Politique municipale - Ville de Montréal

Des nouvelles de l’OCPM, fraîches comme une huître

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

L’Office de consultation publique de Montréal a publié tout discrètement, cette semaine, un rapport sur l’avenir du secteur Bridge-Bonaventure, que l’on peut voir sur notre photo.


Maxime Bergeron
Maxime Bergeron La Presse

Cela faisait au moins une semaine que vous n’aviez pas eu de nouvelles de l’OCPM, cette bibitte paramunicipale entachée par les dépenses outrancières et les conflits d’intérêts de ses dirigeants.

Publié à 1h18 Mis à jour à 7h00

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Vous étiez-vous ennuyés ?

Si oui, voici des informations aussi fraîches qu’un souper d’huîtres parisien à 347 $ payé avec vos impôts.

L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) a publié tout discrètement, cette semaine, un rapport sur l’avenir du secteur Bridge-Bonaventure. Ce projet de redéveloppement urbain, en bordure du fleuve Saint-Laurent, sera l’un des plus importants de la prochaine décennie, avec plus de 7600 logements, des parcs, des bureaux et tout le tralala.

C’est énorme et ça changera le visage de Montréal.

L’OCPM, donc, a envoyé son rapport à la Ville le 14 novembre dernier, en plein cœur d’une immense controverse, et l’a publié sur son site web il y a deux jours.

Pas d’annonce, pas de communiqué.

Je reviendrai un peu plus loin sur les principales conclusions de ce document de 124 pages. Pour vous mettre en appétit, sachez que le mot « transversal » apparaît six fois, et le terme « innovant », à dix reprises.


Je ne sais pas si elle voulait faire un chant du cygne dans la tourmente, mais toujours est-il que le rapport a été signé par la présidente déchue de l’OCPM, Isabelle Beaulieu.

Et diffusé à un bien drôle de moment, il faut le dire.

Isabelle Beaulieu l’a envoyé aux élus montréalais le 14 novembre, alors que les appels à sa démission se multipliaient déjà depuis plusieurs jours, dans la foulée des révélations de Québecor sur les dépenses ahurissantes de son organisation. (Elle a été congédiée une semaine plus tard par le comité exécutif pour « faute grave ».)

Au-delà du timing douteux de ce rapport, certaines de ses 21 recommandations m’ont laissé circonspect. La première, notamment.

Préparez-vous, c’est fleuri.

L’OCPM demande à la Ville de Montréal de tenir compte de ses recommandations « en incluant dans l’énoncé de vision une référence explicite à l’audace, à l’ambition et à l’esprit d’innovation qui seront indispensables pour atteindre les objectifs de tous les volets de développement du secteur ».

Clair et utile. Merci.

D’autres recommandations sont plus concrètes, je dois le souligner. Elles portent entre autres sur la nécessité d’inclure un volet important de logements abordables, d’ajouter une école et de protéger les nombreux éléments patrimoniaux de ce secteur historique.

Les enjeux de cohabitation entre les industries lourdes et les futurs résidants du quartier sont aussi soulignés à gros traits, avec raison. Les commissaires ont épluché 113 mémoires et entendu des dizaines de citoyens, et la diversité des points de vue transparaît à la lecture du document.


Il reste que ce rapport est une patate doublement chaude pour l’administration de la mairesse Valérie Plante.

Car la crise, à l’OCPM, est loin d’être finie.

Oui, Isabelle Beaulieu a été virée, oui, l’ancienne patronne Dominique Ollivier a quitté la présidence du comité exécutif de la Ville dans la foulée du scandale, mais le cas du secrétaire général de l’organisme, Guy Grenier, n’est toujours pas réglé.

Ce dirigeant, qui caviardait lui-même les documents d’accès à l’information au sujet de son salaire, continue de s’accrocher. C’est seulement lorsqu’un président par intérim sera nommé à la tête de l’OCPM que Guy Grenier pourra être congédié en bonne et due forme.

Le futur dirigeant devra revoir de fond en comble les façons de faire de l’organisation, d’ici à ce qu’un président officiel prenne le relais. Plusieurs candidats seraient sur les rangs pour cet intérim, selon le cabinet de Valérie Plante, qui espère une nomination d’ici Noël.

Voilà pour le grand ménage administratif à venir. Ce sera seulement une partie de l’équation.

L’OCPM, ou ce qu’il en restera, aura fort à faire pour retrouver une quelconque légitimité, et pas seulement à cause de sa gestion épouvantable des deniers publics. La pertinence de cet organisme a été mise à mal dans un dossier tout récent qui soulève les passions chez les Montréalais : celui de la voie Camillien-Houde.

La recommandation numéro 1 du rapport de l’OCPM, publié en 2019, sur l’avenir des voies d’accès au mont Royal, était celle-ci : « maintenir la circulation automobile sur l’ensemble de l’axe Camillien-Houde/Remembrance, tout en revoyant son aménagement pour le transformer en une voie qui s’intègre mieux à la vocation du parc du Mont-Royal et respecte son patrimoine naturel ».

Qu’a fait l’administration Plante en 2023 ? Elle a ignoré cette première recommandation pour piétonniser le versant est de la montagne.

On ne refera pas ici le débat autour de cette décision politique, mais elle démontre tout de même que les conclusions de l’OCPM sont prises avec un sapré grain de sel aux plus hauts échelons de l’appareil municipal.


