Protection du territoire

Le gouvernement Legault invité à accélérer la protection du territoire


Alexandre Shields, Le Devoir
Un des projets les plus ambitieux de protection du territoire est développé par Québec et Ottawa. Il pourrait mener à quadrupler la superficie du parc marin du Saguenay — Saint-Laurent.

Alexandre Shields
Pôle Environnement
19 décembre 2023
Environnement

Un an après la conclusion d’un accord mondial censé conduire vers une meilleure protection de la biodiversité, le Québec a toujours fort à faire pour espérer atteindre les objectifs de conservation des milieux naturels et des espèces menacées. Mais des groupes environnementaux estiment que la province a les moyens de montrer l’exemple et le gouvernement se veut rassurant pour les prochaines années.

« L’année 2024 sera déterminante pour l’atteinte des objectifs du cadre mondial sur la biodiversité. Nous sommes encore à une bonne distance des cibles, mais nous avons des ressources significatives pour atteindre certains des objectifs. Il faudra donc un leadership fort du gouvernement pour que tous les ministères adhèrent aux objectifs, comme celui de la protection du territoire », résume le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec (SNAP Québec), Alain Branchaud.

Selon les données officielles, environ 17 % du territoire naturel terrestre du Québec est actuellement protégé, soit environ 257 000 km2. En ce qui a trait aux milieux marins, on parle d’environ 10 %, avec un peu plus de 16 000 km2. Or, l’objectif auquel a adhéré le Québec et qui est inscrit dans l’accord Kunming-Montréal adopté le 19 décembre 2022 à la conférence internationale sur la biodiversité (COP15) prévoit de faire passer, dans les deux cas, le taux de protection à 30 % d’ici 2030.

Cela signifie que le Québec devra ajouter plus de 200 000 km2 de territoires terrestres protégés d’ici la fin de la décennie, mais aussi au moins 30 000 km2 de territoires marins protégés.

Certains progrès ont d’ailleurs été réalisés en 2023 avec l’ajout d’environ 3000 km2 « mis en réserve » dans la portion sud de la province, notamment dans le Bas-Saint-Laurent et en Outaouais. « Mais il faudra accélérer le rythme pour se rendre à 30 % en 2030. Au rythme actuel, nous n’atteindrons pas cette cible », prévient Alain Branchaud.

Le « test » caribou

Le biologiste estime que Québec devra « innover » pour y parvenir. « On pourrait par exemple protéger des écosystèmes riches en carbone, notamment dans la région de la Baie-James, pour éviter que ce carbone soit libéré dans l’atmosphère. Et on devrait aussi travailler davantage avec les Premières Nations. »

Changer de paradigme permettrait aussi, selon lui, d’assurer un climat plus serein pour le développement économique. « Si on protège en priorité ce qui doit être protégé, on se donne les moyens d’assurer une certaine prévisibilité pour la réalisation des projets industriels. Actuellement, nous avons plutôt des conditions propices aux affrontements », constate-t-il.

Le cas du caribou forestier illustre bien cet affrontement entre le statu quo forestier industriel et la nécessité de protéger la biodiversité, mais aussi les forêts qui sont des alliées dans la lutte contre la crise climatique. Pour stopper le déclin, on estime qu’au moins 35 000 km2 de forêts devraient être protégés rapidement.

Pour la directrice générale de Nature Québec, Alice-Anne Simard, la stratégie toujours attendue de protection du cervidé aura d’ailleurs valeur de « test » pour le gouvernement Legault. « Est-ce que la volonté de protéger les espèces menacées se résume à des paroles en l’air ? Il faudra voir ce qui sera proposé pour le caribou, qui est une espèce emblématique. Si on ne parvient pas à mieux le protéger, qu’est-ce que nous allons faire avec des espèces moins connues, mais qui sont aussi menacées ? » fait-elle valoir.

M. Branchaud et Mme Simard insistent donc sur le besoin d’accroître la « cohérence » de l’action gouvernementale. Dans le cadre de la course pour respecter l’objectif de protection de 17 % du territoire avant la fin de 2020, le gouvernement avait écarté des dizaines de projets d’aires protégées, dont plusieurs avaient été bloqués par des ministères à vocation économique. « Le principal obstacle à la protection du territoire terrestre, ce sont les consultations interministérielles qui débouchent sur des freins imposés par d’autres ministères », déplore Alain Branchaud.

Le projet de protection de la rivière Magpie, par exemple, avait été mis de côté afin de préserver son potentiel hydroélectrique. Et plusieurs projets dans différentes régions étaient tout simplement irréalisables en raison du blocage provoqué par l’existence de permis d’exploration minière. Dans ce cas, la situation est d’ailleurs pire aujourd’hui, puisque le nombre de titres miniers a véritablement explosé au cours des dernières années.

Freiner le déclin

Or, l’accord Kunming-Montréal insiste clairement sur le besoin de freiner la perte de milieux naturels et le déclin des espèces en péril. Dans ce contexte, Alice-Anne Simard déplore la réalisation du projet d’usine Northvolt sur un terrain qui abrite une riche biodiversité. « Il faut s’assurer que la transition énergétique ne vient pas aggraver la crise de la biodiversité. »

Il faut s’assurer que la transition énergétique ne vient pas aggraver la crise de la biodiversité.

— Alice-Anne Simard

Elle rappelle aussi que l’objectif de stopper la perte de milieux humides, pourtant inscrit dans la législation depuis 2017, n’est toujours pas une réalité. En fait, moins de 40 % des 15 000 000 m2 de milieux humides et hydriques perdus depuis cette date ont été comblés, selon un rapport publié en avril par la commissaire au développement durable.

Des écologistes saluent néanmoins des progrès réalisés au Québec depuis la COP15. Mme Simard et M. Branchaud citent en exemple le développement du « Plan nature 2030 », qui devrait être présenté au cours des prochains mois et qui doit orienter les actions du gouvernement de façon à « agir sur les menaces qui pèsent sur la biodiversité ». Le gouvernement a aussi révisé la Loi sur l’aménagement pour permettre aux municipalités de protéger des milieux naturels sans craindre les poursuites.

Dans un effort de coopération avec le gouvernement Trudeau, Québec travaille par ailleurs sur le projet d’expansion du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent et sur un projet de création d’un nouveau parc marin. Celui-ci serait situé dans le golfe du Saint-Laurent, entre l’île d’Anticosti et la Côte-Nord.

« Nous sommes convaincus de pouvoir atteindre notre objectif de protéger 30 % des milieux naturels d’ici 2030 », assure le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, dans une réponse écrite au Devoir. Il rappelle que le gouvernement caquiste a réalisé des progrès importants pour atteindre la cible de 17 % en 2020. « Le Québec est riche de sa biodiversité et les actions que nous menons démontrent bien toute l’importance que nous y accordons », ajoute le ministre.

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Northvolt a l’autorisation de raser les milieux naturels sur son site


Roxane Léouzon, Le Devoir
Le site naturel, qui sera détruit en bonne partie pour faire place à la giga-usine de Northvolt grâce à des fonds publics, compte pas moins de 74 milieux humides.

Alexandre Shields
13 h 11
Environnement

Le gouvernement Legault vient d’autoriser Northvolt à raser les milieux naturels du site de la future usine, qui a échappé à une évaluation environnementale. L’entreprise, qui compte commencer ses travaux dans les prochains jours, estime que 8000 arbres devront être abattus et des milieux humides seront détruits, en échange d’une compensation financière. Le terrain abritait jusqu’à présent une riche biodiversité.

