Stratégie nationale d’architecture et d’aménagement du territoire

J’ai pas pu lire l’article, le NYtimes me laisse pas. C’est sur que c’est le style du moment, donc on peut remarquer des similarités dans ce qu’on construit partout en amérique du nord.
Par contre, très souvent on voit de l’architecture qui n’a aucun lien avec son milieu. On construit avec des matériaux qui peuvent être usinés en Californie pour être assemblés à Chicago sans prendre en compte les particularités de la région. Les matériaux standardisés sont moins cher et donc plus utilisés.
Les plans des appartements sont aussi les même partout en Amérique du Nord. On laisse parfois le choix de finitions de la cuisine pour donner l’illusion de quelque chose de personalisé, mais la façon dont les pièces sont configurées et la position des appartements dans le bâtiment est pareil partout, ce qui donne les même volumes de bâtiment. Un condo standard est aussi plus facile à vendre que si il était arrangé différemment.

Une politique qui n’a pas arrangé le problème est le changement du code concernant les complexes de logements de faible hauteur aux États-Unis, qui a donné naissance au ‘‘5 over 1’’. Un bâtiment avec un premier étage en béton et le reste des étages en bois. Moins cher à produire, il s’est multiplié partout au États-Unis. Ils ne sont par contre que rarement abordables.
quelques exemples :


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sources

C’est vrai qu’il reste encore quelques différences entre les régions. Au Québec, on utilise plus de briques et de panneaux d’aluminium (entre autre). Ça reste dans tout les cas très peu inspiré.
La conclusion : c’est plus profitable de faire simple que de réinventer la roue.

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Planète bleue, idées vertes Des balcons pour mieux vivre

PHOTO FEDERICO ROSTAGNO, ALAMY STOCK PHOTO

Le Bosco, à Milan, reconnu mondialement pour ses tours d’habitation entièrement végétalisées

La pandémie a provoqué un vent de changement dans les règles de construction résidentielle de plusieurs grandes villes. La cible : multiplier les balcons, terrasses, coins pelouse et espaces verts.

Publié à 7h00

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Sara Champagne
Sara Champagne La Presse

Conscients de l’impact du confinement sur la santé de ses citoyens, les élus de Rennes, en France, ont réussi le tour de force d’obliger les architectes à inclure des balcons à leurs dessins. Une mesure s’alignant avec la nouvelle réalité du télétravail.

Dorénavant, il est obligatoire de prévoir pour toute nouvelle construction un « espace extérieur privatif » d’au moins 4 m². Les logements pour personnes âgées et ceux pour étudiants sont particulièrement visés. Une mesure qualifiée d’« inédite », selon l’administration municipale de Rennes, dont la taille de la population se compare à celle de la ville de Québec.

PHOTO TIRÉE DU SITE LAPROVENCE.COM

Les élus de Rennes, en France, ont réussi le tour de force d’obliger les architectes à inclure des balcons à leurs plans.

« Le contexte sanitaire, le confinement, a joué dans notre décision, mais aussi le développement de modes de vie un peu différents, comme le télétravail », a résumé Laurence Besserve, vice-présidente de Rennes métropole responsable de l’aménagement et de l’habitat. À l’hôtel de ville, le responsable du service de presse, Lucas Auffret, ajoute que les prévisions démographiques ne sont pas étrangères à ce virage.

Selon les plus récentes données de Rennes, présentées lors d’une vaste consultation publique sur l’adoption d’un Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi), la population va passer de 460 000 à 533 000 résidants d’ici 2035, ce qui nécessitera la création de 65 000 nouveaux logements.

Gym en plein air

En plein hiver, à l’angle des rues Robert-Bourassa et Ottawa, il est difficile d’imaginer à quoi ressemblera l’ambitieux complexe immobilier Odea Montréal, s’inspirant de la nature. S’inspirant de la forêt.

Mais au printemps prochain, les plans de construction avec des choix de finition « boréal, laurentienne ou taïga » commenceront à prendre forme. Mathieu Millette, architecte et vice-président du groupe Cogir, estime que le balcon a toujours été une exigence au Québec, ironiquement même auprès des gens qui ne l’utilisent pas.

PHOTO TIRÉE DE LINKEDIN

Mathieu Millette, architecte et vice-président du groupe Cogir

Le balcon, c’est culturel. Mais toute une réflexion s’est amorcée avec la pandémie, le confinement, avec les résidences pour personnes âgées où les entrées et sorties ont été contrôlées. Ça va jusqu’aux choix de matériaux antibactériens.

Mathieu Millette, architecte et vice-président du groupe Cogir

« Et il y a une plus grande sensibilité aux espaces extérieurs communs. On peut imaginer que des gyms extérieurs seront aménagés dans des types d’immeubles où l’on ne voyait que des gyms intérieurs », ajoute-t-il.

Plan d’urbanisme

Dans cette mouvance, les élus de la Ville de Montréal ont adopté un document intitulé Projet de ville : vers un plan d’urbanisme et de mobilité. L’ébauche servira à dépoussiérer le plan d’urbanisme actuel, datant de 2004, pour définir l’avenir bâti de Montréal jusqu’en 2050. Les balcons feront partie de la réflexion, assure-t-on.

Responsable de l’urbanisme et membre de l’exécutif, Robert Beaudry explique que la population montréalaise souhaite plus que jamais des milieux de vie complets, avec espaces verts, parcs, commerces de proximité. Elle veut des logements abordables de qualité, adaptés aux différents besoins.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Robert Beaudry, responsable de l’urbanisme et membre de l’exécutif de la Ville de Montréal

« On a tiré énormément de leçons de la pandémie, dit-il. On s’est rapprochés, on a vu un fort retour du sentiment de communauté, de partage, plus que jamais, la vie de quartier est devenue essentielle. On a vu la force de la mixité des usages en ville, comme le centre-ville habité qui nous a permis de remonter la pente beaucoup plus rapidement que d’autres grandes métropoles. Tout ça a eu pour effet d’exacerber plein de besoins qui existaient avant la pandémie, mais qui sont devenus indispensables pour les citoyens. »

Montréal « balconville »

Passionné par l’environnement urbain, Philippe Lupien, architecte et professeur de l’École de design de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), fait remarquer que Montréal a longtemps été surnommé « balconville ». C’est surtout en référence aux nombreux plex conçus avec un petit escalier en colimaçon menant à un balcon, précise-t-il.

Le spécialiste croit que Montréal est en train de passer à un autre niveau en matière de balcons et d’aménagement. On s’inspire de plus en plus de projets grandioses, comme le Bosco, à Milan, reconnu mondialement pour ses tours d’habitation entièrement végétalisées.

PHOTO AGF SRL, ALAMY STOCK PHOTO

Le Bosco, à Milan

« On voit de plus en plus de loggias [balcons en partie couverts et encastrés], surtout en hauteur. Dans les nouveaux complexes, on installe de plus en plus de conduites de gaz naturel pour les relier au barbecue. Je crois qu’on verra de plus en plus de toitures en pente, des verrières, des écosystèmes intégrés aux immeubles », explique M. Lupien.

À Montréal, plus de la moitié (58 %) de la population vit dans des habitations de type logement, ajoute la directrice générale du Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM), Véronique Fournier. La dirigeante a justement assisté aux Rencontres européennes de la participation publique, qui se tenaient dans la ville de Rennes, l’automne dernier.

Elle estime que la construction de nouveaux immeubles doit être axée sur des milieux de vie favorables à la santé. Il ne faut pas négliger les initiatives pour combattre les îlots de chaleur.

« Il est impératif pour Montréal de voir plus large que le balcon, avec l’aménagement urbain et l’accès à des espaces verts, à des parcs, à une vie de quartier. On n’a pas un cadre bâti comparable à Rennes. Avec la pandémie, on a appris, on a ouvert des pistes cyclables, des parcs, des rues sont devenues piétonnes. Pourquoi ne pas élargir la réflexion pour atteindre 30 % d’espaces verts ? », demande-t-elle.

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Innovations architecturales La révolution des balcons

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Les lignes gracieuses des balcons jouent un grand rôle dans le maillage entre les anciens bâtiments industriels et le nouveau campus de l’Université de Montréal.

Une fois par mois, La Presse jette un regard sur les innovations architecturales qui façonneront le Montréal de demain.

Publié à 12h00

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André Laroche Collaboration spéciale

De simples balcons peuvent-ils faire une différence dans l’empreinte carbone d’un grand immeuble ? Absolument, si l’on en juge par l’immeuble résidentiel Vivre1, signé par l’architecte montréalais Maxime Frappier.

Cette habitation de 150 logements, construite l’an dernier sur les terrains de l’ancienne gare de triage d’Outremont, se démarque par ses gracieux balcons asymétriques. À la fois sobres et sophistiqués, ils jouent un grand rôle dans le maillage entre les anciens bâtiments industriels et le nouveau campus de l’Université de Montréal. L’ensemble forme de jolies alvéoles aux lignes beaucoup plus élégantes que d’ennuyeux balcons rectilignes.

PHOTO FOURNIE PAR ACDF ARCHITECTURE

Les balcons conçus pour le projet Vivre1 sont isolés de la structure du bâtiment pour éviter qu’ils transmettent la chaleur de l’été et le froid de l’hiver.

Mais ces balcons ne sont pas simplement une réussite esthétique. Ils améliorent aussi le bilan énergétique de l’immeuble. Comment ? Tout d’abord, leur fabrication en usine génère peu de déchets. Ils sont aussi isolés de la structure du bâtiment, ainsi ils ne transmettent pas aux logements la chaleur de l’été ni le froid de l’hiver.

« Juste trois moules faciles à fabriquer avec un minimum de déchets. Simple, distinctif et durable », résume Maxime Frappier, qui prévoit un avenir florissant pour la préfabrication. « Les avantages sont nombreux. Le contrôle de la qualité, la fermeture rapide de l’enveloppe extérieure du bâtiment, des rues rapidement dégagées, le bruit et la poussière réduits au minimum… Tout cela contribue à l’acceptabilité du projet », souligne-t-il.

Inspiration de la côte du Pacifique

La simplicité de ce design est le fruit d’une longue démarche, amorcée il y a plus de cinq ans, par l’équipe de Maxime Frappier, président du cabinet ACDF Architecture. L’élément déclencheur de cette réflexion ? Le mandat de concevoir une luxueuse tour d’habitation de 39 étages au centre-ville de Vancouver.

Or, il n’est pas aisé pour une équipe d’architectes de concilier le design et les ambitieuses exigences vertes instaurées par cette municipalité. Les professionnels font face à une réglementation impitoyable – « aucune dérogation admise », précise Maxime Frappier – sur la protection des paysages et des zones d’ensoleillement, ainsi que sur l’efficacité énergétique.

« À ce chapitre, l’ouest du pays a une longueur d’avance sur nous », affirme Maxime Frappier, qui a fait sa marque en 2014 en dessinant le nouveau centre de congrès de Vancouver. « Quand on regarde le nouveau code de l’énergie du Québec, cela nous ramène à ce qu’on nous demandait là-bas il y a 10 ans. »

« Par exemple, l’une des normes imposées là-bas limite à 40 % la fenestration des bâtiments, question d’optimiser l’isolation. Nous qui pensions utiliser des murs-rideaux pour notre tour d’habitation, il a fallu tout jeter à la poubelle, se rappelle-t-il. Cela nous a obligés à développer le projet avec un regard beaucoup plus sérieux sur le développement durable. »

Esthétisme et énergie

De retour à la table à dessin, les troupes d’ACDF Architecture ont porté une attention particulière aux balcons. Pourquoi ? Tout d’abord, ils sont un élément essentiel à l’esthétisme de l’immeuble. En second lieu, ils influencent beaucoup l’empreinte carbone de la construction.

Les retailles des coffrages de formes diverses prennent souvent le chemin du dépotoir.

« Si je conçois un motif qui oblige le constructeur à jeter le tiers des matériaux, c’est inacceptable », croit Maxime Frappier.

De plus, les balcons construits traditionnellement transforment bien souvent un immeuble en gouffre énergétique.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

L’architecte montréalais Maxime Frappier, président du cabinet ACDF architecture, apporte un soin particulier aux balcons des bâtiments de grande hauteur.

Si le balcon est le prolongement de la dalle intérieure en béton, il refroidit l’appartement en hiver et le réchauffe en été. On doit alors ajouter une plinthe électrique et un climatiseur. C’est de l’énergie gaspillée.

Maxime Frappier, président du cabinet ACDF Architecture

Les balcons en recul, c’est-à-dire encastrés dans la façade et invisibles de la rue, peuvent aussi sérieusement plomber la performance énergétique d’un immeuble, affirme M. Frappier. « Si je dois ajouter un ou deux murs de 7 pi pour reculer une partie de la façade, cela augmente d’un à deux tiers la longueur de l’enveloppe extérieure. C’est énorme ! »

PHOTO FOURNIE PAR ACDF ARCHITECTURE

La luxueuse tour d’habitation The Pacific, signée par l’architecte Maxime Frappier, se distingue par son alternance de balcons triangulaires de pleine longueur, avec des sous-faces teintées de diverses nuances de gris.

