la bibliothèque.

Une tente dans un parc.
Le soir, des itinérants installent des campements sur les terrains appartenant à la Ville de Longueuil faute de place dans le refuge de la Halte du coin.
PHOTO : RADIO-CANADA / MARIE-JOSÉE PAQUETTE-COMEAU

Marie-Josée Paquette-Comeau
Publié à 4 h 00 HAE

La Halte du coin, un organisme pour les personnes en situation d’itinérance qui devait être temporaire, ne suffit plus à la demande. La Ville de Longueuil promet de délocaliser l’organisme et d’y construire des logements sociaux.

Des citoyens du Vieux-Longueuil se sentent submergés par la vague d’itinérance. Plusieurs résidents à qui Radio-Canada s’est adressée affirment ne plus reconnaître leur quartier. Les itinérants sont de plus en plus nombreux à y errer, parfois complètement intoxiqués.

Micheline Larivière réside depuis plus de 50 ans dans la rue Joliette. Jamais elle n’a vu autant de sans-abri dans les rues environnantes.

L’un d’entre eux a même installé sa tente sur un terrain vacant à quelques mètres de sa maison.

Une tente sur un terrain vague.
Cette tente est sur un terrain vacant à quelques mètres de la cour des résidents de la rue Joliette à Longueuil.
PHOTO : RADIO-CANADA / MARIE-JOSÉE PAQUETTE-COMEAU

C’est épeurant, quelqu’un qui marche dans la nuit, qui crie. On ne sait pas où il s’en va. Il a fait un feu sur le trottoir l’autre nuit.

Une citation de Micheline Larivière, résidente du Vieux-Longueuil

La hausse de 98 %, par rapport à 2018, du nombre de sans-abri en Montérégie recensé dans le dernier rapport du gouvernement est bien réelle dans la rue Bourassa, où s’est installée en urgence une halte pour les personnes en situation d’itinérance.

Ce refuge se voulait temporaire, mais demeure toujours ouvert et plus achalandé que jamais.

Aidez-moi à les aider

Au début de la pandémie, à l’initiative du CISSS de la Montérégie, du Service de police de l’agglomération de Longueuil (SPAL) et de la Ville, la Halte du coin a été créée et s’est installée dans l’ancienne église Notre-Dame-de-Grâce. Autour, on retrouve des terrains de tennis, une piscine, une école primaire et la bibliothèque Claude-Henri-Grignon.

Pierre Rousseau, directeur général de la Halte du coin.
Le directeur général de la Halte du coin, Pierre Rousseau, se désole de devoir refuser une dizaine de sans-abri chaque soir faute de place.
PHOTO : RADIO-CANADA / MARIE-JOSÉE PAQUETTE-COMEAU

L’organisme reçoit environ 60 personnes par jour. La nuit, des lits de camp sont installés pour accueillir une vingtaine d’entre elles. Sans douche et possédant une seule toilette, le local n’est pas adapté à cette clientèle, reconnaît son directeur général, Pierre Rousseau.

Moi, j’ai besoin qu’on m’aide pour que je puisse aider. Et là, je suis mal organisé. Il faut que j’arrive à gérer à bout de bras avec une équipe de deux intervenants, un terrain, des gens, des désorganisés, de la consommation sur le terrain…

Une citation de Pierre Rousseau, directeur général de la Halte du coin

Être bibliothécaire, pas intervenante

Le refuge déborde et exacerbe le sentiment d’insécurité du personnel de la bibliothèque située juste en face de la Halte.

Les itinérants y installent en soirée des campements après avoir essuyé un refus de l’organisme pour y être hébergés. Devant cet étalement, le personnel de la Halte du coin intervient. Il visite chaque tente en matinée en prévision de l’arrivée des travailleurs. Il leur demande de partir.

Bibliothèque Claude-Henri-Grignon de Longueuil.
Selon le syndicat local, des employés de la Bibliothèque de Longueuil refusent maintenant de travailler à la succursale Claude-Henri-Grignon.
PHOTO : RADIO-CANADA / MARIE-JOSÉE PAQUETTE-COMEAU

Plusieurs préposés de la bibliothèque ont indiqué être de plus en plus anxieux lors de leur quart de travail. Ils ont demandé l’anonymat, car ils ont peur des représailles de leur employeur.

Ils soutiennent que des sans-abri intoxiqués errent dans la bibliothèque. Ils ont parfois des comportements erratiques ou agressifs. On est devenu la police des toilettes, indique l’une d’entre elles. Les usagers de la Halte prennent d’assaut l’unique salle de bain pour se laver. Ils y entrent parfois à trois ou quatre.

Une fois, un itinérant, quand son temps a été écoulé, il a basculé l’ordi. Il a basculé la chaise. Tout le monde dans la biblio est resté figé. On ne savait pas quoi faire.

Une citation de Employée de la bibliothèque Claude-Henri-Grignon

Les syndicats regroupés des employés municipaux SCFP 306 ont indiqué que depuis les derniers mois, différents événements se sont produits et certains ont même nécessité l’intervention de la police au point où des employés refusent maintenant de travailler à cette succursale.

Les employés notent une baisse d’achalandage de la bibliothèque. Dans les faits, l’achalandage n’est jamais revenu au niveau d’avant la pandémie et l’arrivée de la Halte du coin.

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Pour atténuer les craintes, un comité de travail composé du gestionnaire de la bibliothèque, des services au développement social de la Ville, du SPAL et de la Halte du coin tente de faciliter le vivre-ensemble. Une brigade sociale ainsi qu’une patrouille mixte du SPAL et du CISSS sillonnent les rues limitrophes.

Relocalisation de la Halte du coin

La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, se dit sensible aux préoccupations des citoyens. L’été prochain, la Halte du coin ne sera plus à l’angle des rues Bourassa et du chemin Coteau-Rouge, affirme-t-elle. Un comité de relocalisation recherche un nouvel emplacement, plus adéquat, pour aider cette clientèle.

C’est certain qu’on veut trouver le meilleur lieu pour une cohabitation harmonieuse.

Une citation de Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

D’ailleurs, sur le site de l’église, un projet d’habitation d’une valeur de 15 millions de dollars commencera sa construction en mai 2024. Le projet Un toit pour tous, mené par Habitations communautaires Longueuil, offrira 30 logements sociaux à des personnes à risque d’itinérance ou en transition de sortie de l’itinérance.

La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, dans son bureau.
La mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, dans son bureau. (Photo d’archives)
PHOTO : RADIO-CANADA / IVANOH DEMERS

Une deuxième phase pilotée par Habitations Paul-Pratt et estimée à 27 millions de dollars vise à ajouter 54 nouveaux logements d’ici 2025.

On sait que le logement, c’est la meilleure réponse à l’itinérance.

Une citation de Catherine Fournier, mairesse de Longueuil

La mairesse de Longueuil désire intervenir rapidement pour assurer la cohésion sociale. En tant qu’élue, ce qu’on craint, c’est un débordement qui ferait en sorte qu’on commence à voir de l’opposition à l’établissement de ressources [en itinérance].

D’ailleurs, à la suite des questions posées par Radio-Canada, la Ville de Longueuil a embauché un gardien de sécurité les soirs et les fins de semaine pour assurer une surveillance à la bibliothèque Claude-Henri-Grignon.

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