Selon ce que Northvolt a annoncé mardi matin, le ministère de l’Environnement, de la Lutte aux changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) lui a accordé « un permis d’intervention en milieux humides et hydriques ».

« Les travaux préparatoires du site pourront débuter dans les prochains jours, à la suite de l’obtention d’un permis de construction délivré par la ville de Saint-Basile-le-Grand », a aussi affirmé l’entreprise, qui a organisé une rencontre avec des médias mardi pour présenter des détails des travaux à venir.

Northvolt, qui n’a pas eu à produire d’étude d’impact pour son projet industriel, ni à se soumettre à une évaluation environnementale, assure qu’elle réalisera « un vaste projet de protection des milieux naturels », notamment en évitant certains secteurs du terrain.

Elle prévoit aussi compenser les coupes d’arbres prévues. Comme un peu plus de 8000 arbres seront coupés, un total de 24 000 arbres devraient être plantés ailleurs.

Les coupes d’arbres doivent être réalisées avant le printemps pour permettre à Northvolt de se conformer à la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs. Cette loi interdit les travaux durant la période de nidification. L’habitat qui était jusqu’ici utilisé par ces espèces d’oiseaux pourra donc être détruit, puisque la nidification est terminée. Au moins 142 espèces d’oiseaux fréquentent le site, dont certaines sont menacées.

74 milieux humides

Le site naturel, qui sera détruit en bonne partie pour faire place à la giga-usine de Northvolt grâce à des fonds publics, compte pas moins de 74 milieux humides. Une forte majorité d’entre eux sont importants pour la conservation de la biodiversité. La région de la Montérégie a perdu l’essentiel de ses milieux naturels au fil des décennies, en raison de l’étalement urbain et du développement de l’agriculture.

« Comme il n’est pas possible d’éviter l’ensemble des milieux humides, Northvolt a versé une contribution financière de 4,75 millions au Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État », précise l’entreprise par voie de communiqué.

CIMA + a en outre documenté, pour l’entreprise la présence d’herpétofaune, qui regroupe les amphibiens et les reptiles. On y apprend notamment que l’inventaire a permis de « confirmer la présence sur le site de plusieurs tortues peintes et tortues serpentines ». Puisque les travaux de préparation du site sont prévus lors de la période d’hibernation de ces tortues, celles-ci devraient être enterrées vivantes.

Par ailleurs, Northvolt prévoit de pomper de l’eau de la rivière Richelieu dans le cadre de ses opérations. On ignore pour le moment les volumes prévus, mais cette eau sera ensuite traitée sur place avant d’être rejetée dans la rivière.

Le MELCCFP a publié mardi un communiqué pour annoncer l’octroi de l’autorisation lundi. « Le site est conforme à un usage industriel », a indiqué le ministère. Un site de 30 à 50 hectares devra être conservé ou restauré ailleurs au Québec, mais Northvolt a trois ans pour proposer un site au ministère et obtenir son approbation.

Par ailleurs, une seule portion du mégaprojet industriel de Northvolt devrait être soumise à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, mais uniquement une fois que l’usine sera construite et déjà en activité. L’évaluation environnementale ne tiendra donc pas compte de la destruction des milieux naturels du site.

Avec Roxane Léouzon

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C’est là que l’on voit les vraies couleurs du gouvernement Legault. :rage:

Je pense qu’il faut être conséquent avec nos attentes envers le gouvernement, on ne peut pas demander des meilleurs conditions pour les travailleurs dans le secteurs publique et critiquer le gouvernement quand il essaye de créer de la richesse qui pourrait éventuellement aider à augmenter le salaire des enseignants par exemple.

On occupe tellement une partie infime du territoire québécois qu’on peut se permettre ce genre d’écart. Sur cette planète on est loin d’être les plus grand pollueur. On va pas commencer à se tirer dans le pied par bonne conscience.

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Je me demande juste avant de critiquer. Il y a-t-il d’autre site disponible? Est-ce-que le projet pourrait être diviser en petite usine pour utiliser des terrains plus appropriés? Est-ce-que ces techniquement possible de construire cette usine en minimisant les impacts(optimiser l’espace utilisé pour l’entreposage, le camionnage, les bureaux…)

Très mauvais argument. En effet, à l’échelle de la province entière, le territoire urbanisé est minuscule, mais il est tout concentré au même endroit : principalement la plaine du Saint-Laurent.

Dans cette région, la plus riche en biodiversité du Québec, la pression sur les milieux naturels est la plus grande, pendant que le besoin d’y préserver et conserver les milieux naturels est aussi le plus grand. Ce n’est pas pour rien qu’on parle souvent de protection du territoire méridional, la conservation du Québec septentrional est bien plus facile, mais la conservation du Québec méridional est bien plus urgent.

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Sauf que c’était un ancien site industriel. Si on commence à penser de même. On est condamné à ne plus avoir d’entreprise industriel qui vont venir s’installer.
Site industriel, compagnie part, nature reprend ces droits, site plus disponible.

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encore une fois, ça nous sert à quoi de protéger des reptiles? Ça nous avance à quoi? Déjà que le gouvernement a décidé de ne pas exploiter des ressources naturelles comme le pétrole et le gaz, un moment donné c’est bien beau vivre d’amour et d’eau fraîche mais on ira pas très loin.

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Je trouve l’approche de ce reportage intéressante car on se demande souvent pourquoi juste une espèce est importance, et ici on dit pourquoi.

La balance entre le développement économique et l’environnement est un exercice difficile, c’est bien d’en parler je crois, peu importe notre opinion en bout de ligne.

L’effondrement de la biodiversité est un mur infranchissable. Vient un temps où on doit tracer une ligne pour s’assurer que cela n’arrive pas. On ne peut tout simplement pas vivre sans eau fraîche. Au final on peut décider que cet usine peut se construire, mais à mon avis il faut quand même l’analyse pour le confirmer, ou non. Développer à l’aveugle ne met aucune limite en direction de la destruction de la biodiversité.

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En effet, je ne parlais pas spécifiquement de ce site, que je ne connais pas assez pour juger de la pertinence de sa protection ou non. Toutefois, je reste déçu que le côté environnemental ait été aussi rapidement écarté de ce projet.

C’est une question que je ne suis même pas sur de pouvoir répondre concrètement tellement elle est large. À quoi ça sert sous quel point de vue ? Économiquement, socialement, moralement ? Je pourrais poser la même question sur à quoi ça sert la culture, les arts ou même ce forum si on ne parle strictement que des bénéfices économiques. Tu emplois le nous, donc j’imagine que tu parles des bénéfices de la protection de la faune pour la société. Au delà des évidents bénéfices qui viennent de la protection d’espèces en danger pour les génération futures et pour la sauvegarde de la biodiversité, la protection de la faune et plus largement des écosystèmes permet de protéger les services essentiels qu’apportent la nature (filtrage de l’eau, réduction des températures, stockage de polluants, etc), des services qui ont des conséquences directes sur la qualité de vie humaine et sur l’économie.

On sait pourtant que la crise climatique et environnementale a des couts absolument immenses, qui ne vont que s’alourdir avec le temps, et beaucoup plus rapidement qu’on le pense. Ce n’est pas un choix que de développer durablement et de s’adapter, c’est une nécessité et plus on prendra du temps à le faire, plus on paiera le prix pour.

