TGV ou TGF entre Québec et Toronto? La question divise le milieu des affaires
Le gouvernement fédéral prépare la construction d’une voie ferroviaire de 1000 kilomètres reliant entre autres les centres-villes de Québec, de Trois-Rivières, de Montréal et de Toronto.
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Philippe Robitaille-Grou
Publié hier à 20 h 45
Le projet du gouvernement de Justin Trudeau de créer une nouvelle liaison ferroviaire entre le Québec et le sud de l’Ontario continue de semer la discorde, même au sein du milieu des affaires québécois. Entre les ambitions de modernité et les craintes liées aux coûts, les points de vue divergent sur divers aspects.
Le gouvernement fédéral a récemment lancé un premier appel d’offres auprès de partenaires privés dans le cadre de ce projet de transport visant à relier la ville de Québec à celle de Toronto, en passant notamment par les centres-villes de Trois-Rivières, de Montréal et d’Ottawa.
Alors que l’option du train à grande fréquence, ou TGF, est pour l’instant privilégiée par l’équipe de Justin Trudeau, des voix s’élèvent pour demander un train à grande vitesse, ou TGV. Celui-ci permettrait un déplacement nettement plus rapide entre les grandes villes.
En entrevue à l’émission Les faits d’abord sur les ondes d’ICI Première, Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec, et Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, ont fait connaître leurs visions bien distinctes.
« Quand nous avons la possibilité, en 2023, de […] construire un TGV, je pense qu’on se doit, comme pays, de se doter de ces infrastructures dignes du 21e siècle. »
— Une citation de Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec
Le Canada est le seul pays du G7 à ne pas posséder de TGV sur son territoire, a-t-il fait remarquer, ajoutant que le territoire où passerait cette voie ferrée est propice à la construction d’infrastructures capables d’accueillir ce type de train.
Karl Blackburn, président du Conseil du patronat du Québec
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Il n’y a pas de montagne énorme. Il n’y a pas de contraction importante au niveau de la géographie, a-t-il précisé.
Or, Michel Leblanc a émis certaines réserves. Il invite à tenir compte du prix qu’il en coûterait au Canada pour se doter de trains ultrarapides.
On est autour de 10 milliards [de dollars pour le TGF] et on va être facilement au-dessus de 50 milliards [pour le TGV], a-t-il affirmé. Le chiffre qui circule pour un TGV, c’est 65 milliards.
À noter qu’aucune estimation officielle des coûts associés à ces deux options n’est disponible pour l’instant.
Plus vite, plus cher
Ce projet de transport, annoncé en juillet 2021 par le gouvernement fédéral, vise la construction d’une voie ferroviaire de 1000 km d’ici le début des années 2030.
Le but était initialement de créer un TGF, dont la vitesse de pointe se situe aux alentours de 200 km/h. À titre comparatif, les trains de passagers actuels ont une vitesse maximale de 160 km/h, mais ils circulent généralement en deçà de cette limite.
Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, s’est dit ouvert à des propositions de trains roulant plus rapidement que 200 km/h sur certains tronçons.
Le ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra. (Archives)
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Le TGV, quant à lui, a une vitesse maximale qui dépasseles 300 km/h. Sa construction est cependant plus laborieuse, d’où les coûts supplémentaires.
Les voies de ce type de train ne peuvent pas comporter de passages à niveau, ce qui signifie que chaque croisement de route nécessite la construction d’une infrastructure telle un viaduc ou un tunnel. Les voies doivent également être entourées de clôtures et ne peuvent pas avoir de courbes trop accentuées.
Question de priorités
Selon Michel Leblanc, le temps de construction d’un TGV est à prévoir dans l’équation.
Quand on regarde Airbus, l’avion vert à hydrogène, ils disent [qu’il y aura une livraison] peut-être pour 2035, a-t-il affirmé. Alors là, on est en train de dire qu’on va faire un TGV pour éventuellement amener les gens à quitter la voiture ou l’avion. Mais si l’avion est plus vert, est-ce qu’on a besoin d’un TGV au Canada?
Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc
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Le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain questionne aussi la nécessité de tels investissements alors que les besoins sont déjà nombreux en ce qui a trait aux transports collectifs.
« Quand je regarde ce qu’on priorise ou ce qu’on veut présentement, c’est de la ligne bleue, c’est de la ligne orange, c’est du REM de l’est, c’est des voies réservées pour l’autobus. On veut que les métropoles aient des systèmes de transport collectif à la fine pointe. »
— Une citation de Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain
Karl Blackburn, pour sa part, croit qu’un investissement majeur pour ce type de train sera essentiel compte tenu de la croissance de la population canadienne prévue au cours des prochaines années.
« Mais est-ce que ça veut dire qu’on doit mettre les autres projets d’infrastructures sur la glace? Bien au contraire », a-t-il dit.
Au cours des derniers mois, les administrations des villes de Montréal, de Québec et de Trois-Rivières se sont toutes prononcées en faveur d’un TGV.
Michel Leblanc a indiqué ne pas s’y opposer complètement pour l’instant, mais il a invité à la prudence.
« Je pense que le débat est intéressant, a-t-il affirmé. Je pense qu’on doit y aller à fond pour analyser l’option du TGV. Mais je ne suis pas sûr qu’on doive conclure au jour 1 […] que c’est nécessairement la solution du prochain siècle. »