Et misère…
Remplacement de la carte OPUS L’ARTM annule de nouveau un appel d’offres
PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE | L’Autorité régionale de transport métropolitain cherche à remplacer son système de billetterie OPUS désuet.
Pour la deuxième fois depuis 2022, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) a dû annuler un immense appel d’offres visant à remplacer « le plus rapidement possible » son système de billetterie OPUS désuet. La grande complexité du projet est montrée du doigt par plusieurs fournisseurs potentiels, a appris La Presse.
Résumé
30 août 2024 | Publié à 1h18 Mis à jour à 5h00 | TRISTAN PÉLOQUIN - Équipe d’enquête, La Presse
Lancé en décembre dernier, l’appel d’offres pour l’acquisition d’une nouvelle « solution de billettique » visant la « réduction de l’utilisation de l’autosolisme » a été annulé par l’ARTM au début d’août. Les documents obtenus par La Presse montrent que seulement trois entreprises ont présenté des soumissions : l’entreprise torontoise Accenture, la française Spirtech et l’italienne Almaviva.
Aucune ne respecterait le cadre budgétaire de l’ARTM. Un nouvel appel d’offres devra donc être lancé dans les prochaines semaines.
« On sait qu’on est capables d’avoir un meilleur prix », affirme Sylvain Perras, directeur des technologies de l’information à l’ARTM.
« Nous sommes dans un contexte de financement difficile [des services de transports en commun], et ultimement, c’est l’argent du contribuable qui est en jeu », ajoute M. Perras.
Le projet de remplacement du système de billetterie, surnommé Concerto, avait fait l’objet d’un premier appel de préqualification en 2022, mais celui-ci avait également dû être annulé après qu’aucun fournisseur n’avait été en mesure de proposer un système répondant à l’ensemble des exigences de l’organisme.
L’ARTM cherche à remplacer son système désuet de billetterie OPUS, en place depuis une quinzaine d’années, par un concept dit de « mobilité servicielle » (ou mobility as a service). L’idée est de remplacer la carte OPUS par un compte d’utilisateur unique qui permettra, avec le même identifiant ou une carte bancaire, d’accéder à une multitude de modes de transport de la métropole, qu’ils soient privés ou publics.
PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE | L’ARTM cherche à remplacer son système désuet de billetterie OPUS, en place depuis une quinzaine d’années.
Ce compte deviendrait, à terme, la porte d’accès pour tous les réseaux de transport des 82 municipalités desservies par l’ARTM – pour réserver une voiture Communauto, louer un véhicule chez un locateur privé, emprunter un BIXI, utiliser un taxi et même payer une place de stationnement incitatif.
Grande complexité
Des personnes impliquées dans cinq entreprises qui ont choisi de ne pas déposer de soumission ont affirmé à La Presse que l’immense complexité du projet est en cause. La Presse a accepté de taire leur identité, à leur demande, pour ne pas nuire aux relations d’affaires futures de leurs entreprises avec l’ARTM.
« Le cahier des charges du projet comporte des milliers d’exigences techniques qui doivent être fonctionnelles dès le jour 1 du déploiement. Ça crée un cauchemar d’intégration terrible, et à un moment donné, ça vient à coûter cher », commente le responsable d’une des entreprises qui ont préféré passer leur tour.
« On essaie de mélanger des services qui ont des modèles d’affaires très différents et qui ne sont pas nécessairement compatibles. Ça demande énormément de temps et d’énergie. À un moment donné, les coûts dépassent les bénéfices », estime un autre.
Un autre acteur croit que le concept même de « mobilité servicielle », qui vise à intégrer tous les services de transport dans le même système de billetterie, n’apporte pas clairement d’avantages pour l’utilisateur. « L’idée, à la base, est d’éliminer les barrières qui font en sorte que les gens préfèrent continuer d’utiliser l’auto solo. Mais le fait d’avoir différents comptes pour chaque service, ce n’est pas forcément un problème réel pour les usagers. Il n’y a pas de démonstration qu’un système entièrement intégré peut avoir un impact sur les utilisateurs », affirme cette personne.
Un autre affirme que les pénalités prévues en cas de panne du système de paiement, qui peuvent représenter jusqu’à un mois des redevances que l’ARTM versera au fournisseur pour la maintenance du système, constituent un risque d’affaires trop élevé.
Malgré ces critiques, l’ARTM affirme qu’elle n’a pas l’intention de revoir son mécanisme de pénalités ni de réécrire entièrement son appel d’offres. Hormis des « modifications esthétiques », le prochain appel d’offres qui sera lancé « dans un horizon de deux ou trois mois » sera largement similaire à celui qu’elle a dû annuler.
Sylvain Perras estime que la complexité du cahier des charges de l’appel d’offres n’est pas si grande, puisque l’intégration des services comme ceux de BIXI ou de Communauto ne doit pas se faire immédiatement. « Ce sont des éléments périphériques », dit-il, pour lesquels l’ARTM cherche seulement à développer des « standards » qui permettront leur intégration le moment venu.
Certaines modalités, comme la durée totale du contrat de maintenance et le temps de déploiement de certains aspects du projet, pourraient toutefois être revues à la hausse.
La priorité, assure-t-il, est de déployer un nouveau système de billettique qui permettra aux utilisateurs de « travailler avec leur téléphone ».
PAS DE CHANGEMENT POUR LA « VIRTUALISATION » DE LA CARTE OPUS
Malgré l’annulation de l’appel d’offres, le projet de « virtualisation » de la carte OPUS, qui permettra d’« émuler » la carte physique bleue avec son téléphone intelligent, demeure prévu pour le deuxième trimestre de 2025. Son déploiement permettra de valider des passages directement avec un téléphone cellulaire. La fonctionnalité permettra aussi aux usagers qui voyagent entre plusieurs zones de service de ne plus avoir à trimballer plus d’une carte OPUS. Par contre, le paiement par carte bancaire, initialement prévu pour le quatrième trimestre de 2025, est repoussé au deuxième trimestre de 2026.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE | Photostock de carte Opus et de gens qui l’utilisent dans le métro.