En fait, pour revenir à ton point sur la pertinence de la protection de la faune, cette protection vient toujours avec la protection de tout son écosystème et c’est cet ensemble qui apporte des bénéfices à société, autant économiquement que sur les plans sociaux et culturels. Par exemple, la destruction des milieux naturels en Montérégie qui a rendu si précaire la rainette faux-grillon de l’Ouest s’est également traduit par une augmentation de l’érosion des berges des rivières, des inondations, de sécheresses, qui, chaque années coûtent des dizaines de millions de dollars au minimum au Québec. Quand les rivières débordent et inondent les maisons, ça coûte cher, quand le manque d’eau dans la nappe phréatique et les rivières empêche le bon fonctionnement de l’agriculture dans le grenier du Québec, ça coûte cher, quand il faut enrocher des berges (ne faisant que déplacer le problème dans le temps) et reconstruire des installations car elles ont été affectées par l’érosion des berges, ça coûte cher.

Par exemple, seulement pour le petit bassin versant de la rivière Saint-Régis, sur la rive-sud, une petite rivière anonyme comme il y en a des dizaines seulement dans la région de Montréal, “régler” les problèmes liés à l’érosion coûtera au moins dans les 50 millions de dollars (chiffre d’il y a déjà deux ans il me semble, donc certainement plus aujourd’hui et ce, que pour l’érosion, pas les inondations, pas les sécheresses). Répétons ça pour chaque bassin versant et on voit que les coût vont vite monter dans les centaines de millions de dollars, seulement pour lutter contre l’érosion dans un contexte qui n’est même pas maritime.

Je ne m’oppose pas du tout au développement résidentiel, commercial ou industriel, bien au contraire ! Mais il faut arrêter de ne pas considérer l’environnement dans l’équation, surtout sur d’aussi gros projets. La richesse, ce n’est pas que la production et les emplois générés.

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Toujours dans le dossier de Northvolt

Des documents caviardés ou refusés pour le dossier Northvolt


Photo: Christinne Muschi, La Presse canadienne
Après avoir essuyé un refus de la part de Northvolt et du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, « Le Devoir » a tout de même obtenu plusieurs centaines de pages de documents déposés par l’entreprise au ministère en utilisant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.

Alexandre Shields
Pôle environnement
10 janvier 2024
Environnement

Il n’est pas simple, voire impossible, d’obtenir certaines informations concernant le dossier du mégaprojet d’usine de Northvolt, financé par le gouvernement du Québec. Le Devoir a essuyé des refus et a obtenu des documents lourdement caviardés au cours des derniers mois, en réponse à des demandes en vertu de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Quelques semaines à peine avant l’annonce de la construction de l’usine de composantes de batteries, le gouvernement Legault a modifié les règles qui prévoyaient auparavant d’assujettir automatiquement un tel projet à une évaluation environnementale, y compris à une étude d’impact et un probable examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).

Northvolt a donc pu échapper à cette procédure, qui est pourtant commune pour les projets industriels de grande ampleur.

Le Devoir a fait parvenir une demande au ministère du Conseil exécutif, donc le ministère du premier ministre François Legault, afin d’obtenir des documents concernant les modifications réglementaires qui ont été adoptées par le gouvernement.

Nous avons essuyé un refus. Dans sa décision, la « responsable de l’accès à l’information » a évoqué neuf articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics qui concernent notamment des renseignements de nature commerciale, financière, technique ou liés à une « négociation ». La décision mentionne aussi des « renseignements confidentiels ».


Image: Le Devoir
Une page du document caviardé obtenu du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie en vertu de la Loi d’accès à l’information.

Une autre demande similaire a été envoyée au ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, dont Pierre Fitzgibbon est responsable. Le ministère nous a fait parvenir des documents presque totalement caviardés, et ce, en évoquant six articles de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics.

« D’autres documents ne sont toutefois pas accessibles. Ainsi, nous ne divulguerons pas ceux qui contiennent, en substance, des informations ayant des incidences sur l’économie et sur les décisions administratives ou politiques ainsi que des notes préparatoires ou autres documents de même nature », précise la réponse du ministère.

Demandes aux villes

Le Devoir a aussi tenté d’obtenir des détails concernant les échanges qu’ont eu les municipalités de Saint-Basile-le-Grand et de McMasterville avec Northvolt, puisque l’usine sera construite sur un terrain qui chevauche le territoire des deux municipalités de la Montérégie.

Saint-Basile-le-Grand a refusé de transmettre les courriels reçus ou envoyés par le maire concernant Northvolt, et ce, dans les deux mois précédant l’annonce du projet. McMasterville nous a fait parvenir des documents en bonne partie caviardés. On y confirme seulement que le maire, Martin Dulac, a visité des installations de Northvolt en Suède quelques jours avant l’annonce du projet d’usine au Québec.

Par ailleurs, après avoir essuyé un refus de la part de Northvolt et du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Le Devoir a tout de même obtenu plusieurs centaines de pages de documents déposés par l’entreprise au ministère en utilisant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics. Ces documents, envoyés un vendredi en fin de journée, ont révélé la richesse de la biodiversité qui sera détruite pour construire les installations industrielles.

Pour le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, Éric-Pierre Champagne, il est clair que cette loi aurait besoin d’être mise à jour. « Au départ, l’esprit de la Loi était que tout est public, par défaut, mais qu’il peut y avoir des exceptions. Aujourd’hui, on a l’impression que c’est le contraire qui se produit. Il faudrait donc moderniser la Loi pour revenir à l’esprit d’origine », explique-t-il.

« Les gouvernements ou les municipalités, par exemple, trouvent toutes sortes d’échappatoires pour ne pas transmettre les documents ou alors les caviarder », déplore M. Champagne, en rappelant que des cas similaires à ceux cités ici sont monnaie courante. Selon lui, le gouvernement du Québec, peu importe ses intérêts politiques, aurait intérêt à agir de façon à accroître « la transparence ».

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Sur le compte X du journaliste en environnement du Devoir Alexandre Shields

Voici la liste des 65 espèces d’oiseaux observées sur le site de Northvolt en 2023, dans le cadre d’inventaires réalisés pour l’entreprise. 11 espèces sont inscrites sur la liste des espèces en péril. Document obtenu par @LeDevoir. @BiologistesQc, @CMM_info, @BirdsCanada

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Un projet qui proposait de détruire la moitié de la superficie que ce que propose Northvolt avait été refusé en mars 2023

Northvolt détruira un site jugé important pour la biodiversité par des experts du gouvernement


Alexandre Shields, Le Devoir
Les travaux de destruction des milieux humides devraient enterrer vivants des animaux qui hibernent, dont des tortues peintes.

Alexandre Shields
Pôle environnement
14 h 32
Environnement

Le gouvernement Legault a autorisé cette semaine Northvolt à détruire une superficie deux fois plus importante de milieux humides qu’un autre projet de développement refusé sur le même site il y a moins d’un an. Les experts du ministère de l’Environnement avaient alors justifié leur décision en insistant sur la richesse de la biodiversité du terrain, le caractère essentiel des milieux naturels pour la région et « l’impressionnante diversité » de la faune, dont la présence d’espèces menacées.

