Stratégie nationale d’architecture et d’aménagement du territoire

C’est con de dépenser des sommes absurde pour protéger des terrains de golf dans un métropole qui souffre à cause du crise de logement. Protège plutôt des vrais fermes et forêts sur la frontière du périmètre urbanisé. La plupart des sites ciblé par le CMM sont des sites parfait pour le densification des banlieues.

Le CMM permet des développements de merde dans des coins éloigné de Mirabel et Chambly mais bloque des développements a haute densité déjà situé près des services et transports.

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Immobilier Architecture Une shoebox qui prend de la hauteur

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Un étage a été ajouté à cette shoebox centenaire située dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie.

Trois ans après l’adoption d’un règlement visant la protection des maisons de type shoebox, les projets d’agrandissement poussent dans Rosemont–La Petite-Patrie. Le plus souvent en hauteur, à l’image de cette transformation où la construction modulaire a été mise à profit.

Publié le 3 décembre

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Valérie Simard
Valérie Simard La Presse

Geneviève Tousignant et Philippe Beauchamp ont acquis en 2014 cette jolie shoebox centenaire, située au cœur de Rosemont, à deux pas du parc Molson et de l’animée rue Beaubien. Ayant fait leur apparition à Montréal au début du XXe siècle, ces maisons unifamiliales destinées aux ouvriers se sont multipliées jusque dans les années 1960. Comme plusieurs familles habitant ces petites maisons d’un étage, Geneviève Tousignant et Philippe Beauchamp, parents de deux enfants, caressaient le rêve d’agrandir leur demeure.

« C’était clair en arrivant que ça allait être serré, quatre personnes dans 800 pieds carrés, indique Philippe Beauchamp. C’était petit. On adorait le quartier, la ruelle pleine d’enfants. On voulait rester dans le coin. »

« Quand le moratoire est arrivé, ça nous a ébranlés parce que ça venait changer nos plans, poursuit Geneviève Tousignant. Dans notre projet, il y a eu quelques embûches. Le premier, c’est le moratoire, le deuxième, la pandémie. » (Les travaux ont commencé quelques mois après le premier confinement.)

En 2018, l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie a décrété un moratoire sur les projets de transformation et de démolition des maisons de type shoebox qui se multipliaient sur son territoire.

Bien que d’accord avec la nécessité de préserver ce patrimoine modeste, plusieurs propriétaires avaient manifesté leur mécontentement envers cette mesure restrictive. Agissant à titre d’une des leaders de cette opposition, Geneviève Tousignant a siégé à un comité de travail mis sur pied par l’arrondissement. Elle y a rencontré l’architecte Laurent McComber, dont la firme L. McComber – architecture vivante signe les plans de cet agrandissement, un projet qu’ils ont justement nommé « Shoe Up ! ».

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les propriétaires, Philippe Beauchamp et Geneviève Tousignant, sont entourés des architectes Laurent McComber et Olivier Lord.

Si le moratoire a été levé l’année suivante, c’est qu’un nouveau règlement visant la protection de ces maisons a été adopté. Les 561 shoebox qui se trouvaient alors sur le territoire de l’arrondissement ont été classées selon leur valeur architecturale. Celle de Geneviève Tousignant et de Philippe Beauchamp ayant obtenu la plus haute valeur (3), les interventions possibles étaient limitées.

« Les shoebox, il y en a qu’il vaut la peine de garder, d’autres, non, pense l’architecte Laurent McComber. Ici, c’est une belle petite façade sympathique à l’échelle de la rue, dans une rue où les constructions ne sont pas très hautes. Ce n’est pas très dense pour un quartier central. »

« Je suis historien. On n’est pas contre l’idée de préserver le patrimoine modeste, renchérit Philippe Beauchamp. Mais il reste que quand tu dis à une jeune famille, finalement, vous ne pouvez peut-être pas rester là… Il fallait trouver un moyen. Finalement, on est très satisfaits. »