La réflexion a porté ses fruits. Finalisée l’an dernier, la tour de Vancouver se distingue dans le paysage de la métropole par l’alternance de ses grands balcons triangulaires. Ce projet a obtenu la certification LEED Or décernée par le Conseil du bâtiment durable du Canada.

Raffinement

Cette réussite technologique, à Vancouver comme à Montréal, a convaincu le cabinet montréalais de poursuivre le raffinement de son concept.

IMAGE FOURNIE PAR ACDF ARCHITECTURE

La tour Barclay, prochainement construite à Vancouver, bénéficiera de la troisième génération de balcons créés par l’équipe de Maxime Frappier.

Pour un nouveau projet de grande tour résidentielle récemment accepté à Vancouver, il a créé une répétition de gracieux balcons en gouttes d’eau inversés, dans un assemblage très organique. À peine trois coffrages seront nécessaires pour mouler du béton léger d’un pouce d’épaisseur.

Cette nouvelle avancée laisse tout de même plusieurs questions en suspens, précise Maxime Frappier. Un balcon est-il vraiment nécessaire pour un logement situé au 30e étage ? Ne vaudrait-il pas mieux les limiter aux 10 premiers étages et ajouter de grandes terrasses communes accessibles à tous ?

« Les balcons sont un bel exemple des changements majeurs qu’on est en train de vivre. Ils offrent plein d’occasions pour trouver l’équilibre entre l’efficience et le design », conclut-il.

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Architecture et aménagement du territoire Ce n’est pas le moment de baisser la barre

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

L’étalement urbain est néfaste à long terme, selon les auteurs.

Le printemps 2023 sera-t-il celui du virage en aménagement du territoire ? Si nous sommes aujourd’hui des dizaines, de tous les domaines d’expertise et de la société civile, à signer ce texte pour exhorter le gouvernement à agir à la hauteur de l’enjeu, c’est que certains signaux ne sont pas rassurants. Bien que l’essentiel des principes d’un aménagement durable du territoire se retrouve dans la vision stratégique de la politique adoptée en juin dernier, nous attendons de les voir percoler dans le discours gouvernemental et surtout dans ses actions.

Publié le 18 mars

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Charles Milliard

Charles Milliard Président-directeur général de la Fédération des chambres de commerce du Québec

Claudel Pétrin-Desrosiers

Claudel Pétrin-Desrosiers Médecin, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement, et 40 autres signataires*

Les défis de notre époque sont presque tous liés à l’organisation de nos milieux de vie. Lourd bilan énergétique, pénurie en habitation, crise de la biodiversité, destruction du patrimoine et banalisation des paysages, vulnérabilité aux risques climatiques, pressions sur le territoire agricole, dégradation de la condition physique des enfants : tout cela trouve en partie sa source dans une organisation territoriale très loin d’être optimale.

Freiner l’étalement urbain, miser sur la sobriété foncière, la proximité et le verdissement, accroître la qualité architecturale et paysagère du cadre bâti, consolider les centres-villes et les noyaux villageois sont des stratégies efficaces et nécessaires pour protéger l’environnement et améliorer la santé de la population, favoriser l’équité et soutenir une certaine prospérité.

Quel que soit le problème, l’aménagement du territoire fait partie de la solution.

Si le gouvernement a bien saisi l’ampleur du défi et l’urgence d’agir, il doit présenter un plan de mise en œuvre de la politique qui soutienne, intègre et généralise le virage nécessaire dans les politiques publiques.

Soutenir

Tant à la planification qu’à la construction, il faut propulser des projets exemplaires partout au Québec. Car si elle permettra, à terme, des économies substantielles, la transformation des pratiques implique aussi des investissements. Par exemple, pour décontaminer des terrains stratégiquement situés, transformer des bâtiments, réaménager des rues et développer les transports collectifs et actifs.

Pour voir se multiplier les écoquartiers et les rues principales florissantes, et ainsi répondre en même temps à la crise du logement et à la crise climatique en créant des milieux de vie complets, il faut financer massivement des projets qui participent directement à l’objectif de la politique : un aménagement plus durable du territoire. L’absence de telles mesures incitatives, vastement réclamées, constituerait une véritable rebuffade.

Intégrer

Tous les ministères et organismes prennent des décisions qui vont s’ancrer durablement sur le territoire. Une réelle exemplarité de l’État et le développement d’un réflexe de cohérence territoriale, dans tous les secteurs et à toutes les échelles, sont indispensables au succès de la politique.

Pensons à la localisation du futur hôpital à Gatineau, où la mobilisation locale a permis d’éviter ce qui promettait d’être une erreur monumentale, en rappelant au gouvernement l’importance d’un emplacement central et accessible en transport en commun.

D’ailleurs, parmi les clés de succès, il est nécessaire d’accroître la planification intégrée de deux concepts qui ont été par le passé trop souvent traités en silo, soit l’aménagement et les transports.

Généraliser

Il faut un leadership gouvernemental fort : les enjeux sont trop collectifs pour s’en remettre uniquement au sens des responsabilités dans chacune des collectivités québécoises. De plus, comme plusieurs acteurs municipaux l’ont souligné, les municipalités sont en concurrence pour attirer de nouvelles familles, de nouveaux emplois, des commerces, etc.

Celles qui prennent sans attendre le virage d’un urbanisme plus durable doivent être saluées. Mais pour assurer l’équité et faire en sorte que l’exception devienne la norme, l’État doit changer les règles pour toutes. Sans quoi, l’étalement urbain endigué à un endroit risque fort de déborder à un autre endroit.

Accélérer

Avec le plan de mise en œuvre de la politique nationale, il faudra agir vite, efficacement et partout. Réviser la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme est, à cet égard, une avenue pertinente. Mais pour porter ses fruits, cette révision législative ne peut pas et ne doit pas se limiter à un simple rafraîchissement des procédures. La nouvelle loi devra rendre obligatoires de réels changements de pratiques. Même chose pour les orientations gouvernementales en aménagement du territoire.

Le temps presse. Chaque mois de retard revient à s’enliser plus profondément dans un mode de développement énergivore, consommateur de ressources et de territoire et néfaste à la santé. Tout ce que nous construisons encore selon l’ancien modèle creuse notre déficit environnemental et social et s’ajoute à la somme des problèmes que nous devrons résoudre par la suite.

Ces 24 derniers mois, nous avons été des milliers à « parler territoire », avec la confiance que le gouvernement aurait le courage d’agir. Ce n’est pas le moment de baisser la barre. La montagne ne peut pas accoucher d’une souris.

  • Cosignataires : Béatrice Alain, directrice générale du Chantier de l’économie sociale ; Thomas Bastien, directeur général de l’Association pour la santé publique du Québec ; Gérard Beaudet, urbaniste émérite, professeur titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal ; Aline Berthe, directrice générale de Voyagez Futé et CGDEML, représentante des Centres de gestion des déplacements métropolitains ; Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal ; Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec ; Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec ; Éric Cimon, directeur général de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec ; Geneviève Cloutier, professeure à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional - ÉSAD, directrice du Centre de recherche en aménagement et développement - CRAD, Université Laval ; Leila Copti, présidente de COPTICOM - Stratégies et Relations publiques ; Pierre Corriveau, président de l’Ordre des architectes du Québec ; Gabrielle Desbiens, coprésidente du Réseau des Conseils régionaux de la culture du Québec ; Jérôme Dupras, professeur agrégé et titulaire de la chaire de recherche du Canada en économie écologique de l’Université du Québec en Outaouais ; Johanne Elsener, présidente de Santé Urbanité ; Catherine Fernet, présidente de l’Association des architectes paysagistes du Québec ; Jean-Marc Fournier, président-directeur général de l’Institut du développement urbain ; Sylvain Gariépy, président de l’Ordre des urbanistes du Québec ; Michel Gariépy, professeur et urbaniste émérites à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal ; Renée Genest, directrice générale d’Action patrimoine ; Catherine Hallmich, responsable des projets scientifiques de la Fondation David Suzuki ; Louise Harel, ancienne ministre des Affaires municipales et de la Métropole, ancienne présidente de l’Assemblée nationale du Québec et élue municipale ; Florence Junca-Adenot, professeure associée aux études urbaines de l’UQAM ; Mélanie Lelièvre, directrice générale de Corridor appalachien ; Laurent Levesque, directeur général de l’Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant (UTILE) ; Philippe Lupien, architecte, architecte paysagiste et professeur, Design de l’environnement, UQAM ; Jean-Philippe Meloche, professeur et directeur de l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage à l’Université de Montréal ; Léa Méthé, directrice générale d’Écobâtiment ; Charlotte Montfils-Ratelle, coordonnatrice générale d’Arpent ; Geneviève Morin, présidente-directrice générale de Fondaction ; Sylvain Paquette, titulaire de la chaire en paysage et environnement et professeur titulaire à la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal ; Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal ; Ron Rayside, architecte associé chez Rayside Labossière ; Jean-François Rheault, président-directeur général de Vélo Québec ; Maxime Rodrigue, président-directeur général de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec ; Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville ; Colleen Thorpe, directrice générale d’Équiterre ; Juan Torres, Ph. D., urbaniste, professeur titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal ; Marie-Odile Trépanier, urbaniste émérite, professeure honoraire, École d’urbanisme et d’architecture de paysage, Université de Montréal ; Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement ; Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec
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Aménagement du territoire : le « manque d’ambition » du gouvernement Legault dénoncé

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, est responsable de la réforme de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme.

Photo : La Presse canadienne / Jacques Boissinot

Alexandre Duval (accéder à la page de l’auteur)

Alexandre Duval

Alexandre Duval

Publié à 4 h 01

« Une occasion manquée » : la réforme de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme déposée en mars par le gouvernement Legault ne répond pas aux attentes de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ). « Il est nécessaire de bonifier le projet de loi », plaide l’OUQ, sans quoi « le changement de paradigme attendu » ne risque pas d’avoir lieu.

Dans son mémoire qui sera présenté à l’Assemblée nationale jeudi, premier jour des consultations publiques sur le projet de loi 16, l’OUQ écrit que le Québec doit faire face à plusieurs défis majeurs en matière d’aménagement du territoire.

Étalement urbain, empiétement sur les terres agricoles, destruction des milieux humides et naturels, dépendance à l’automobile, milieux de vie dont la qualité laisse à désirer, énumère le document dont Radio-Canada a obtenu copie.

Si l’OUQ admet que le projet de loi 16 présenté par la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, contient des bonifications pertinentes, il dénonce du même souffle le manque d’ambition de cette réforme qui est pourtant plus urgente que jamais.

« Ce n’est pas ce qui est dans le projet de loi qui pose problème, c’est ce qui n’y est pas. »

— Une citation de Extrait du mémoire de l’Ordre des urbanistes du Québec

Pressions politiques redoutées

Parmi les bonifications contenues dans le projet de loi 16, l’OUQ salue la volonté de créer un bilan national en aménagement du territoire. Tous les cinq ans, le ou la titulaire de ce ministère devrait faire un état de la situation, y compris une reddition de comptes sur l’atteinte des cibles gouvernementales.

Dans son mémoire, l’OUQ reconnaît que l’absence d’outils de suivi dans l’actuelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme est une lacune importante. Cependant, l’OUQ craint que le bilan proposé soit sujet aux pressions politiques puisqu’il relèverait directement de la ministre.

« Nous ne doutons pas du sérieux de la proposition, mais nous craignons que la tentation soit forte d’adoucir des constats moins reluisants pour le gouvernement élu ou que les responsables évitent de poser des questions difficiles. »

— Une citation de Extrait du mémoire de l’Ordre des urbanistes du Québec

Pour cette raison, l’OUQ propose d’amender le projet de loi 16 pour que le bilan national soit confié à une nouvelle instance qui aurait comme rôle d’analyser l’impact territorial des projets gouvernementaux et qui constituerait un mécanisme puissant pour assurer l’amélioration continue des pratiques.

L’Alliance ARIANE, qui regroupe des organisations et des experts en matière d’aménagement du territoire, propose également qu’une nouvelle instance indépendante soit créée. Dans son mémoire, dont Radio-Canada a aussi obtenu copie, l’Alliance réclame que le bilan national soit fait aux deux ans plutôt qu’aux cinq ans.

Ce suivi quinquennal apparaît trop peu fréquent [compte tenu du] caractère urgent de la transformation de plusieurs pratiques pour faire face aux problèmes actuels, tels que la crise climatique, l’érosion de la biodiversité ou la pénurie en habitation, écrit l’Alliance.

Le projet de loi 16 de la ministre Laforest contient près de 200 articles.

Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

Assurer une pérennité

L’Alliance ARIANE et l’OUQ s’entendent sur une autre modification qu’ils jugent nécessaire : la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, qui contient les grandes orientations du gouvernement, doit être officiellement inscrite dans la loi.