Le Devoir a obtenu l’autorisation accordée lundi à Northvolt pour lui permettre de détruire les milieux naturels du site de sa future usine de composantes de batteries de véhicules. On y constate que le projet « affectera » un total de 153 732 m2 de milieux humides, dont 15 570 m2 devront être restaurés d’ici la fin de 2032, mais sans donner davantage de précisions. Ce feu vert est conforme à la demande soumise par l’entreprise suédoise.

Il y a de cela 10 mois, soit le 7 mars 2023, ce même ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) avait pourtant refusé à des promoteurs immobiliers le droit de détruire 64 936 m2 de milieux humides sur le même terrain.

Sur cinq pages, le ministère avait justifié sa décision en insistant sur l’« atteinte aux fonctions écologiques et à la biodiversité des milieux humides » qui résulterait de la « destruction » de ces milieux naturels.

Fait à noter, l’autorisation accordée cette semaine ne mentionne pas le mot « destruction », alors que le refus utilise ce terme à quatre reprises, notamment pour parler des milieux humides perdus et du « couvert végétal ». Les deux documents sont signés par le même « directeur régional de l’analyse et de l’expertise de la Montérégie ».

Le document de mars 2023 souligne que la perte prévue de 64 936 m2 de milieux humides porterait atteinte « à la fonction de conservation de la biodiversité que remplissent les milieux humides présents sur le site en causant la destruction de grandes superficies de milieux diversifiés offrant des habitats pour l’alimentation, l’abri et la reproduction des espèces vivantes ».

On indique du même souffle que la diversité d’étangs et de marais « fournit une variété d’habitats pour les espèces vivantes, ce qui permet le maintien de la biodiversité dans un contexte où les milieux naturels sont rares et où les pratiques agricoles et le développement urbain homogénéisent le paysage ».

Même si le gouvernement Legault et Northvolt ont mentionné à plusieurs reprises que certains des milieux humides résultaient des travaux passés sur le site, dont la décontamination, les experts du ministère font valoir que « l’origine ou la cause de l’apparition des milieux humides ne fait pas partie des critères d’analyse du ministère ».

« Impressionnante diversité »

Le document de mars 2023 évoque également « l’impressionnante diversité » des espèces d’oiseaux — 142 observées, selon les données disponibles — observées sur le site, considéré comme un lieu de nidification et une « halte de migration ». Le terrain est aussi utilisé « par plusieurs groupes fauniques », dont des espèces menacées. Les données fournies au Devoir cette semaine par le MELCCFP font état de 21 espèces menacées ou vulnérables.

Dans ce contexte, un feu vert fragiliserait « les liens de connectivité entre les milieux naturels de la région », puisque le fait de raser le site est « susceptible de compromettre le déplacement des espèces à travers une trame fragmentée et d’avoir un impact négatif sur la viabilité et la persistance des populations et, par le fait même, sur la biodiversité ».

« La taille et l’emplacement du site lui permettent de jouer le rôle d’intermédiaire entre deux massifs forestiers d’importance, soit le mont Saint-Bruno et le mont Saint-Hilaire, et entre les corridors forestiers reconnus régionalement associés à ces deux Collines Montérégiennes », précise-t-on.

Site « industriel »

Pourquoi est-ce que la destruction des milieux humides par Northvolt est plus acceptable que ce qui était prévu dans le cadre du projet immobilier nommé Quartier MC2 ? « Il faut savoir que le projet immobilier et Northvolt sont deux projets différents et que les plans d’implantation ne sont pas les mêmes. Le site en question est un site industriel qui convient à l’implantation d’un projet industriel », répond le cabinet du ministre responsable du MELCCFP, Benoit Charette.

En plus d’une compensation financière de 4,75 millions de dollars pour la destruction des milieux humides, « l’entreprise s’est aussi engagée à créer, restaurer ou conserver des milieux naturels sur une superficie à déterminer, qui sera d’égale valeur écologique », ajoute le bureau de M. Charette. Un secteur de 30 à 50 hectares devra être conservé ou restauré ailleurs au Québec, mais Northvolt a trois ans pour proposer un site au ministère et obtenir son approbation.

Professeure associée au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal, Stéphanie Pellerin s’explique mal comment « un site considéré comme étant important pour la protection de la biodiversité est soudainement devenu sans importance ». Elle fait valoir que le document du « refus » résultait d’une analyse scientifique rigoureuse. « Les raisons évoquées en mars 2023 sont toujours valables aujourd’hui », insiste-t-elle.

Mme Pellerin déplore le développement industriel d’un des derniers sites naturels de la région situé en bordure de la rivière Richelieu. Le document du MELCCFP daté de mars 2023 évoquait d’ailleurs cet enjeu : « Les superficies actuellement occupées par des milieux humides dans le bassin-versant de la rivière Richelieu sont estimées à environ 6 %, ce qui est déjà insuffisant pour assurer le maintien des fonctions écologiques que ces milieux remplissent ».

Le directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Québec, Alain Branchaud, abonde dans le même sens. « Deux demandes similaires présentées pour les mêmes activités de destruction et pour les mêmes lots sur un intervalle de seulement 10 mois avec comme résultats deux réponses diamétralement opposées et endossées par le même signataire. Décidément, plus on fouille ce dossier, plus il nous apparaît évident qu’une évaluation environnementale indépendante est nécessaire. »

Mercredi, le Parti libéral du Québec, Québec solidaire et le Parti québécois ont plaidé pour la réalisation d’une évaluation environnementale, incluant un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, avant d’aller de l’avant.

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Demande d’injonction pour suspendre les travaux de Northvolt déposée par le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE)

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Laval « On souhaite faire rayonner notre secteur agricole »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Vue aérienne de la rue Riopelle, qui divise le quartier de Sainte-Rose et un terrain agricole

Il ne pousse pas que des bungalows et des centres commerciaux à Laval, mais aussi des cultures dans les sols parmi les plus fertiles du Québec. Alors que notre garde-manger est sous pression de l’urbanisation, le maire Stéphane Boyer souhaite augmenter la superficie des terres cultivées à Laval et même agrandir le territoire agricole protégé sur l’île.

Publié à 1h05 Mis à jour à 5h00

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Daphné Cameron
Daphné Cameron La Presse

Ce qu’il faut savoir

Québec mène actuellement une consultation nationale afin de moderniser la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles qui s’arrêtera ce mardi à Laval.

Le maire de Laval demande au gouvernement d’appuyer la Ville dans sa volonté de valoriser l’utilisation de son territoire agricole, « incluant la possibilité d’agrandir sa zone permanente agricole ».

Stéphane Boyer veut accélérer le remembrement des terres agricoles sur son territoire.

C’est ce qu’il viendra défendre, ce mardi, dans le cadre de la consultation nationale visant à moderniser la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, adoptée il y a 45 ans.

« Beaucoup de municipalités, souvent, souhaitent plus dézoner, enlever des parties de la zone agricole, mais dans notre cas, moi, je pense qu’il y a des façons de développer autrement. De plus en plus, on va voir la densification des villes », a expliqué M. Boyer en entrevue avec La Presse.

La zone agricole protégée de Laval est de 7123 hectares, soit 28,9 % de son territoire. « On souhaite faire rayonner notre secteur agricole, c’est souvent une dimension qui est peu connue de Laval », a-t-il ajouté.

