Tout sur les photos et documents d’archives de la Ville de Québec et sa région.
- La place Jacques-Cartier en 1943 (Archives Ville de Québec N001682)
Tout sur les photos et documents d’archives de la Ville de Québec et sa région.
- La place Jacques-Cartier en 1943 (Archives Ville de Québec N001682)
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
1er juillet 2024 à 04h15
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La place Jacques-Cartier en 1943 (Archives Ville de Québec N001682)
(Jocelyn Riendeau, Le Soleil)
Pendant longtemps, la place Jacques-Cartier s’impose comme le cœur palpitant du centre-ville de Québec. L’âme du quartier Saint-Roch. Jusqu’en 1911, on y trouve même un édifice des Halles et un marché très animés.
À l’époque, la place Jacques-Cartier est à la Basse-Ville ce que la place d’Youville est à la Haute-Ville. Les grands magasins de la rue Saint-Joseph sont situés juste à côté. Et tous les enfants de Québec savent que le père Noël débarque au grand magasin Paquet, vers la mi-novembre.
Faut-il parler d’histoire? En avril 1918, c’est ici que les émeutes de la conscription ont commencé. Le premier soir des troubles, la foule saccage le poste de police. Elle veut délivrer deux jeunes qui risquent d’être envoyés à la guerre…
À partir des années 1970, le quartier Saint-Roch fait naufrage. La place Jacques-Cartier n’est plus que l’ombre d’elle-même. En 1983, l’inauguration de la bibliothèque Gabrielle-Roy constitue une bonne nouvelle. Mais elle empiète sur l’espace. La place ne s’en remettra jamais.
Le coup de grâce est donné avec la construction de la tour Fresk, en 2015.
Aujourd’hui, la grande place publique est devenue une «placette». Même la statue de Jacques-Cartier s’est réfugiée à Cap-Rouge! Seuls les édifices situés au sud de la rue Saint-Joseph ont survécu à l’orgie de démolitions.
La disparition de la place Jacques-Cartier symbolise le fossé qui sépare encore la Haute-Ville et la Basse-Ville à Québec. Vous n’êtes pas d’accord? Alors posez-vous à la question suivante: aurait-on pu faire la même chose avec la place d’Youville?
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
22 juillet 2024 à 04h01
Le Marché Champlain entre 1908 et 1912 (Archives Ville de Québec N007169)
(Jocelyn Riendeau, Le Soleil)
La carte postale présente la place du Marché Champlain avant sa démolition de l’édifice des Halles, en 1910. Elle offre une vue imprenable sur Québec. Mais elle ne dévoile pas tout. On ne voit guère la vie des alentours. On devine à peine les étals, les restaurants, les tavernes et les maisons de pension. En hiver, plusieurs «buvettes» s’installent tout près, à l’entrée du pont de glace qui se forme entre Québec et Lévis.
Si vous disposez d’une machine à voyager dans le temps, nous vous conseillons l’un des nombreux petits restaurants des environs. Plusieurs proposent des «repas à la minute». Les ancêtres du fast-food! Sur le bord des quais, ils sont parfois suspendus au-dessus de l’eau! On les surnomme des «débits de fèves au lard», des «bineries»…
Inutile de dire que les autorités n’aiment pas beaucoup les «bineries». Certaines cabanes vendent illégalement de l’alcool. On y trouve un gros baril de liqueur surnommé la «petite bière». La mixture coûte approximativement un sou le verre…
Vous n’avez pas de machine à voyager dans le temps? Pas grave. Pour vous consoler, nous proposons un jeu des trois erreurs, pour apprécier la métamorphose des lieux.
Voici trois réponses possibles…
Le Château Frontenac apparaît méconnaissable. La Tour centrale n’apparaît pas avant 1924.
À gauche, l’édifice des halles du marché Champlain est démoli en 1910. Il a été remplacé par des bâtiments de la gare fluviale et un stationnement.
À droite, le quartier a été transformé. Au tournant des années 1970, plusieurs maisons ont été rasées pour faire place à des constructions de style «Nouvelle-France».
Nous lançons une invitation à tous. Vous avez entre les mains des photos représentant une facette disparue de la ville de Québec? Un carrefour, un immeuble, un commerce, un boisé? Faites-nous-les parvenir. Montrez-nous vos trésors. Et même si vous ne trouvez plus les photos, n’hésitez pas à communiquer avec nous pour partager vos souvenirs.