De cette manière, la légitimité de cette politique adoptée au printemps 2022 par le gouvernement Legault serait renforcée, plaide l’Alliance ARIANE, et sa pérennité serait aussi assurée.

« La Politique nationale ne peut pas rester une initiative isolée et soumise au bon vouloir et à la variabilité des priorités gouvernementales. »

— Une citation de Extrait du mémoire de l’Alliance ARIANE

Une telle inscription dans la loi obligerait le gouvernement à réviser périodiquement sa politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, estime l’OUQ, de la même manière que le ministère de l’Environnement doit le faire avec le Plan pour une économie verte.

Une place pour les Autochtones

L’OUQ souhaite également que le préambule du projet de loi 16 soit renforcé pour reconnaître que le territoire est une ressource limitée et précieuse, ce qui appelle une utilisation judicieuse et sobre.

De plus, l’OUQ déplore que la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme ne fasse aucune mention des peuples autochtones, ce qui devrait être corrigé dans le préambule pour indiquer que le territoire du Québec est partagé avec les nations autochtones.

Une obligation de prendre en compte les [préoccupations] des communautés autochtones devrait d’ailleurs être instaurée, selon l’OUQ.

« Il n’y a aucune reconnaissance de leur présence millénaire sur le territoire, aucun devoir de consultation, aucune prise en compte de leurs droits, de leurs préoccupations et de leur vision de l’avenir de leurs territoires traditionnels. En 2023, c’est inacceptable. »

— Une citation de Extrait du mémoire de l’Ordre des urbanistes du Québec

En matière de référendums, le projet de loi 16 prévoit donner plus de pouvoir aux municipalités pour qu’elles puissent faire passer certains projets de densification sans qu’ils aient la possibilité d’être soumis à un plébiscite de la population.

L’OUQ souhaite toutefois que le gouvernement saisisse l’occasion de faire une réforme plus en profondeur des processus référendaires en urbanisme afin d’y assujettir seulement les modifications ayant des impacts majeurs sur les milieux.

Notre vision est de mettre en place les conditions pour permettre une plus grande inclusion de la population dans les grandes discussions sur l’avenir des collectivités, et ce, tout en réduisant les risques de blocage par un petit nombre qui sont contraires à l’intérêt collectif, explique l’OUQ.

Trois jours de consultations

Outre l’OUQ et l’Alliance ARIANE, plusieurs autres intervenants prendront la parole à l’occasion des consultations publiques sur le projet de loi 16. Trois journées de consultations sont prévues, soit le 6 avril, le 18 avril et le 19 avril.

L’Union des municipalités du Québec ainsi que la Fédération québécoise des municipalités figurent parmi les premières organisations à se prononcer.

La Ville de Montréal et la Ville de Québec présenteront elles aussi des mémoires, tout comme la Société pour la nature et les parcs Québec, l’organisme Vivre en ville et l’Union des producteurs agricoles, entre autres.

Cette réforme de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme – la première vraie révision en profondeur de cette loi dont l’adoption remonte à 1979 – est un des premiers gestes que le gouvernement doit poser pour parvenir à mettre en œuvre sa politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire.

Alexandre Duval (accéder à la page de l’auteur)

On se pose beaucoup de questions sur les critères imposés par la Ville de Montréal et aussi sur le respect de la part du promoteur des plans produits par le bureau architectes engagé par ce dernier. Voici quelques documents sur le sujet:

OBJECTIFS CRITÈRES D’ÉVALUATION DES PROJETS

(partie Ville de Montréal)

Tandis qu’ici il est question notamment de Contrats client-architecte

C’est d’ailleurs la responsabilité de l’architecte de surveiller l’exécution du projet tel que prévu dans les plans approuvés par le promoteur

https://chop.raic.ca/fr/chapter-2.2

Texte d’opinion sur le projet de loi 16

La participation citoyenne en urbanisme placée sur la voie de garage


Photo: Grzegorz Malec Getty Images
Le projet de loi n°16, Loi modifiant la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, est actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale du Québec.

Malorie Flon, Julie Caron-Malenfant et Véronique Fournier
Les autrices sont respectivement directrice générale de l’Institut du Nouveau Monde, présidente de l’Office de participation publique de Longueuil et directrice générale du Centre d’écologie urbaine de Montréal. Elles cosignent ce texte avec dix professeurs et spécialistes.
19 avril 2023
IDÉES
Idées

Alors que les députées et députés à l’Assemblée nationale étudient en ce moment le projet de loi 16, qui modifie la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, nous souhaitons porter à l’attention du public que la réforme actuellement dans les cartons risque de marquer un recul important en matière de participation citoyenne.

Cette réforme devrait être une occasion pour que le cadre légal se mette au diapason des défis énormes qui caractérisent le développement du territoire et des communautés qui y vivent. Or, dans son état actuel, le projet de loi 16 n’est pas à la hauteur de ce que le Québec est en mesure de faire pour faciliter la participation et la prise en main de leur propre développement par les actrices et acteurs locaux et régionaux, citoyennes et citoyens inclus.

D’abord, le projet de loi propose d’abroger les dispositions concernant les politiques de participation publique. Ensuite, il ajoute des exceptions au processus d’approbation référendaire. Enfin, il fait de la consultation écrite la nouvelle norme pour les municipalités en lieu et place de l’assemblée publique.

Des dispositions qui disparaissent

Nous déplorons les articles du projet de loi 16 qui abrogent à la fois le cadre de référence sur la participation publique en aménagement du territoire et le Règlement sur la participation publique (lequel permet aux municipalités de se soustraire à l’approbation référendaire à certaines conditions).

Rappelons que ce règlement a été adopté en 2017 à la suite des recommandations d’un groupe de travail. Il a eu un effet fort positif sur la reconnaissance de la participation publique : le nombre de municipalités dotées d’une politique de participation publique est passé de quelques-unes à plusieurs dizaines, alors que bien peu ont choisi de se soustraire à l’approbation référendaire. N’en demeure pas moins que depuis 2017, nous avons observé une amélioration notable de la manière dont la participation publique est comprise et, surtout, menée à l’échelle du territoire.

L’abrogation des dispositions concernant la participation publique risque d’ouvrir la voie à davantage d’improvisation, mais surtout ne nous permet pas d’envisager que les projets soumis bénéficient des améliorations qui proviennent d’une variété de perspectives et de savoirs.

Nous proposons donc d’introduire l’obligation pour les municipalités ou MRC d’adopter et de maintenir en vigueur une politique de participation publique propre à préserver des objectifs de participation active en amont des décisions, de fixation de délais adaptés aux circonstances et de balises de rétroaction. Et cela, tout en leur donnant la flexibilité d’adapter leurs pratiques à leurs réalités et moyens.

De nouvelles exceptions à l’approbation référendaire

Cela est d’autant plus nécessaire que le projet de loi 16 introduit de nouvelles exemptions au processus d’approbation référendaire, et du même coup, justifie l’abrogation du cadre de participation publique.

Dans le contexte actuel, l’exemption référendaire pour des équipements collectifs, par exemple, semble requise afin d’éviter les oppositions que plusieurs n’ont pas hésité à qualifier de « pas dans ma cour ». Or, ce faisant, le projet de loi 16 passe à côté du problème : comment susciter et encadrer une participation publique constructive et susceptible d’influencer positivement les décisions publiques ? Cette question demeure incontournable, car même avec les meilleures intentions, un projet peut rater sa cible.

Surtout, cela ne devrait pas empêcher la mise en place d’un chantier sur l’approbation référendaire en urbanisme, pour explorer une réforme en profondeur plutôt que de procéder à la pièce en introduisant une série d’exceptions. C’est aussi ce que propose l’Ordre des urbanistes du Québec.

Car si le législateur décidait de retirer à la population le droit de s’opposer par voie de référendum, il faudrait en contrepartie lui donner au minimum la possibilité de formuler ses commentaires et d’être entendu par l’entremise de dispositifs formels et de privilégier que cette contribution se fasse en amont des projets.

La consultation écrite, nouvelle panacée ?

Le projet de loi 16 introduit la consultation écrite comme mode de participation privilégié par défaut, avec une durée minimale de deux semaines, selon des modalités publiées dans un journal local.

Ces exigences minimales sont insuffisantes et de nature à faire reculer la participation. Ce mode de consultation évacue la possibilité de débattre et ainsi d’alimenter et d’enrichir la réflexion. De plus, nombre de nos concitoyennes et concitoyens vives des problématiques liées à la littératie ou ne sont simplement pas branchés sur Internet, par choix ou par dépit.

À cela s’ajoute l’absence d’un cadre de référence plus substantiel, comme proposé par les principes de la participation publique qu’on souhaite abroger dans la nouvelle version de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Nous craignons d’observer un déséquilibre dans les rapports de pouvoir et une fragilisation du lien de confiance entre la population et les gouvernements locaux.

Dans un contexte de participation démocratique malmené par la désinformation, la polarisation des opinions, la méfiance grandissante à l’égard des institutions publiques et la lente mais constante baisse du taux de participation aux élections municipales, ne manquons pas l’opportunité de mieux légiférer pour susciter et améliorer la contribution des citoyennes et des citoyens à la vitalité des territoires et de notre démocratie.

En 2023, nous n’avons pas les moyens collectivement d’envoyer la participation citoyenne sur la voie de garage.

*Ont aussi signé cette lettre :

  • Pierre Baril, ex-président du Bureau d’audiences publique en environnement (BAPE)
  • Laurence Bherer, professeure au Département de science politique de l’Université de Montréal
  • Luc Doray, ex-secrétaire général de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM)
  • Laurent Gauthier, pour le conseil d’administration de l’ESSA, un regroupement d’entreprises d’économie sociale et solidaire en aménagement du territoire et en design
  • Louise Harel, ministre de la Métropole et des Affaires municipales de 1998-2002
  • Maude Marquis-Bissonnette, professeure adjointe à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) en gestion municipale
  • David-Martin Milot, professeur à l’Université de Sherbrooke et médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive
  • Florence Paulhiac Scherrer, professeure titulaire à l’ESG UQAM et titulaire de la Chaire internationale sur les usages et pratiques de la ville intelligente
  • Louise Roy, ex-présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM)
  • Louis Simard, professeur à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa
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Demandes d’exclusion d’activités minières Les villes se heurtent à Québec

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Dans son nouveau schéma d’aménagement, la MRC de Vaudreuil-Soulanges indique que selon « un principe de précaution », le mont Rigaud, que l’on peut voir en arrière-plan sur notre photo, devrait être identifié comme un territoire incompatible avec l’activité minière. Mais un premier projet soumis par la MRC a été refusé par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts.

Soucieuses de protéger leur territoire, une trentaine de villes et de MRC ont soumis à Québec des secteurs qu’elles jugent incompatibles avec l’activité minière. Or, la majorité de leurs demandes d’exclusion se sont heurtées à un refus, a constaté La Presse.

Publié à 5h00

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Éric-Pierre Champagne

Éric-Pierre Champagne La Presse

Les deux tiers des demandes refusées par Québec

De nombreuses municipalités du sud de la province se mobilisent afin d’interdire toute activité minière sur des portions de leur territoire. Mais la majorité des demandes des élus municipaux se heurtent à un refus de Québec, a constaté La Presse.

Depuis 2016, les villes et les municipalités régionales de comté (MRC) peuvent délimiter des territoires qu’elles veulent exclure de toute activité minière. Avec la hausse spectaculaire du nombre de claims miniers dans le sud de la province, entraînée par la course à l’électrification des transports, plus d’une trentaine de villes et de MRC ont ainsi désigné des territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM) au cours des six dernières années.

Or, la majorité des demandes déposées au gouvernement du Québec pendant cette période ont d’abord été refusées par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF). Un constat qui inquiète le monde municipal au moment où la ministre des Ressources naturelles, Maïté Blanchette Vézina, tient une consultation sur l’encadrement minier.

Maire de Thurso et préfet de la MRC de Papineau, en Outaouais, Benoit Lauzon se doutait qu’un grand nombre de MRC avaient essuyé un refus de Québec. « On voit la mobilisation dans toutes les MRC. On savait qu’il y en avait beaucoup [des refus]. Ça vient confirmer notre volonté de changer la loi », affirme le maire, qui est également membre du conseil d’administration de l’Union des municipalités du Québec (UMQ).

Danielle Pilette, professeure associée de gestion municipale à l’Université du Québec à Montréal, s’est montrée surprise d’apprendre qu’autant de MRC ont déposé des projets de TIAM. « Ça fait beaucoup de MRC. On est beaucoup dans les terrains de jeu des Montréalais et des gens de Québec. Il y a de la villégiature [dans ces MRC] et des résidences secondaires », note-t-elle.

Selon Mme Pilette, ces nombreux refus de Québec risquent de nuire au développement économique des régions concernées.

