Air Canada et WestJet, un duopole inébranlable
Les deux plus grandes compagnies aériennes se partagent 75 % du marché canadien.
![Les dérives d'un avion de Westjet et d'Air Canada.](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/4/6/468b4563906b494d514e406ba1b3a2e20f233eea.jpeg)
Il est difficile pour les nouveaux joueurs de l’industrie aérienne de détrôner les géants, Air Canada et WestJet, qui détiennent trois quarts du marché intérieur. (photo d’archives)
Photo : Radio-Canada / Evan Mitsui
Publié à 4 h 00 HNE
Malgré l’arrivée de nouveaux concurrents au cours des dernières années, deux transporteurs aériens ont la mainmise sur les trois quarts du marché canadien, ce qui se répercute sur le prix des billets d’avion et les services offerts, selon des experts.
Selon la firme de données aériennes Cirium, Air Canada détient près de la moitié (46 %) du marché intérieur, alors que son rival WestJet en occupe 29 %. Loin derrière se trouvent les compagnies Flair, Porter, Canadian North et Lynx, entre autres.
Air Transat, qui comptait environ 1 % du marché canadien l’an dernier, a depuis cessé d’offrir des vols intérieurs. Dorénavant, le transporteur montréalais mise exclusivement sur des trajets vers des destinations à l’étranger.
Ce duopole – un marché dominé par deux entreprises – aurait une incidence notamment sur le prix des vols, particulièrement dans les régions moins desservies, selon John Gradek, professeur à l’Université McGill et ancien responsable de la tarification chez Air Canada.
C’est plus cher de voyager entre Sept-Îles et Montréal que d’aller de Montréal à Paris. C’est vraiment une situation de manque de concurrence.
Une citation de John Gradek, professeur de gestion de l’aviation, Université McGill
À l’international, il y a beaucoup de concurrence directe et indirecte, ce qui règle les prix et bonifie l’offre pour les consommateurs. Mais le Canada comme tel est tellement petit au niveau des marchés qu’on laisse ces transporteurs majeurs, comme WestJet et Air Canada, opérer dans un quasi-monopole et donc, les tarifs sont plus élevés, ajoute-t-il.
![John Gradek, expert du secteur de l'aviation.](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/b/a/ba1bc5cf9942934c1b36b1c0f3b7ec74935ff36b.jpeg)
John Gradek est professeur de gestion de l’aviation à l’Université McGill et ancien cadre chez Air Canada.
Photo : Radio-Canada / Samuel Lapointe-Savard
Dans notre série sur les oligopoles canadiens :
Les grands transporteurs, trop confortables?
Des clients estiment que le manque de concurrence mène non seulement à des prix plus élevés pour les billets d’avion, mais que cette position dominante des grands transporteurs canadiens les rend un peu complaisants à l’égard du service à la clientèle et du traitement des plaintes.
Pour de nombreux trajets ou pour avoir une liaison directe, sans escale, Air Canada est souvent la seule option, affirme Eve Kinizo, qui dit ne plus vouloir prendre un vol avec cette compagnie depuis son expérience cauchemardesque en septembre dernier.
La cinéaste torontoise explique que le personnel au comptoir d’Air Canada l’a obligée à mettre sa caméra et son équipement – qu’elle comptait apporter dans l’avion – dans ses bagages enregistrés.
![Eve Kinizo dans un parc à Toronto.](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/d/5/d52ebdd6abd434cd601063aecbe6816094e8f1ef.jpeg)
Eve Kinizo, outrée de sa récente expérience avec Air Canada, estime que le manque de concurrence rend l’entreprise complaisante vis-à-vis du service à la clientèle et du traitement des plaintes.
Photo : Radio-Canada / Mehrdad Nazarahari
Par la suite, on lui aurait refusé l’embarquement, sans explication, raconte Mme Kinizo. Et sans même avoir décollé, mes bagages m’ont été retournés endommagés, déplore-t-elle.
Je n’ai jamais rien vu de tel. On nous traite comme des ordures. C’est troublant et inhumain.
Une citation de Eve Kinizo, cliente d’Air Canada
Elle a déposé une plainte et une demande d’indemnisation auprès de la compagnie aérienne, mais il n’y a eu aucun suivi.
Il ne lui est d’ailleurs pas possible de consulter un dossier de plainte en ligne : le lien sur le site web d’Air Canada ne fonctionne pas depuis plusieurs semaines. Les agents des centres d’appel n’ont pas non plus accès à ces renseignements.
L’entreprise nous répond par courriel qu’une mise à jour informatique a engendré ce problème technique. Nous travaillons actuellement pour résoudre ce dysfonctionnement aussi rapidement que possible, affirme Christophe Hennebelle, vice-président aux communications d’Air Canada.
![La section Soutien au client du site web d'Air Canada.](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/c/2/c27038f2b771f3b360881c43422c12e12ee1bed2.jpeg)
Depuis plusieurs semaines, le lien qui mène à votre dossier de plainte sur le site web d’Air Canada ne fonctionne pas. L’entreprise indique que le problème est survenu lors d’une mise à jour informatique.
