Sherbrooke jongle avec l’idée d’une taxe sur l’asphalte
L’asphalte pourrait bientôt devenir taxable pour les immeubles commerciaux et industriels, a-t-on appris jeudi à l’hôtel de ville. (Archives La Tribune)
À la recherche de nouveaux revenus, la Ville de Sherbrooke évalue l’application d’une taxe sur les « surfaces imperméables » des immeubles commerciaux et industriels de son territoire.
La mesure, dont les critères restent à définir, pourrait rapporter 2 M$ en 2024 si les élus accordent le feu vert. Aucune décision n’a été prise jeudi lors de la présentation du dossier en étude budgétaire à l’hôtel de ville.
En plus du coup de pouce financier qui permettrait d’équilibrer le budget, la vision inscrite dans un principe d’écofiscalité cherche également à favoriser un changement de comportement à long terme.
Les surfaces imperméables comme les espaces asphaltés, mais aussi les toitures des bâtiments, a-t-on observé, n’absorbent pas les eaux pluviales, ce qui entraîne des coûts importants en gestion et en traitement des eaux pour une Ville. C’est particulièrement vrai dans un contexte où les crues soudaines se font plus intenses et plus fréquentes en raison des changements climatiques, a noté la directrice du service des finances de la Ville, Nathalie Lapierre, durant sa présentation aux élus.
S’inspirer d’ailleurs
En guise d’inspiration, Mme Lapierre a détaillé les programmes mis en place à Mississauga, en Ontario, dès 2016, ainsi qu’à Laval, qui est allée de l’avant cette année.
La Municipalité de la rive nord de Montréal a pour sa part ciblé une zone précise de son centre-ville, où se situe par ailleurs le Carrefour Laval, doté d’un immense stationnement, et exige désormais 0,50 $ pour chaque mètre carré de surface pavée. Le taux grimpe ensuite progressivement en fonction de la superficie, de sorte que plus un espace pavé est vaste, plus il est taxé. La mesure devait rapporter 1 M$ en 2023.
La Municipalité ontarienne a pour sa part calculé une moyenne de la superficie imperméable sur le terrain d’une résidence moyenne, en incluant le toit et les surfaces au sol. Les immeubles résidentiels sont ensuite taxés en cinq catégories, selon la taille de leur toit, la médiane étant à 117 $. Les immeubles commerciaux et industriels sont taxés selon le nombre d’unités équivalentes à un toit moyen qui entre dans l’ensemble de leurs surfaces imperméables.
À Sherbrooke, où l’on attend encore des données plus à jour, il est certain que la taxe ne sera pas prête pour janvier, mais elle pourrait aller de l’avant en mai 2023, selon Mme Lapierre. Le 2 M$ estimé prend en compte cette réalité et ne représente pas le potentiel de revenus sur une année complète.
On souhaite se baser sur les données aériennes pour déterminer les superficies à taxer. Selon l’ébauche présentée, les surfaces en gravier seraient considérées comme imperméables et donc taxables.
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Piscines dans la mire
En plus de la taxe sur l’asphalte, diverses mesures sont également sur la table au chapitre des revenus, comme l’imposition d’une autre taxe, sur les piscines cette fois.
Plusieurs changements liés au stationnement sont aussi envisagés, comme l’augmentation des amendes de 10 $, des tarifs des horodateurs pour atteindre 2$/h, ou bien l’annulation de la gratuité durant le temps des fêtes. Majorer à nouveau la taxation des immeubles non résidentiels est aussi évoqué.
Les élus ne se sont pas prononcés jeudi sur ces mesures. L’étude budgétaire se poursuit vendredi à l’hôtel de ville.
Sherbrooke veut une pensée plus stratégique en urbanisme
Le service de la planification et de la gestion du territoire de la Ville de Sherbrooke est à l’aube d’une refonte majeure. (Archives La Tribune)
Le service de planification et de la gestion du territoire (SPGT) de la Ville de Sherbrooke amorce une refonte majeure qui viendra passablement gonfler les rangs de l’administration municipale au cours des prochaines années. L’objectif : réussir à concevoir un nouveau plan d’urbanisme en deux ans.