Pour revenir au projet du secteur Bridge-Bonaventure, on m’assure que l’administration municipale « analysera » le rapport de l’OCPM au cours des prochaines semaines, et en tiendra compte pour modifier son plan d’urbanisme.

C’est le deuxième rapport que pond l’OCPM sur ce futur quartier – le premier date de mars 2020 – et Dieu sait s’il y en aura un troisième. Plusieurs aspects cruciaux devront être tranchés, entre autres la hauteur des immeubles et le nombre de logements prévus. Débats corsés à l’horizon, avec ou sans l’OCPM.

Une seule chose semble acquise à ce stade-ci : le projet sera innovant.

Valérie Plante victime d’un malaise

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Plante s’est arrêtée de parler pendant une dizaine de secondes, avant de se laisser glisser au sol en disant qu’elle ne se sentait pas bien.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a éprouvé un malaise mardi matin en pleine conférence de presse, alors qu’elle répondait aux questions des journalistes à l’hôtel de ville.

Publié à 11h44


Isabelle Ducas
ISABELLE DUCASLA PRESSE

Mme Plante s’est arrêtée de parler pendant une dizaine de secondes, avant de se laisser glisser au sol en disant qu’elle ne se sentait pas bien.

Ses collaborateurs ainsi que des agents de sécurité sont immédiatement intervenus auprès d’elle.

Après environ cinq minutes, la mairesse a quitté les lieux en marchant, soutenue par des membres de son personnel.

Valérie Plante venait de répondre aux questions des médias pendant environ 20 minutes, sur des sujets tels que les campements de sans-abri, les pannes du REM, l’OCPM et le déneigement des pistes cyclables.

Plus de détails à venir.

Ville de Montréal Les bonis des cadres abolis

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Serge Lamontagne, directeur général de la Ville de Montréal

Montréal abolira les bonis de performance pour ses cadres dès l’an prochain, a annoncé mercredi le directeur général de la Ville.

Publié à 10h30

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Philippe Teisceira-Lessard
Philippe Teisceira-Lessard La Presse

Ces primes pouvaient représenter 3 % de la rémunération des 1800 gestionnaires de la fonction publique municipale.

« On trouve important d’annoncer aujourd’hui que le volet monétaire de la gestion de la performance ne sera plus partie intégrante des conditions des cadres », a annoncé Serge Lamontagne. « Les bonis versés au printemps 2024 [pour l’année 2023] seront les derniers. »

La décision a été approuvée par le comité exécutif de Valérie Plante.

« Une organisation doit, par moment, faire une réflexion : est-ce que les façons de faire, les pratiques sont collées à l’air du temps, est-ce qu’on pourrait faire mieux ou différemment », a ajouté Valérie Plante en point de presse. La mairesse a assuré que cette réflexion était entamée depuis plusieurs mois.

Les conditions de travail négociées entre la Ville de Montréal et l’Association des cadres municipaux de Montréal arrivent à échéance au 31 décembre 2023.

« On continue à négocier avec l’Association des cadres pour revoir les conditions pour faire en sorte qu’on reste concurrentiel », a continué M. Lamontagne. Il a affirmé qu’il doit consacrer ses ressources financières à rendre plus attrayant le salaire des cadres de premier niveau, afin de pouvoir convaincre des syndiqués au sommet de leur échelle salariale de faire le saut chez les gestionnaires.

M. Lamontagne a aussi annoncé la fin des frais de fonction pour les cadres, ainsi que la fin des octrois de nouvelles allocations pour automobiles personnelles.

L’administration Plante s’était retrouvée dans l’embarras, cet automne, lorsque La Presse a révélé que la Ville de Montréal avait versé un double boni pour l’année 2023. Cette largesse, versée en mai, représentait une dépense supplémentaire de près de 6 millions, soit 3150 $ par cadre en moyenne. Ils avaient déjà reçu un chèque moyen de 3700 $ au début de l’année, leur boni de performance pour l’année 2022.

Les cadres municipaux avaient été privés de prime annuelle en 2020, « pour contribuer à l’équilibre budgétaire » en début de pandémie, en échange de trois jours de congé additionnels. Dans un courriel, le service des communications de la Ville a indiqué que la double prime de 2023 correspondait à ce « boni non versé ».

Lisez la chronique de Maxime Bergeron du 29 septembre : « Double boni aux cadres : le timing atroce de la Ville de Montréal »

Bon, il était plus que temps. Et maintenant il faut aller plus loin.

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Pourquoi?

Parce que dans une période ou la plupart des entreprises font des coupures (TVA, Radio-Canada, Ubisoft, STM etc.) ou d’autres qui ferment tout simplement. Dans une période ou la plupart des ministères fédéraux doivent se serrer la ceinture avec des coupure de 3%. Et dans une période ou les négociations avec les employés sont assez difficiles au provincial, il serait assez malvenu pour des cadres municipaux, déjà très bien traités et rémunérés, de recevoir non seulement des augmentations de salaire mais aussi des bonis.

Je constate tout simplement que seul le municipal n’a pas vraiment regardé ses dépenses mais a plutôt choisi d’augmenter la taxe. C’est son choix, mais dans le contexte actuel, je pense que c’est le mauvais choix.

À ma connaissance, ce n’est pas tout à fait exact. Il y a une confusion sur le calcul des taxes foncières, et ce n’est pas simple à comprendre. J’ai dû refaire des recherches pour rédiger cette réponse.

La hausse moyenne annoncée en 2023 (4,9%) représente la hausse nette d’un compte de taxe moyen à Montréal, mais pas la hausse du taux de taxation.