Photo : Capture d’écran du site web d’Air Canada
Le porte-parole ajoute qu’Air Canada a bien reçu la réclamation de Mme Kinizo et que l’entreprise lui répondra dans les meilleurs délais.
Le service à la clientèle, sur ce marché très concurrentiel, est une priorité forte pour Air Canada, et nous investissons constamment pour mieux servir nos clients, souligne M. Hennebelle. Lorsque malheureusement nous ne parvenons pas à satisfaire pleinement nos clients, nous nous efforçons de traiter les plaintes de manière satisfaisante.
La Torontoise, de son côté, s’est tournée vers l’Office des transports du Canada, mais le temps de traitement des plaintes est actuellement d’environ 18 mois.
Environ 62 000 dossiers concernant des compagnies aériennes sont toujours en cours de traitement, confirme l’agence fédérale. Plus de 43 000 de ces plaintes ont été déposées cette année.
Les vols directs et à bas prix dans les petits aéroports peuvent-ils être viables?.ÉMISSION ICI PREMIÈRE.Matins sans frontières.
Les vols directs et à bas prix dans les petits aéroports peuvent-ils être viables?
![Matins sans Frontières, Ici première](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/7/8/780af97d0007393e0bfbb88494636a097dd73bc0.jpeg)
Plus de concurrence que jamais
WestJet, pour sa part, estime que la concurrence dans l’industrie au Canada n’a jamais été aussi saine, surtout avec l’émergence de nouveaux joueurs au cours des dernières années.
WestJet est prête à jouer un rôle de premier plan grâce à un ambitieux plan de croissance et à son engagement à offrir des options de voyage à bas prix aux Canadiens, et ce, d’un océan à l’autre, affirme sa porte-parole Madison Kruger, dans une déclaration envoyée par courriel.
Le mois dernier, le PDG de Flair Airlines, Stephen Jones, disait vouloir s’attaquer au duopole dans le marché canadien. L’entreprise d’Edmonton multiplie ses trajets depuis quelques années, particulièrement dans l’est du pays. En mai, la compagnie aérienne ajoutera des destinations vers l’île de Terre-Neuve et une liaison entre Toronto et la ville de Québec.
Les gens dans ces régions ont été un peu coincés à devoir prendre des vols qui coûtent cher, parce que les coûts des transporteurs présents sont très élevés. Nous nous efforçons vraiment d’être efficaces, ce qui nous permet de fonctionner tout en offrant des tarifs plus bas.
Une citation de Stephen Jones, président et chef de la direction, Flair Airlines
![Le comptoir d'enregistrement de la compagnie Flair Airlines, à Ottawa.](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/e/8/e8ea80c37a85879679ad90a220199d8d5cf4ca80.jpeg)
En plus d’étendre son programme de vols, Flair Airlines doit aussi redorer son blason. De janvier à mars de cette année, l’Office des transports du Canada a reçu environ 21 plaintes pour 100 vols du transporteur aérien.
Photo : Radio-Canada / Matéo Garcia-Tremblay
Sa rivale de Calgary, Lynx Air, de son côté, a plus que triplé sa part de marché en un an. Fondée en avril 2022, la compagnie espère accroître sa présence dans le marché intérieur, en offrant 5 % des sièges-kilomètres disponibles l’an prochain.
L’offre des transporteurs aériens au rabais continue d’être adoptée favorablement par les voyageurs canadiens, affirme l’entreprise.
À lire aussi :
Nouveau partenariat entre Air Transat et Porter
Air Transat et Porter ont récemment décidé de créer une coentreprise et de combiner leurs réseaux. Ce partenariat devrait accroître la concurrence dans le marché intérieur, selon les deux compagnies, parce que ça va permettre d’offrir plus d’itinéraires aux clients.
Grâce à son réseau intérieur robuste, reliant notamment les aéroports Toronto Pearson et Montréal Trudeau, Porter pourra alimenter le réseau diversifié de Transat vers l’Europe et les destinations soleil, et vice versa, affirme le PDG de Porter, Michael Deluce.
Ça va créer des synergies et nous permettre de concurrencer encore plus férocement, ajoute-t-il.
![Un avion stationné sur le tarmac de l'aéroport des îles devant le centre-ville de Toronto.](https://uploads.agoramtl.com/original/3X/c/d/cdd639300c266f502c66d401548881b508305539.jpeg)
Porter et Air Transat ont lancé une coentreprise pour leur permettre de partager des codes et de combiner leurs réseaux de vols.
Photo : CBC/Evan Tsuyoshi Mitsui
Les deux transporteurs avaient testé cette collaboration lors d’un projet pilote durant l’été 2022, qui s’est avéré fructueux. Les programmes de fidélité seront également jumelés.
Notre entente de collaboration avec Porter a pour intention de rehausser et de transformer le paysage concurrentiel au pays, car ensemble, nous représentons un poids de taille pour compétitionner plus solidement, indique la porte-parole de Transat, Andréan Gagné.
Notre objectif est de proposer une offre élargie à notre clientèle grâce à la complémentarité de nos deux réseaux, ainsi qu’une expérience améliorée et harmonisée.