Métamorphose en vue pour deux grands bâtiments patrimoniaux
PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
L’hôpital de la Miséricorde, à Montréal
Aux prises avec plusieurs bâtiments patrimoniaux vacants, Montréal veut en reconvertir deux importants, l’hôpital de la Miséricorde et l’Institut des sourdes-muettes, afin d’y accueillir des familles, des étudiants, des sans-abri et des bureaux.
Publié le 3 juin 2021 à 5h00
Philippe Teisceira-Lessard
La Presse
Henri Ouellette-Vézina
La Presse
L’administration Plante présentera bientôt son plan pour les deux immenses ensembles immobiliers, a appris La Presse. Le premier, boulevard René-Lévesque, accueillerait une nouvelle tour de bureaux et de condos de 17 étages, ainsi qu’un refuge pour sans-abri, des logements étudiants et du logement social.
Le second, rue Saint-Denis, inclurait une résidence pour les étudiants de l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), du logement social, un CPE et des bureaux pour l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal.
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Façade de l’Institut des sourdes-muettes, qui sera redéveloppé par la Ville de Montréal
Les projets, qui seront confiés à des promoteurs privés, constituent un « bon exemple » de la vision de mixité sociale préconisée par l’administration actuelle, a fait valoir la mairesse Valérie Plante en entrevue téléphonique. Les bâtiments appartiennent actuellement à l’État québécois.
« Ce qu’on essaie de faire, c’est de travailler en amont et de faire du développement inclusif », a expliqué Mme Plante en entrevue avec La Presse. « Quand les promoteurs vont s’intéresser à ces lieux-là, ils vont savoir quelles sont les attentes. »
À cinq mois des élections, Mme Plante est bien consciente que les inaugurations ne se feront pas avant le scrutin. Mais elle espère que les plans serviront d’illustration de ses priorités et de feuille de route pour la prochaine administration.
« Ce qui m’a beaucoup choquée, c’est comment ça s’est passé avec le Children’s », a-t-elle dit, faisant référence à des promoteurs qui avaient obtenu le feu vert de la Ville pour le redéveloppement du site de l’ancien Hôpital de Montréal pour enfants en s’engageant à y construire du logement social, avant de renoncer à cet engagement. Une école avait aussi été évoquée : elle n’a jamais vu le jour. Dans ce dossier, « les besoins de la population, les besoins de l’arrondissement, les besoins de la Ville n’ont pas été pris en considération », a déploré la mairesse.
Projets mixtes
La Ville veut donc faire connaître clairement ses conditions pour autoriser le redéveloppement des deux sites.
Pour l’hôpital de la Miséricorde, la permission de démolir un bâtiment en mauvais état pour construire une grande tour de 17 étages de bureaux et de condos pourrait attirer un promoteur.
En échange, celui-ci s’engagerait à aménager les espaces pour des projets moins payants, nommément « 90 logements sociaux, 130 ateliers d’artistes, 60 studios pour la Maison du Père, 80 studios étudiants », ainsi qu’un espace culturel dans la chapelle.
Plans pour l’hôpital de la Miséricorde
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« Les fonctions et les clientèles sont ségrégées de façon nette sur le site, sans cohabitation forcée », indique la présentation de la Ville. Sur le plan de la construction, le défi n’est pas mince. La Ville signale un « déficit d’entretien très important » et une « instabilité structurale ».
Dans le cas de l’Institut des sourdes-muettes, deux options sont envisagées par l’administration : la construction d’un nouveau bâtiment sur le grand terrain afin d’accueillir du logement social ou l’intégration d’un plus petit nombre d’unités dans les bâtiments actuels.
Plans pour l’Institut des sourdes-muettes
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Des fonctionnaires municipaux y éliraient domicile, tout comme des étudiants de l’ITHQ. Liza Frulla, grande patronne de l’école, s’est d’ailleurs dite enthousiasmée par le projet. « Il faut que ça se fasse », a-t-elle affirmé.
Mais là encore, des défis techniques importants attendent les architectes : les fondations souffrent d’« affaissements, [de] déformations et [d’]infiltrations », indique la Ville.
« Il suffit de bien les adapter »
Pour le porte-parole d’Héritage Montréal, Dinu Bumbaru, la reconversion de ces ensembles pose des « défis importants », mais doit être saluée sur le principe. « Autant la Miséricorde que l’Institut des sourdes-muettes font l’objet de discussions depuis longtemps. Il faut se rendre compte que ce sont des ensembles pararésidentiels », explique-t-il.
« Ce sont des milieux de vie. Il suffit de bien les adapter. Est-ce qu’on peut sauvegarder les intérieurs ? On y retrouve des espaces magnifiques et chargés de mémoire. Il y a la marque de notre époque, mais il y a aussi la mise en valeur de notre histoire », dit M. Bumbaru.
À ses yeux, le piège à éviter est de « tout vider à tout prix ». « On peut faire beaucoup de choses en termes d’adaptation […] Malgré les apparences, c’est encore plus un sujet de société qu’il y a 30 ans. Les gens sont plus sensibles au patrimoine, les mobilisations sont plus nombreuses », dit le porte-parole.
Quand on fait le catalogue des ensembles patrimoniaux à Montréal, c’est majeur, et pas juste au centre-ville. Ça prend une pluralité d’usages, avec une vision d’ensemble, et surtout un pilote dans l’avion.
Dinu Bumbaru, porte-parole d’Héritage Montréal
Pour David Wachsmuth, professeur d’urbanisme à l’Université McGill, deux forces s’opposent dans des milieux urbains « vieillissants » comme Montréal. « Les vieux bâtiments sont de moins en moins bien adaptés à nos usages modernes, mais en même temps, les gens apprécient beaucoup, d’un point de vue historique, l’existence de ces bâtiments. La Ville est donc obligée d’équilibrer ces deux forces, en direction opposée », raisonne l’expert.
À ses yeux, un redéveloppement comme celui qu’envisage Montréal est « une option à explorer ». « Réaménager des sites avec beaucoup de logements, pour donner aux gens un endroit où vivre, au lieu de s’arrêter au fait que c’est un héritage et qu’on ne peut pas y toucher, c’est une approche intéressante », juge M. Wachsmuth. « Il existe des possibilités de réaménagement, mais parfois les règles du patrimoine empêchent que cela se produise. Ça prend donc une grande conversation », conclut-il.
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