Ces refus vont laisser planer une incertitude sur l’aménagement du territoire. C’est ne pas tenir compte du développement économique de ces régions.

Danielle Pilette, professeure associée de gestion municipale à l’UQAM

Benoit Lauzon croit lui aussi que l’incertitude actuelle a un impact. « Il y a des entreprises touristiques qui arrêtent d’investir parce qu’elles craignent de se retrouver avec un claim minier [sur leur territoire] », avance-t-il.

Un pouvoir avec des conditions

En janvier, au cours d’un forum organisé par l’UMQ, les élus ont fait valoir qu’ils n’ont pas véritablement le pouvoir de désigner des portions de leur territoire incompatibles avec les activités minières.

« On nous dit qu’on nous donne le pouvoir, mais ça demeure un pouvoir rattaché à des conditions. Car dans bien des cas, la demande de la MRC est refusée », avait rappelé le président de l’UMQ, Daniel Côté.

Les élus s’inquiètent entre autres de la hausse importante du nombre de claims miniers dans le sud du Québec. Selon une compilation de la Coalition Québec meilleure mine, le nombre de claims miniers a bondi de 408 % entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2022 dans la région de Lanaudière. Les Laurentides et l’Outaouais ont connu des hausses de 71 % et 211 % pendant cette même période.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

En mai 2022, une entreprise de la Colombie-Britannique avait entamé une troisième phase d’exploration minière dans les montagnes de Lac-des-Plages, en Outaouais, afin d’évaluer le potentiel d’y établir une mine à ciel ouvert.

Un claim minier, rappelons-le, est un droit exclusif permettant de vérifier la présence de minerai sur une portion de territoire. Pour moins de 100 $, l’acquisition d’un claim se fait rapidement par l’entremise de la plateforme de gestion de titres miniers (GESTIM) du ministère des Ressources naturelles et des Forêts.

Or, une fois qu’un claim est désigné, les municipalités ont les mains liées et ne peuvent plus inclure ces zones dans leur proposition de territoire incompatible avec l’activité minière. L’UMQ et plusieurs groupes environnementaux demandent que Québec décrète un moratoire sur l’attribution de claims miniers.

QS demande un moratoire

La députée de Québec solidaire et porte-parole en matière de ressources naturelles, Alejandra Zaga Mendez, a déposé mardi un projet de loi qui décréterait un moratoire de deux ans sur l’attribution de nouveaux claims miniers.

« Pendant qu’on fait des consultations, il faut arrêter l’hémorragie, a plaidé la députée solidaire en entrevue avec La Presse. Il faut suspendre l’octroi de nouveaux claims miniers. »

Surtout que ça ne prend que quelques minutes, acheter un claim minier, alors que les municipalités, elles, doivent passer par les 12 travaux d’Astérix pour désigner des TIAM sans l’assurance que leurs demandes seront acceptées

Alejandra Zaga Mendez, députée de Québec solidaire

Questionnée par les partis de l’opposition pendant une séance de la Commission sur l’agriculture, les pêcheries, l’énergie et les ressources naturelles, le 17 mars dernier, la ministre Maïté Blanchette Vézina a affirmé qu’« il serait dangereux de faire un moratoire parce que ça enverrait un message que le Québec ne veut plus faire partie des gouvernements qui souhaitent mettre de l’avant la décarbonisation de la communauté mondiale ».

Selon la ministre, un moratoire n’est pas nécessaire puisqu’il y a les TIAM. « C’est un outil [les TIAM] qui est déjà mis à la disposition des MRC pour se prémunir si elles sont inquiètes du processus d’octroi des claims », a-t-elle signalé lors de cette rencontre.

Le monde municipal juge, de son côté, ne pas détenir de réels pouvoirs puisque Québec a le dernier mot. Selon les informations transmises à La Presse par le ministère des Ressources naturelles, 31 projets de règlement déposés par des villes ou des MRC « ont fait l’objet d’avis de non-conformité du MRNF en lien avec les TIAM ».

Sur les 16 projets jugés conformes par Québec, on trouve ceux des villes de Sherbrooke et de Laval, ainsi que des MRC de Vaudreuil-Soulanges, de Roussillon, mais aussi des MRC de Bonaventure et de Charlevoix, moins urbanisées. Plusieurs des MRC qui ont reçu le feu vert de Québec ont dû revoir à la baisse leurs projets de TIAM pour se conformer aux orientations gouvernementales.

La ministre Maïté Blanchette Vézina a indiqué lors de son interpellation en commission parlementaire qu’elle « était en mode solution ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Maïté Blanchette Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts

J’ai entendu les inquiétudes depuis que je suis en poste. […] Ce sont des préoccupations qui méritent qu’on s’y attarde et qu’elles soient prises en considération.

Maïté Blanchette Vézina, ministre des Ressources naturelles et des Forêts

La consultation s’échelonne jusqu’au 19 mai. Les municipalités, les citoyens, les groupes environnementaux et l’industrie minière sont invités à y participer.

« On sent qu’il y a une écoute, mais ce qui est important pour nous, ce sont des résultats. Ça prend une ouverture claire de la ministre », affirme Benoit Lauzon.

Un article de loi qui change tout

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Selon le ministère des Ressources naturelles et des Forêts, 24 municipalités régionales de comté (MRC) bénéficient actuellement d’une suspension temporaire de l’attribution de nouveaux claims miniers sur leur territoire.

L’abrogation d’un article de loi permettrait de rééquilibrer le rapport de force face à l’industrie minière, selon le monde municipal, des groupes environnementaux et Québec solidaire.

La loi en question, c’est la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU), qui donne préséance aux titres miniers sur toute autre affectation du territoire. L’article 246 de la LAU indique en effet qu’« aucune disposition de la présente loi, d’un plan métropolitain, d’un schéma d’aménagement ou d’une résolution de contrôle intérimaire ou d’un règlement de zonage, de lotissement ou de construction ne peut avoir pour effet d’empêcher la désignation sur carte d’un claim, l’exploration, la recherche, la mise en valeur ou l’exploitation de substances minérales faites conformément à la Loi sur les mines ».

L’Union des municipalités du Québec, la Fédération québécoise des municipalités et des groupes environnementaux demandent que Québec biffe l’article 246 afin que la Loi sur les mines n’ait plus préséance en matière d’aménagement du territoire.

Mais selon Guy Bourgeois, directeur général de l’Association de l’exploration minière du Québec, « rien ne justifie l’abrogation de cet article ». « On pense qu’il y a tous les outils appropriés [dans la loi] pour faire le travail correctement. Ce qui est important, c’est d’avoir un dialogue. […] Pour nous, l’accès au territoire [pour l’exploration minière] est un enjeu majeur », note-t-il.

Un projet de loi déposé mardi par la députée de Québec solidaire Alejandra Zaga Mendez prévoit l’abrogation de l’article 246 de la LAU. « J’invite le gouvernement de la CAQ à saisir la main tendue de Québec solidaire et à adopter mon projet de loi, ce qui peut être fait très rapidement », affirme la députée de Verdun.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Alejandra Zaga Mendez, députée de Verdun, en compagnie de Manon Massé, porte-parole de Québec solidaire

Refuser d’agir maintenant reviendrait à laisser l’industrie minière se précipiter pour acquérir des claims par milliers avant que les règles du jeu ne se durcissent.

Alejandra Zaga Mendez, députée de Québec solidaire

Agir rapidement

À défaut d’un moratoire, plusieurs MRC bénéficient d’une suspension temporaire pour l’attribution de nouveaux claims miniers. Selon le ministère des Ressources naturelles, 24 MRC bénéficient actuellement d’une telle suspension puisqu’elles ont entrepris des démarches pour désigner des portions de leur territoire qu’elles veulent exclure de toute activité minière.

Celle-ci doit cependant être renouvelée tous les six mois et la décision définitive revient à Québec, souligne Éric Pelletier, directeur général à la MRC d’Argenteuil, une MRC dont le projet de territoire incompatible avec l’activité minière (TIAM) a été refusé par Québec en 2021.

La MRC souhaitait protéger 87 % de son territoire de toute activité minière alors que les critères définis par les orientations gouvernementales lui permettraient d’en protéger plutôt 74 %. La suspension temporaire en vigueur depuis 2017 s’applique pour 78 % du territoire de cette MRC des Laurentides.

Selon la Coalition Québec meilleure mine, Québec doit entreprendre « une réforme en profondeur de son régime minier ».

« Le gouvernement ne peut plus prétendre vouloir exploiter des minerais d’avenir avec ses lois désuètes qui encouragent les impacts environnementaux et bafouent les droits des autochtones et des populations locales », affirme son porte-parole, Rodrigue Turgeon.

En savoir plus

  • 267 000
    Selon les calculs de la Coalition Québec meilleure mine, 267 000 claims miniers étaient enregistrés au ministère des Ressources naturelles et des Forêts à la fin de l’année 2022.

Source : Coalition Québec meilleure mine

85 %
En 2021, les dépenses liées aux travaux d’exploration minière au Québec se sont élevées à près de 1 milliard de dollars, en hausse de 85 % par rapport à l’année précédente.

Source : Institut de la Statistique du Québec

La menace de l’éco-embourgeoisement

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Cette ancienne zone asphaltée du quartier Sud-Ouest, à Montréal, a été transformée en ruelle verte.

(Washington) Plusieurs études ont montré que les quartiers pauvres ont une moins bonne qualité d’air. Comment remédier à la situation sans faire de l’« éco-embourgeoisement », ce qui cause un impact négatif sur les populations locales sur le plan du logement, du transport et de l’emploi ? La question a été abordée au plus récent congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS), début mars à Washington.

Publié à 1h33 Mis à jour à 5h00

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Mathieu Perreault
Mathieu Perreault La Presse

Le vert en vogue

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ D’ÉTAT DE L’ARIZONA

Ji Eun Kim et sa famille au congrès annuel de l’AAAS à Washington. Mme Kim a remporté le premier prix de la compétition étudiante.

Les chiffres sont clairs : la densité des espaces verts à Chicago permettait de mieux prédire la valeur des maisons environnantes en 2010 qu’en 1990. Pour arriver à cette conclusion, Ji Eun Kim, de l’Université d’État de l’Arizona, a analysé en détail la valeur des maisons de la métropole du Midwest entre 1990 et 2010, ainsi que l’évolution des espaces verts sur des images satellites. « Il y a eu beaucoup d’études sur l’éco-embourgeoisement [ecogentrification], mais il s’agissait d’analyses sur un quartier en particulier, généralement après un épisode d’embourgeoisement [gentrification] », dit Mme Kim, dont la présentation à l’AAAS a remporté le premier prix de la compétition étudiante.

Nous voulions voir ce qui se passe à l’échelle d’une ville pendant deux décennies. Il semble que les ménages aisés valorisent plus qu’auparavant les espaces verts. Dans les années 1990, l’aménagement d’un espace vert accélérait moins l’embourgeoisement.

Ji Eun Kim, de l’Université d’État de l’Arizona

Terrains vagues et arbres

IMAGE TIRÉE DE WIKIMEDIA COMMONS

Le parc de la High Line à New York est souvent cité comme exemple d’éco-embourgeoisement.

L’étude de Mme Kim, dont une version partielle a été publiée l’an dernier dans la revue Urban Forestry & Urban Greening, permettait aussi de distinguer les parcs des autres espaces verts. « Les espaces verts informels ont un impact beaucoup plus variable sur l’embourgeoisement, dit Mme Kim. Dans certains cas, ils sont un signe de négligence, comme les terrains vagues et les maisons mal entretenues entourées d’herbes folles.

Dans d’autres, ils font partie de la beauté d’un quartier, comme des terrains bien entretenus, des arbres sur le domaine public. Certains chercheurs ont proposé, pour contrer l’éco-embourgeoisement, qu’une municipalité réserve des terrains pour le logement social avant de procéder à des aménagements verts – par exemple, un nouveau parc ou une promenade riveraine. Mais ça alourdit le processus.

Il se pourrait que certains espaces verts informels, comme les arbres dans les rues et des terre-pleins verts plutôt qu’en béton, aient moins d’impact sur l’embourgeoisement. Si ça se confirme, ça serait une manière de verdir les quartiers pauvres sans augmenter les loyers et les prix des maisons. » Dans le cadre de son doctorat sur la justice environnementale, Mme Kim examine en particulier la question des arbres en bordure de rue.

Complexité

L’étude de Mme Kim sera incluse dans un livre sur la justice environnementale et l’éco-embourgeoisement qui sera publié en 2024. « Jusqu’à maintenant, les études sur l’éco-embourgeoisement ont été trop locales pour qu’on tire des conclusions générales pour aider les autorités à mieux planifier les investissements en espaces verts », explique Heather Campbell, de l’Université d’études supérieures Claremont à Los Angeles, qui est l’une des coauteures du livre.