La taxe foncière est calculée en multipliant :

  • la base d’imposition
  • le taux de taxation

La base d’imposition correspond à la valeur d’un immeuble. Ensuite, le taux de taxe est appliqué par tranche de 100$ de cette base d’imposition.

La hausse annoncée (4,9%) inclut donc la hausse des valeurs foncières moyennes pour une propriété moyenne en ville. Il est important de se rappeler que les hausses moyennes des rôles fonciers de 2023 à 2025 étaient d’environ 35%. On connait le contexte immobilier actuel…

Montréal a donc étalé la hausse du rôle sur 3 ans pour éviter un impact trop soudain. Ainsi, d’une année à l’autre, la valeur d’une évaluation augmentera environ de 10 à 12% par an jusqu’en 2025. Le taux de taxation doit nécessairement être ajusté à la baisse pour atteindre une hausse de 4,9% du compte de taxes.

Autrement dit, si la hausse des valeurs foncières est de 12% cette année, par exemple, la Ville doit diminuer son taux de taxation pour maintenir une hausse nette de 4,9% sur un compte de taxes. Montréal n’a donc pas augmenté son taux de taxes en 2023 (et depuis plusieurs années), mais ses revenus provenant des taxes sont plus élevés en raison de l’augmentation de la valeur des propriétés.

De la même façon, si vous bénéficiez d’une augmentation de salaire en 2024, même si le taux d’imposition n’a pas été augmenté, vous paierez probablement plus d’impôt puisque votre revenu imposable, c’est-à-dire votre base d’imposition, sera plus élevé. Pourtant, on ne s’attend pas à ce que Revenu Québec revoit à la baisse son taux d’imposition pour éviter que vous payiez plus d’impôt, au contraire.

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Merci bien pour l’explication. Effectivement, ce n’est pas très simple car le calcul des taxes peut être complexe à comprendre, aucun doute. L’explication est assez complète et nous permet de mieux comprendre le jeux entre l’augmentation relative grâce (ou à cause) de la hausse du prix de l’immobilier depuis quelques années.

Mais, en bout de ligne, pour les commerçants et le résidents, est-ce qu’ils devront payer plus d’argent en 2024 qu’en 2023 en montant absolu ?

Comme je le mentionnais, cela dépend de l’augmentation au rôle d’évaluation foncière, puisque le taux de taxe est revu à la baisse. Dans le contexte actuel, avec des hausses moyennes d’environ 35% des rôles fonciers de 2023 à 2025 (soit 10-12% par an), oui, on peut dire que le propriétaire moyen à Montréal recevra une hausse nette sur son compte de taxe.

À mon avis, si Montréal réduit son taux de taxation, c’est qu’elle reconnaît que l’augmentation de la base d’imposition ne reflète pas celle du pouvoir d’achat des propriétaires, étant donné que le marché immobilier augmente plus rapidement que l’inflation et le revenu moyen. Contrairement à une augmentation de salaire (qui nous ferait payer plus d’impôt), la hausse de la valeur de sa propriété ne nous donne pas plus d’argent à la prochaine paie.

Je vais me permettre de rappeler que Montréal et les autres municipalités subissent également les contrecoups de l’inflation et de l’augmentation des coûts pour les mêmes services qu’avant. Un bon exemple est le coût des contrats de déneigement qui a parfois doublé cette année.

Il est trop tard pour me lancer dans de nouvelles lectures, mais cet enjeu de la taxe foncière est partagé par l’ensemble des municipalités du Québec. La révision du modèle était à la base du Sommet sur la fiscalité municipale cette année, ce qui a conduit au nouveau pacte fiscal.

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Les propriétaires vont au fond payer plus oui.
Pour faire une analogie, imaginons le salaire de quelqu’un. Ça n’est pas comme si d’année en année la ville demandait 5% de plus sur le salaire. Mais plutôt que le salaire de ce dernier augmentait d’année en année et que la ville en prenait une plus grande proportion à chaque fois. Cette augmentation étant 5% de + pour cette année.
Je ne sais pas si c’est très claire. Mais la chose à retenir c’est que ce montant se prend sur la propriété. Propriété qui n’est pas toujours représentatif du revenu des propriétaires.

Ainsi, la valeur foncière moyenne d’une propriété résidentielle à Montréal est en moyenne de 694000$ et la taxe foncière va passer en moyenne de 4665$ à 4892$ soit 227$ ou 4,9% (Le Devoir)

Et comprendre ça, ça explique pourquoi l’augmentation est différente selon les quartiers. A Roxboro par exemple c’est 7,2% parce que le prix des maisons a explosé. Mais dans le centre-ville c’est 2,6%.

Par contre ce 4,9% en moyenne (ce qui est important) est sous le 5,2% de l’inflation. (Le Devoir)

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J’ai de la misère avec cet argument. On ne devrait jamais niveler par le bas… Le secteur du multimédia n’a rien à voir avec le monde municipal, tout comme les négociations au provincial et les coupes au fédéral n’ont rien à voir avec la ville de Montréal. C’est la performance et les besoins de la Ville qui doivent être les bases des décisions concernant l’augmentation des salaires des cadres et l’octroi de bonis. Dans le cas qui nous occupe, par contre, rien n’indique que les cadres mériteraient d’augmentation substantielle, je vous l’accorde.