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
12 août 2024 à 04h00
Le village de Cap-Rouge en 1937 (Archives Ville de Québec, Fonds W.B. Edwards Inc. N019067)
(Jocelyn Riendeau, Le Soleil)
Cap-Rouge — À l’époque, Cap-Rouge est redevenue un village un peu endormi. Le commerce du bois l’a déserté. Quelques peintres y séjournent, notamment Marc-Aurèle Fortin. Ceux-là apprécient la lumière, l’air pur, les maisons ancestrales et l’imprenable vue sur le fleuve…
Dans la région, Cap-Rouge est surtout connue pour son énorme viaduc de chemin de fer, alias le «tracel», qui vient du mot anglais trestle. La structure d’une longueur d’un kilomètre a été complétée en 1913. Mais elle n’a pas beaucoup été utilisée avant la fin de la construction du pont de Québec, en 1917.
Au début, le tracel ne fait pas l’unanimité. D’un côté, les modernes s’extasient devant une petite merveille du génie civil. De l’autre, les anciens s’indignent de voir les trains passer au-dessus du clocher de la vieille église.
Il faudra plusieurs décennies avant que Cap-Rouge se joigne au développement fulgurant des banlieues de Québec. Mais elle rattrapera vite le temps perdu. Entre 1960 et 1990, la population passera de 2000 à 15 000 habitants.
Aujourd’hui, le petit village est devenu un quartier cossu de la ville de Québec. Avec le tracel comme point de repère. La structure apparait passablement rouillée, à l’image de son grand frère, le pont de Québec. Mais ça, c’est une autre histoire…
Je suis allé visiter Cap Rouge (gratuit) la semaine dernière et j’ai été impressionné par le fameux viaduc appelé le tracel qui surplombe le village ancien. Tout à côté il y a le site archéologique dans le parc Cartier-Roberval parc cartier roberval - Google Search sur le plateau que rejoint l’autre bout de l’impressionnant viaduc.
Un belvédère suspendu passant dans un tunnel sous la voie ferrée nous offre une vue splendide des alentours et beaucoup de panneaux d’informations sur l’histoire des lieux. Le tout est complété par des sentiers de rando tout en haut et aussi des kilomètres longeant les berges du fleuve St-Laurent et rejoignant la Promenade de Champlain de l’autre côté des ponts.
Un site à découvrir pour ceux qui souhaitent sortir des circuits touristiques traditionnels.
Sillery mérite amplement son titre de « site patrimonial déclaré », décroché en 1964!
Le maire Gérard Guay devant l’ancien hôtel de ville de Sillery lors de l’inauguration de la ligne d’autobus reliant Sillery et Place d’Youville, probablement en 1961.
Photo : Archives Ville de Québec / Fonds Sillery
Publié à 5 h 54 HAE
La synthèse vocale, basée sur l’intelligence artificielle, permet de générer un texte parlé à partir d’un texte écrit.
Une présence autochtone très ancienne, une toponymie intrigante, une frontière déplacée en raison des plaines d’Abraham… L’histoire de Sillery est aussi riche que surprenante. En voici un aperçu à travers quelques anecdotes souvent passées sous le radar!
La plaque souvenir rappelant la présence de l’Hôtel-Dieu, à Sillery.
Photo : Radio-Canada / Catherine Lachaussée
Le secteur de la falaise de Sillery était fréquenté par les nations autochtones bien avant l’arrivée des Français. C’est pour cette raison que les Jésuites y ont installé leur mission, en 1637. Rester près des âmes à évangéliser était bien pratique.
Ce qui est moins connu, c’est que les Augustines aussi ont trouvé l’endroit parfait pour leurs desseins. En 1640, elles y ont construit le premier hôpital de Québec et de la Nouvelle-France, tout près de la mission des Jésuites, pile au pied de la côte à Gignac. Le premier hôpital au nord du Mexique!
Reproduction d’une œuvre, collection de l’Hôtel-Dieu.
Photo : BAnQ / Fonds Livernois Ltée, P122001 BAnQ
Ce bâtiment de pierres rassurant, doté d’un jardin nourricier et d’une palissade de protection, a attiré plusieurs familles autochtones, qui s’y sont converties en grand nombre avant d’être décimées par la variole. En 1644, l’hôpital a été vendu et transformé en manoir, après que le gouverneur eut invité les Augustines à venir s’installer à Québec, un site plus facile à protéger des attaques iroquoises.
Les «charcottes» naturelles de Sillery, à l’ouest de la falaise.
Photo : Gracieuseté / Pierre Lahoud
Cette présence autochtone très ancienne explique que plusieurs des sentiers qui courent le long de la falaise de Sillery – les fameuses charcottes, une francisation du mot anglais shortcuts – sont sans doute plus vieux qu’on l’imagine.