« Nous voulons utiliser une approche reflétant la complexité des choix individuels. C’est la même approche qui est utilisée pour étudier les bouchons de circulation causés par des décisions en apparence anodines. Un conducteur qui ralentit peut causer un arrêt complet de la circulation quelques kilomètres derrière lui. »

Juste assez vert

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE LA VILLE DE NEW YORK

La promenade nature du parc riverain de Newton Creek à Brooklyn

L’une des approches proposées ces dernières années pour contrer l’éco-embourgeoisement est le mouvement « juste assez vert » (just green enough). « C’est l’idée qu’on peut nettoyer les sites industriels désaffectés et les terrains vagues sans les transformer en endroits désirables au point d’attirer des commerces visant des clientèles fortunées, dit Mme Kim. Le concept a été utilisé pour la promenade fluviale Newton Creek à Brooklyn. Elle a été spécifiquement pensée pour ne pas attirer les investissements immobiliers associés à l’embourgeoisement. »

Agriculture urbaine

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Selon une étude publiée en 2020, les jardins communautaires peuvent favoriser l’éco-embourgeoisement quand ils sont utilisés à des fins de loisirs plutôt que dans un objectif d’autosubsistance alimentaire.

La maîtrise de Mme Kim portait sur l’agriculture urbaine. « Certains auteurs ont avancé que l’agriculture urbaine peut mener à l’éco-embourgeoisement quand on traite cette activité comme un passe-temps plutôt que comme un objectif de réduction de notre empreinte carbone. » Mme Kim a envoyé à La Presse une étude publiée en 2020 dans la revue Agriculture and Human Values par des chercheurs américains, qui comparait deux jardins communautaires à New York. Celui d’Astoria était associé à l’embourgeoisement parce qu’il privilégiait l’esthétique, avec notamment une résistance aux structures temporaires nécessaires pour l’agriculture hivernale et le réemploi de matériaux de construction pour construire des cabanes, et un accent sur les activités pour les enfants. Celui d’East New York, situé dans un quartier moins touché par l’embourgeoisement, visait la maximisation de la production agricole.

Pistes cyclables

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

La clientèle du vélopartage serait plus blanche et plus aisée que la moyenne.

Le vélo est au cœur de l’un des débats sur l’éco-embourgeoisement, ainsi que le vélopartage. Les statistiques montrent que les riches utilisent moins le vélo que les pauvres pour se déplacer, mais plusieurs essais ont au fil des ans dénoncé la création de pistes cyclables traversant des quartiers pauvres pour permettre aux gens des banlieues aisées de se rendre au centre-ville, note Mme Campbell.

« C’est aussi un débat où il manque de données systématiques, dit-elle. Je viens tout juste de corriger un travail étudiant sur le vélopartage qui fait une revue de la littérature. Il semble en effet que la clientèle du vélopartage soit plus blanche et plus aisée que la moyenne. Mais cela semble être dû au fait que les demandes sociales de création et d’expansion des réseaux de vélopartage sont faites par des personnes plus aisées. Si les réseaux de vélopartage sont étendus aux quartiers pauvres, leurs habitants en profitent tout autant que les riches. »

À Montréal aussi

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le campus MIL de l’Université de Montréal et ses jardins urbains

L’éco-embourgeoisement a aussi fait débat à Montréal, plus particulièrement avec la réhabilitation des rives du canal de Lachine. D’autres exemples d’éco-embourgeoisement au Québec incluent Parc-Extension, avec les jardins urbains du campus MIL, la revitalisation des berges de la rivière Saint-Charles, à Québec, et une ruelle située entre les rues Sainte-Émilie et Saint-Ambroise, dans Saint-Henri.

En savoir plus

  • 1495
    Nombre de parcs à Montréal

Source : ville de Montréal

1010
Nombre de parcs à Montréal ayant des structures de jeux

Source : ville de Montréal

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Les faux balcons, à quoi ça sert?

Photo: Jason Paré, Métro

Jason Paré

24 juin 2023 à 5h00 3 minutes de lecture

Faux balcon, balcon ornemental, balcon de juliette, balcon à la parisienne : peu importe le nom qu’on lui donne, on observe cette petite avancée de fenêtre de grande taille sur certains immeubles à logements à Montréal, nouvellement construits ou pas. Mais pourquoi tant de promoteurs optent pour cela au lieu de construire de véritables balcons?

Pour répondre à cette question, Métro a interrogé François Racine, architecte et professeur au département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

Surplomber l’espace public

S’il y a des droits acquis pour d’anciens bâtiments, François Racine explique d’entrée de jeu que dans le cas des nouvelles constructions, les balcons ne peuvent pas surplomber le trottoir.

« Si la façade du bâtiment donne directement sur le trottoir, il ne peut pas avoir des éléments en surplomb de l’espace public, précise le professeur. Donc, c’est une façon pour les architectes de simuler l’idée d’un balcon. »

L’installation d’une balustrade – ou garde-corps – contribue évidemment à réduire les risques de chutes par ces fenêtres de grandes tailles, mais permet aussi de se pencher vers l’extérieur, comme si l’on était sur un véritable balcon, et ainsi, d’entrer en quelque sorte « en relation » avec l’espace public.

Ce problème ne se pose pas pour les plex qui ont des escaliers extérieurs, puisque la façade est généralement reculée du trottoir.

Préserver la luminosité

Une autre raison pour laquelle les architectes optent pour les faux balcons, c’est pour éviter de réduire la luminosité dans les logements se trouvant plus bas.

« Dans le cas de bâtiments de 4, 5, 6 étages, les balcons font de l’ombre sur les voisins du dessous, ce qui fait en sorte que les espaces intérieurs sont plus sombres », mentionne François Racine.

Il précise en revanche qu’il est possible de mettre les balcons en quinconce, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas construits un par-dessus l’autre, mais disposés en alternance.

Une question de coût

Opter pour de faux balcons permet aussi de réduire les coûts de construction.

« Ça permet de faire des économies en terme constructif. C’est moins coûteux de faire ça que des balcons », soutient François Racine.

Est-ce que les architectes optent de plus en plus pour les faux balcons dans les nouvelles constructions à Montréal? « J’ai vu plusieurs opérations où on en retrouve, mais on observe aussi de nouveaux logements de trois à quatre étages où il y a des balcons ou encore, des alcôves », note l’architecte. « Donc, on trouve un peu de tout. »

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Québec présente sa Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire


La politique d’aménagement du territoire a été présentée lundi matin par la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et son collègue de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe.
PHOTO : RADIO-CANADA / MARTIN THIBAULT

Stéphane Bordeleau
11 h 25 | Mis à jour à 14 h 59

Le gouvernement du Québec, qui a dépoussiéré le 1er juin dernier sa loi sur l’urbanisme et l’aménagement du territoire – une loi vieille de 43 ans –, dotera sa nouvelle Politique d’une enveloppe de 360 millions de dollars pour en assurer la mise en œuvre.

La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et son collègue de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, ont présenté lundi un plan de mise en œuvre de la nouvelle loi contenant 30 mesures et actions concrètes pour moderniser les pratiques en matière d’architecture et d’aménagement du territoire.

Le but recherché par Québec est d’offrir des milieux de vie encore plus complets, conviviaux et durables à tous les Québécois tout en tenant compte des nouveaux besoins et des défis auxquels fait face le Québec d’aujourd’hui.

Par exemple, les constructions situées en zones inondables, la densification des quartiers, la protection des milieux humides, la protection du patrimoine bâti, la mise en valeur des terres agricoles et des milieux naturels dans les futurs projets d’aménagement, etc.

Consulter la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (Nouvelle fenêtre)

Plan climat

Le plan de mise en œuvre prend également en compte les enjeux que représentent les changements climatiques sur l’aménagement du territoire. C’est pourquoi la politique comprend un plan climat que les municipalités devront adopter.

Dans les orientations, c’est la première mesure obligatoire, si je peux dire, a expliqué la ministre Laforest. Il y a des montants pour prévoir, au niveau des municipalités et des régions, les changements climatiques. En même temps, au ministère des Affaires municipales, on a six programmes en plus qui concernent les changements climatiques.

« Il y a des enjeux qui nous interpellent. Les besoins des municipalités, des villages, des communautés évoluent. […] On doit évoluer avec nos territoires rapidement. »

— Une citation de Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales

Sur la trentaine de mesures que Québec compte déployer pour y parvenir, on trouve quelques nouveautés comme l’instauration d’un système de monitorage qui doit permettre au gouvernement d’évaluer l’atteinte de ses objectifs en aménagement du territoire.

Il sera également possible de mesurer les résultats des décisions en aménagement. Ce système permettra d’ajuster au besoin le cadre d’aménagement pour en optimiser la performance pour ainsi mieux relever les défis sociétaux, explique-t-on dans un communiqué.

Des experts et chercheurs de cinq universités seront mis à contribution pour déterminer les nouvelles cibles en matière de monitorage, a ajouté la ministre Laforest.

La nouvelle politique accorde aussi davantage de place à l’aménagement du territoire dans l’étude des projets gouvernementaux afin que ceux-ci contribuent pleinement à la qualité et au dynamisme des milieux de vie.

« Il y a une démarche qui va privilégier une prise en compte optimale des projets gouvernementaux sur l’aménagement du territoire et l’urbanisme. »

— Une citation de Andrée Laforest, ministre des Affaires municipales

Architecture de qualité

Dans sa nouvelle politique, le gouvernement Legault entend également accorder une plus grande importance à la qualité de l’architecture. En créant un Bureau de la valorisation de l’architecture, on espère élever la qualité architecturale au Québec.

Ce nouveau bureau, qui agira surtout au niveau municipal, aura pour mission de rallier les acteurs du développement autour d’une architecture qui suscite l’adhésion de tous et qui représente un véritable élément de fierté.

On promet par ailleurs des modifications réglementaires qui favoriseront l’émergence d’une architecture innovante et créative, qui mise sur le savoir-faire et les talents.

À ces efforts de mise en valeur d’une architecture de qualité, Québec compte approfondir la connaissance du parc immobilier patrimonial québécois pour assurer un entretien et une gestion durable.

Côté argent, Québec consacre dès maintenant 84,3 millions de dollars, annoncés dans le budget 2023-2024, afin de :

  • Déployer le système de monitorage dans les MRC (17,4 millions $);
  • Soutenir le milieu municipal pour mettre à jour les schémas d’aménagement et de développement des MRC (43,7 millions $);
  • Soutenir la création de trames vertes et bleues (16,5 M$);
  • Créer le Bureau de la valorisation de l’architecture (6,7 M$).

Les 360,4 millions de dollars annoncés assureront le financement de la mise en œuvre de cette politique jusqu’en 2027, soit pour une période de quatre ans.

Pour l’Ordre des urbanistes du Québec, le plan présenté lundi par le gouvernement Legault démontre la volonté du gouvernement de mettre en place des changements concrets en aménagement du territoire.

On salue également la volonté de l’État d’arrimer la fiscalité municipale aux objectifs en aménagement, un sujet que l’Ordre promet de suivre de près.

Toutefois, souligne-t-on, le soutien prévu au milieu municipal en aménagement du territoire se concentre essentiellement sur une aide aux MRC pour la révision des schémas d’aménagement et de développement ainsi que pour la mise en place du monitorage régional.

Selon l’Ordre des urbanistes, ces sommes devront être bonifiées afin d’offrir de l’aide aux municipalités locales pour renforcer [leurs] capacités en urbanisme et soutenir la réalisation de projets concrets d’aménagement durable et d’amélioration des milieux de vie.

L’accueil était somme toute positif à l’organisme Vivre en ville.

Il y a beaucoup de bonnes petites choses dans le plan, reconnaît Christian Savard, directeur général de l’organisme.

De manière générale on salue cette nouvelle politique […] Par sa seule existence c’est un jalon important pour le Québec , commente M. Savard.

Avant, on gérait avec des règles de droit, mais il n’y avait pas d’intention pour mieux faire les choses, pourlimiter l’étalement urbain, pour minimiser notre impact sur l’environnement, pour optimiser la santé… On avait une approche d’un aménagement d’une architecture de promoteurs.

« Si l’État fait mieux les choses par ses propres investissements en infrastructures, on va déjà avoir contribué à la solution en matière d’aménagement et d’architecture. »

— Une citation de Christian Savard, directeur général de Vivre en ville

Que des vœux pieux

Le plan de mise en œuvre est cependant loin d’impressionner le professeur titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, Gérard Beaudet.


L’étalement urbain est l’un des enjeux majeurs sur lesquels doit agir le gouvernement.
PHOTO : ISTOCK

Pour commencer, les 360 millions de dollars annoncés sont selon lui totalement insuffisants pour assumer un tel mandat. C’est à peine 40 % de l’enveloppe budgétaire qui était demandée par les municipalités pour la simple adaptation aux changements climatiques. […] C’est un saupoudrage d’une petite enveloppe budgétaire, a déploré M. Beaudet sur les ondes d’ICI RDI.

