Repousser les limites de la construction verte
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Le complexe locatif Symbio Habitat Terrebonne, en construction à la jonction des autoroutes 640 et 40, vise à la fois les certifications LEED et Bâtiment à carbone zéro (BCZ). Une première au Canada.
Un nouveau complexe locatif qui verra le jour à Terrebonne vise à la fois les certifications LEED et Bâtiment à carbone zéro. Une première au Canada !
Mis à jour à 12h00
Danielle Bonneau
LA PRESSE
En construction à la jonction des autoroutes 640 et 40, Symbio Habitat Terrebonne se voit de loin. Totalisant 29 étages, il attire le regard, mais c’est le soin accordé à chaque étape de sa conception et de sa réalisation qui mérite qu’on y prête attention, puisqu’il vise à la fois les certifications LEED et Bâtiment à carbone zéro (BCZ). Une première au pays, rendue possible grâce au travail acharné d’une équipe chevronnée, qui a remué ciel et terre pour atteindre ses ambitieux objectifs.
Il fallait être visionnaire pour se lancer un tel défi, il y a quatre ans et demi. Denis Tremblay, président de Développement FTG, et son associé, l’analyste financier Étienne Chabot, conseillaient depuis 2014 des promoteurs cherchant à optimiser la construction de logements locatifs et à avoir de solides montages financiers. En 2019, ils ont voulu prouver qu’il était possible de construire des bâtiments multirésidentiels locatifs carboneutres au Québec. « C’est difficile à cause des variations très importantes de température, indique M. Tremblay. On a décidé d’essayer. »
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Denis Tremblay, président de Développement FTG, et son associé, l’analyste financier Étienne Chabot
Ils ont assemblé leur équipe il y a trois ans. « C’était la première fois de ma vie que je faisais un amalgame complet d’une équipe professionnelle avec une stratégie prédéterminée », révèle M. Tremblay, qui a obtenu son diplôme de Polytechnique Montréal en 1970 et qui a travaillé à travers le monde. « Il fallait voir si c’est une rêverie ou si c’est possible. »
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Maxime Frappier, architecte associé et président d’ACDF Architecture, et Philippe Hudon, président d’Akonovia, ont travaillé étroitement ensemble.
Maxime Frappier, architecte associé et président d’ACDF Architecture, venait de travailler sur le projet gagnant du concours Reinventing Cities, du réseau mondial des grandes villes C-40, Haleco, lorsque Denis Tremblay l’a pressenti, en septembre 2020.
« Il cherchait à faire un legs, qui serait viable dans une structure de coûts, explique-t-il. On a embarqué à pieds joints. Il ne l’a pas fait au centre-ville, dans un marché où normalement on pourrait penser que le prix du loyer permettrait d’absorber un surcoût. M. Tremblay avait un beau terrain à Terrebonne, avec une belle visibilité, à côté d’un immeuble d’une autre typologie qu’il venait de construire. On connaissait très bien les grands enjeux du secteur. On a été enthousiasmés par la mission du promoteur, de faire plus qu’un simple projet immobilier. »
Se sont aussi greffés Josée Lupien, présidente de Vertima, experte en certifications environnementales, et Philippe Hudon, président d’Akonovia, expert en efficacité énergétique.
Le dossier monté par l’équipe a été présenté à des investisseurs, qui devaient eux aussi être avant-gardistes et ouverts à un certain niveau de risque.
La société d’investissement privée Claridge et Ivanhoé Cambridge, le bras immobilier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont financé la moitié du projet, un investissement total de 76 millions.
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Afin que le complexe Symbio Habitat Terrebonne fasse sa marque dans le territoire, une stratégie de contrastes entre les façades perpendiculaires a été employée. Seules les façades est et ouest sont dotées de balcons, qui sortent en porte-à-faux.
*RENDU 3D FOURNI PAR ACDF ARCHITECTURE
Pour établir des contrastes entre les façades perpendiculaires, les façades est et ouest seront plus texturées avec des balcons qui sortent en porte-à-faux, alors que les deux autres façades seront plutôt planes et auront une facture architecturale plus foncée.