Ces raccourcis abrupts ont été utilisés tout au long du 19e siècle par les ouvriers qui faisaient la navette entre leur maison et les chantiers navals situés le long du fleuve. Mais nombre d’entre eux ont sans doute été tracés par les Autochtones du temps où ils passaient de leur campement, érigé sur le cap, aux berges du fleuve qui grouillait alors d’anguilles.
Le sentier des Grands Domaines permet de découvrir une partie de ce qu’il reste de ce réseau, mais la section non aménagée des sentiers qui s’étend à l’ouest du Domaine Cataraqui permet d’imaginer de quoi ils avaient l’air à l’origine.
Les travaux de construction du boulevard Champlain, en 1962
Photo : Archives Ville de Québec
On n’en parle plus guère aujourd’hui, mais les travaux de construction du boulevard Champlain entamés au début des années 1960 ont permis de découvrir une ancienne sépulture autochtone, au pied du cimetière Mount-Hermon. Ce qu’on y a trouvé témoignait d’une civilisation remontant à quelque 2500 ans, raconte l’historien Louis Vallée.
Malheureusement, l’archéologue appelé sur place n’a eu que très peu de temps pour travailler et n’a pu faire aucun relevé précis des lieux, la tombe ayant déjà été profanée par les ouvriers.
Le squelette qu’on a retiré était enveloppé dans une couverture de peau feutrée, et enterré avec une panoplie d’objets, dont un superbe collier de perles de cuivre à plusieurs rangs, qui donnaient une idée de l’envergure du guerrier qu’il était. Et il y avait deux sépultures. L’autre, il n’a pas eu le temps d’y toucher.
Une citation de Louis Vallée, président de la Société d’histoire de Sillery
Apparemment, on n’avait pas les mêmes considérations pour l’archéologie à l’époque.
Quelques heures plus tard, la voûte s’effondrait, et les travaux de voirie reprenaient aussi sec, coupant court à toute fouille supplémentaire. De nombreux objets, dont plusieurs poteries, ont ainsi disparu sous l’asphalte.
Les Plaines, vers 1935, avec le musée encore neuf et l’ancienne prison. Le collège Mérici et son potager, en haut à gauche, marquent la limite de l’ancienne paroisse de Sillery.
Photo : Gracieuseté / Wayne Sate University
C’est peu connu, mais il semble que la conversion des plaines d’Abraham en parc public a eu un impact inattendu sur les limites de Sillery.
Quand le gouvernement fédéral de Wilfrid Laurier a décidé d’acquérir le vaste terrain des sports pour souligner les fêtes du tricentenaire, les Ursulines, qui en étaient propriétaires, ont accepté de le troquer contre la vaste propriété située à côté. Marchmont, où se dressent Mérici et les Jardins Mérici aujourd’hui, se trouvait alors aux limites de l’ancienne paroisse de Sillery.
La villa Marchmont vue de Grande Allée, durant la première moitié du 20e siècle. L’avant donnait sur le fleuve. Elle a été démolie pour faire place aux Jardins Mérici au début des années 1970.
Photo : Gracieuseté / Pôle culturel du Monastère des Ursulines
Restait un problème. Marchmont était encore en friche. On n’y trouvait ni conduites d’eau, ni tracé de rue, encore moins d’éclairage. À la demande des religieuses, l’urbanisation et la macadamisation du secteur ont donc été assumées par la Ville de Québec, qui s’est étendue d’autant. Il semble aussi que les Ursulines tenaient vraiment à rester à Québec plutôt qu’à Sillery. On n’a jamais trop su pourquoi, confirme l’historien Jean-Marie Lebel.
N’eût été cette transaction, survenue en 1901, les limites de Sillery s’étendraient sans doute jusqu’à la rue Bougainville aujourd’hui, plutôt que de se terminer aux environs de la rue Belvédère. Et son territoire engloberait toujours la côte Gilmour au grand complet.
Le «tas de terre à Racine» maintenant loti, dans le bas du parc Beauvoir.
Photo : Gracieuseté / Pierre Lahoud
Avez-vous déjà entendu parler du tas de terre à Racine? À l’époque où l’on a agrandi le stationnement du centre commercial Laurier, au début des années 1970, des montagnes de terre ont dû être déplacées. L’un des actionnaires du projet, Paul Racine, a eu l’idée de les déverser sur le terrain dont il était propriétaire, situé dans le parc Beauvoir, juste en bas du domaine des pères Maristes. Or la maison des Jésuites, classée par le ministère de la Culture en 1929, se trouvait juste à côté.
La butte formée derrière la maison des Jésuites, à droite sur la photo.
Photo : Gracieuseté / Pierre Lahoud
En peu de temps, la butte est devenue énorme. Un ancien cimetière autochtone, qui se trouvait dans la cour des Jésuites, a aussi été enterré au passage, souligne l’historien Jean-François Caron, bien au fait de la saga. L’affaire a fini par se retrouver devant les tribunaux.