Un étage de plus

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L’ajout d’un nouvel étage était donc possible, mais celui-ci devait présenter un retrait minimal d’un mètre par rapport à la façade du rez-de-chaussée. « [Le règlement exige] de ne pas construire dans l’alignement et c’est tant mieux parce que ça viendrait écraser le volume, note l’architecte Laurent McComber. Mais ça implique d’avoir un petit bout de toit à drainer. »

Pour répondre à cette exigence, un drainage en façade avec une gargouille a été installé. « Ça nous a évité d’ajouter un drain intérieur, précise l’architecte. Quand tu amènes de l’eau dans la maison, tu amènes du froid et un risque d’infiltration. » Sans compter les coûts supplémentaires qu’aurait entraînés l’installation d’un drain intérieur jusqu’au sous-sol. Afin de récupérer l’espace perdu par ce retrait, l’agrandissement a été prolongé à l’arrière avec une structure en porte-à-faux. « Ça n’a pas été super compliqué pour nous, ce retrait », résume l’architecte Olivier Lord.

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Un revêtement de bois, plus léger que la maçonnerie, a été privilégié et accepté par l’arrondissement. En façade, la shoebox d’origine prédomine toujours. Par souci d’harmonie visuelle, les grandes ouvertures pratiquées à l’étage sont alignées à la géométrie du couronnement et aux anciennes fenêtres à guillotine du rez-de-chaussée.

Lorsqu’il a abordé ce projet, tout juste avant la pandémie, le couple avait un budget jugé serré pour l’ampleur des travaux souhaités. Il désirait ajouter quatre chambres et une salle de bains à l’étage et rénover la cuisine au rez-de-chaussée. Des bureaux d’architectes avaient refusé le projet, jugeant le budget insuffisant. Pour certains, il était impératif de refaire le rez-de-chaussée en entier. « On a la preuve qu’il est possible de ne pas tout stripper », souligne Laurent McComber.

Des modules préfabriqués

Dans le but d’économiser, les architectes ont misé sur la construction modulaire. À leur connaissance, c’est la première fois à Montréal que cette technique était utilisée pour l’ajout d’un étage. Ainsi, trois modules de même dimension abritant les chambres et la salle de bains ont été fabriqués en usine, puis expédiés et assemblés au chantier. Chacun des modules à ossature de bois mesurant 25 pieds sur 12 pieds a été hissé par grue, un spectacle auquel de nombreux voisins ont assisté.

C’était comme de gros blocs Lego qui se faisaient livrer. Je n’avais jamais vu ça. Ça prend toute une logistique pour amener trois modules de 25 000 livres chacun. On a gardé notre sang-froid. C’était quelque chose de particulier et d’inédit.

Olivier Lord, architecte

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L’opération a tout de même donné des sueurs froides aux propriétaires. Des éclairs se sont invités dans les prévisions météorologiques, forçant le report de la livraison d’environ un mois. Puisque celle-ci nécessitait de couper l’électricité dans la rue, il leur fallait obtenir l’autorisation d’Hydro-Québec, payer les frais et assumer les délais associés à cette interruption.

D’abord enthousiaste face à la réduction des coûts et des nuisances du chantier que permet la construction modulaire, Laurent McComber est aujourd’hui moins catégorique. « À l’époque, on se disait : “C’est sûr que ça va être moins cher en modulaire.” Aujourd’hui on serait un peu plus nuancés. »

L’architecte y voit toutefois d’autres avantages : « Plutôt que d’avoir les aléas du chantier avec le trafic, la congestion, l’électricien qui n’est pas là, la tempête, le gel, on est dans des conditions contrôlées en usine. Les déchets sont mieux gérés. C’est plus propre, c’est plus sec, c’est droit. »

Si le budget a pu être respecté, c’est notamment parce que la structure existante n’a pas eu à être consolidée. Elle était suffisamment solide pour accueillir le poids de l’agrandissement.