Pour y parvenir, le maire Boyer souhaite notamment la remise en culture de milliers de petits lots qui appartiennent à des particuliers en zone agricole, mais qui ne les exploitent pas.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Stéphane Boyer, maire de Laval

Avant l’adoption de la loi qui est venue protéger le territoire agricole à Laval, il y a beaucoup de grandes terres agricoles qui avaient été achetées par des investisseurs immobiliers ou des spéculateurs qui les ont scindées en centaines ou milliers de lots pour faire des maisons unifamiliales.

Stéphane Boyer, maire de Laval

Ces terrains ont ensuite été revendus à la pièce à des milliers de personnes « pour des peanuts ».

« Ce sont des gens qui, à l’époque, ont voulu spéculer, ont voulu s’acheter un terrain comme forme d’investissement en se disant : un jour, ça va être développé. »

« Une terre comme un gruyère »

Il existe à Laval 21 sites qui ont été subdivisés en 6097 lots. Depuis 2019, la Ville est parvenue à en acheter 2328 dans le cadre d’une vaste stratégie de remembrement du territoire agricole. Un travail de moine.

Laval demande maintenant l’appui de Québec pour accélérer ce processus.

« Concrètement, ça pourrait venir avec, par exemple, un droit d’expropriation pour remembrement agricole », suggère le maire Boyer.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Image aérienne d’une zone agricole située en face du boulevard des Mille-Îles, à Laval. Au centre de l’image, un site où 1538 lots ont été subdivisés – 484 lots ont été achetés par la Ville de Laval depuis 2019.

Il explique que Laval a envoyé une lettre aux milliers de propriétaires de tous ces lots. Dans bien des cas, les propriétaires étaient les héritiers des premiers acheteurs. Certains ont été retrouvés à New York ou en Europe. La Ville a même retrouvé des propriétaires de cinquième succession.

Certains ne savaient même pas c’était où, Laval ! Donc, c’est vraiment une drôle de situation où on a laissé des terres agricoles prendre la poussière au fil du temps, puis on n’a jamais fait le ménage nécessaire pour les remettre en culture.

Stéphane Boyer, maire de Laval

Une fois les terres acquises, la Ville de Laval souhaite les louer ou les revendre à des agriculteurs établis et de la relève.

« On ne peut pas céder une terre qui est comme un gruyère avec plein de terrains qui ne nous appartiennent pas. Donc, c’est ça qui fait que c’est difficile, c’est qu’on ne peut pas les remettre en culture tant et aussi longtemps qu’on n’est pas 100 % propriétaires. »

Consultation nationale

Adoptée en 1978, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles est l’héritage du plus célèbre ministre québécois de l’Agriculture, Jean Garon. Elle visait à mettre un frein à l’étalement urbain et à protéger les bonnes terres agricoles de la spéculation immobilière.

Elle a ainsi délimité des « zones vertes » où il est interdit de construire des commerces ou des résidences autres que celles des agriculteurs qui exploitent la terre.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Avec 30 % de territoire agricole, c’est facile de manger local », peut-on lire sur cette pancarte installée le long du boulevard des Mille-Îles, à Laval.

Fin juin, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne, a annoncé la mise en place d’une consultation d’une durée de près d’un an en vue de moderniser cette loi.

La superficie « verte » du Québec est évaluée à quelque 6,3 millions d’hectares. Cela représente environ 5 % du territoire de la province, même si, dans les faits, en excluant les boisés, les forêts, les friches et les milieux humides, c’est plutôt environ 2 % du territoire qui serait exploité à des fins agricoles.

Agrandir le territoire agricole permanent

Même si la zone agricole protégée de Laval est de 7123 hectares, dans les faits, seulement 3323 hectares étaient en culture en 2022. Environ 2500 hectares sont des milieux humides ou des forêts, tandis que 1300 hectares étaient en friche.

Mais il y a aussi des terres qui sont cultivées dans ce que l’on appelle la « zone blanche », soit des terrains zonés résidentiels, industriels ou commerciaux.

« Dix pour cent de nos zones en culture ne sont pas protégées en ce moment », résume Stéphane Boyer.

Le maire de Laval aimerait éventuellement obtenir des « outils juridiques » pour « pouvoir protéger ce qui est déjà en culture, mais qui n’a pas de garantie de survie ».

Il aimerait donc un agrandissement de la zone verte, une prise de position rarement entendue.

Concrètement, à Laval, 209 hectares cultivés à l’extérieur de la zone agricole appartiendraient majoritairement à des promoteurs et investisseurs.

À cela s’ajoutent 130 hectares possédés par des agriculteurs, qui ne sont pas officiellement zonés agricoles, mais qui jouissent d’un statut particulier appelé « zone agricole provisoire » ou « inclusion ».

« À l’avant-garde »

Ce bassin de terres est encadré par une entente entre la Ville de Laval et le syndicat local de l’Union des producteurs agricoles (UPA) conclue en 1988. Cette entente prévoit que la Ville ne s’adressera pas au gouvernement ou aux tribunaux pour dézoner des terres en zone verte protégée. En contrepartie, l’UPA Laval ne s’opposera pas systématiquement à une démarche de la Ville de Laval qui souhaiterait retirer une terre de la « zone agricole provisoire » pour son développement.

En entrevue avec La Presse, Gilles Lacroix, président de l’UPA Laval, a estimé que revoir cette entente risquait de « semer la pagaille » et ne constituait pas une véritable priorité pour les agriculteurs.

Ça fait 35 ans que c’est comme ça. Moi, j’aime ça, la tranquillité et la paix, et je ne veux pas recommencer à me battre là, on a bien plus de temps à mettre à essayer de diminuer les [terres en] friche parce que les friches ont augmenté en 2022.

Gilles Lacroix, président de l’UPA Laval

« Je vous dirais que [le maire Stéphane Boyer] est à l’avant-garde », a pour sa part ajouté Danielle Pilette, professeure associée de gestion municipale à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM.

« C’est sûr qu’il y a beaucoup, beaucoup de municipalités et probablement qu’elles sont majoritaires, qui ne voient qu’un développement traditionnel. La croissance pour la croissance. »

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Northvolt empiétera sur des milieux humides « identifiés » pour leur intérêt écologique


Photo: Alexandre Shields, Le Devoir
Le site de Northvolt est actuellement constitué de plusieurs types de milieux naturels, dont des dizaines de milieux humides qui abritent de nombreuses espèces comme la tortue peinte.

Alexandre Shields
06 h 44
Environnement

En plus de tous les milieux humides qui disparaîtront du site de la future usine de Northvolt, le gouvernement Legault a autorisé l’entreprise à empiéter sur des milieux humides « identifiés » pour leur intérêt écologique par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), a appris Le Devoir. L’entreprise promet toutefois de restaurer les lieux dans les prochaines années.

Au moment d’approuver la destruction d’un peu plus de 138 000 m2 milieux humides afin de préparer le site de l’usine de composantes de batteries, le gouvernement Legault a également approuvé un empiètement de plus de 15 000 m2 sur des milieux humides qui devront être « remis dans l’état où ils étaient avant que ne débutent ces travaux ou dans un état s’en rapprochant à la fin des travaux, au plus tard le 31 décembre 2032 ».

Par courriel, Northvolt confirme d’ailleurs ce volet du projet en précisant qu’« il s’agit d’espaces temporaires nécessaires à la réalisation des travaux ». On ne sait pas dans quelle mesure ces milieux naturels ou les espèces qui y vivent seront affectés par le projet industriel, puisqu’il n’y a pas eu d’étude d’impact. Mais l’entreprise assure qu’ils seront restaurés dans les années à venir, comme l’exige le gouvernement.