Entretemps, la grosse butte s’était recouverte de végétation. Cinq maisons ont finalement été construites dessus, enterrant cette vieille histoire avec elles.
Des ouvriers fiers du travail accompli, sur une énorme poutre de pin.
Photo : Archives Ville de Québec
Sillery a beau compter son lot de villas prestigieuses, elle a aussi un passé ouvrier. De nombreuses petites maisons en témoignent encore aujourd’hui. Il en reste plusieurs sur le chemin du Foulon et dans la côte de Sillery, ainsi que dans Bergerville, un quadrilatère compris entre le chemin Saint-Louis et l’ancien ruisseau Belleborne, canalisé pour devenir la rue Bergerville.
Maisons ouvrières de Sillery construites le long des chantiers, vers 1900
Photo : BAnQ / Fonds J.E. Livernois / P560,S1, P114
William Sheppard, l’un des barons du bois du temps, avait concédé ces terres à ses ouvriers, moyennant une rente annuelle. Un loyer qu’il a continué de prélever même après la vente de son domaine, précise l’historien Louis Vallée. Il avait conservé le quartier, qui s’appelait Sheppardville, à l’époque. C’était quand même lucratif. C’est beaucoup plus tard que tout a été vendu aux ouvriers.
Les noms de plusieurs rues du secteur Bergerville sont ceux des membres de la famille du baron du bois William Shepperd.
Photo : Gracieuseté / Jacques A. Fortin
Plusieurs des rues de ce secteur portent encore les noms des membres de sa famille. En plus de la rue Sheppard, on trouve au sud l’avenue Harriet (son épouse), Sarah (sa mère), les rues Charles, Maxfield (devenue Chanoine-Morel) et Charlotte (ses enfants), sans oublier l’avenue Laight, qui porte le nom de son gendre.
Une vue aérienne de Sillery, en 1945, avec son église dominant la falaise.
Photo : Archives Ville de Québec / Fonds W.B. Edwards Inc. / Tous droits réservés
L’église Saint-Michel profite peut-être d’un site exceptionnel sur la falaise de Sillery, mais le bâtiment demeure bien modeste si on le compare à d’autres églises du 19e siècle. Au début du projet, en 1848, les paroissiens n’avaient pas un rond. La structure d’origine a été montée avec des morceaux de bois de chantier récupérés. La pierre n’est venue qu’après, raconte Louis Vallée.
Le terrain avait été racheté à Patrick McInenly, un baron du bois en difficultés financières.
La villa a été transformée en chapelle. Puis quand les citoyens ont obtenu le droit de construire leur église, le presbytère a été construit sur la chapelle. L’ancienne villa de Sheppard est toujours en dessous.
Une citation de Louis Vallée, historien
L’église Saint-Michel-de-Sillery et son presbytère.
Photo : Gracieuseté / Jacques A. Fortin
Encore aujourd’hui, le décor est sobre : On a juste à regarder les vitraux. C’est du verre avec un petit peu de vitrail ajouté dessus, fait remarquer Vallée. Pour l’essentiel, on a récupéré des parties de décors dont d’autres églises se départissaient. Il en va ainsi du chœur, ainsi que des tableaux, rachetés lors de la modernisation de l’église de Château-Richer.
C’est aussi le premier endroit où l’on a chanté le fameux Minuit Chrétien en Amérique, à la Noël 1858, souligne son collègue Jean-François Caron. Quand même!
Joe Malone, dans son uniforme des Bulldogs
Photo : Gracieuseté / Pierre Lahoud
En marchant dans le secteur, on tombe aussi sur la maison natale du célèbre joueur de hockey Joe Malone, conquérant de la coupe Stanley avec les Bulldogs du Québec Hockey Club, en 1912 et en 1913. Elle se trouve tout près de l’église, au 1713, côte de Sillery.
La maison natale du joueur de Joe Malone, dans la côte de Sillery
Photo : Gracieuseté / Jacques A. Fortin
La famille y a vécu de 1890 à 1905, avant de déménager à Saint-Roch, puis dans Saint-Jean-Baptiste. La petite maison ouvrière est toujours là, mais rien ne rappelle son histoire, la plaque consacrée à Malone se trouvant plutôt dans le quartier Saint-Jean-Baptiste.
Il est arrivé la même chose pour l’atelier du peintre Charles Huot, qui se trouvait sur la rue Maguire. Québec a fait ses plaques « Ici vécut» il y a longtemps, et Huot a la sienne sur la rue D’Auteuil. Mais la réalité, c’est que Malone est né à Sillery, et y a vécu jusqu’à ce qu’il se marie, raconte Vallée.