Je me demande vraiment comment la Ville de Montréal va faire pour attirer du talent dans le futur… J’étais abonné à leurs offres d’emploi jusqu’à tout récemment, mais de voir toutes les critiques au sujet des remboursement de dépenses, des bonis, des annulations de party de Noël… Ça ne me donne aucunement envie d’aller travailler là, même si j’aimerais vraiment que mon expertise puisse contribuer à améliorer notre Ville. Lorsque j’en ai discuté avec des collègues, je me suis rendu compte que plus de gens que je croyais avaient eu la même réflexion. C’est anecdotique, mais ça fait peur. Ce n’est pas pour rien que la CAQ s’en va vers des agences hors du périmètre de la fonction publique pour gérer ses ministères… Il y a beaucoup plus de liberté et de flexibilité au niveau de la proposition de valeur aux employés (pensons à IQ, la CDPQ, la SAQ, Hydro, etc.)

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Après les manchettes Qu’arrivera-t-il à l’Office de consultation publique de Montréal ?

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Et si l’OCPM disparaissait ? Ce serait une très mauvaise nouvelle, croient trois chercheuses interrogées par Nathalie Collard. L’une d’elles évoque le manque de consultation dans le cadre du développement de Griffintown, un quartier dont l’aménagement a suscité de nombreuses critiques.


Nathalie Collard
Nathalie Collard La Presse

Après avoir mis l’OCPM sous tutelle, la Ville de Montréal vient de nommer Philippe Bourke directeur par intérim de l’organisme. Réussira-t-il à rétablir sa réputation entachée ? Des universitaires s’inquiètent des conséquences du scandale des allocations de dépenses sur la qualité de la participation citoyenne à Montréal. Nous les avons rencontrées.

Publié à 0h59 Mis à jour à 7h00

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Vingt ans, c’est court dans la vie d’une institution. C’est le sentiment de ceux et celles qui se portent à la défense de l’OCPM depuis le scandale provoqué par les dépenses outrageuses de ses dirigeants.

J’en ai discuté avec trois chercheuses qui, contre vents et marées, défendent l’organisme aujourd’hui sous tutelle. Je précise que je les ai rencontrées avant la nomination de Philippe Bourke, un ancien patron du BAPE, au poste de directeur intérimaire de l’organisme pour un mandat de six mois.

Florence Paulhiac Scherrer est professeure titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM et titulaire de la Chaire internationale sur les usages et pratiques de la ville intelligente. Marie-Odile Trépanier est professeure honoraire de la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal et membre du conseil d’administration de l’organisme Les amis de la montagne. Laurence Bherer est professeure au département de science politique de l’Université de Montréal. Ces trois femmes connaissent l’organisme comme le fond de leur poche. Et elles espèrent qu’il survivra à la tempête de l’automne.

C’est vraiment choquant de dire que l’OCPM ne sert à rien. Ça sert à énormément de choses. C’est devenu une institution incontournable.

Florence Paulhiac Scherrer, professeure titulaire à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM

On a beaucoup entendu dire que l’organisme ne servait à rien parce que ses recommandations n’étaient pas appliquées. La professeure Paulhiac Scherrer tient à remettre les pendules à l’heure. « Ce n’est pas un outil de démocratie directe, lance-t-elle. C’est une photographie d’une opinion à un moment donné. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le nouveau directeur intérimaire de l’OCPM et ancien patron du BAPE, Philippe Bourke, en 2019

Et selon elle, les citoyens y tiennent. « Ça leur permet de porter des enjeux, de proposer des voies de solution dans une arène publique, de laisser des traces. Les consultations de l’Office permettent de fixer un état de la question à un moment donné. »

Un outil de travail

La professeure Paulhiac Scherrer a évalué les retombées des consultations menées par l’OCPM dans le secteur des Faubourgs, à l’est du centre-ville, à la fin des années 2010. Cela lui a permis de comprendre qu’au sein de l’administration municipale, les rapports de l’organisme sont un outil utilisé au quotidien par les fonctionnaires. « Ils ont toute une grille pour évaluer les recommandations et leur faisabilité, explique-t-elle. Et ça leur sert parfois d’outil de négociation avec les promoteurs. »

On l’a dit, la Ville de Montréal n’est pas tenue de suivre les recommandations de l’organisme. « C’est vrai qu’une fois le rapport de l’OCPM publié, ça s’en va dans le gros tuyau de la décision politique, reconnaît Florence Paulhiac Scherrer. Une fois que c’est dans ce tuyau-là, c’est la boîte noire, même pour nous, chercheurs. Par contre, tous les fonctionnaires disent que c’est un outil quotidien d’enrichissement de leur pratique. Et ça permet d’exposer des enjeux orphelins, des angles morts. C’est loin d’être négligeable. »

Au cours des dernières semaines, les détracteurs de l’OCPM ont brandi l’exemple de la voie Camillien-Houde pour contester la pertinence de l’organisme. Rappelons que l’administration Plante a fait fi de la principale recommandation de l’organisme de conserver une voie pour la circulation automobile. « Les commissaires de l’Office traduisent et synthétisent l’opinion des citoyens qui se sont exprimés, souligne Marie-Odile Trépanier, qui a suivi de près ce dossier. Camillien-Houde, c’est un choix politique. »

Le gâchis de Griffintown

Il y a toutefois des exemples où l’OCPM a fait une réelle différence, comme lors de la consultation sur le racisme systémique, en 2019. « Cette consultation, qui était le résultat d’une initiative citoyenne, a permis de créer un poste de commissaire et d’instaurer des mécanismes de suivi, souligne Laurence Bherer. Il y a encore plein de choses à revoir dans les 38 recommandations du rapport. »

La professeure de science politique me propose de prendre le problème à l’envers : qu’arrive-t-il quand il n’y a pas de consultation de l’OCPM ? Le meilleur exemple, selon elle ? Griffintown, un quartier très mal aménagé pour lequel il y a eu très peu de consultation.