Parmi ces milieux naturels, on retrouve 4700 m2 « de milieux humides identifiés par la CMM », indique Northvolt dans sa réponse au Devoir. Selon l’entreprise, il n’y aurait toutefois pas, dans cette zone, « d’habitat d’espèce à statut particulier », donc d’espèce menacée.

Il n’a pas été possible de vérifier cette information d’une source indépendante. Les seuls documents disponibles ont été produits par des firmes mandatées par la multinationale suédoise. On sait toutefois que les milieux en question se trouvent aux limites d’une zone du terrain où on retrouve notamment des habitats du petit blongios, une espèce « menacée ».

Il faut savoir que la CMM a identifié sur son territoire des milieux humides en fonction de leur « intérêt » pour la préservation de la biodiversité. On en retrouve sur le site de Northvolt, notamment dans un secteur qui sert d’habitat à différentes espèces fauniques, dont des espèces en péril. Il s’agit du secteur nord-ouest du site, qui est identifié en tant que « milieu humide d’intérêt métropolitain ».

Ceux-ci sont en théorie protégés par un Règlement de contrôle intérimaire (RCI) adopté par la CMM, mais seulement une fois qu’ils ont fait l’objet « d’une caractérisation environnementale et d’une délimitation détaillée ». Le respect de cette réglementation incombe cependant à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, précise la CMM par courriel.

Saint-Basile-le-Grand, qui est favorable au projet, précise justement que « Northvolt a soumis des études de caractérisation permettant de préciser les limites du milieu humide métropolitain qui aurait pu être assujetti au RCI. Aucun travaux n’a lieu dans ces milieux humides ».

Document refusé

Dans un document déposé en Cour supérieure mercredi par le Centre québécois du droit de l’environnement, on apprend que Saint-Basile-le-Grand a révisé la portée du RCI sur le site de Northvolt, ce qui a réduit la superficie du milieu humide protégé par le RCI, après avoir déterminé que l’habitat du petit blongio serait plus restreint que la superficie totale de ce milieu humide.

Le Devoir a tenté d’obtenir le document présenté en Cour mercredi dans le dossier Northvolt et produit par la Ville dans le contexte de la révision de la portée du RCI. Le service des communications a refusé de nous le transmettre, en nous invitant à formuler une demande en vertu de la Loi d’accès à l’information. Un tel processus peut prendre plusieurs semaines.

Le service des communications de Saint-Basile-le-Grand indique par ailleurs, par courriel, que « le dépôt d’une demande d’autorisation au ministère avant le 16 décembre 2022 permet de bénéficier des mesures d’exception prévues » au RCI. Dans ce cas, la demande a été effectuée en 2020 par le promoteur du projet immobilier qui a été refusé l’an dernier par le gouvernement Legault, a confirmé mercredi le ministère de l’Environnement du Québec.

Même si la demande avait été effectuée par un projet qui n’existe plus, Saint-Basile-le-Grand a utilisé cette disposition dans le cadre du processus qui a conduit à l’autorisation des coupes d’arbres dans les milieux naturels de ce secteur du terrain, selon ce qu’a fait valoir mercredi en Cour le Centre québécois du droit de l’environnement.

Milieux disparus

L’abattage d’arbres est visé dans le cadre de l’application du RCI, mais la Ville estime que la zone prévue pour les travaux ne fait pas partie du milieu humide qui doit être protégé en vertu de la réglementation de la CMM. Les milieux humides sont pratiquement inexistants sur le territoire de Saint-Basile-le-Grand. Ils couvrent tout au plus 0,2 % du territoire. Et le couvert forestier, qui reculera avec les travaux de Northvolt, recouvrait jusqu’à présent 7 % du territoire.

Dans le cadre d’un avis de refus d’un projet immobilier sur le même site que Northvolt l’an dernier, les experts du ministère de l’Environnement du Québec expliquaient que « les superficies actuellement occupées par des milieux humides dans le bassin-versant de la rivière Richelieu sont estimées à environ 6 %, ce qui est déjà insuffisant pour assurer le maintien des fonctions écologiques que ces milieux remplissent ».

« Le projet porte atteinte à la fonction de conservation de la biodiversité que remplissent les milieux humides présents sur le site en causant la destruction de grandes superficies de milieux diversifiés offrant des habitats pour l’alimentation, l’abri et la reproduction des espèces vivantes », pouvait-on lire dans le document. Northvolt détruira une superficie de milieux humides deux fois plus importante que ce qui était prévu dans le cadre du projet immobilier.

ENGAGEMENTS DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

Dans le cadre de la conférence mondiale sur la biodiversité (COP15) qui s’est tenue à Montréal en décembre 2022, les gouvernements du Québec et du Canada se sont engagés à mettre en oeuvre l’accord de Kunming-Montréal, qui contient 23 cibles qui visent à protéger la biodiversité mondiale. Parmi celles-ci, on compte l’objectif de diminuer à « près de zéro » la perte des aires très riches en biodiversité, mais aussi celui de s’assurer qu’au moins 30 % des milieux naturels dégradés seront en restauration d’ici 2030. Les deux paliers de gouvernements ont également promis d’agir pour arrêter l’extinction d’espèces causée par l’humanité et pour favoriser le rétablissement des espèces menacées.

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Un boomerang contre Northvolt

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Terrain de la future usine à batterie de Northvolt, en Montérégie


Paul Journet
Paul Journet La Presse

Même si la Cour supérieure a refusé l’injonction interlocutoire pour suspendre les travaux de l’usine à batterie de Northvolt, le dossier n’a pas été réglé sur le fond. Les écologistes n’ont pas fini de contester les autorisations environnementales.

Publié à 1h37 Mis à jour à 5h00

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À Québec, on roule des yeux et on se gratte le crâne. C’est contre cela que les écologistes se battent ? Contre un projet de batteries vertes pour électrifier les transports tout en créant de la richesse ?

À première vue, cette bataille peut étonner. Ce n’est pas la menace numéro 1 contre la nature. On ne rase pas des arbres pour construire un centre commercial. Au contraire, Northvolt pourrait participer à la transition énergétique.

Mais pour comprendre le dossier, il faut prendre du recul. Quand le panorama s’élargit, la scène ressemble à ceci : un boomerang qui revient frapper le gouvernement derrière la tête.

Si le projet de Northvolt est critiqué, c’est parce qu’il perpétue une riche tradition, celle du saccage des milieux humides. Depuis des décennies, les gouvernements promettent d’y mettre fin. Et pourtant, leur destruction s’accélère.

Pour Northvolt, on propose de compenser la perte de ces écosystèmes par la création ou la restauration de milieux équivalents et par un dédommagement financier.

Ce mécanisme serait raisonnable s’il fonctionnait. Or, ce n’est pas le cas. Il est devenu une véritable farce. Et il est là, le problème.

Si les forêts sont les poumons de la planète, les milieux humides en sont les reins. On estime que depuis la colonisation européenne, de 40 à 80 % des milieux humides des basses terres du Saint-Laurent ont disparu⁠1.

En 2017, le gouvernement libéral a réformé la Loi sur la qualité de l’environnement. Pour les milieux humides, il promettait « zéro perte nette ». Mais presque rien n’a changé.

Pas moins de 98 % des demandes de remblayage sont autorisées. La vérification est déficiente – dans 70 % des cas, on ne vérifie pas si un autre lieu de construction était disponible.