La tombe de René Lévesque, au cimetière Saint-Michel
Photo : Gracieuseté / Jacques A. Fortin
Pour qui s’y intéresse, Sillery compte son lot de cimetières remarquables. Le Mount-Hermon et le Saint-Patrick, situés presque côte à côte le long de la falaise, sont absolument magnifiques. En comparaison, le cimetière Saint-Michel du boulevard René-Lévesque semble moins impressionnant, ce qui ne l’empêche pas de valoir le détour.
Parmi ses célèbres occupants, on compte le curé Maguire et le peintre Charles-Huot, sans oublier l’ex-premier ministre René Lévesque, qui repose près de sa mère, Diane Dionne.
La tombe de René Lévesque est toujours pleine de petits drapeaux, et parfois aussi de cigarettes. C’est un peu comme celle de Jim Morrison au Père-Lachaise. On lui rend un genre de culte.
Une citation de Louis Vallée, président de la Société d’histoire de Sillery
Détail amusant, c’est aussi à cause de l’emplacement du cimetière qu’on a créé la rue Maguire, rappelle Jean-François Caron.
Au 19e siècle, la côte de Sillery s’arrêtait au chemin Saint-Louis. Lors des funérailles, quand on partait de l’église, il fallait faire un détour interminable jusqu’au Bois-de-Coulonge pour se rendre au cimetière.
Une citation de Jean-François Caron, historien, co-auteur des Curiosités de Québec
La nouvelle rue a été créée grâce à une corvée de citoyens organisée par le curé Maguire, ce qui lui vaudra son nom au passage.
Le «château d’eau de Sillery» vu du ciel, en 1949.
Photo : Archives Ville de Québec / Fonds W.B. Edwards Inc. / Tous droit réservés
Au sud du cimetière Saint-Michel, on remarque un parc minuscule courant le long de la rue Bourbonnière. C’est là que se dressait le château d’eau de Sillery autrefois. En fait, il s’agissait plutôt d’un gros réservoir. Mais son allure étrange – il était monté sur pattes comme un énorme insecte – en a vite fait une curiosité locale.
En 1980, Sillery a donné le choix à ses citoyens : reconstruire son usine de filtration, pour quelques dizaines de millions de dollars, ou se raccorder au réseau d’aqueduc de Québec pour un peu moins cher. Sillery puisait alors son eau dans le fleuve, alors que Québec buvait celle du lac Saint-Charles.
Le référendum qui avait suivi n’avait pas tardé à virer à la psychose, selon Louis Vallée.
Certains craignaient de s’empoisonner en continuant de boire l’eau du fleuve. D’autres disaient que l’eau de Québec était imbuvable ou que se connecter à son aqueduc, c’était le début de l’annexion!
Une citation de Louis Vallée, historien, président de la Société d’histoire de Sillery
Le raccordement au réseau de Québec l’a finalement emporté, et le château d’eau qui datait de 1945 a disparu du paysage après 35 ans de bons et loyaux services. Malgré quelques projets d’embellissement, le parc est resté vide depuis, aucun d’eux n’ayant jamais abouti. Quant à l’annexion appréhendée, elle finira par avoir lieu, mais 20 ans plus tard, lors des fusions municipales de 2002.
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
9 septembre 2024 à 05h00
La route Bell, dans le quartier Saint-Sacrement, en 1916 (Archives de la Ville de Québec N010751)
(Le Soleil, Jocelyn Riendeau)
Québec — Au début, la future avenue Saint-Sacrement n’est qu’une petite route de campagne qui relie le chemin Sainte-Foy au village de La Petite-Rivière (l’ancien nom de Duberger). Ouverte au milieu du XIXe siècle, on la surnomme la route des Bell, à cause des frères David et William Bell, deux hommes d’affaires des environs.
Les deux frères sont les propriétaires de la W. & D. Bell, une importante manufacture de poterie située près de la rivière Saint-Charles, à l’angle de l’actuel boulevard Hamel. Entre autres choses, elle produit les briques qui servent à bâtir les quartiers Saint-Jean-Baptiste, Saint-Roch et Saint-Sauveur.
Sur la falaise, en plein centre de la photo d’époque, on aperçoit la première église du Saint-Sacrement. En 1920, elle est déplacée pour faire place à l’énorme église actuelle. L’hôpital Jeffery Hale n’apparaît dans le paysage qu’au milieu des années 1950.
Le long de la route, l’usine de poterie des Bell ferme ses portes en 1932. La route fait ensuite l’objet d’importants travaux d’élargissement. En 1943, lorsqu’elle est rebaptisée l’avenue Saint-Sacrement, le secteur se transforme déjà. En haut de la côte, les nouveaux lotissements se multiplient. En bas, des commerces et des petites industries commencent à s’installer.
