Résumé
L’îlot Dorchester avance, un référendum réclamé
Par Émilie Pelletier, Le Soleil
4 juin 2025 à 18h00
Avec un an de retard par rapport à l’échéancier initial, le promoteur a bien l’intention de se mettre vite à l’ouvrage. (Trudel)
Trudel est désormais autorisé à construire jusqu’à 17 étages sur l’îlot Dorchester. Si le promoteur «regarde en avant», des opposants, eux, regrettent que les derniers mois de consultations publiques n’aient «servi à rien» et veulent faire entendre leur voix dans un référendum.
Presque à l’unanimité, les élus municipaux de Québec ont voté mardi soir en faveur des modifications proposées au Programme particulier d’urbanisme (PPU) du secteur sud du centre-ville Saint-Roch, qui fait passer le plafond de 10 à 17 étages sur l’actuel stationnement du quartier de la Basse-Ville.
Cette adoption finale du conseil municipal constituait le dernier feu vert dont avait besoin Trudel pour aller de l’avant avec son développement résidentiel et commercial d’environ 400 unités de logement, quelque 150 chambres d’hôtel, épicerie à volume, commerces de proximité, parcs et place publique.
Au terme de plusieurs mois de consultations publiques, l’administration Marchand a maintenu sa position en augmentant la hauteur permise sur ce terrain stratégique, plaidant pour le «besoin» de logements et de dynamisme au cœur du centre-ville.
Le PPU a ainsi été adopté sans modifications, malgré plusieurs avis défavorables de citoyens sur la mouture actuelle du projet, particulièrement la plus haute tour qui s’élèvera sur 17 étages dans le ciel de Saint-Roch.
Le maire Bruno Marchand avait déjà annoncé ses couleurs, en février, en estimant qu’un bâtiment de cette envergure constituait un «compromis» raisonnable entre les préoccupations citoyennes et la nécessaire rentabilité du projet invoquée par le développeur.
«Déni de démocratie»
Un signe que les derniers exercices publics convoquant les citoyens à donner leur opinion n’auront servi à rien, regrette en entrevue au Soleil Michel Beaulieu, porte-parole de la Coalition Dorchester.
«Le maire a dit en février: “je donne mon go au projet de 17 étages” et c’est ce qui a été fait quatre mois plus tard. Entre les deux, il y a une pétition qui a été signée par 1786 personnes, les deux conseils de quartier se sont opposés à la tour» et les consultations en salle et écrite ont donné lieu à des dizaines de commentaires, dont «la plupart étaient contre», énumère-t-il.
«Ça ne peut pas être plus clair que ça sur le rejet de ce projet.»
«C’est un déni de démocratie. On se balance complètement de ce que les gens peuvent en penser. On a une idée fixe et on va avec ça.»
— Michel Beaulieu, porte-parole de la Coalition Dorchester
«C’est une consultation ratée», s’est-elle aussi indignée la cheffe de Transition Québec avant son entrée au conseil municipal, mardi. Jackie Smith, élue dans Limoilou, est la seule à avoir voté contre les modifications finales du PPU.
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La cheffe de Transition Québec, Jackie Smith, estime que la consultation publique sur l’îlot Dorchester a été «ratée». (Caroline Grégoire/Le Soleil)
«Même quand on fait une consultation, c’est une mascarade, parce qu’on va l’adopter malgré tous les avis contraires», a-t-elle ajouté lors d’une intervention à l’attention du maire Marchand.
«Doubler la hauteur des édifices partout ne règle pas nécessairement la crise du logement, mais va vraiment scrapper la qualité de vie des résidents.»
— Jackie Smith, cheffe de Transition Québec
«Écouter les citoyens, ça ne veut pas nécessairement dire oui à tous les citoyens», a répliqué le maire, d’avis que les positions entre toutes les demandes étaient «irréconciliables».
«Le choix qu’on avait, c’était pas de projet ou un projet. Même si le projet était imparfait sur des demandes citoyennes, il amène beaucoup d’eau au moulin dans un secteur qui en a grandement besoin et dans une crise du logement», a-t-il défendu, rejetant toute accusation voulant qu’il ait pris le parti des promoteurs.
«Les Trudel, ce n’est pas des amis, je ne les côtoie pas. Je n’ai aucun bénéfice à ça.»
— Bruno Marchand, maire de Québec
«Mon bénéfice, il est pour la Ville, pour qu’il y ait du logement, de l’activité économique et du monde dans un secteur qu’on veut revitaliser», a martelé le maire Marchand.
![Bruno Marchand, maire de Québec, se défend d’avoir pris le parti des promoteurs.