« C’est un quartier où l’on retrouve très peu d’infrastructures pour les familles », indique-t-elle.

Les trois chercheuses avancent un autre argument : les consultations de l’OCPM ont un effet positif sur les promoteurs immobiliers et permettent de rehausser la qualité de leurs projets. « Les promoteurs prennent la consultation au sérieux et préparent mieux leurs dossiers », disent-elles.

À leur avis, on devrait plutôt se questionner sur les raisons pour lesquelles certains projets ne sont PAS soumis à la consultation publique. « Tous les grands projets devraient l’être, estime Marie-Odile Trépanier. Prenez l’édifice de condos Maestria, une tour de 61 étages en plein centre-ville ! J’ai cherché le processus de consultation et je ne trouve rien alors que c’est un projet majeur. » (NDLR : Vérification faite, bien qu’il n’ait pas été soumis à une consultation de l’OCPM, le Maestria a fait l’objet de recommandations du comité consultatif d’urbanisme – CCU – et a ensuite été soumis à une consultation publique à l’arrondissement de Ville-Marie.)

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le Maestria, dont la construction s’achève dans le Quartier des spectacles. L’OCPM n’a pas mené de consultation sur ce projet.

Est-ce que le projet de loi 31 – qui accorderait des pouvoirs accrus aux villes afin qu’elles puissent passer outre leurs règlements d’urbanisme – risque de nous faire tourner les coins ronds et passer outre des règles d’urbanisme difficilement adoptées au fil des ans ? C’est une crainte que j’entends.

La pause forcée de l’OCPM peut être très préjudiciable, craignent mes interlocutrices. Il y a de gros dossiers qui s’en viennent, dont le plan d’urbanisme de la Ville de Montréal qui sera déposé au printemps.

Les trois chercheuses se disent très inquiètes pour l’avenir de l’organisme.

Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, disent-elles. C’est la responsabilité de la Ville de Montréal de réformer l’institution et de rétablir la confiance dans le processus de consultation.

Le temps nous dira si Philippe Bourke réussira à redresser le navire.

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Cet article s'adresse aussi aux banlieues

Prendre la politique au sérieux

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Les maires de grandes villes du Québec, dont Valérie Plante (Montréal), Bruno Marchand (Québec), Catherine Fournier (Longueuil) et France Bélisle (alors mairesse de Gatineau), lors du Sommet sur la fiscalité municipale, à Montréal en septembre dernier


Maxime Pedneaud-Jobin
Maxime Pedneaud-Jobin Collaboration spéciale

Pour commencer cette chronique sur les démissions dans le monde municipal, je tiens à souligner que le phénomène est exactement le même en France. Depuis 2020, 13 000 élus municipaux français ont claqué la porte pour des raisons qui ressemblent à ce qui se vit chez nous⁠1. L’enjeu avec lequel nous sommes aux prises a des sources profondes, c’est du sérieux.

Publié à 1h34 Mis à jour à 7h00

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Je vois cinq explications à cette tendance lourde. Quatre ont souvent été abordées dans les médias, ce sont les explications les plus importantes, mais il y en a une cinquième, qu’il faut aussi mettre sur la table. Présentons brièvement les quatre premières avant d’insister sur la cinquième.

  1. Les médias sociaux et leur violence. Ce phénomène ne disparaîtra pas, il faut dompter la bête : par exemple, rapporter les excès à la police et équiper les politiciens ainsi que les administrations publiques pour qu’ils puissent mieux vivre avec cette réalité, tout en la combattant. Il y a urgence d’agir, les médias sociaux causent beaucoup de souffrance. Je crois aussi, comme Catherine Fournier⁠2, qu’une certaine introspection s’impose au sein des médias traditionnels. Difficile de calmer le jeu quand la politique est couverte comme un match de hockey, sur le ton du spectacle.

  2. Les villes sont devenues de vrais gouvernements de proximité, leurs tâches sont de plus en plus complexes, les occasions d’affrontements politiques de plus en plus nombreuses : oui, les conseils municipaux sont devenus des parlements. La gouvernance municipale, elle, est restée au siècle passé, ce qui rend la vie politique beaucoup plus difficile qu’aux autres ordres de gouvernement. Lire ceci pour plus de détails : « Qui est malade, le maire ou la démocratie municipale3 ? ».

  3. Les crises (climatiques et autres) se multiplient et les villes sont constamment au front. Cela laisse des traces chez les élus, ils doivent être mieux soutenus. Voir cette chronique écrite à la suite de la démission de la mairesse de Chapais : « La souffrance du chef » ⁠4.

  4. Les villes ont vu leurs responsabilités exploser : on leur demande de se mêler de tout, mais leur fiscalité reste la même. Résultats : les ressources à leur disposition ne correspondent plus aux défis qu’elles doivent relever. Pourquoi rester en politique si on n’a pas les moyens de réaliser les projets qui nous ont motivé à y entrer ?

Cinquième et dernière explication. On va m’accuser de manquer d’empathie (je crois avoir démontré que j’en ai), mais je l’affirme quand même : certaines personnes démissionnent parce qu’elles n’ont pas pris la politique municipale au sérieux.

D’abord, un rappel : j’ai été maire de Gatineau de 2013 à 2021. Cette expérience a bien sûr alimenté ma réflexion.

On ne peut plus s’improviser maire. La Ville de Terrebonne a un budget qui dépasse celui du ministère du Tourisme. Le budget et le nombre d’employés de la Ville de Gatineau dépassent ceux d’au moins sept ministères à Québec. Drummondville, comme toutes les municipalités, a un champ d’action plus vaste que celui de n’importe quel ministère : les élus municipaux s’occupent de développement social, de gestion de crise, de développement économique, de culture, de sport, de loisirs, de logement, d’itinérance et, oui, de nids-de-poule, de canalisations et de parcs à chiens. Toutes les municipalités, petites ou grandes, ont des budgets qui se comptent en millions. C’est beaucoup plus difficile d’être maire d’une grande ville que d’occuper le poste de bien des ministres. C’est beaucoup plus difficile d’être maire d’une très petite municipalité que d’être député. Corollaire : devenir maire sans avoir d’expérience politique, c’est possible, mais périlleux.

Prendre la politique au sérieux, c’est aussi reconnaître qu’elle est « l’institutionnalisation du conflit » : on prend un conflit et, au lieu de le régler par la force, on le fait entrer dans un processus politique qui produit une décision. La politique est donc, par définition, un affrontement. Elle est toujours difficile, même quand tout le monde se comporte bien.

Finalement, et c’est le plus important, prendre la politique au sérieux, c’est reconnaître qu’elle n’est ni une affaire de personnalité, ni un objectif de vie, ni un rêve personnel, c’est un outil. Un outil pour aider sa communauté.

Quand un élu fait campagne sur sa personnalité, il va de soi que, par la suite, il considère toute forme d’opposition comme une attaque personnelle. Quand un élu fait campagne non pas pour un programme, mais contre quelqu’un, le soir de la victoire est le seul soir intéressant. Après, c’est une épreuve. Toute politique qui se conjugue au « je » est stérile et risque de se retourner contre son auteur.

Pour s’épanouir en politique, il faut porter une cause autre que la sienne propre. Quand on a préparé un programme sérieux et mobilisé notre communauté, quand notre vision d’avenir pour notre ville est construite et défendue par des citoyens engagés, nous ne sommes jamais seuls : dès que les couteaux commencent à voler bas, des gens viennent à notre aide, car ils croient, eux aussi, aux idées que nous portons.

Je le répète, les médias sociaux, la multiplication des crises, la gouvernance et la situation financière des villes expliquent, d’abord et avant tout, l’inquiétante croissance des démissions chez les élus. Mais un certain mépris de la politique en général et de la politique municipale en particulier fait aussi partie du problème.

Chaque élu qui vit des difficultés n’est pas nécessairement victime d’un système, il est parfois victime de son propre manque de respect pour les exigences minimales d’un engagement politique sérieux.

Aux livres, citoyens !

Toutes les personnes qui veulent comprendre le monde municipal devraient se procurer le tout nouveau Dictionnaire politique de la scène municipale québécoise, publié aux Presses de l’Université Laval. Écrit par une cinquantaine d’experts, il s’adresse au grand public et couvre presque tous les aspects de la vie municipale. Manuel de référence en devenir !

Dictionnaire politique de la scène municipale québécoise

Sous la direction de Sandra Breux et Anne Mévellec

Presses de l’Université Laval

506 pages

1. Lisez Un article publié par Public Sénat 2. Lisez la lettre « Sommes-nous prêts pour une nouvelle culture politique ? » de Catherine Fournier 3. Lisez la chronique « Qui est malade, le maire ou la démocratie municipale ? » 4. Lisez la chronique « La souffrance du chef »

L’article parle d’un sondage en prévision des élections, et compare Valérie Plante à plusieurs personnes.

Pour les candidats potentiels : bien sûr Aref Salem est intéressé (chef de l’opposition). Mais c’est la première fois que je vois Michel Leblanc manifester un intérêt. Il est président de la Chambre de Commerce de Montréal.

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La concurrence en politique force tous les partis à améliorer leurs programmes et à proposer la meilleure équipe de gouvernance possible. Après deux mandats PM n’a pas le choix que de tenter de se renouveler, tout en corrigeant ses faiblesses et proposer des idées qui relanceront sa popularité.

Un défi qui est loin d’être évident, tout dépendra d’ailleurs de la personnalité des autres candidat(e)s à la mairie, leurs idées et bien sûr du contexte du moment qui peut être tout autre qu’actuellement. Un élément qui joue en faveur de VP est l’absence de véritable scandale ou d’erreurs majeures. Malgré tout l’usure du pouvoir est un adversaire de taille, tout autant que le désir de changements souvent exprimé par la population.

Vu sous cet angle je crois que la prochaine campagne électorale risque d’être plus intéressante et stimulante que les précédentes. Justement parce que l’équipe en place a en quelque sorte livré la marchandise, quoiqu’on ne peut pas vraiment parler d’un engouement prononcé.

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Ils font face à une situation difficile. Ils essaient de plaire à tout le monde, mais le résultat est que la polarisation des enjeux mène à de l’insatisfaction des deux côtés,

i.e. Pas assez de nouveaux logements vs Trop de densité
i.e. Pas assez de pistes cyclables vs trop de pistes cyclables
i.e. Rues pas assez sécurisés vs trop de sens unique et mesure d’apaisement
i.e. Présence policière trop forte vs pas assez de présence policière

En visant le milieu, on termine avec beaucoup d’insatisfaction. Leur principale force électorale est que, en ce qui concerne les enjeux de mobilité et d’environnement, il n’y a pas de partis de présentant comme étant plus '‘progressif’ qu’eux. Les gens qui poussent pour plus d’action n’ont pas vraiment d’alternative alors ils se résigneront à voter PM.

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L’opposition actuelle m’apparait non seulement faible mais aussi sans aucune ligne précise et forte. C’est pour cela qu’il faut désormais une ou des nouvelles personnalités avec de grandes ambitions et visions différentes de l’administration actuelle afin d’avoir une offre intéressante. Donc plus il y aura de nouveaux noms, plus il y aura un engouement et, je l’espère, plus il y aura d’idées fortes.

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Accélération de la construction d’habitations L’opposition demande à Montréal d’utiliser ses pouvoirs

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

L’opposition officielle à l’hôtel de ville de Montréal demande à l’administration Plante de presser le pas en matière d’habitation et d’utiliser de nouveaux pouvoirs accordés par Québec pour accélérer la construction.

Publié à 11h18

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Philippe Teisceira-Lessard
Philippe Teisceira-Lessard Équipe d’enquête, La Presse

Ensemble Montréal voudrait que la Ville et ses arrondissements puissent raccourcir le processus d’approbation de certains projets immobiliers, en écartant l’avis du comité d’urbanisme ou la possibilité pour les voisins de déclencher un référendum. Ces pouvoirs ont été accordés dans la loi 31, adoptée le mois dernier.

« La crise du logement est une situation exceptionnelle qui impose des mesures exceptionnelles », a fait valoir l’élu d’opposition Julien Hénault-Ratelle. « J’appelle l’administration Plante à être pionnière par les municipalités et à saisir cette opportunité d’accélérer les mises en chantier plutôt que de rester passive. »

M. Hénault-Ratelle a aussi souligné le retard important pris dans le développement résidentiel sur des terrains qui appartiennent directement à la Ville de Montréal, comme l’ancien hippodrome et l’îlot Voyageur.

L’administration Plante doit annoncer jeudi après-midi des modifications à son règlement pour une métropole mixte (surnommé le 20-20-20), qui impose des quotas de logements sociaux, abordables et familiaux dans toute nouvelle grande construction.

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En raison des mouvements de population, la Ville propose des modifications aux limites des districts

C’est dans l’ordre du jour de la séance du prochain conseil municipal (dossier 1249579001)

Constats relatifs à l’évolution de la population électorale
En vertu de la LERM, la Ville de Montréal doit porter une attention particulière aux limites des districts où, en 2024, la taille de l’électorat s’écarte trop largement de la cible. Le portait de l’électorat montréalais en date du 9 janvier 2024 démontre qu’un déséquilibre dans la répartition des électrices et des électeurs est présent dans quatre arrondissements, soit dans les arrondissements de L’Île-Bizard—Sainte-Geneviève, Saint-Léonard, Le Sud-Ouest et Ville-Marie.

Dans les quinze autres arrondissements, la répartition des électrices et électeurs se trouve toujours à l’intérieur de l’intervalle de 15 % de la cible. Ainsi, les limites des districts adoptées par règlement en 2020 n’ont pas nécessairement à faire l’objet de modification.

Plus précisément, parmi les 58 districts électoraux montréalais, sept de ceux-ci ont un écart à la moyenne qui est éloigné de cible (+/- 15 %).

La liste des districts dont les limites doivent faire l’objet d’un examen est la suivante :

  • Arrondissement de L’Île-Bizard—Sainte-Geneviève (13 944 électeurs et électrices, 20 022 hab.)
    • District de Pierre-Foretier : 4 283 électrices et électeurs, soit un écart de +22,86 % par rapport à la cible;
    • District de Sainte-Geneviève : 2 554 électrices et électeurs, soit un écart de -26,74 % par rapport à la cible.
  • Arrondissement de Saint-Léonard (50 010 électrices et électeurs, 83 571 hab.)
    • District de Saint-Léonard-Est : 21 243 électrices et électeurs, soit un écart -15,04 % par rapport à la cible;
    • District de Saint-Léonard-Ouest : 28 767 électrices et électeurs, soit +15,04 % par rapport à la cible.
  • Arrondissement Le Sud-Ouest (57 876 électrices et électeurs, 93 088 hab.)
    • District de Saint-Henri-Est—Petite-Bourgogne—Pointe-saint-Charles—Griffintown : 33 802 électrices et électeurs, soit +16,81 % par rapport à la cible;
    • District de Saint-Paul—Émard—Saint-Henri-Ouest : 24 074 électrices et électeurs, soit -16,81 % par rapport à la cible.
  • Arrondissement de Ville-Marie (61 087 électrices et électeurs, 117 823 hab.)
    • District de Sainte-Marie : 17 272 électrices et électeurs, soit -15,18 % par rapport à la cible.
Cartes des arrondissements et leurs districts

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Résumé

« Superpouvoirs » aux villes

IMAGE FOURNIE PAR LA VILLE DE MAGOG

Le projet de 20 logements Les Jardins de la Falaise, à Magog, qui sera accéléré grâce aux récents « superpouvoirs » accordés par Québec.