Ces dernières années, l’intersection de l’avenue Saint-Sacrement et du boulevard Charest avait mauvaise réputation. Elle se distinguait comme l’un des endroits où l’on dénombrait le plus d’accidents dans la ville de Québec. En 2017, l’installation d’un radar photo a peut-être contribué à réduire le problème.
Allez savoir. Jusqu’à tout récemment, le radar s’imposait comme le plus lucratif de Québec!
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
11 novembre 2024 à 04h00
À Québec, le restaurant français Kerhulu a longtemps fait rêver. (Archives Ville de Québec, Fonds Thaddée Lebel N017635)
Québec — À Québec, le restaurant français Kerhulu a longtemps fait rêver. Sa table s’impose comme l’une des meilleures de la ville. Et on vient de loin pour déguster ses pâtisseries, notamment ses meringues et ses mokas, des petits gâteaux au café.
Le propriétaire, Joseph Kerhulu, n’est jamais loin. Il habite à l’étage. Dans sa salle à manger, des fresques représentent des vues de Paris. Et son menu s’inspire de la cuisine française traditionnelle. Tournedos Henri IV. Homard thermidor. Chateaubriand bouquetière. Coq au vin de Chambertin.
Plus tard, durant les années 50, des intellectuels opposés à Maurice Duplessis se donneront rendez-vous chez Kerhulu. Selon l’historien Jean-Marie Lebel, la grande Édith Piaf ne manque jamais d’y faire escale, lorsqu’elle vient chanter à Québec.
Revenons en 1929. Sur la côte de la Fabrique, juste à côté de Kerhulu, le magasin Simons existe déjà. On ne le voit pas sur la photo. Par contre, à droite de la Basilique, les lecteurs avec des yeux de lynx reconnaitront Holt Renfrew et la Librairie Garneau. Deux institutions.
Mine de rien, l’image date de la fin de l’automne 1929. Un moment fatidique. Quelques jours plus tôt, la Bourse de New York a connu une chute spectaculaire. Ce n’est qu’un début. En l’espace de trois ans, le Dow Jones va perdre 89 % de sa valeur.
Bientôt, toute l’économie mondiale plonge. Les faillites de banques et d’entreprises se multiplient. À travers le Québec, le taux de chômage passe de 5 % à 25 %. Même le transport en commun est touché. En l’espace d’un an, le tramway de Québec perd la moitié de sa clientèle.
La Grande Crise vient de commencer…
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
18 novembre 2024 à 04h00
Le pont de Québec vers le milieu des années 1950 (Archives Ville de Québec, Fonds W.B. Edwards Inc. N019144)
(Le Soleil, Jocelyn Riendeau)
Le paysage apparaît méconnaissable. Le pont de Québec semble bien solitaire au milieu de la forêt vierge. Seuls les pylônes d’une ligne électrique osent lui tenir compagnie.
Au loin, de l’autre côté du fleuve, on devine le village de Charny. Sur la gauche, à l’embouchure de la rivière Chaudière, on aperçoit les piliers du pont Garneau, démantelé en février 1955.
Sur la Rive-Nord, à la sortie du pont, ne manquez pas le Centre biologique de Québec, l’ancêtre de l’Aquarium. Le lieu de recherche est installé là où se trouvait auparavant le service de péage du pont. Faut-il le rappeler? Jusqu’en 1942, la «traversée» coûtait 50 cents par véhicule!
À partir de 1952, les deux voies «carrossables» du pont de Québec sont élargies. Auparavant, les automobiles pouvaient se croiser… mais de justesse! Chaque fois qu’un autobus ou un camion s’engageait sur le pont, il fallait arrêter la circulation dans le sens contraire! L’élargissement des voies se révèlera vite insuffisant. La congestion routière augmente. Entre 1950 et 1960, le nombre de véhicules est multiplié par six sur les routes de la «Belle Province»! La région de Québec n’est pas épargnée. Durant les fins de semaine, la traversée du Pont prend parfois des heures.
En 1962, le gouvernement du Québec annonce la construction d’un deuxième pont. Au départ, il doit s’appeler «Frontenac». Le moment venu, il prend plutôt le nom de Pierre Laporte, le ministre du Travail assassiné par le Front de libération du Québec (FLQ) en octobre 1970.
L’arrivée du «deuxième lien» marque le début du développement fulgurant de la Rive-Sud. Mais ça, au risque de nous répéter, c’est une autre histoire.
