Le salut des restos passe par la terrasse
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La terrasse du Notre-Bœuf-de-Grâce de l’avenue du Mont-Royal, jeudi
La saison des terrasses commence tranquillement à Montréal – et un peu partout dans la province. Dès que le mercure franchit la vingtaine de degrés, les chaises poussent sur les trottoirs comme des crocus au soleil. Avec la pénurie de main-d’œuvre qui les oblige déjà à réduire leurs heures d’ouverture, les restaurateurs sont-ils aussi heureux que leurs clients de l’ouverture des terrasses ?
Publié à 6h00
Stéphanie Bérubé La Presse
La brasserie Isle de Garde est située rue Beaubien, à deux pas de la Plaza Saint-Hubert, à Montréal. Sa terrasse est vaste et reconnue des gens du quartier. Les matins de fin de semaine, les clients de la boulangerie Automne, voisine, s’y installent pour siroter leur café et manger leurs croissants.
« C’est très le fun à voir, explique Simon Chantal, copropriétaire de l’Isle de Garde. Quand tu ouvres un restaurant, c’est pour créer un endroit jovial où les gens se rencontrent et relaxent. La terrasse est vraiment faite pour ça. »
À l’Isle de Garde, les clients devront toutefois être patients : l’établissement attend au 1er mai pour monter sa structure qui donne sur la rue, prévoyant que le mercure de la fin avril va refroidir les ardeurs des Montréalais qui rêvent de manger dehors.
On est vraiment contents de voir revenir la terrasse. Malgré les défis, c’est la saison qui rapporte le plus. Les ratios sont à leur mieux en termes de labor cost et de food cost [coût du travail et de la nourriture]. C’est la saison où on fait un peu d’argent. Et en restauration, c’est très important, car les marges sont minuscules.
Simon Chantal, copropriétaire de la brasserie Isle de Garde
Cela va aussi donner le temps à l’équipe d’ajuster l’offre. Avec la pénurie de main-d’œuvre dans le monde de la restauration, l’agrandissement de la superficie dans les restos apporte son lot de défis.
À l’Isle de Garde, la terrasse ajoutera 92 places (pleine capacité) pour le restaurant qui en a autour de 120, à l’intérieur. Toutefois, ce n’est pas au service que sont les plus grands défis pour l’entreprise, mais en cuisine. Impossible de trouver des plongeurs et des cuisiniers dans le contexte actuel, explique Simon Chantal. C’est donc le menu qui sera revu pour gagner en efficacité durant la saison de la terrasse, afin que la clientèle reçoive le service auquel elle est habituée.
Profiter des premiers rayons
À l’autre bout de la ville, dans le Sud-Ouest, la vaste terrasse de la brasserie Messorem est ouverte, pleine capacité, depuis une grosse semaine. « Lundi de Pâques, c’était déjà rempli », raconte Louis-Philippe Dubé, représentant pour l’établissement très prisé des amateurs de bières gastronomiques. Et de terrasse : Messorem offre une immense cour intérieure à ses clients (et à leurs chiens !) ouverte tous les jours et jusqu’aux premières journées froides de l’automne.
Les employés supplémentaires sont déjà au travail et on s’attend à un week-end très chargé. Pas question de rater les premiers rayons vraiment chauds.
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Le bar laitier Le Patio était bondé, jeudi, avenue du Mont-Royal.
Même philosophie pour le restaurant Beaufort, dans un tout autre registre.
Jean-François Girard va installer quelques tables sur le trottoir de la Plaza Saint-Hubert dès ce soir, vendredi, s’il obtient rapidement son permis. Sa terrasse permanente aura 28 places.
La clientèle du Beaufort est différente de celle d’une brasserie. Les belles soirées, les gens sortent davantage et s’installent dehors, explique le proprio qui parle plus d’un glissement de la clientèle plutôt que d’une hausse. Toutefois, les clients qui mangent dehors tendent à rester moins longtemps, ce qui augmente le roulement et le dynamisme.
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Jean-François Girard
Dès qu’il fait beau, les places en terrasse sont très prisées. Ça aide, car il y a un roulement. Les tables ne restent pas libres longtemps.
Jean-François Girard, propriétaire du Beaufort
Le restaurateur espère que la Ville sera généreuse pour le renouvellement de son permis, elle qui a offert un prix pandémique très avantageux – autour de 5 % du tarif habituel. Si ce taux préférentiel était maintenu, cela apporterait une aide indirecte aux restaurateurs qui doivent non seulement composer avec la pénurie de main-d’œuvre, mais aussi une augmentation des prix des matières premières, qui impose un grand effort créatif sur leurs menus, soutient Jean-François Girard.
« La restauration est en pleine période de mutation en ce moment, rappelle-t-il. On a des frais d’exploitation qui ont augmenté, dus aux hausses de salaire. Les frais d’épicerie ont augmenté et nous avons du mal à ajuster les prix pour la clientèle. »
Le restaurateur aurait aussi souhaité que la Plaza Saint-Hubert soit piétonne dès l’été qui vient, mais le projet a été reporté à l’été 2024. « Les terrasses, c’est très joyeux et très heureux quand il y a beaucoup de gens qui circulent à pied, dit Jean-François Girard. Ça prend une affluence de gens. »
À Montréal, ce sont les arrondissements qui s’occupent de la réglementation pour les terrasses des commerces qui s’installent sur le « domaine public ». Dans Rosemont–La Petite-Patrie, la saison des terrasses s’étend du 1er mai au 31 octobre, mais l’arrondissement permet aux restaurateurs qui le souhaitent de s’installer dès les premières belles journées, à condition qu’ils aient leur permis.
« La saison des terrasses est vitale pour l’industrie. Ça permet d’augmenter la capacité de service, mais c’est aussi une expérience recherchée par la clientèle, dit Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales à l’Association des restaurateurs du Québec. On voit actuellement que les exploitants sont à pourvoir les postes pour la saison des terrasses. Il est évident qu’en temps de pénurie, c’est crucial d’avoir les gens nécessaires pour justement offrir l’expérience que recherchent les clients. »
En savoir plus
- Moins de 20 %
La proportion des aménagement de terrasses qui étaient universellement accessibles dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie à la fin de la dernière saison. Que ce soit pour une rampe trop abrupte, la largeur trop étroite d’un accès ou du mobilier non adapté, les commerçants qui installent à nouveau une terrasse cette année devront être conformes.
Source : Arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie