Le “béton autochauffant”, avenir du déneigement ?
Le sel que nous utilisons finit sa vie dans la terre, dans l’eau et dans l’air. Les sels de déneigement répandus sur la voirie dans les régions enneigées peuvent se transformer en aérosols. Problème : ces particules volatiles de chlorure et de sodium accélèrent la fonte des neiges. Une situation qui menace l’approvisionnement en eau douce des humains, mise en lumière dans une étude dirigée par le professeur de géologie à l’université du Maryland Sujay Kaushal, et publiée à l’automne dernier dans la revue Nature Reviews Earth & Environment.
Et si, dans le futur, les opérations de salage et de pelletage n’étaient plus nécessaires ? Cette ambition est portée par une étude publiée dans le Journal of Materials in Civil Engineering, et dont les conclusions ont été relayées dans un communiqué de presse diffusé lundi 18 mars par l’université Drexel (Philadelphie, Pennsylvanie). Aucun tour de magie n’est nécessaire pour faciliter le déneigement, mais une technologie méconnue : le “béton autochauffant”.
Des tests menés sur le terrain par les chercheurs américains du Collège d’ingénierie de Drexel prouvent que ce matériau est en mesure de se réchauffer dès lors que les températures chutent, approchant du point de congélation, ou que la neige tombe. La promesse d’un avenir sans gel ?
Un dispositif respectueux de l’environnement
La technologie du béton autochauffant, comme celle conçue par les experts de Drexel, vise à instaurer des infrastructures plus respectueuses de l’environnement et plus résilientes. Et cela, notamment dans les régions du nord des États-Unis, où la National Highway Administration, une agence fédérale américaine des États-Unis chargée de la sécurité routière, estime que les États dépensent, chaque année, 2,3 milliards de dollars pour les opérations de déneigement et de déglaçage. Une somme à laquelle s’ajoutent plusieurs millions de dollars nécessaires à la réparation des routes qui ont été endommagées par les conditions hivernales.
"Une façon de prolonger la durée de vie des surfaces en béton est de les aider à maintenir une température de surface supérieure au point de congélation tout au long de l’hiver, a déclaré, dans le communiqué de presse, le professeur Amir Farnam, affilié au College of Engineering et dont le laboratoire a dirigé les recherches. Empêcher le gel et le dégel, tout en faisant disparaître le besoin de pelleter, de gratter et de saler, constitue un bon moyen d’empêcher la détérioration des surfaces."
Une expérience concluante
Longtemps, les qualités de ce béton développé par les scientifiques au cours des cinq dernières années – et capable de faire fondre la neige et d’empêcher ou de ralentir la formation de glace pendant une période prolongée – n’avaient été démontrées que dans un laboratoire.
La nature prend son temps…
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Mais au cours des derniers mois, les experts ont franchi une nouvelle étape en prouvant sa viabilité dans un environnement naturel. Discrets, ces dispositifs protègent, à eux seuls, contre la neige, le grésil et la pluie verglaçante. "Notre béton autochauffant utilise l’énergie thermique diurne de son environnement, poursuit Amir Farnam. Il convient aux régions montagneuses et du nord des États-Unis, comme le nord-est de la Pennsylvanie et Philadelphie, où il existe des cycles de chauffage et de refroidissement adaptés en hiver."
Les secrets de cette technologie
Mais, concrètement, comment ça marche ? Le secret du réchauffement du béton se trouve dans la paraffine liquide à basse température. Ce matériau, dit à changement de phase, va libérer de la chaleur dès lors qu’il passe de son état de température ambiante (sous forme liquide) à un état solide, quand les températures baissent. Dans un article précédent, l’équipe de chercheurs expliquait, déjà, que l’incorporation de paraffine liquide dans le béton déclenchait un échauffement au moment où les températures chutent.
Les experts ont coulé des dalles à changement de phase et, depuis décembre 2021, ces dispositifs sont exposés aux éléments. À l’aide de caméras et de capteurs thermiques, ils ont surveillé leur température et leur comportement lorsqu’elles sont confrontées à de la neige et du gel. Ils ont constaté qu’elles maintenaient une température de surface comprise entre 5 °C et 12 °C pendant dix heures maximum, dès lors que la température de l’air descendait en dessous de zéro. Un “chauffage” qui suffit à faire fondre quelques centimètres de neige.
Les chercheurs se disent convaincus du fait qu’empêcher la surface de descendre en dessous du point de congélation contribue à prévenir la détérioration. Ils ont fait part de leur volonté de continuer à collecter des données pour mieux comprendre à quel point cette méthode peut prolonger la durée de vie du béton.
GEO (avec 6medias)
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