Pourquoi les immeubles ne ferment pas (toutes) les lumières la nuit?
Par Jean-François Cliche, Le Soleil
30 novembre 2025 à 04h00|
Mis à jour le30 novembre 2025 à 10h04
Des édifices fédéraux encore très éclairés la nuit, à Ottawa. (Simon Séguin-Bertrand/Archives Le Droit)
SCIENCE AU QUOTIDIEN / «Hydro-Québec nous incite à consommer moins d’électricité en adoptant diverses mesures d’économie, surtout en période de pointe en hiver. Pourtant, dans nos villes, on voit beaucoup de lumières — néons, enseignes lumineuses, etc. — qui restent allumées toute la nuit même si les commerces sont fermés et les bureaux, vides. Est-ce que fermer toutes ces lumières «inutiles» nous ferait économiser beaucoup d’électricité?» demande Gilles Lamontagne, de Leclercville.
Ça éviterait certainement des dépenses en électricité, oui. Mais les résultats ne seraient pas fabuleux non plus.
D’après le dernier rapport des HEC L’État de l’énergie au Québec, l’éclairage compte pour 18 % des dépenses en énergie — toutes formes confondues: électricité, gaz, etc. — des bâtiments commerciaux et institutionnels. Dans un climat comme le nôtre, c’est vraiment le chauffage des locaux (45 % de l’énergie consommée) qui est le plus gros morceau.
Si l’on s’en tient à la seule consommation d’électricité, ces pourcentages peuvent varier pas mal d’un bâtiment à l’autre selon que l’édifice est chauffé à l’électricité ou au gaz/mazout. Mais il reste que l’éclairage compte pour une part relativement modeste de cette consommation. (C’est encore plus vrai dans le résidentiel, où il ne compte que pour 7 % de l’énergie consommée par le ménage moyen, mais c’est une autre question.)
En outre, il existe toutes sortes de raisons pour lesquelles les gestionnaires de grands édifices choisissent de garder au moins une partie de leurs lumières allumées la nuit. Certains employés de bureau peuvent rester tard, les équipes d’entretien ont besoin de lumière pour faire leur boulot, on veut aussi éloigner d’éventuels cambrioleurs, qui préfèrent «travailler» dans l’obscurité, et ainsi de suite.
À cause de cela, Hydro-Québec mise surtout (mais pas que, j’y reviens) sur le passage aux ampoules DEL pour réduire la consommation d’électricité liée à l’éclairage dans les bâtiments institutionnels et commerciaux. Les DEL, comme on le sait, «brûlent» entre 75 % et 90 % moins d’énergie que les ampoules incandescentes «classiques» et les néons pour produire une même quantité de lumière. Et comme l’éclairage, tel que mentionné plus haut, représente déjà une part relativement faible de la consommation d’électricité, il n’en reste plus tellement à économiser une fois qu’on s’est converti aux DEL.
(À cet égard, notons à titre illustratif qu’Hydro-Québec «ne constate plus d’impact des décorations de Noël sur la consommation depuis qu’elles sont aux DEL», m’a indiqué un de ses porte-paroles, Cendrix Bouchard. Il n’avait pas de chiffres précis à me donner à ce sujet, mais «il y a eu une époque où on sentait l’effet des décorations de Noël sur le réseau, alors que ce n’est plus perceptible maintenant», dit-il. Ce qui montre bien à quel point les DEL, sans faire descendre la consommation jusqu’à zéro, éclairent de manière efficace.)
À cet égard, notons à titre illustratif qu’Hydro-Québec «ne constate plus d’impact des décorations de Noël sur la consommation depuis qu’elles sont aux DEL», m’a indiqué un de ses porte-paroles, Cendrix Bouchard. (123rf)
Maintenant, il y a quand même des initiatives qui sont prises pour éteindre les lumières, la nuit, dans les grands immeubles. Il n’y a peut-être pas d’énormes économies d’électricité à faire là, mais «il y a quelque chose de symbolique là-dedans. Quand ils voient de grands immeubles éclairés toute la nuit, les gens peuvent se demander pourquoi ils feraient leur part pour réduire leur consommation», reconnaît M. Bouchard.
Hydro «recommande» par exemple d’installer des contrôles automatiques de l’éclairage pour l’éteindre, ou du moins le réduire, quand il n’est plus requis. Une «Alliance des bâtiments exemplaires» a également été lancée cet automne où 25 propriétaires d’édifices publics se sont engagés à adopter différents comportements optimaux de consommation, dont celui d’«éteindre les lumières des bâtiments lorsqu’ils ne seront pas occupés».
Cela dit, il semble que ce genre d’efforts ne donne pas toujours les résultats espérés, comme l’ont constaté deux de mes collègues l’an dernier. Alors que la Société québécoise des infrastructures, qui gère les édifices du provincial, jure que les lumières sont éteintes la nuit, nos journalistes ont trouvé plusieurs exemples de vastes espaces à bureaux qui étaient complètement vides, et pourtant encore très éclairés passé minuit.
Encore une fois, il peut y avoir de bonnes raisons de laisser les lumières d’un édifice public ouvertes la nuit. Mais pour le «symbolisme» évoqué par le porte-parole d’Hydro-Québec, il faudra repasser…

