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Résumé

Un gros Walmart

Par Mickaël Bergeron, La Tribune

19 juillet 2025 à 04h05

Le Walmart de Fleurimont se déplacera des Galeries Quatre-Saison à l’Espace 610. (Maxime Picard/Archives La Tribune)

CHRONIQUE / C’est sans enthousiasme que le comité consultatif d’urbanisme (CCU) de Sherbrooke a recommandé le projet du Walmart près de l’autoroute 610. Difficile aussi de s’emballer devant 572 cases de stationnement.


Le nouveau-mais-pas-vraiment-nouveau Walmart de la 12e Avenue a-t-il vraiment besoin de 572 cases de stationnement? C’est moins que celui situé sur le Plateau Saint-Joseph, avec 800 places de stationnement (!), mais ça reste beaucoup. Ces stationnements-là sont rarement utilisés au maximum de leur capacité.

Je pense particulièrement au Maxi sur Grandes-Fourches, dans le centre-ville. Même dans les gros achalandages, cet énorme stationnement ne doit pas dépasser la moitié de sa capacité. C’est un triste gaspillage d’espace. C’est comme si ces stationnements servaient davantage à rassurer les automobilistes (l’illusion du stationnement sans fin) que pour les réels besoins.



La réaction du CCU a un peu fait bougé les choses. Lors de la séance du conseil municipal du 2 juillet, la conseillère Geneviève La Roche a annoncé que le nombre de cases était passé de 572 à 553. Ce qui n’a pas empêché les conseillères Joanie Bellerose et Laure Letarte-Lavoie de voter contre le projet. Le reste du conseil a toutefois voté pour le projet.

Malgré la grande popularité des ventes en ligne, avec Amazon en tête, Walmart demeure au sommet des entreprises les plus lucratives. Sûrement parce que l’entreprise a aussi misé sur la vente en ligne. Autant de gens visitent ses magasins que sa boutique en ligne. Et si on associe beaucoup la bannière aux ménages moins favorisés, les données américaines montrent que Walmart tire son épingle du jeu chez les foyers à haut revenu.

Bref, Walmart est loin d’être en déclin et le déménagement des Galeries Quatre-Saisons vers le tout nouvel Espace 610, où il y a aussi le nouveau Canadian Tire, s’inscrit justement dans cette volonté d’être au goût du jour. Pourtant, ce genre de développement urbain semble nous ramener 20 ans en arrière.

Des urbanistes, des architectes et des chercheurs en développement du territoire jugeaient déjà, il y a une dizaine d’années, que le modèle développé sur le bord de la 610 était dépassé.

Le Dix30, à Brossard, a transformé une de ses rues en allée piétonne. (Martin Chamberland/Archives La Presse)

Même le Dix30, symbole québécois du power centre, ces centres commerciaux conçus pour les automobilistes, l’a compris. Le centre commercial vient de convertir une de ses artères en rue piétonnière. Le Dix30, pas le Plateau Mont-Royal. Une rue complète, 11 150 mètres carrés, transformée en «parc linéaire verdoyant» avec 225 arbres et de l’art public, et «inspirée des meilleurs projets du monde.» Pas juste pour l’été. Toute l’année.

Et ce ne serait qu’un début. Une première étape pour rendre ce paradis de l’automobile plus «dynamique», «avec une âme» et «favorisant les interactions humaines et la mobilité durable.» Et dire qu’il y a en qui croient encore que les rues piétonnières ne sont pas viables économiquement. Selon le Dix30, c’est l’avenir!



Mais ce n’est pas si surprenant. Une étude menée par Rues principales démontrait déjà que les rues de types triplex avec des commerces au rez-de-chaussée et des logements au-dessus, rapportaient plus aux villes que les développements du type «power centre». Une étude américaine démontrait aussi que même les zones pauvres des centres-villes étaient plus rentables que les banlieues cossues.

Ça ne veut pas dire qu’il ne faut avoir qu’un seul modèle urbain, la diversité est généralement gagnante, adaptée aux différentes réalités. Mais il faut faire attention au mirage des développements commerciaux à grande surface. Bien que les stationnements causent d’importants problèmes environnementaux et de mobilité, l’enjeu est plus profond. Il faut davantage parler du modèle que des stationnements.

Développement jetable

La création de ce nouveau lieu commercial, avec le nouveau gros Canadian Tire et le futur gros Walmart, fait souvent miroiter de belles taxes foncières. Et ce sera probablement le cas. Mais à quel prix?

Pendant que le secteur au coin de la 610 et de la 12e Avenue se développe, ce sont les autres secteurs qui se dévitalisent. Le Walmart est probablement la bannière qui attire le plus de clientèles en ce moment aux Galeries Quatre-Saisons. Ce secteur aurait besoin du contraire. D’amour. D’investissements. De revitalisation. Il a besoin qu’on croie en lui. Le départ du Walmart aura l’effet inverse.



Canadian Tire a quitté ses locaux de la rue Duplessis en 2023. (Jean Roy/Archives La Tribune)

Que se passe-t-il avec l’ancien Canadian Tire, au coin des rues King Est et Duplessis? Certes, on y retrouve un centre de liquidations. C’est exactement le genre de bannières qui s’installe dans les lieux abandonnés. Cette bannière ne va jamais investir dans ce bâtiment. Le départ de Canadian Tire a dévitalisé ce secteur.

Est-ce que la Ville de Sherbrooke y gagne vraiment à ce jeu de déménagements? Est-ce que le développement d’un nouveau secteur compense vraiment les effets de dévitalisation des autres secteurs abandonnés par ces grandes bannières?

Certes, ça n’a pris que deux années pour revitaliser l’ancien Canadian Tire situé au coin de King Est et Jacques-Cartier par de nouveaux commerces. Mais ce n’est pas toujours ce qui se passe. Parfois, la revitalisation n’arrive pas avant une dizaine d’années, voire jamais.

Sans parler de l’impact environnemental. Si toutes les bannières passaient leur temps à construire de nouveaux bâtiments tous les 20 ou 30 ans, on aurait des cimetières d’immeubles partout en ville.

Quand on regarde tout ça, ce n’est pas juste le stationnement du Walmart le problème. Je comprends que le CCU ait approuvé le projet sans enthousiasme. Un projet profitable pour les bannières et les promoteurs, mais qui ne s’ancre pas vraiment dans la communauté. Ce n’est pas conçu pour durer dans le temps.

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