Bruno Marchand, maire de Québec, se défend d’avoir pris le parti des promoteurs. (Caroline Grégoire/Archives Le Soleil)
En dernier recours, la Coalition Dorchester a déposé mardi une demande de référendum. La Ville de Québec n’est pas tenue d’une obligation référendaire dans le dossier.
«Mais s’il y avait une vraie démocratie municipale, on irait en référendum sur ce projet pour voir ce qu’il en est réellement», estime son porte-parole.
Trudel avance
En attendant, le développement porté par Trudel continue d’avancer. Il ne manquera plus que la formalité de l’adoption du changement de zonage, puis, la délivrance du permis de construction avant que le chantier ne se mette en branle véritablement.
«La bataille n’est pas perdue, mais à partir de ce moment-ci, on doit admettre que c’est difficile à arrêter», souffle Michel Beaulieu de la Coalition Dorchester.
Avec un an de retard par rapport à l’échéancier initial, le promoteur a bien l’intention de se mettre vite à l’ouvrage.
Une maquette du projet à l’îlot Dorchester (Trudel)
«On est satisfaits que le processus soit finalement fini et on va procéder pour débuter le chantier le plus rapidement possible», affirme David Chabot, directeur du bureau du président chez Trudel, espérant que la demande de permis soit traitée tout aussi rapidement.
L’étape de la décontamination reste à être terminée avant de passer à l’excavation, quelque part à la fin de l’automne ou au début de l’hiver.
«On est contents d’aller de l’avant après des mois de tergiversations, mais en pleine crise du logement, on a perdu un an.»
— David Chabot, directeur du bureau du président chez Trudel
Trudel refuse toutefois de parler d’un échec à rallier la population autour de sa proposition pour l’îlot Dorchester.
«On n’est pas en politique, ce n’est pas un concours de popularité, c’est une question de pertinence. Et sur la pertinence du projet, les autorités municipales ont tranché. On ne regarde plus en arrière, on regarde en avant», fait valoir M. Chabot.
Éviter un précédent?
La Coalition Dorchester craint que le cas de l’îlot Dorchester ne soit que le «canari dans la mine» à Québec.
Son porte-parole, Michel Beaulieu, présume que l’administration Marchand n’a pas voulu accepter les demandes citoyennes pour éviter de créer un précédent dans les demandes de dérogations, alors que des projets immobiliers doivent bientôt lever ailleurs en ville.
«Il y a plein d’autres projets à gauche et à droite et je pense qu’il y a une peur de dire que si on plie à Dorchester, on va être obligés également de reculer ailleurs», analyse-t-il.
Mais le «bulldozer» ne pourra pas continuer encore bien longtemps, estime le citoyen.
«Ce contournement systématique des voix citoyennes, l’indifférence par rapport à ce que les gens pensent, ça devient très lourd dans le climat et ça ne passe pas dans les quartiers centraux», note M. Beaulieu, qui croit que les électeurs s’en souviendront au moment de voter, en novembre.
«Le maire et son parti se tirent dans le pied. Aux élections, ça pourrait faire mal.»
En réponse au supposé déni de démocratie exprimé par un groupe de citoyens. Ces derniers oublient qu’en démocratie municipale (comme dans les autres niveaux de gouvernements) la population élit des dirigeants pour prendre des décisions et administrer la ville en respect des règles et des lois émises par Québec.
Agir autrement serait accorder un droit de véto à une minorité, ce qui n’est pas plus démocratique.
Contrairement à l’opinion de ces gens, toutes les étapes ont été franchies et plusieurs moutures du projet ont été proposées et amendées durant toutes les années d’études de l’ilot Dorchester.
On est maintenant rendu à la préparation du site à proprement parlé et rien dans la loi n’oblige la Ville de Québec à surseoir à ce projet déjà accepté par l’administration.
Or accorder un référendum qui ne ferait que retarder indûment cet indispensable développement économique dans St-Roch, et cela pour quelques étages en moins seulement, causerait un grand préjudice au promoteur et pourrait conduire à de couteuses poursuites.
Sans penser aux couts très élevés qu’implique l’organisation d’un référendum et des délais supplémentaires qui s’ajouteraient aux 5 ans depuis le début de la première proposition Trudel.
Ici le médicament serait devenu pire que la maladie et conduirait à d’autres conséquences négatives et pour certaines imprévisibles.
Finalement obtempérer à ces objections reviendrait à créer un sérieux précédent pour d’autres projets en cours de planification ailleurs dans la municipalité, sans pour autant mieux servir la démocratie.
Conclusion: l’ilot Dorchester doit aller de l’avant, même avec ses imperfections, parce qu’il représente le meilleur compromis dans les circonstances.