Sources: Société historique de Québec et Le pont de Québec de Michel L’Hébreux
Merci de publier. Je ne connaissais pas ce magnifique édifice quasi surréel tellement il pourrait être confondu à un ancien château médiéval. J’ai trouvé plus de détails sur l’histoire de ce bâtiment devenu aujourd’hui un colombarium, disons que cette formule lui garantit dorénavant la pérennité.
Comme c’est à distance de marche de ma résidence dans Moncalm (38 min), j’irai certainement voir les lieux éventuellement.
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=2026%2C+boulevard+René-Lévesque+Ouest
Par Francis Higgins, Le Soleil
7 janvier 2025 à 04h00|
Mis à jour le7 janvier 2025 à 11h39
Pierre Lahoud a commencé la photo aérienne en 1975, notamment avec ce paysage que certains lecteurs plus âgés et à l’œil aiguisé reconnaîtront peut-être… (Pierre Lahoud)
Pour la chronique-entrevue d’aujourd’hui, Pierre Lahoud a replongé dans ses archives pour en extirper certains de ses premiers clichés vieux de cinq décennies.
Dès 1975, l’historien émérite a eu recours à la photographie aérienne afin de participer à l’inventaire du patrimoine québécois pour le ministère des Affaires culturelles. Le projet a pris fin en 1982, mais Pierre Lahoud avait déjà la piqûre. Il a donc poursuivi sur sa lancée, prolongeant son devoir de mémoire jusqu’à prendre un million de photos du Québec à travers les époques.
L’île d’Orléans, en 1975 (Pierre Lahoud)
«C’est la maison chez nous, ça, celle au bout complètement à gauche! lance l’auteur et photographe. Je passais en avion au-dessus de l’île d’Orléans lors d’un de mes premiers vols pour l’inventaire du patrimoine. La maison était abandonnée depuis 15 ans à l’époque. Je ne l’avais pas encore achetée au moment de la photo, mais j’avais déjà commencé à discuter avec son propriétaire.»
«Avec cette maison, j’achetais surtout un paysage, un environnement et un morceau du patrimoine. C’est un souvenir personnel, mais c’est aussi l’une de mes toutes premières photos!» indique-t-il.
La pêche à la fascine à l’île Verte, en 1976 (Pierre Lahoud)
«Un phénomène aujourd’hui presque disparu: la pêche à la fascine à l’île Verte! Quand je passais au-dessus de ce coin de pays dans les années 1970, c’était extraordinaire d’y voir sept ou huit installations de pêche à fascine», se rappelle-t-il.
«Or, il n’y en a plus aucune maintenant. C’est la photo d’un paysage disparu, mais qui montre une activité de pêche jadis importante, dit-il. Elle était liée à l’insularité des lieux, mais aussi aux activités traditionnelles de l’époque. C’est un héritage qu’on a reçu des Premières Nations.»
Un homme, un traîneau et un cheval dans la région de Bellechasse, en 1976 (Pierre Lahoud)
«Ce monsieur au milieu d’un champ, c’est aussi un paysage qu’on ne verra plus: celui d’un homme qui part probablement bûcher avec son cheval, son traîneau et son équipement», affirme celui qui a été sacré Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2022.
«En voyant cette image, quelqu’un m’a déjà dit, un jour: “elle est donc ben vieille cette photo”. J’ai répondu: “ben oui, c’est moi qui l’ai prise”. Là, j’avais pris un coup de vieux! [rires]»
Des pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine, en 1977 (Pierre Lahoud)
«En survolant ce quai des Îles-de-la-Madeleine, j’avais aperçu ces marins et pêcheurs qui transportaient des morues, se souvient M. Lahoud. À l’époque, il y avait encore clairement une abondance de poissons dans nos eaux. Toutefois, d’aussi grosses morues, ça n’existe plus du tout de nos jours!»
«Cette photo est le témoignage d’une époque qui n’est peut-être pas révolue, parce qu’on peut espérer que de telles quantités de poissons reviendront peut-être un jour. Cela dit, on s’entend qu’il s’en trouve de moins en moins, malheureusement», déplore-t-il.
La photographie couleur existait déjà en 1975. Malgré tout, Pierre Lahoud se réjouit d’avoir réalisé ses premiers clichés en noir et blanc. Pourquoi?
Prendre un petit coup dans le pain de sucre
«Les photos couleur étaient déjà accessibles à l’époque, bien sûr. Cela dit, heureusement qu’on a pris ces images en noir et blanc, puisque les photos couleur ont vraiment mal vieilli depuis, explique-t-il. Peut-être à cause des techniques de conservation, je n’en sais trop rien. Seules les diapositives couleur ont conservé une certaine qualité. Pour les photos imprimées, le noir et blanc de l’époque est resté nettement supérieur!»