Rappelons que les municipalités réclamaient récemment pas moins de 2 milliards de dollars par an au gouvernement pour se préparer à l’impact des changements climatiques.

Et là, on ne parle pas de la crise du logement. On ne parle pas de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine québécois. On ne parle pas des rattrapages en matière d’entretien du parc immobilier et infrastructurel des années 1960-1970 qui tombe en ruine dans certains cas. On est très très loin du compte.

« Ce n’est pas une priorité de ce gouvernement. Tout est inféodé à une obsession de création de la richesse. »

— Une citation de Gérard Beaudet, professeur titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal

Pour Gérard Beaudet, ce que le gouvernement Legault a montré ces dernières années en matière d’aménagement du territoire, de préparation aux changements climatiques et à la crise du logement ne va vraiment pas dans le sens qui est soutenu par la politique d’aménagement et d’architecture qui n’est selon lui qu’un recueil de vœux pieux.

C’est la première fois que l’État québécois se donnait une politique d’aménagement du territoire et d’architecture et au moment du lancement, le premier ministre François Legault n’y était pas, a-t-il fait remarquer.

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Je salue l’intention, mais on verra à l’usage si on s’est véritablement donné les moyens d’élever la qualité architecturale, en mettant concrètement les promoteurs au pas. Pour cela il faudra donner plus de pouvoir aux villes et aussi plus d’argent, surtout à Montréal, afin de faire pression sur les grandes entreprises de construction qui appauvrissent le paysage urbain, en multipliant les projets purement génériques.

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Plus d’audace pour notre territoire

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Freiner l’étalement urbain fait partie des défis du nouveau plan de match en architecture et en aménagement du territoire déposé lundi par le gouvernement caquiste.


Nathalie Collard
Nathalie Collard La Presse

Si le plan de match en architecture et en aménagement du territoire déposé lundi par le gouvernement Legault avait été présenté il y a 10 ans, on l’aurait qualifié d’audacieux.

Publié à 0h54 Mis à jour à 5h00

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Aujourd’hui, il est à peine suffisant.

Le Québec fait face à deux crises majeures, deux crises parfaitement résumées dans une photo publiée lundi dans La Presse : celle de deux hommes masqués à cause de la fumée qui transportaient une boîte de carton dans un escalier. La crise climatique et la crise du logement réunies en une seule et même image.

Face à l’urgence de la situation, on s’attend à une réponse forte des pouvoirs publics.

Le gouvernement caquiste n’a pas été capable de répondre adéquatement à la crise du logement, mais il a le mérite d’avoir dépoussiéré une politique d’aménagement du territoire vieille de 43 ans. Sa vision pose les bons diagnostics. Résumés grossièrement, les défis sont les suivants : freiner l’étalement urbain, protéger la biodiversité, densifier, construire des logements qui correspondent aux besoins démographiques (moins de grosses maisons énergivores, plus de condos et de logements), favoriser le développement des transports collectifs. Et faire en sorte que tout cela soit beau.

Près d’un demi-siècle sans aucune vision de l’aménagement du territoire et de l’architecture, ça laisse des traces. La ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et le ministre de la Culture, Mathieu Lacombe, parents du nouveau plan de mise en œuvre, semblent en être conscients. Le problème, c’est qu’on ne leur donne pas les moyens de leurs ambitions.

Les infrastructures des villes sont en piteux état, plusieurs municipalités manquent d’eau, nos villes sont encore trop dépendantes de l’auto et on sacrifie trop souvent la nature en faveur du développement.

Or, avec une enveloppe de 360 millions de dollars sur quatre ans, on se demande comment ils pourront donner le coup de barre qui s’impose.

Leur plan comporte plusieurs mesures intéressantes, à commencer par la mise sur pied, d’ici l’hiver 2024, d’un système de monitorage – accompagné d’indicateurs et de cibles – qui permettra de suivre les plans d’aménagement à la grandeur du Québec. Voilà un outil pertinent pour prendre des décisions éclairées.

Parmi les autres bonnes initiatives : la création d’une table de concertation en sécurité routière, des ajustements au régime fiscal (une consultation sera lancée dès l’automne prochain), un nouveau cadre en architecture, une meilleure conservation des milieux naturels et la mise sur pied de comités d’échange avec les Premières Nations.

La plus garde part de l’enveloppe de 360 millions (239 millions de dollars) ira aux MRC et aux municipalités pour mettre à jour leur plan climat. Les villes réclamaient 2 milliards, on imagine que d’autres sommes seront consenties lorsqu’on négociera un nouveau pacte fiscal.

De la même manière, il faut souhaiter que la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, accorde aux villes les moyens de développer les transports collectifs. On ne peut pas leur demander d’« aménager des milieux de vie favorisant la mobilité durable » sans argent pour y arriver. Avez-vous déjà essayé de vous déplacer en autobus d’une ville à l’autre sur la Rive-Sud ou dans la couronne nord ? Un vrai chemin de croix.

Si on veut se débarrasser de l’auto solo, il faut que ce gouvernement investisse moins dans les routes et davantage dans les transports publics.

Il y a aussi des zones floues dans ce plan. On dit par exemple vouloir « soutenir le développement économique et accroître la vitalité des territoires » dans le respect de leurs particularités, une formulation qui laisse beaucoup de place à l’interprétation.

La ministre des Affaires municipales a désormais le pouvoir d’interdire tout développement qui déroge à l’esprit de la nouvelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, adoptée à l’unanimité il y a deux semaines. Espérons qu’elle s’en prévaudra.

Le moment de vérité de ce plan aura véritablement lieu lorsque la ministre Laforest se heurtera aux visées de développement économique du premier ministre et de son ministre de l’Économie. Ou à la réforme annoncée de la Loi sur le territoire agricole.

C’est là qu’on saura si ce gouvernement est vraiment cohérent.

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Lettre d’opinion dans la Presse

Si l’aménagement du territoire est important


PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE
« Par le passé, nous avons gaspillé notre territoire, éparpillant toujours plus loin les emplois, les services et les habitations », écrivent les auteurs.

Une réforme majeure du cadre d’aménagement du territoire est en cours au Québec. Le saviez-vous ? Le sujet peut paraître technique, mais les enjeux sont très concrets puisque le gouvernement revoit les paramètres qui encadrent l’évolution de nos milieux de vie et des différentes activités qui se déroulent sur le territoire.

Publié à 1h14 Mis à jour à 10h00
MARTIN CARON
PRÉSIDENT GÉNÉRAL, UNION DES PRODUCTEURS AGRICOLES*
COLLEEN THORPE
DIRECTRICE GÉNÉRALE, ÉQUITERRE

L’aménagement du territoire, c’est à prendre au sérieux. Ses effets sont majeurs, durables et même parfois définitifs. Quand on ouvre un nouveau quartier dépendant de l’automobile loin des services, on ajoute des voitures sur les routes, alors qu’il en faut moins !

Quand on détruit un milieu naturel ou agricole, il est presque impossible de revenir en arrière. Quand on construit une école à côté d’une autoroute, des générations d’enfants en vivront les conséquences.

La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) précise depuis peu les « finalités de la planification territoriale ». Il est maintenant inscrit dans la loi que, par leurs choix d’aménagement, les instances municipales doivent favoriser la santé, répondre aux besoins en habitation, assurer la sécurité routière, protéger le territoire agricole et la biodiversité, assurer l’adaptation aux changements climatiques, et bien d’autres objectifs.

C’est une grande responsabilité, mais tout cela est atteignable, à condition de réaliser l’objectif numéro un : « l’utilisation optimale du territoire, notamment en vue de limiter l’étalement urbain, de manière à assurer que les générations futures pourront y vivre et y prospérer ».

Le virage de la sobriété foncière

Soyons clairs : par le passé, nous avons gaspillé notre territoire, éparpillant toujours plus loin les emplois, les services et les habitations. Cela a eu un coût, environnemental bien sûr, mais aussi pour nos finances publiques, en multipliant les besoins d’infrastructures. Dorénavant, il faut prendre le virage de la sobriété foncière.

C’est à plusieurs égards ce que visent les nouvelles orientations gouvernementales en matière d’aménagement du territoire (OGAT) qui font l’objet de consultations publiques cet été. Parallèlement, le gouvernement consulte sur un autre pan majeur du cadre d’aménagement québécois, le régime de protection du territoire agricole.

Tout en saluant plusieurs aspects du travail préliminaire accompli en vue de ces consultations, nous tenons à rendre publiques nos inquiétudes et nos attentes. Les orientations proposées ont trop de brèches et d’angles morts qu’il est impératif de combler.

D’importantes lacunes à combler

Nous tenons à le souligner, la réforme en cours contient plusieurs avancées importantes. Par exemple, nous appuyons avec enthousiasme les nouvelles obligations visant à renforcer la résilience des écosystèmes en assurant la connectivité écologique. Il faudra toutefois être plus précis et ferme pour assurer l’atteinte de chacune des finalités de la planification territoriale, sans échappatoire possible.

Plusieurs objectifs devront faire partie du renouvellement du régime d’aménagement. Nommons par exemple la cible de conservation de 30 % du territoire, que le Québec a adoptée l’automne dernier dans le cadre de la conférence internationale sur la biodiversité (COP15). Nommons aussi le principe de zéro perte nette du territoire agricole, qui guide déjà le plan d’aménagement des 82 municipalités du Grand Montréal.

Pour protéger le territoire et réduire les distances parcourues, un impératif pour favoriser l’adoption d’une mobilité plus durable et sécuritaire, il faut prendre le problème à la source et planifier tout nouveau développement dans une perspective de sobriété foncière et de consolidation. Cela doit s’imposer partout au Québec.

Il y a amplement d’espace dans les périmètres urbains déjà existants. Rien ne justifie d’en exempter presque la moitié des municipalités, comme le proposent actuellement les nouvelles OGAT.

Alors que le Québec traverse une crise de l’habitation, nous appelons à clarifier à l’échelle nationale le nombre et la nature des logements à construire, pour pouvoir par la suite s’assurer que l’évaluation des besoins à l’échelle régionale est cohérente avec les cibles nationales.

En ce qui concerne le territoire agricole, la réforme ouvre la porte à un régime à deux vitesses qui se concentre sur la protection des meilleures terres, et encore, pas partout. L’intention apparaît louable, mais cette approche déjà tentée ailleurs a eu pour conséquence dramatique d’affaiblir le régime de protection dans son ensemble. Différents sols ont différents potentiels de production qui contribuent tous à l’autonomie alimentaire ! D’ailleurs, rappelons que c’est sur plusieurs terres jugées incorrectement de moins bonne qualité que se font certaines des cultures les plus emblématiques du Québec (ex. : érable, bleuets, canneberges).

La tendance aux mégacentres commerciaux et de services, que consacrent les OGAT, est une catastrophe autant pour l’accessibilité alimentaire que pour la vitalité de nos cœurs de villes et villages. Il est urgent d’enrayer la désertification de nos milieux de vie, et cela passe par une planification adéquate de la localisation des emplois, des institutions et des commerces. Un pan de la planification trop souvent négligé.

Nous tenons à souligner qu’il y a beaucoup de bon dans les réformes en cours. L’orientation générale va dans le sens d’une meilleure planification territoriale, plus consciente et plus responsable. Mais il y a aussi trop d’échappatoires qui minent l’effort de changement. Si l’aménagement du territoire est important, il faut combler les manquements, et mettre en œuvre des réformes à la hauteur des défis, partout au Québec.

Cosignataires : Thomas Bastien, directeur général de l’Association pour la santé publique du Québec ; Alain Branchaud, directeur général de SNAP Québec ; Sandrine Cabana-Degani, directrice générale de Piétons Québec ; Brice Caillié, directeur général du Réseau de milieux naturels protégés (RMN) ; Sylvain Gariépy, urbaniste, président de l’Ordre des urbanistes du Québec ; Sabaa Khan, directrice générale pour le Québec et l’Atlantique, Fondation David Suzuki ; Hubert Lavallée, président de Protec-Terre ; Sébastien Parent-Durand, directeur général de l’Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Grand Montréal (ACHAT) ; Christian Petit, directeur des projets spéciaux de Rues principales ; Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement ; Kathrine Plouffe, directrice générale de la Fédération de la relève agricole du Québec ; Jean-François Rheault, président-directeur général de Vélo Québec ; Christian Savard, directeur général de Vivre en Ville ; Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec ; Martin Vaillancourt, directeur général du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) ; Émilie Viau-Drouin, directrice générale de Fermières et fermiers de famille

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Îlots de chaleur Québec possède des mers d’asphalte au cœur de Montréal

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Stationnement de la Sûreté du Québec

Plusieurs stationnements de surface privés ont cédé leur place au développement immobilier au cœur de Montréal, mais l’État québécois conserve des milliers de places asphaltées sur des terrains stratégiques, dénoncent des défenseurs de l’écologie urbaine.