Un tout nouveau service du « développement stratégique du territoire » sera mis sur pied en 2024 pour prendre en charge ce mandat.
Au total, 20 nouveaux postes, 9 transferts à l’interne et 5 transformations de postes découleront de cette restructuration, un remaniement évalué à 4,5 M$ sur quatre ans, ont présenté mercredi à l’hôtel de ville la directrice générale adjointe Véronique Angers et le directeur du SPGT, Yves Tremblay. En argent neuf, c’est toutefois 1,4 M$ qu’il est nécessaire d’inscrire au programme quinquennal d’immobilisations, étudié par le conseil récemment et qui doit être confirmé avant la fin de l’année.
La transformation proposée a déjà été adoptée à l’unanimité à la séance du conseil, mardi soir.
En détachant en quelque sorte cette « équipe dédiée » des activités courantes du service, on espère augmenter la possibilité d’arriver avec une version du plan d’urbanisme d’ici deux ans, ce qui est déjà « ambitieux », a qualifié Mme Angers. Deux autres années sont ensuite prévues pour l’implanter et adapter la réglementation en conséquence, a aussi détaillé M. Tremblay.
Le directeur annonce du même coup qu’il laissera son poste pour devenir « conseiller stratégique » au plan d’urbanisme et amorcer une transition pour une relève au sein de son service.
Mieux planifier pour mieux livrer
Le constat de la directrice générale adjointe sur le fonctionnement actuel du service est clair : « il y a trop d’opérationnel, à peu près pas de stratégie, et très peu de planification », a-t-elle résumé.
La tendance naturelle des équipes est de tenter de répondre au mieux possible à la demande en se concentrant sur les activités courantes. Pendant ce temps, les délais à la Ville ne cessent pourtant d’être critiqués.
« Quand la planification n’est pas présente, c’est très facile d’y aller pour donner un bon service, mais la résultante n’est pas celle espérée », justement en raison de ce manquement, a observé Mme Angers.
Un bureau de projet consacré au réseau structurant de transport en commun est également créé séparément afin de mener cet autre grand chantier déjà amorcé à la Société de transport de Sherbrooke. Son mandat sera pour l’instant de déposer un dossier d’opportunité et des premiers scénarios visant à répondre aux besoins de déplacements à Sherbrooke pour les 30 prochaines années. En allant chercher des sommes de Québec, le réseau structurant pourrait ultimement mener à quelque chose comme un système de bus rapide dans l’axe de la rue King et du boulevard Bourque, selon ce qui est évoqué de manière préliminaire.
La section de la mobilité durable et intégrée sera aussi rapatriée depuis le bureau de l’environnement pour se greffer au service du développement stratégique du territoire. La logique de ce mouvement est d’arrimer ces deux domaines, « pour ne pas construire des quartiers puis regarder la mobilité ensuite », a soumis Mme Angers.
Grand retour du CCU
Autre réforme à l’urbanisme menée en parallèle, dans les instances politiques cette fois, on apprenait mardi soir que Sherbrooke retrouvera un comité consultatif d’urbanisme (CCU) central, un an et demi après le lancement des commissions politiques à l’hôtel de ville. Celle de l’aménagement du territoire avait pourtant repris son rôle à ce moment.
Dans une logique semblable à celle présentée plus tôt, le mandat de ce CCU central sera de reprendre en charge les dossiers courants pendant que la commission conservera les mandats plus larges de réflexion et d’orientation. « La commission aura énormément de pain sur la planche juste avec le plan d’urbanisme », a anticipé sa présidente Geneviève La Roche.
Elle a toujours insisté sur l’importance que les dossiers puissent continuer à cheminer malgré l’avancement de ce vaste chantier. Il s’agissait aussi d’une demande claire de plusieurs acteurs du milieu, dont les promoteurs, a-t-elle rappelé. Quatre citoyens et quatre élus siégeront au CCU central.
Les CCU d’arrondissement conserveront les responsabilités qui leur ont été transférés plus tôt durant le mandat et le caractère public des délibérations du CCU central sera conservé pour les dossiers qui le permettent, a assuré Mme La Roche.