Après avoir passé les premiers mois de la pandémie à vivre, travailler et étudier dans un espace de 850 pieds carrés (en plus d’un sous-sol partiellement aménagé), les membres de la famille aiment aujourd’hui avoir chacun leur espace. « Au lieu d’être à la table de cuisine, je suis dans un bureau. On a chacun nos chambres. L’espace est plus lumineux », se réjouit Geneviève Tousignant. Et même s’ils font chambre à part, leur espace est relié par une penderie qui coupe les sons accompagnant les nuits d’insomnie sans complètement isoler les deux parties.

Consultez le site de L. McComber – architecture vivante

Le projet « Shoe Up ! » en bref

Durée du chantier : environ 6 mois

Coût des travaux : environ 300 000 $

Construction : Falcon Modular structures/Gestion Étoc et Construction Racine Carrée

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Un texte d’opinion signé par plusieurs élus municipaux du Québec

Nos rues principales, des recettes gagnantes pour le Québec


Marc Bruxelle, Getty Images
La rue principale apparaît plus que jamais comme un milieu de vie complet et essentiel, observe l’auteur.

Philippe Cousineau Morin
L’auteur est conseiller municipal (Rimouski). Il cosigne ce texte avec neuf autres conseillers municipaux à travers le Québec : Raïs Kibonge (Sherbrooke) ; Catherine Lassonde (Drummondville) ; Frédéric Tremblay (Alma) ; Jacinthe Campagna (Shawinigan) ; Dany Carpentier (Trois-Rivières) ; Jean Junior Désormeaux (Saint-Jérôme) ; Benjamin Turcotte (Val-d’Or) ; Alexandre Fallu (Lévis) ; Steve Moran (Gatineau).
19 décembre 2023
Idées

Nos villages et nos villes, du plus rural à la plus métropolitaine, sont plus que jamais l’aimant attracteur de nos activités quotidiennes : culturelles, estudiantines, économiques, sociales et mêmes résidentielles. Nous, élues et élus des centres-villes, souhaitons souligner le grand besoin d’investissements dans nos noyaux urbains et villageois.

La rue principale apparaît plus que jamais comme un milieu de vie complet et essentiel. Sur au moins cinq aspects, investir au coeur de nos rues principales apparaît comme une recette gagnante pour la société québécoise.

D’abord parce que, devant un vaste consensus social quant à la protection des milieux naturels, le développement doit logiquement se faire… dans les milieux déjà bâtis ! Il faut ainsi entrevoir la fin des constructions humaines sur les milieux naturels riches d’une biodiversité dont nous avons tant besoin.

Ensuite parce que les relations interpersonnelles que nos rues permettent sont essentielles. La proximité humaine désinhibée par les villes est notre meilleur rempart contre l’isolement social, l’incompréhension réciproque et l’anonymat technologique. Il faut réussir à se côtoyer plus et mieux, alors que l’espace public apparaît comme le nouveau coin café dans un monde bonifié par les retraités et les télétravailleurs.

Aussi parce que les factures des développements éparpillés s’additionnent, allant de coûts faramineux de construction et d’entretien d’infrastructures à une inflation du transport incontrôlable tellement notre dépendance à l’auto est grande. Dérouler plus d’asphalte alors que s’accumulent les nids-de-poule est un jeu comptable dangereux. Privilégier d’entretenir l’existant, c’est, en plus, s’occuper de nos patrimoines. Face à un bilan carbone plombé par les transports motorisés, il faut aussi accroître les milieux de vie où la marche est un mode de déplacement.

Cinquièmement, les avancées médicales sont actuellement freinées par des modes de vie sédentaires dans nos territoires déstructurés. La meilleure pilule pour contrer la maladie reste une ville santé, abordable, verte, marchable et sociable.

Un bon investissement pour toutes les régions

Toutes ces raisons militent en faveur des coeurs de nos localités qui, disons-le franchement, ont subi des décennies de manque d’amour. Pendant ce temps, notre société a tenté d’autres modèles ; mais il faut en avouer les limites. On pense par exemple aux pôles commerciaux périphériques érigés en mers d’asphalte et de tôle. Ces espaces ségrégués, « inmarchables » et imperméables entraînent de nombreux coûts collectifs importants, notamment pour les municipalités.