Publié à 0h44 Mis à jour à 5h00

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Philippe Teisceira-Lessard
Philippe Teisceira-Lessard La Presse

De l’Hôtel-Dieu à l’ex-Institut des sourdes-muettes en passant par le siège social Hydro-Québec, celui de la Sûreté du Québec et le palais de justice de Montréal, le provincial possède toujours des mers de stationnement au centre de la métropole.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Stationnement de l’Hôtel-Dieu

« La Société québécoise des infrastructures [SQI] détient 14 sites pour environ 3160 cases de stationnement […] dans les quartiers centraux de Montréal », a ainsi indiqué l’organisation par courriel. « Ils sont majoritairement de surface. » Ce total n’inclut pas les stationnements de certaines entités qui gèrent elles-mêmes leurs immeubles, comme Hydro-Québec.

Pour la SQI, « il est au cœur de sa mission de répondre aux besoins de sa clientèle lorsque la SQI réalise des projets immobiliers, ce qui implique de fournir les espaces de stationnement nécessaires à leurs activités », a écrit la conseillère en communication Anne-Marie Gagnon.

« Approche paresseuse »

Mais tous ne sont pas du même avis.

« Force est de constater que le gouvernement du Québec n’est pas exemplaire dans la manière dont il traite ses terrains », a jugé Christian Savard, de l’organisme Vivre en ville.

On sait très bien que les surfaces d’asphalte noires, imperméabilisées, ça contribue à augmenter de façon importante l’effet des îlots de chaleur.

Christian Savard, de l’organisme Vivre en ville

« Ces grandes surfaces imperméables tuent [aussi] les systèmes d’égouts pluviaux : c’est la voie rapide vers les égouts, qui débordent et qui causent les enjeux qu’on connaît », ajoute M. Savard. En plus, « ça contribue à enlaidir la ville ».

M. Savard voit différents facteurs qui peuvent expliquer cet état de fait : le gouvernement provincial ne paie pas le même niveau de taxes sur ses propriétés, ce qui ne l’incite pas au développement. Les complications liées à la vente d’une propriété de l’État peuvent aussi contribuer à cette « approche paresseuse ».

Lumière à l’horizon, tout de même : la récente Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement pourrait forcer Québec à faire mieux, croit M. Savard.

« Un rôle à jouer »

Romain Coste travaille sur le dossier des stationnements de surface au sein du Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal). Il a fait une recension de tous les grands stationnements de surface de la métropole.

« Dans les quartiers centraux, c’est vrai qu’on a de grandes aires de stationnement qui appartiennent au gouvernement », a-t-il confirmé en entrevue téléphonique.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Stationnement de l’Institut des sourdes-muettes

À défaut de redévelopper ces terrains ou de les vendre, le gouvernement pourrait au moins faire l’effort d’adopter des pratiques d’aménagement plus écologiques pour ses stationnements asphaltés, a dit M. Coste. « On pourrait aller plus loin. Le gouvernement a vraiment un rôle à jouer là-dedans. C’est lui qui gère les politiques de lutte contre les changements climatiques, donc il devrait montrer l’exemple. Et actuellement, avec les projets que je vois, on n’est pas du tout là-dedans. »

L’administration Plante n’a pas voulu commenter la situation.

Des changements à venir

La SQI fait valoir qu’elle s’est dotée d’une stratégie de développement durable qui établit des chantiers prioritaires pour l’organisation, incluant notamment « l’adoption de lignes directrices d’aménagement des sites permettant d’améliorer leur résilience, réduire les îlots de chaleur et en faire bénéficier la collectivité ».

« Les principes et les objectifs du développement durable demeurent tout de même au cœur des actions de la SQI et de notre contribution à construire un Québec résilient, prospère et inclusif », a assuré Mme Gagnon.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Stationnement de l’Hôtel-Dieu

Hydro-Québec, pour sa part, effectue en ce moment des travaux majeurs sur son stationnement, situé derrière le siège social du boulevard René-Lévesque.

« Nous allons profiter de ces travaux pour revoir l’aménagement de notre stationnement extérieur, pour en atténuer l’effet “îlot de chaleur” », a indiqué le porte-parole Francis Labbé par courriel. « Il y aura pratiquement 10 fois plus d’arbres et arbustes à la fin des travaux, passant de 14 actuellement à 131 à la fin des travaux. »

La société d’État s’est dotée de règles pour l’aménagement de ses stationnements de plus de 100 places, notamment de prévoir un couvert végétal représentant 40 % de la surface asphaltée (une fois les arbres arrivés à maturité).

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Décoloniser l’urbanisme : « Dans un igloo, t’as pas de cloisons »

Des courbes plutôt que des lignes droites. Une vision reliée à la nature plutôt que déconnectée du vivant. Une inclusion véritable des Autochtones. Voici des pistes pour décoloniser l’architecture et l’urbanisme. Mais encore faut-il que les lois s’y adaptent.

Une maquette d'une vue aérienne d'une communauté.

La maquette du plan communautaire de Chisasibi proposée par la firme-conseil en urbanisme, BC2.

Photo : BC2

Publié à 4 h 00 HAE

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Douglas Cardinal a dû se rendre huit fois à Oujé-Bougoumou (situé à 730 km au nord de Montréal) pour arriver à finaliser les plans de la communauté. À l’époque, Abel Bosum, le chef, souhaitait que ce soit l’architecte d’origine blackfoot et anishnabe qui s’occupe d’en faire les plans. Nous sommes au début des années 1990.

Les Cris voulaient exprimer leur culture dans la construction de leur communauté. [Abel Bosum] voulait quelque chose de neuf, à partir de rien. C’était radical et le gouvernement n’a jamais voulu qu’un tel projet se fasse ailleurs, raconte l’architecte en entrevue avec Espaces autochtones.

S’il a dû se rendre là-bas à huit reprises, étalées sur neuf mois, c’est parce qu’il tenait à ce que les 500 membres de la communauté donnent leur accord et, surtout, participent à la réalisation du plan. Il fallait développer une vision qui reflète l’âme de la communauté, dit-il.

Une esquisse en noir et blanc de la communauté d'Oujé-Bougoumou.

Douglas Cardinal a imaginé la trame urbaine d’Oujé-Bougoumou en se basant sur ce que voulaient tous les membres de la communauté.

Photo : Dessin de Douglas Cardinal / Douglas Cardinal

Il rencontre donc les aînés, qui lui transmettent la parole des anciens. Mais Douglas Cardinal estime que ce qu’il en comprend reste sa propre vision à lui. Il l’a soumise alors aux membres : aux adultes, aux jeunes, aux enfants même, pour bien vérifier que ce qu’il allait faire leur correspondait.

Vous n’avez peut-être pas de diplôme en architecture, mais vous avez celui du gros bon sens, vous avez survécu dans le bois, leur avait alors expliqué M. Douglas.

Dans le milieu, Douglas Cardinal n’est pas un petit joueur. C’est lui qui a dessiné le Musée canadien de l’histoire à Gatineau. Ses bâtiments évoquent souvent des formes naturelles et organiques. Tout est relié pour les Autochtones et chaque élément de la vie fait partie de ce tout.

M. Cardinal est vu de profil; il porte une coiffe autochtone composée de plumes et de rubans jaunes et rouges.

Douglas Cardinal a reçu de nombreux prix pour souligner son travail. (Photo d’archives)

Photo : La Presse canadienne / Fred Chartrand

Les Grecs, les Égyptiens… leurs architectures reflètent vraiment leurs cultures. Je voulais que mon travail reflète lui aussi ma culture, explique-t-il.

À Oujé-Bougoumou, en plus de penser la trame urbaine de la communauté, il a conçu la clinique, l’école, l’église et l’Institut culturel cri d’Aanischaaukamikw.

Le musée vu de l'extérieur.

Le Musée canadien de l’histoire, à Gatineau, est une œuvre de Douglas Cardinal. (Photo d’archives)

Photo : Radio-Canada / Jonathan Dupaul

Mais depuis, plus rien de ce genre n’a été fait, assure Marie-Pierre McDonald, vice-présidente associée et chargée de la collaboration inter-nation chez BC2, une firme-conseil en urbanisme.

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L’urbaniste voit que si la communauté d’Oujé-Bougoumou doit s’agrandir, les lignes droites et les rues quadrillées risquent de reprendre leur droit.

Elle a compris, après avoir travaillé au Nunavik, que venir avec des plans tout faits, des copiés-collés de ce qui se fait dans nos villes et villages, ça marche pas avec les Autochtones.

La meilleure chose, c’est de travailler avec les gens du milieu autochtone, croit-elle. Car qui sont les experts? Les Autochtones dans les communautés, ajoute-t-elle.

Mona Belleau tout sourire, dehors.

Mona Belleau croit que les Autochtones doivent vraiment participer à l’élaboration des plans d’urbanisme de leurs communautés.

Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

BC2 a donc embauché tout récemment Mona Belleau, une Inuk d’Iqaluit (Nunavut). Elle agit à titre de directrice principale pour le soutien aux communautés et à la sécurisation culturelle autochtone. Elle estime que la manière dont les communautés ont été pensées et les maisons construites a causé du tort aux Autochtones.

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Une autre vision du monde

Rien dans ces plans-là ne correspondait à leur culture, à leur manière de voir le monde, à leur cosmologie.

Mona Belleau rappelle qu’il n’y a pas si longtemps de ça, beaucoup d’Autochtones étaient nomades et parcouraient des milliers de kilomètres carrés de territoire en une année. Et là, on nous délimite le territoire, on nous dit qu’on va habiter ici. Ça a eu des effets sur les structures familiales et sur la manière de vivre notre culture, dit-elle.

C’est dur de vivre notre culture autochtone entre quatre murs.

Une citation de Mona Belleau

Si on aménage des espaces de vie plus intéressants, les gens seront plus en santé, ils se sentiront mieux. Si l’on crée des communautés plus adaptées à la culture autochtone, les gens seront plus heureux d’y vivre, seront plus fiers, plus en santé, croit Mona Belleau.

Dessin d'une communauté.

Ce plan d’agrandissement de la communauté de Chisasibi encourage la préservation et la promotion de sa culture et de ses traditions, selon la firme-conseil en urbanisme BC2 qui l’a conçu.

Photo : BC2

On ne veut plus de communautés quadrillées, basées sur le modèle de la banlieue nord-américaine.

Cette trame urbaine est basée sur l’individualisme.

Une citation de Mona Belleau

Moi, j’ai ma petite parcelle, toi, tu as la tienne, on est séparés par une rue. Alors que nous, on vivait en communauté. Dans un igloo, t’as pas de cloisons. Le concept des portes fermées, tout ça, ça ne plaît pas aux gens, ajoute-t-elle.

Quand on décolonise l’architecture et l’urbanisme et qu’on accepte que les Autochtones ont une autre vision du monde que les non-Autochtones, on arrive à ce que Douglas Cardinal a pu réaliser à Oujé-Bougoumou.

Le musée.

Douglas Cardinal a imaginé le musée d’Oujé Bougoumou.

Photo : Figurr

L’homme, qui fêtera son 90e anniversaire en 2024, insiste. Je voulais sentir ce que ça faisait d’exprimer l’amour de tous les êtres vivants dans l’architecture, exprimer nos valeurs spirituelles. Je ne pense pas comme un Européen, je vois le monde totalement différemment, insiste-t-il.

Par exemple, l’école Waapihitiiwewan a été installée à l’extérieur du cercle que forment les résidences, car elle est un espace de transition entre la maison et le monde, préparant la prochaine génération au futur. Le centre de la communauté a aussi été conçu selon la forme circulaire de la roue de la médecine.

Décoloniser l’urbanisme c’est demander aux gens comment et avec qui ils voudraient vivre, affirme Mona Belleau.

Des limites

Mais les embûches sont de taille. Le cadre légal strict des règles d’urbanisme empêche les Autochtones de mener à bien leurs projets comme ils le souhaiteraient.

Mme McDonald évoque tout ce qui est limitant : on a beau vouloir changer les plans de développement et la trame urbaine, mais on a des contraintes, car on dépend de la SCHL qui a des modèles, puis des standards des financements d’infrastructures et toutes ces instances-là ont des critères qui nous limitent. Grosso modo, ça coince au niveau des plans de développement des communautés au sens très large.

Le système n’aide pas à être créatif.

Une citation de Marie-Pierre McDonald

Malgré toutes les contraintes, il faut avoir en tête pour qui on fait ça. Pour les Autochtones. On ne fait pas juste bâtir une maison sans regarder l’identité des gens. Faut répondre à ses besoins et qu’on préserve sa manière de vivre le plus possible, ajoute Mona Belleau.

Toutes les communautés autochtones ne sont pas dotées de la même manière, d’ailleurs. Par exemple, au Nunavut, il y a un cadre légal qui leur permet d’avoir un outil d’aménagement bien adapté au contexte.

Vue aérienne de google map de la communauté d'Oujé-Bougoumou.

Lorsqu’on observe la communauté d’Oujé-Bougoumou du ciel, on voit clairement comment Douglas Cardinal a imaginé son centre.