Le suivi est aussi inadéquat. La majorité des chantiers ne sont pas visités par des inspecteurs et les délinquants ne perdent pas leur permis.

La compensation ne fonctionne pas non plus. Les promoteurs peuvent créer ou protéger un milieu d’égale valeur ou verser une pénalité. Ils préfèrent payer. L’argent doit financer la restauration de milieux humides. Or, à peine 3 % de la cagnotte est utilisée.

Le ministère de l’Environnement n’a pas non plus protégé les milieux « d’intérêt » reconnus par ses fonctionnaires. Au contraire, il a augmenté le nombre des dérogations et réduit les pénalités financières dans certaines régions.

Ce n’est pas tout. Le registre public en ligne des projets, qui avait été promis en 2017, n’a pas été implanté. Cette mesure de transparence était pourtant un compromis offert aux écologistes pour les rallier à cette réforme.

Pour l’instant, le « zéro perte nette » ressemble plutôt à du « zéro protection ».

Le Centre québécois du droit de l’environnement ainsi que les groupes écologistes qui l’appuient ne demandent pas officiellement l’abandon du projet. Ils réclament plutôt un examen du BAPE.

Or, l’année dernière, le gouvernement a modifié les critères. Pour être assujetti au BAPE, un projet de cathodes doit désormais dépasser 60 000 tonnes. Avant, c’était 50 000 tonnes. Surprise, celui de Northvolt est estimé à 56 000 tonnes…

Un seul examen du BAPE se fera donc. Il portera sur la troisième phase du projet. Celle du recyclage, la moins controversée, qui commencera vers 2028 après la fabrication des cellules et des cathodes.

Le gouvernement est pressé. Le premier certificat d’autorisation environnementale a été délivré au début janvier. Le processus a pris moins de trois mois. Habituellement, il dure plus d’un an.

Le ministre de l’Environnement disait publiquement souhaiter une approbation rapide alors que les fonctionnaires menaient leur évaluation indépendante.

Ce processus laisse songeur. En mars dernier, le ministère de l’Environnement avait refusé un projet résidentiel sur ce terrain à cause de l’impact sur la flore et la faune – 21 espèces menacées ou vulnérables s’y trouvent. Or, quelques mois plus tard, un projet deux fois plus gros est soumis et il est accepté.

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PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Les travaux d’abattage pourront reprendre sur le terrain de Northvolt, la demande en injonction interlocutoire provisoire ayant été rejetée vendredi.

Il est normal que Québec et Ottawa veuillent que le projet se fasse. Après tout, ils y ont injecté ensemble 7,3 milliards de dollars !

Du point de vue de Northvolt, ce terrain était la seule option. Il fallait être près de zones habitées, pour les travailleurs. Et près aussi de lignes de transport électrique. Si vous connaissez un autre site répondant à ces critères, appelez-les d’urgence.

Même si la priorité est l’efficacité et la sobriété énergétiques, il y aura toujours des voitures, et malgré leurs inconvénients, les modèles électriques sont préférables à ceux à essence.

D’un point de vue strictement québécois, un citoyen peut souhaiter que ces mines et ces usines se situent à l’étranger. Nos paysages ne seraient pas défigurés par les mines et les lacs. Mais cela équivaut à sous-traiter la pollution pour s’acheter une bonne conscience.

Pour la planète, il est préférable que cette production se fasse avec de l’énergie assez propre, et selon le procédé le moins polluant possible, à proximité des chaînes d’approvisionnement. Et avec des travailleurs traités dignement.

Voilà le pari que font les gouvernements Legault et Trudeau, en espérant en même temps s’enrichir – le temps dira si les importantes subventions auront été rentables.

Ils promettent ce pacte : construire Northvolt et protéger ou créer d’autres milieux humides en contrepartie, et protéger les habitats des espèces vulnérables ou menacées.

Avec les projecteurs braqués sur elle, Northvolt risque d’honorer ses engagements – qui n’ont toutefois pas encore été précisés.

Reste que la confiance, nos gouvernements ont tout fait pour la trahir. Pour la mériter à nouveau, ils doivent instaurer rapidement une politique sévère et sans échappatoire pour préserver ces écosystèmes.

En attendant, ils ne peuvent s’en prendre qu’à une seule personne pour ce boomerang qui menace encore le projet Northvolt : eux-mêmes.

1. Consultez le rapport de la Vérificatrice générale

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Expropriations et modification de milieux humides envisagées pour alimenter en électricité une mine de graphite


Photo: Olivier Zuida, Le Devoir,
L’électrification est une condition aux opérations de la mine Nouveau Monde Graphite.

Ulysse Bergeron
Pôle environnement
29 janvier 2024
Environnement

Contraint de contourner des terres agricoles pour alimenter la mine à ciel ouvert que projette Nouveau Monde graphite dans Lanaudière, Hydro-Québec pourrait devoir construire une ligne de transport qui traversera un grand milieu humide et une plaine inondable et modifiera le paysage d’une montagne. Afin d’ériger les pylônes, des expropriations sont également envisagées, a constaté Le Devoir.

Pour une deuxième fois en un an, la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) devrait sous peu refuser les tracés que propose Hydro-Québec pour construire la ligne de transport qui doit alimenter la future mine que projette Nouveau Monde graphite (NMG) à Saint-Michel-des-Saints, dans Lanaudière.

La CPTAQ « ne peut se résoudre à autoriser » les tracés actuels à cause de l’impact négatif sur les activités agricoles de Saint-Zénon, a tranché le gardien des terres cultivables dans une orientation préliminaire, en décembre. La CPTAQ rendra sous peu une décision officielle dans ce dossier.

Advenant un refus de la CPTAQ, Hydro-Québec sera contrainte de construire sa ligne à 120 kilovolts à l’extérieur du territoire agricole protégé. Or, l’impact environnemental et social sera plus important, car le tracé alternatif, déjà envisagé, traversera « des milieux plus sensibles », explique Hydro-Québec dans les documents de la CPTAQ.

Le tracé alternatif passerait dans un grand milieu humide, un cours d’eau, une plaine inondable et des lacs de villégiature. Il nécessiterait également le déplacement de la ligne plus haut en montagne, ce qui modifierait davantage le paysage, selon les informations disponibles à la CPTAQ.

Cela « impliquerait des enjeux sur le plan environnemental, dont la protection des milieux humides et l’intégration au paysage, et également des enjeux d’expropriation, d’acceptabilité sociale et de gestion de projets », lit-on.

Il est toutefois impossible pour le moment de connaître avec précision les milieux humides et les lacs de villégiature qui pourraient être affectés. La société d’État a refusé de transmettre au Devoir le tracé devant traverser ces milieux sensibles : « Ce tracé potentiel fait partie de l’analyse en cours. Il sera diffusé s’il est retenu », a répondu par courriel Caroline Des Rosiers, porte-parole d’Hydro-Québec.

Au sujet d’expropriations potentielles — mentionnées pour une première fois dans ce dossier —, Hydro-Québec s’abstient de commenter précisément ce cas. Le distributeur explique que dans tous ses projets, il « cherche à conclure des ententes de gré à gré avec les propriétaires auprès de qui nous devons obtenir des droits de servitude pour le passage de nos lignes. D’ailleurs, dans plus de 95 % des cas, une entente est conclue ».