Plus récemment, la tendance à promouvoir le télétravail a pu inquiéter quant à la capacité à faire fleurir des commerces de proximité. La recette gagnante de la rue principale en est une clé, tant pour les villes que les noyaux villageois ! Durant la pandémie, le gouvernement a investi des sommes pour relancer certains centres-villes. Cela a permis de bons résultats, mais ponctuels. Or, les besoins sont toujours là !

Le gouvernement du Québec doit lancer un programme des centralités, avec minimalement cinq orientations. La localisation exemplaire des édifices publics, d’abord. Il doit ensuite prévoir une enveloppe spécialisée pour la dynamisation des services de proximité, doublée de gros investissements en décontamination et requalification. Un effort logement et mixité sans précédent devra aussi être engagé. Finalement, il lui faut soutenir la poursuite de l’animation événementielle et culturelle telle que soutenue durant la pandémie.

Il y a là plein d’avenues à consolider (on assume le jeu de mots), ne serait-ce que pour mettre en oeuvre la politique « Mieux habiter et bâtir notre territoire » et les orientations en aménagement ou faciliter l’atteinte de nos objectifs de mobilité durable. Par exemple, en conjuguant cette revitalisation avec la volonté de décentralisation administrative vers les régions, qui se fera forcément par des choix centraux de localisation pour les emplois et édifices publics.

Il faudra investir judicieusement les 470 millions du pacte fiscal pour les services de proximité, afin d’en multiplier les retombées et de s’assurer que des municipalités de tailles diverses en profitent. Assumer les créneaux de spécialisations économiques propres à chaque milieu s’imposera aussi. De même qu’agir en partenaire des municipalités qui sont les meilleurs acteurs terrain du développement urbain local.

Nous souhaitons un plan et du financement gouvernemental qui investit pour le redéveloppement urbain. Un plan qui comprend par exemple des sommes pour dynamiser et revitaliser les rues principales, pour décontaminer et requalifier les sites commerciaux et industriels vieillissants, ou encore pour permettre l’animation culturelle de places publiques rassembleuses, vertes et de proximité. Sans oublier le logement, avec des moyens et des pouvoirs habilitants encore plus volontaires pour les centralités et leur caractère dense et mixte.

L’objectif ? Que les centres deviennent des milieux de vie exemplaires pour tous les âges et tous les moyens.

Remplacer l’éparpillement des investissements publics (et privés !) par une action concertée pour renouveler les coeurs de villes et leurs rues principales est l’une des meilleures oeuvres qu’on puisse faire en aménagement du territoire. C’est une action locale et un programme économique national.

Nous prenons la plume aujourd’hui parce que nous croyons que nos rues principales demeureront des aimants chacun dans nos régions, avec plein de bénéfices à la clé.

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Crise du logement Où voulons-nous vivre ?

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Habitat 67, de l’architecte Moshe Safdie

Parler de qualité architecturale et d’aménagement harmonieux de notre territoire quand sévit une crise de l’ampleur de celle que nous connaissons actuellement en matière de logement peut sembler saugrenu.

Mis à jour hier à 15h00

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Pierre Corriveau

Pierre Corriveau Architecte et président de l’Ordre des architectes du Québec

Nul doute : la crise actuelle nous impose de prendre des mesures vigoureuses pour accélérer la construction. Or, il faut nous assurer que ces mesures respectent nos acquis et que nos ambitions et nos milieux de vie ne soient pas spoliés pour autant.

Garder le cap

À cet égard, le projet de loi 31 sur l’habitation, dont l’Assemblée nationale n’a pas encore achevé l’étude, contient une mesure qui nous apparaît fortement risquée : celle de permettre aux projets d’habitation de déroger à la réglementation d’urbanisme locale en vigueur. Même en imposant certaines conditions, cela pourrait ouvrir trop grand la porte à des dérives dont les conséquences pourraient grever de façon durable la qualité de notre environnement bâti.