Faire sa marque
Pour être rentable, Symbio Habitat Terrebonne devait atteindre 29 étages, en consacrant le dernier étage à la mécanique. « Comme la tour est visible de loin, on a voulu qu’elle fasse sa marque dans le territoire, tout en étant relativement simple à construire, indique Maxime Frappier. On savait qu’on allait avoir des enjeux liés aux aspects techniques de l’enveloppe pour respecter certains critères d’efficacité énergétique. On a donc utilisé une stratégie de contrastes entre les façades perpendiculaires. Les faces est-ouest sont plus texturées avec des balcons qui sortent en porte-à-faux, alors que les deux autres façades sont plutôt planes et ont une facture architecturale plus foncée. »
La tâche a été colossale notamment parce que les certifications Bâtiment à carbone zéro et LEED (Leadership in Energy and Environmental Design), du Conseil du bâtiment durable du Canada, ne sont pas homogènes. L’équipe a dû faire des compromis.
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Josée Lupien, présidente de Vertima, est une pionnière dans la construction durable au Québec.
En temps normal, on aurait pu chercher un niveau de certification LEED supérieur. À cause de la complexité du défi, on obtiendra un niveau LEED de base ou argent. On a aussi intégré quelques critères de la certification WELL pour le bien-être des gens, parce que c’est après tout un milieu de vie. Cela tenait à cœur à M. Tremblay.
— Josée Lupien, présidente de Vertima
Pour atteindre les objectifs, chaque décision devait être validée par chacun des experts, qui avait sa perspective particulière. La sélection des matériaux n’est qu’une des étapes qui ont donné des cheveux gris à l’équipe, comme l’explique Philippe Hudon : « L’architecte choisit un matériau en lien avec les codes, regarde comment ça va s’installer, ce que seront sa durabilité et son effet visuel. Moi, je regarde la résistance thermique et l’impact énergétique du matériau, puis Josée va le regarder au point de vue de son impact sur le cycle de vie et son impact carbone. »
Le casse-tête a été constant. Et il fallait bien sûr garder le budget sous contrôle. Plutôt que de baisser les bras, ils ont trouvé des solutions pour régler chaque problème. « Tout le monde a travaillé en équipe, ce qui est une grande partie du succès », croit Mme Lupien.
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Denis Tremblay, qui a obtenu son diplôme de Polytechnique Montréal en 1970, a commencé à travailler sur des chantiers en 1965. Pour lui, Symbio Habitat Terrebonne constitue un legs.
Les avancées effectuées suscitent de l’intérêt. Denis Tremblay et Étienne Chabot ont rencontré des promoteurs désirant connaître leur démarche. « Dès le début, il faut vouloir avoir une signature architecturale et une signature environnementale, insiste Étienne Chabot. Et il faut que tous travaillent dans la même direction. »
Alors que l’inauguration du Symbio Habitat Terrebonne approche, en mai prochain, Denis Tremblay est particulièrement fier d’une chose : que son équipe et lui se soient tenus debout. Leur persévérance porte déjà des fruits.
Consultez le site de Symbio Habitat
SYMBIO HABITAT TERREBONNE SOUS LA LOUPE
- 219 logements locatifs répartis sur 28 étages
- Systèmes mécaniques centraux de chauffage, climatisation et ventilation (rare dans le domaine résidentiel)
- Excellente qualité de l’air
- Enveloppe thermique du bâtiment performante avec le moins de ponts thermiques possibles
- Aucun conduit d’évacuation d’air pour les sécheuses (fournies), pour éviter de percer l’enveloppe du bâtiment
- Grand confort thermique
- Grande résilience en cas de panne prolongée d’électricité, hiver comme été
- Grande luminosité à l’intérieur
- Nombreuses aires communes axées sur le bien-être des futurs locataires
- Parement extérieur léger en aluminium
- Vise une certification LEED (Leadership in Energy and Environmental Design)
- Vise une certification Bâtiment à carbone zéro (BCZ)
- Intègre des éléments de la certification WELL
EN SAVOIR PLUS
Résultats de l’analyse du Symbio Habitat Terrebonne
- 42,3 % d’économie d’énergie
- 71 % d’économie de gaz à effet de serre
Par rapport à une construction standard (CNEB-2017).
SOURCE : PHILIPPE HUDON, AKONOVIA