L’enfouissement de la ligne de transport n’a par ailleurs pas été envisagé, « pour des raisons techniques et économiques » : « L’enfouissement d’une ligne est exceptionnel dans un milieu similaire au projet de raccordement du site minier Nouveau Monde graphite. »

Retards envisagés

En mars dernier, la CPTAQ avait refusé une première fois l’installation de pylônes électriques sur des terres cultivables de la région.

Le premier tracé projeté par Hydro-Québec traversait un territoire agricole que la CPTAQ présentait comme « unique et fragile de par sa localisation au milieu d’un océan de territoire non agricole ». La société d’État avait été renvoyée à sa table à dessin. La Commission estimait qu’il était possible de contourner ces terres si Hydro-Québec en avait la « réelle volonté ».

Ces décisions défavorables ont un impact sur l’échéancier. Les travaux de déboisement pour la construction de la ligne de transport qui devaient se dérouler à l’automne 2023 ont été reportés, confirme Hydro-Québec, actuellement en attente dans ce dossier : « Le déboisement et la construction de la ligne ne débuteront que lorsque nous aurons obtenu les autorisations gouvernementales requises. »

Les retards dans la construction de la ligne de transport d’électricité auront-ils des impacts sur l’échéancier de la mise en service de la mine ? « On sent qu’on est capable de respecter les délais pour avoir un raccordement à temps pour le lancement des opérations », répond Julie Paquet, vice-présidente aux communications chez NMG.

Elle précise : « Évidemment, on souhaite une résolution rapide du dossier, parce qu’il y a de l’incertitude. On est mûr pour une décision pour commencer ce tracé-là et l’adapter si nécessaire. »

L’électrification de la mine est une condition aux activités de NMG, selon les autorisations obtenues du gouvernement du Québec. L’entreprise évoque sur son site qu’elle pourrait devenir « la première mine à ciel ouvert entièrement électrique au monde ».

Ce projet minier est présenté par NMG comme un « gisement de calibre mondial » qui, une fois exploité, pourrait devenir « le plus grand projet minier de graphite » en Amérique du Nord. Une fois en service, NMG estime être en mesure d’extraire chaque année 100 000 tonnes de concentré de graphite de haute pureté.

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La CMM assouplit son règlement protégeant les golfs

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le golf de Rosemère

Quatre anciens terrains de golf, dont les propriétaires poursuivent la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) pour plus de 500 millions, parce qu’il leur était interdit de développer leurs terrains, pourront maintenant réaliser des projets résidentiels ou autres sur 30 % de leur superficie, à la suite d’un changement à la réglementation annoncé mardi.

Publié à 17h45

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Isabelle Ducas
Isabelle Ducas La Presse

Qu’est-ce qui a été annoncé ?

La CMM a modifié un règlement de contrôle intérimaire (RCI) qui imposait, depuis 2022, un gel du développement sur neuf terrains de golf, fermés ou actifs. Ce RCI avait pour but d’aider la CMM à atteindre son objectif de protéger 30 % d’espaces verts sur son territoire d’ici 2030.

Qu’est-ce que ça change ?

Désormais, dix terrains de golf sont sur la liste des espaces protégés, mais cinq d’entre eux pourront développer 30 % de leur territoire, si la municipalité l’autorise. En effet, les Villes peuvent encore décider de protéger 100 % de leurs terrains de golf.

Les espaces protégés sur ces dix terrains de golf totalisent 460 hectares, alors que la superficie protégée par l’ancienne mouture du RCI totalisait 474 hectares.

« Pour le 30 % de superficie [non visée par le RCI], elle pourrait être protégée ou achetée par la municipalité, elle peut être utilisée pour d’autres besoins spécifiques comme du logement, une école ou autre, ou alors rester un espace vert », a souligné la mairesse de Montréal et présidente de la CMM, Valérie Plante, en conférence de presse.

Terrains protégés à 70 %

  • Golf de Rosemère (fermé)
  • Club de golf de Candiac (fermé)
  • Club de golf de Mascouche (fermé)
  • Golf Le Boisé, à Terrebonne (fermé)
  • Golf Ste-Rose, à Laval

Terrains protégés à 100 %

  • Club de Golf Belœil
  • Club de Golf Boucherville
  • Golf Dorval
  • Club de golf St-Lambert
  • Country Club de Montréal, à Saint-Lambert

Pourquoi ce changement ?

Les propriétaires de quatre des cinq terrains de golf qui pourront maintenant se développer à 30 % poursuivent la CMM pour expropriation déguisée, parce que l’ancien RCI les empêchait de réaliser leurs projets immobiliers.

À Rosemère, Quartier Melrose inc. a déposé une poursuite de 278 millions contre la Ville et la CMM. À Candiac, la société 9454-9607 Québec inc, présidée par Minying Wu, réclame 69,2 millions de dollars à la municipalité et à la CMM. Du côté de Mascouche, la société 9254-0087 Québec inc., qui appartient à l’homme d’affaires Claude Duchesne, demande 62,5 millions. À Terrebonne, le promoteur Immeubles des Moulins, propriétaire du golf Le Boisé, a déposé une poursuite de 98 millions.

Ces procédures judiciaires mettent des bâtons dans les roues des municipalités qui voudraient acheter certains terrains, souligne Valérie Plante. « Ce n’est pas possible si les administrations locales sont aux prises avec des poursuites et des démarches qui coûtent très cher, qui prennent énormément de temps et qui peuvent causer des retards dans les transactions, » dit-elle.

Les changements au RCI mettront-ils fin aux poursuites ?

Ce n’est pas certain. Nous avons contacté les avocats représentant les promoteurs qui ont déposé ces poursuites, et trois d’entre eux nous ont répondu qu’ils ne pouvaient faire de commentaires puisque des analyses plus approfondies des changements étaient nécessaires.

Comment a-t-on choisi la proportion de 30 % qui ne sera plus protégée ?

Elle est basée sur une décision rendue en octobre dernier par un juge de la Cour supérieure, dans un litige opposant la Ville de Léry à des propriétaires de terrains situés dans le corridor vert Châteauguay-Léry. À cet endroit, le règlement de zonage permet aux propriétaires de développer 30 % de leur terrain, tandis que le reste doit demeurer en espace vert.

Le jugement a donné raison à la Ville et à la MRC du Roussillon, en statuant que les propriétaires n’étaient pas victimes d’expropriation déguisée parce que la limite de 30 % était « raisonnable ». Il a cependant été porté en appel par les propriétaires ; la cause sera entendue en février par la Cour d’appel.

Pourquoi la liste des terrains de golf protégés a-t-elle changé ?

Deux terrains de golf de Saint-Lambert se sont ajoutés. Cependant, l’ancien golf de Chambly a été retiré de la liste puisque la Ville a conclu une entente tripartie pour acheter 70 % du terrain, pour 6 millions, afin d’en faire un parc. Le reste de l’espace deviendra un nouveau quartier résidentiel où 500 unités de logement seront construites.

Comment réagissent les écologistes ?

La porte-parole de la Coalition des terrains de golf en transition (CTGT), Catherine Vallée, se dit déçue de voir que la CMM a reculé devant « des poursuites par les propriétaires pour des montants exorbitants, qui sont insécurisantes et intimidantes ».

Selon elle, les modifications récemment apportées à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme permettent de protéger ces espaces verts en totalité, quand il s’agit de milieux humides ou hydriques ou d’un milieu qui a une valeur écologique importante.

Avec Éric-Pierre Champagne, La Presse

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