Les plans d’urbanisme et les règlements de zonage, même imparfaits, sont des garde-fous qui orientent les interventions à venir en fonction de paramètres définis collectivement.

Ils créent une forme d’harmonie et, de ce fait, facilitent l’acceptabilité sociale des projets. C’est pourquoi certains processus ont été mis en place pour en baliser les modifications. Y déroger au cas par cas, aussi facilement que le permettrait le projet de loi sous sa forme actuelle, ne peut que briser cette harmonie si dure à atteindre.

Si certains plans d’urbanisme ne permettent pas une saine densification, laquelle est une solution sine qua non au problème du logement, il ne faut pas les contourner, mais les mettre à jour en faisant les efforts nécessaires pour le réaliser rapidement.

Des crises stimulantes

Avoir une vision et répondre à une urgence ne sont pas mutuellement contradictoires. Les crises sont souvent des vecteurs d’innovation. Mais pour qu’il y ait innovation positive, la cible doit être définie, les objectifs, clairs, et les moyens de mise en œuvre, appropriés.

Prenons l’exemple de cette idée, lancée par le ministre fédéral du Logement, de créer un catalogue de modèles d’habitations préapprouvés. Si ce catalogue a pour effet de stimuler la construction de bungalows privés, générateurs d’étalement urbain et de déplacements individuels énergivores, nous aurons échoué à bâtir quelque chose de pertinent et de cohérent avec notre époque.

Mais derrière cette idée, il y a aussi celle – plus porteuse – de pousser l’industrie de la construction vers la préfabrication pour réduire les délais de chantier.

On peut préfabriquer des unités qui, amalgamées l’une à l’autre, donnent de véritables milieux de vie. Cette approche n’oblige absolument pas à recourir à des plans de catalogue, bien au contraire, d’ailleurs, si l’on veut que ces milieux de vie soient intégrés à leur contexte. Les exemples ne manquent pas. Pensons à Habitat 67, de l’architecte Moshe Safdie, réalisé dans le contexte de l’Expo 67. Pensons aussi aux Habitations Quesnel, dans la Petite-Bourgogne, du défunt architecte Dan Hanganu. Issu de l’Opération 20 000 logements, un programme de la Ville de Montréal éminemment efficace visant à pallier la rareté de logements abordables dans les années 1980, ce projet est constitué d’unités préfabriquées, sans compromis sur la qualité.

Le temps de concevoir quelque chose de pertinent est ce qu’il y a de plus précieux dans tout le cycle de la naissance du construit. En faire l’économie, c’est bâcler le travail et dépenser des sommes astronomiques pour créer des erreurs.

En publiant la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire l’an dernier, le gouvernement du Québec a pris acte de la beauté de notre territoire et a mis en œuvre plusieurs moyens pour la préserver, voire l’enrichir. Cette politique est porteuse de promesses rassurantes lorsqu’il est question d’offrir des milieux de vie complets, conviviaux et durables à tous les Québécois et Québécoises. Elle offre les outils pour encadrer sainement les mesures à prendre pour résoudre l’actuelle crise du logement. Il serait dommage de s’en passer.

Où voulons-nous vivre ? C’est à nous – professionnels, gouvernements, entrepreneurs, citoyens – de répondre à cette question, solidairement, efficacement et rapidement afin de désamorcer cette crise aux impacts potentiellement permanents sur nos modes de vie et notre bien-être. Le Québec, ce territoire magnifique, mérite une réponse à sa hauteur.

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Entrevue avec Gérard Beaudet dans L’actualité

Des clés pour mieux aménager les villes

Le Québec est mûr pour une révolution de l’aménagement de son territoire, selon l’urbaniste Gérard Beaudet, auteur d’Un Québec urbain en mutation.