Propos recueillis par Francis Higgins
Info: pierrelahoud.com
Quelles régions du Québec photographiées par Pierre Lahoud aimeriez-vous voir? Pour le plaisir, partagez vos suggestions dans la section des commentaires au bas de cet article. Avec un peu de chance, vos vœux seront peut-être exaucés…
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
20 janvier 2025 à 04h00
Les escaliers et le dépotoir à neige sur la rue Arago en 1944. (Archives Ville de Québec, N021977)
(Le Soleil, Caroline Grégoire)
Sur la rue Arago, on trouve un dépotoir à neige avec un mur de soutènement en béton dès 1930. La neige provient du quartier Saint-Jean-Baptiste, juste en haut de la falaise. On la balance depuis la rue Racine, aujourd’hui la rue Philippe-Dorval.
Dans la Basse-Ville, la méthode pour se débarrasser de la neige est simple. En général, on la jette dans le fleuve! Mais dans la Haute-Ville, le déneigement se révèle plus compliqué, surtout à cause des côtes.
En 1944, la Ville de Québec utilise encore beaucoup de tombereaux tirés par des chevaux pour transporter la neige. Mais les côtes sont glissantes. Et puis le fleuve est loin.
Dans ces conditions, les tombereaux ne transportent pas la neige jusqu’au fleuve. Ils la poussent en bas de la falaise à différents endroits. Gare aux accidents. En février 1940, un cheval et son tombereau sont tombés du haut de la falaise dans le dépotoir Arago.
Le cheval et l’attelage ont dû rebondir sur la rue, tout près de l’épicerie Jean-Louis-Belleau. Sur la photo de 1944, on aperçoit de nombreuses annonces sur la façade du commerce, notamment celles du «Thé Salada» et du défunt «Kik Cola».
À partir du début des années 1940, des citoyens réclament la disparition des dépotoirs à neige situés en pleine ville. Ils leur reprochent de concentrer toutes les saletés qui jonchent des rues, incluant le crottin de cheval.
Au printemps, les dépotoirs à neige suintent une eau noirâtre et nauséabonde.
En plus, la neige y persiste longtemps. Près de la côte Saint-Sacrement, on aperçoit encore de la glace en juillet!
Le dépotoir à neige de la rue Arago disparaît durant les années 1960. Plus tard, ses murets de béton serviront de structure à un bâtiment. Par contre, la neige continuera à être balancée dans le fleuve jusqu’à la fin des années 1990.
Les bonnes vieilles habitudes, ce sont celles qui durent le plus longtemps…
Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil
3 février 2025 à 04h00
En 1908, les arbres sont rares sur le cap Diamant. (Archives Ville de Québec N023018)
(Le Soleil, Caroline Grégoire)
En 1908, les arbres sont rares sur le cap Diamant. Le promontoire de Québec ressemble au crâne d’un chauve. On ne laisse rien pousser sur les pentes pour éviter les éboulements.
Le pire éboulement est survenu le 19 septembre 1889, après plusieurs jours de pluies torrentielles. Tout un pan de la falaise s’est effondré sur la rue du Petit-Champlain. 45 personnes sont mortes. 75 ont été blessées.
À l’époque, le quartier du Cap-Blanc, le long du fleuve, abrite une importante population d’origine irlandaise ou écossaise. Un coup d’œil sur l’annuaire de Québec en 1908 suffit pour s’en convaincre. Ryan. Donnely. Donovan. O’Reilly. O’Connel. Mackay. Murphy. MacMahon. O’Toole. La liste pourrait s’étirer sur des pages.
À gauche, on aperçoit l’escalier du Cap-Blanc, construit en 1869. Un colosse de 398 marches! Durant les premières décennies, l’escalier est surtout utilisé par des ouvriers «d’en haut» de la falaise qui travaillent au port et dans la construction navale, sur le bord du fleuve.
Au début du 20e siècle, le déclin de l’activité portuaire change la «circulation» sur l’escalier. Ce dernier sert davantage à des ouvriers «d’en bas» qui travaillent à l’usine de fusil Ross, sur les Plaines. On le surnomme d’ailleurs le «Ross Riffle Stairs».
L’année 1908 marque le 300e anniversaire de la fondation de Québec. Dans un premier temps, on avait décidé que les festivités du 300e auraient lieu en 1909, pour coïncider avec l’inauguration du pont de Québec. Mais après l’effondrement de la structure, en août 1907, les festivités ont été ramenées en 1908.
En 1908, les battures du fleuve se trouvent encore dans la cour arrière des maisons de la rue Champlain. Pas pour longtemps. Deux ans plus tard, la construction d’une voie de chemin de fer entrainera le premier grand remblayage des berges. Ce n’est qu’un début. La construction du boulevard Champlain finira le travail…