Photo : Capture d’écran - Google Map

Alors qu’au Québec, comme dans d’autres provinces, les territoires à l’extérieur des réserves sont gérés par les municipalités, les MRC… Sans compter que les communautés sont sous la tutelle du gouvernement fédéral. Bref, il y a un cumul d’obstacles à franchir.

Marie-Pierre McDonald regrette beaucoup que les Autochtones, et notamment l’Assemblée des Premières Nations du Québec et Labrador, n’aient pas eu leur mot à dire lors de l’élaboration du plan national d’urbanisme. On a consacré quatre paragraphes à la réconciliation, déplore-t-elle.

Mona Belleau estime même que c’est une occasion ratée.

Pourtant, les deux femmes pensent que le temps presse, surtout vu du développement démographique des communautés, dont les besoins en logement, sont criants. C’est le temps de s’asseoir et d’en parler, assurent-elles.

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Poursuites contre la CMM Québec pourrait devoir sortir le chéquier

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La Ville de Rosemère est visée par une poursuite de 278 millions.

Québec pourrait se retrouver avec une facture salée si la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) était condamnée pour expropriation déguisée dans au moins sept dossiers. À ce jour, le gouvernement Legault a été appelé en garantie pour presque 600 millions de dollars et la somme pourrait grimper encore.

Publié à 1h43 Mis à jour à 5h00

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Éric-Pierre Champagne
Éric-Pierre Champagne La Presse

Depuis avril, la CMM a appelé en garantie le gouvernement du Québec dans sept dossiers où elle est poursuivie pour expropriation déguisée. La somme totalise à ce jour 589 millions de dollars, a appris La Presse.

Un appel en garantie est généralement invoqué lorsqu’un défendeur estime qu’une autre entité doit lui être substituée face à d’éventuelles décisions défavorables des tribunaux. Dans les sept dossiers en cause, la CMM est poursuivie après avoir adopté deux règlements de contrôle intérimaire (RCI) pour protéger temporairement des milieux naturels et certains terrains de golf.

Le premier règlement, adopté en juin 2022, interdit toute construction dans les bois et les milieux humides d’intérêt sur le territoire de la CMM. Le deuxième, aussi adopté en 2022, vise à protéger six anciens terrains de golf présentant un potentiel de reconversion en espace vert. Les deux règlements ont été approuvés par le gouvernement du Québec.

À ce jour, une trentaine de poursuites ont été déposées contre la CMM. Certaines demandent seulement l’annulation pure et simple des règlements en cause.

Mais chaque fois que la CMM est poursuivie pour expropriation déguisée, le gouvernement du Québec est maintenant appelé en garantie, explique Marc-André LeChasseur, avocat au cabinet Bélanger Sauvé, qui représente la CMM.

Selon Marc-André LeChasseur, les villes ont les mains liées puisqu’elles doivent respecter les orientations fixées par Québec. Il rappelle que les villes et la CMM appliquent les orientations gouvernementales en aménagement du territoire (OGAT). Le plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) doit respecter les orientations du gouvernement, et les règlements de zonage municipaux doivent être conformes au PMAD. Le PMAD, d’ailleurs, doit être approuvé par Québec pour être valide.

Protéger 30 % du territoire d’ici 2030

Le gouvernement Legault s’est engagé à protéger 30 % de son territoire d’ici 2030, afin de respecter les accords internationaux pour la protection de la biodiversité, dont l’accord de Kumming-Montréal, négocié dans la métropole en décembre 2022. La CMM s’est aussi donné comme cible de protéger 30 % de son territoire avant la fin de la décennie.

Québec va aller chercher son 30 % dans le nord [de la province], mais dans le Sud, le gouvernement utilise son bras exécutif, les villes, pour le faire à sa place.

Marc-André LeChasseur, avocat au cabinet Bélanger Sauvé

« Il va falloir trouver une façon de régler ces dossiers-là, plaide-t-il. Soit le gouvernement offre une protection juridique aux villes, soit il leur donne de l’argent [pour payer les indemnités]. » Selon lui, le monde municipal n’est pas dans la même position que Québec, qui n’a pas l’obligation de verser des indemnités en cas d’expropriation.

L’avocat donne en exemple la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, « où il est écrit clairement qu’aucun recours ne peut être pris si un terrain se retrouve dans une zone agricole [article 95] ».

Selon Jean-François Girard, avocat spécialisé en droit de l’environnement, le recours aux appels en garantie résulte de décisions récentes des tribunaux. « Les tribunaux nous disent maintenant que même si un règlement municipal est valide, ça peut constituer une expropriation déguisée. »

« Nos adversaires nous disent présentement la même chose : ton règlement est valide, mais c’est une expropriation déguisée. Ils ne contestent même plus la réglementation adoptée par les villes ! »

Selon les deux juristes, le projet de loi 22 sur l’expropriation pourrait apporter une solution à cette problématique. « Le projet de loi 22, c’est une loi antispéculation, qui vise les spéculateurs qui misent sur des changements de zonage [pour réaliser leurs projets] », affirme Marc-André LeChasseur.

« Attaque au droit de propriété »

Or, selon l’avocat Nikolas Blanchette, du cabinet Fasken, la réforme proposée s’inspire plutôt du communisme, a-t-il plaidé dans une publication récente sur le réseau LinkedIn. Selon le juriste, qui représente des clients expropriés, le projet de loi 22 « constitue une attaque en règle au droit de propriété ».

S’il était adopté, le projet de loi ferait en sorte que les propriétaires expropriés seraient dédommagés sur la base de la valeur marchande de leur terrain et non de la valeur au propriétaire, comme c’est le cas actuellement.

Marc-André LeChasseur estime que Québec comblerait ni plus ni moins son retard sur plusieurs provinces canadiennes et même sur les États-Unis, où c’est la valeur marchande qui est prise en compte lors d’une expropriation.

« C’est ce qu’on fait en Ontario et dans six autres provinces canadiennes. C’est le cas aussi aux États-Unis, qu’on ne peut certainement pas qualifier de régime communiste », lance Me LeChasseur, en réponse à Nikolas Blanchette.

Québec procède actuellement à l’étude détaillée du projet de loi 22, après avoir reçu plusieurs mémoires cet automne.

Lisez une lettre de Marc-André Lechasseur

En savoir plus

  • 43 %
    Les montants des indemnités pourraient diminuer de 43 % si le gouvernement allait de l’avant en adoptant le principe de la valeur marchande.

Source : Communauté métropolitaine de Montréal

147 millions
Budget annuel de la Communauté métropolitaine de Montréal, ce qui représente le quart des sommes réclamées dans les sept poursuites pour expropriation déguisées.

Source : Communauté métropolitaine de Montréal

Zonage limitant le développement Ceci n’est pas une expropriation déguisée

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La zone du boisé de Léry où des propriétaires ont perdu leur cause pour expropriation déguisée.

La Cour supérieure tranche en faveur d’une petite municipalité visée par une poursuite par des propriétaires de terrains

Publié à 0h57 Mis à jour à 5h00

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Éric-Pierre Champagne
Éric-Pierre Champagne La Presse

Un règlement de zonage limitant les possibilités de développement sur un terrain constitue-t-il une expropriation déguisée ? Non, a répondu la Cour supérieure du Québec dans une décision récente reçue comme une bouffée d’air frais par le monde municipal.

Ce qu’il faut savoir

  • En septembre 2021, des propriétaires de terrains à Léry, sur la Rive-Sud de Montréal, ont déposé une poursuite de 3,1 millions de dollars pour expropriation déguisée contre la municipalité.
  • Les demandeurs alléguaient qu’un nouveau règlement de zonage limitant les possibilités de développement les privait de leur droit de propriété.
  • Le tribunal a rejeté leurs arguments dans une décision rendue le 19 octobre dernier.

La juge Catherine Piché, de la Cour supérieure, signale que « les demandeurs n’ont pas droit d’invoquer une “utilisation maximale” de leur terrain comme justification à une réclamation pour expropriation déguisée ».

Les demandeurs sont cinq propriétaires de terrains situés dans la municipalité de Léry, au sud-ouest de Montréal, dont Claude Sauvé et Jean-Guy David. Ils prétendaient qu’un règlement de zonage adopté par Léry et la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) avait pour effet d’enlever toute utilisation raisonnable de leurs terrains.

Ils réclamaient 3,1 millions de dollars à Léry et à la CMM pour expropriation déguisée.

Rappelons qu’en 2016, Léry a adopté un règlement d’urbanisme limitant les possibilités de développement dans le corridor forestier Châteauguay-Léry, où se trouvent les terrains des propriétaires Claude Sauvé et Jean-Guy David. Ce nouveau règlement visait à assurer la conformité avec le schéma d’aménagement de la MRC de Roussillon. La MRC, elle, devait se conformer au Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la CMM.

Concrètement, la MRC et Léry devaient identifier les zones situées dans les bois et corridors forestiers où l’on pouvait envisager un lotissement de faible densité afin de protéger ce corridor naturel à haute valeur écologique.

Un secteur protégé

Le nouveau règlement prévoit alors que 55 % des terrains des demandeurs devaient demeurer intacts alors qu’un lotissement de 0,5 habitation par hectare était possible sur les 45 % restants. Cependant, en vertu d’autres dispositions réglementaires, les propriétaires auraient pu proposer un projet avec une densité d’habitations plus élevée.

Il faut donc comprendre que les terrains des demandeurs sont situés dès 2016 dans un secteur protégé avec usages restreints et un déboisement minimal, tel que le stipulent le Schéma et le document complémentaire de la MRC [de Roussillon].

Extrait du jugement de la juge Catherine Piché

« Leurs terrains se voient donc imposer des restrictions quant au développement résidentiel. Ils considèrent que parce que la Ville n’offre pas de les compenser en achetant leurs terrains, ils subissent une expropriation déguisée », ajoute-t-elle dans sa décision de 37 pages.

Selon la juge Catherine Piché, « un simple changement de zonage ou une diminution de valeur actuelle ou potentielle de l’immeuble ne suffisent pas pour qu’il y ait expropriation déguisée ».

Les usages permis par la réglementation de 2016 de Léry étaient suffisants pour permettre une utilisation raisonnable des terrains. Il n’y a eu ni confiscation des terrains ni négation absolue de l’exercice du droit de propriété des demandeurs.

Extrait du jugement de la juge Catherine Piché

« Le fait que, dans le développement d’un projet éventuel, les demandeurs puissent avoir à surmonter des défis économiques et des coûts prohibitifs, ou encore qu’ils aient à effectuer des demandes de permission discrétionnaire pour permettre d’avoir des services sur les terrains en cause, ne rend pas la réglementation prohibitive », mentionne-t-elle.

L’avocat Éric Oliver, du cabinet Municonseil, qui représentait les demandeurs, a refusé de répondre aux questions de La Presse. « Je n’ai pas le temps. Je n’ai pas de commentaires à faire aux journalistes », a-t-il déclaré avant de raccrocher subitement.

Les villes soulagées

« On est très satisfaits de cette décision-là, indique Massimo Iezzoni, directeur général de la CMM. Ce qu’on retient surtout, c’est que la juge [Piché] a reconnu que les villes et la CMM sont tributaires des orientations gouvernementales [en matière d’aménagement]. On constate aussi que le jugement reconnaît la raisonnabilité de ces règlements [adoptés par les villes et la CMM]. »

« C’est une décision importante qui permet de clarifier comment le tribunal analyse les poursuites pour expropriation déguisée », estime pour sa part Marc-André LeChasseur, avocat au cabinet Bélanger Sauvé, qui représente la CMM.

[La juge Piché] n’a pas embarqué dans le discours alarmiste et la protection à outrance du droit de propriété.

Marc-André LeChasseur, avocat représentant la CMM

La juge Piché cite d’ailleurs dans sa décision un jugement rendu par la Cour d’appel du Québec en 1993. « Enfin, même s’ils datent de plus de vingt ans, il y a lieu de reprendre les propos du juge [Jean-Louis] Baudouin dans l’arrêt Abitibi (MRC) c. Ibitiba ltée, lesquels sont toujours d’une grande pertinence dans ce contexte d’exploitation des boisés milieux humides. »

« La protection de l’environnement et l’adhésion à des politiques nationales est, à la fin de ce siècle, plus qu’une simple question d’initiatives privées, aussi louables soient-elles. C’est désormais une question d’ordre public. Par voie de conséquence, il est normal qu’en la matière, le législateur, protecteur de l’ensemble de la collectivité présente et future, limite, parfois même sévèrement, l’absolutisme de la propriété individuelle », a écrit le juge Baudouin.

« Le droit de propriété est désormais de plus en plus soumis aux impératifs collectifs. C’est là une tendance inéluctable puisque, au Québec comme dans bien d’autres pays, la protection de l’environnement et la préservation de la nature ont été trop longtemps abandonnées à l’égoïsme individuel », a conclu le magistrat en 1993.

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