Société
Marie-Hélène Proulx
31 janvier 2024


Photo : Andrew Dobrowolskyj

Sur le papier, les gouvernements sont bien équipés pour régler les problèmes liés au développement du territoire, tels la crise du logement et l’étalement urbain, juge Gérard Beaudet, professeur depuis 35 ans à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal et codirecteur de l’Observatoire de la mobilité durable. Son plus récent livre, Un Québec urbain en mutation (Éditions MultiMondes), donne d’ailleurs des clés pour affronter les défis actuels, en puisant entre autres dans ceux du passé. Mais il faut pour cela que les autorités sortent de leur léthargie, exhorte le chercheur.

Le Québec a été l’un des derniers endroits en Amérique du Nord à adopter une loi sur l’aménagement et l’urbanisme, en 1979 — au moins 50 ans après les autres. Notamment parce qu’aux yeux du clergé, les villes étaient l’incarnation du diable. A-t-on payé le prix de ce retard ?

Les dérapages en urbanisme ont été nombreux. Par exemple, des règlements auraient permis d’endiguer plus tôt les graves problèmes d’insalubrité qui sévissaient en milieu urbain lorsque l’industrialisation s’est accélérée au Québec, à la fin du XIXe siècle. L’absence d’égouts et d’aqueducs et le surpeuplement des logements de fortune produisaient des conditions de vie épouvantables. En 1870, Montréal était l’une des villes les plus mortifères de la planète. Les épidémies de choléra, de typhus et de tuberculose s’y succédaient, et le taux de mortalité infantile était catastrophique dans les années 1920. Pourtant, des solutions étaient déjà mises en œuvre dans plusieurs provinces canadiennes et États américains, comme éloigner les résidences des quartiers industriels. Mais au Québec, la résistance du gouvernement de Maurice Duplessis aux interventions publiques a fait que des îlots d’insalubrité existaient encore après la Deuxième Guerre mondiale, à l’époque où une crise du logement majeure frappait la province.

« Il faut des instances municipales sensibles au bien commun, qui décident d’assumer leur vision avec cohérence sans faire le jeu des promoteurs. »

Le pays doit à nouveau faire face à ce problème — il faudrait au moins 860 000 logements de plus d’ici 2030 au Québec. Quelles leçons du passé pourraient être utiles aujourd’hui ?

Aucun pays n’a jamais réussi à résoudre une crise du logement sans que l’État intervienne. Dans les années 1940, le gouvernement canadien a financé la construction de maisonnettes pour loger les employés des usines d’armement — ce qui a donné naissance au quartier Norvick, dans Saint-Laurent, à Montréal —, ainsi que celle des « maisons de vétérans » pour les soldats qui revenaient du front. La province a aussi soutenu des logements sociaux, des coopératives d’habitation et des HLM, telles les Habitations Jeanne-Mance, au centre-ville de Montréal. Il serait naïf de croire, à l’instar du gouvernement actuel, que le marché immobilier va régler à lui seul la pénurie ; on a besoin de mesures de soutien étatiques pour donner un toit aux gens moins favorisés, qui n’intéressent pas les promoteurs.

La densification est souvent évoquée comme remède à la crise du logement. Ça permettrait aussi de contenir l’étalement sur le territoire, un phénomène qui nuit à la biodiversité. Qu’en pensez-vous ?

C’est la nouvelle doxa en urbanisme ; elle n’est toutefois pas toujours souhaitable. Quand une forte densification se conjugue à des logements trop petits et mal construits, sans espaces verts autour, ça peut mener à des problèmes sanitaires, comme l’a révélé la COVID : la propagation du virus était plus élevée dans certains quartiers populeux et défavorisés de la métropole. De plus, dans les dernières années, de nombreuses hautes tours d’habitation ont été érigées, entre autres à Longueuil et à Rivière-des-Prairies ; ces « asperges » sont cependant plantées au milieu de nulle part, sans services de proximité ni accès au transport en commun. Ce sont des ensembles immobiliers, mais pas des concepts urbains qui créent de la qualité de vie, avec des rues commerciales accueillantes, des parcs, des écoles, des services de proximité [épicerie, cafés, quincaillerie, etc.], une diversité d’habitations répondant aux besoins des aînés, des familles et des gens de divers milieux socioéconomiques, des pôles d’emploi, du transport collectif. L’habitat ne se résume pas à avoir un toit sur la tête.

Est-ce que des oasis respectant ces principes existent au Québec ?

D’intéressantes reconversions d’anciens secteurs industriels et de friches agricoles en écoquartiers sont en cours dans la région métropolitaine de Montréal [RMM], tels le Triangle, dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges, et le projet sur l’ancien emplacement de l’hippodrome. Il y a aussi d’autres chantiers à Drummondville (Fortissimo), Terrebonne (Urbanova), Brossard (Solar Uniquartier), Candiac (Square Candiac). Le quartier Pointe-de-Sainte-Foy, à Québec, né dans les années 1980, est un modèle trop peu cité. Mais il faut des instances municipales sensibles au bien commun, qui décident d’assumer leur vision avec cohérence sans faire le jeu des promoteurs trop pressés d’exploiter leurs terrains. Évidemment, elles ont les coudées plus franches lorsqu’elles sont propriétaires du sol — ce qui s’appelle la maîtrise foncière. C’est ce levier qui a permis la revalorisation du site patrimonial du Vieux-Terrebonne. En théorie, la boîte à outils des villes est à la hauteur de leurs ambitions, grâce par exemple à la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire déposée en juin 2023. Mais le leadership est indispensable, et c’est souvent ce qui fait défaut. Autrement, la nouvelle politique restera un vœu pieux, une locomotive sans wagons.

De quoi ont peur les citoyens qui contestent les projets de densification ?

Dans certains cas, la population a été échaudée par des projets mal ficelés, au design urbain déplorable. Parfois aussi, c’est le syndrome du « pas dans ma cour » qui se manifeste, bien que le mouvement inverse, « Oui dans ma cour ! », inspiré des États-Unis et porté ici par l’organisation Vivre en Ville, commence à se faire entendre. Il faudrait que la participation citoyenne dépasse la simple obstruction à des projets, et donne plutôt aux collectivités les moyens d’en faire de meilleurs, bénéfiques pour l’ensemble. Cela dit, la banlieue pavillonnaire, constituée de maisons individuelles, demeure un idéal encore profondément ancré depuis les années 1960, et quand on propose de la transformer, on s’attaque à un système de valeurs qui résiste au discours rationnel. C’est un peu comme la voiture : on a beau subir de plus en plus les effets des changements climatiques, on n’a jamais vendu autant de camions légers. C’est que les gens n’achètent pas un moyen de se déplacer, mais un symbole social.

Les efforts pour bonifier l’offre de transport collectif sont-ils voués à l’échec ?

Pour sortir les gens de leur voiture, il faudrait qu’ils aient le sentiment d’y trouver leur compte, et à ce chapitre, le défi est énorme, notamment parce que les lieux de travail se sont déconnectés des réseaux de transport collectif depuis 40 ans, en particulier dans la RMM et la région de Québec. Même si la gare de train est à côté de chez vous, encore faut-il que ce dernier vous mène là où vous devez aller ! Or, le transport en commun répond très peu aux besoins de connexion entre l’origine et la destination. Contrairement à la Grande-Bretagne et à la Scandinavie, qui ont imposé le développement urbain le long des corridors de transport public, les autorités québécoises ont laissé les employeurs s’installer massivement le long des autoroutes, ce qui rend presque obligatoire l’utilisation de la voiture. Il faudra mieux planifier la distribution de l’emploi à l’avenir, et limiter l’éparpillement de la densification là où l’offre de transport en commun est inadéquate.

Cet article a été publié dans le numéro de mars 2024 de L’actualité, sous le titre « Dessine-moi une ville ».

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