Maxime Bergeron
Maxime Bergeron La Presse

Le phénomène du « pas dans ma cour » est encore bien vivant, peut-être même plus que jamais.

Publié à 1h38 Mis à jour à 6h00

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Vous savez, ces voisins, plus ou moins immédiats, qui s’opposent à tous les projets immobiliers dans leur quartier, par crainte de voir la circulation augmenter ou de perdre leur quiétude. Un immeuble de 111 appartements a été abandonné pour cette raison en juillet dernier dans l’ouest de l’île de Montréal, à deux pas d’une station du REM1.

Les exemples du genre s’accumulent. Et tant pis pour la crise du logement.

La donne pourrait bientôt changer. Les municipalités québécoises ont accès depuis un mois à des « superpouvoirs » pour éviter ce genre de situation, en vertu de la nouvelle « loi 31 » sur l’habitation. Elles pourront forcer la construction de bâtiments résidentiels qui seraient autrement bloqués par des référendums locaux.

Une première ville, Magog, s’apprête à y recourir.

Des citoyens commençaient à se mobiliser contre un projet de 20 logements, dans un quartier central. Le conseil municipal a voulu éviter la tenue d’un référendum qui aurait pu le faire dérailler.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE LA VILLE DE MAGOG

Nathalie Pelletier, mairesse de Magog

« Les gens, bien qu’on ait répondu à leurs questions, qu’on les ait rassurés, ils disaient : “c’est un beau projet, mais on ne le veut pas dans notre secteur” », m’a expliqué la mairesse Nathalie Pelletier.

L’utilisation de ce nouveau pouvoir fera des mécontents, elle le sait.

Mais Nathalie Pelletier estime que le bien commun doit avoir préséance sur les frustrations de quelques individus. D’autant plus que le futur immeuble de deux étages, entouré de végétation, n’a rien à voir avec une haute tour bétonnée qu’on plaquerait au milieu d’un quartier de bungalows.

C’est d’abord pour s’attaquer à la pénurie de logements que Magog a choisi cette voie. Le taux d’inoccupation est à 1,3 % dans la ville estrienne de 28 000 habitants, bien en deçà du seuil d’équilibre de 3 %.

Les rares appartements sont de plus en plus chers, et les maisons à vendre, hors de portée pour bien des familles, même celles de la classe moyenne, déplore la mairesse. Le même scénario qu’on voit un peu partout au Québec.

La Ville de Magog s’est dotée d’une politique d’habitation pour densifier ses quartiers centraux et réduire son étalement. Elle vise 220 nouvelles mises en chantier par an, contre 125 en moyenne ces dernières années. Son pari est que l’augmentation de l’offre, avec des projets dans différentes gammes de prix, ramènera une certaine « abordabilité » dans le marché immobilier.

C’est précisément cet objectif qui a présidé à l’inclusion de « superpouvoirs » temporaires dans le projet de loi 31, adopté en février à l’Assemblée nationale. La mesure sera en vigueur pour de trois à cinq ans.

Ces pouvoirs s’appliqueront pour tous les projets de logements sociaux, abordables, ou étudiants, qu’importe la ville. Et pour les immeubles d’au moins trois logements, abordables ou pas, dans les villes de plus de 10 000 habitants où le taux d’inoccupation est en bas de 3 %. L’idée est d’accélérer la construction et de faire gonfler l’offre tous azimuts.

Plusieurs facteurs expliquent la baisse récente des mises en chantier au Québec, dont la hausse des coûts de construction et la lourdeur de la réglementation. De nombreux promoteurs attendent sur les lignes de côté en ce moment.

Il y a aussi, et c’est non négligeable, des administrations municipales qui s’opposent ouvertement à une trop grande densification de leur territoire. Ces villes comme Pointe-Claire ne veulent pas trop de nouveaux logements, même si les besoins sont criants2.

Mais pour les villes qui désirent plus de projets, et elles sont nombreuses, les nouveaux pouvoirs constitueront un outil concret pour presser le pas.

Un pouvoir « anti-pas-dans-ma-cour ». Car le phénomène, comme je l’écrivais d’entrée de jeu, est bien réel.

Dans l’état actuel des choses, une poignée d’opposants peut mettre de sérieux bâtons dans les roues d’un projet immobilier. Il suffit bien souvent que 10 citoyens d’une zone limitrophe demandent la tenue d’un référendum pour que le processus s’enclenche.

Ces consultations permettent parfois de bonifier des projets, on s’entend. Mais dans bien des cas, elles contribuent surtout à les ralentir, lorsqu’elles ne signent pas carrément leur arrêt de mort.

Les nouveaux « superpouvoirs » sont encore tout récents. Les fonctionnaires des villes sont en train de les analyser sous toutes les coutures en ce moment même. Montréal, par exemple, devrait se doter d’un cadre d’utilisation clair d’ici un mois, selon mes informations.

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a donné un webinaire sur le sujet la semaine dernière. L’évènement a attiré plus de 350 participants du milieu municipal. L’intérêt est énorme.

L’UMQ estime que les nouveaux pouvoirs exceptionnels permettront de faire passer à 3 ou 4 mois les délais d’approbation de certains projets, contre 8 à 18 mois selon le cadre traditionnel.

Les gains d’efficacité s’annoncent appréciables, mais l’UMQ prône tout de même la prudence. Elle invite les villes à consulter leurs citoyens autant que possible et à faire preuve d’une grande transparence lorsque des projets seront déposés.

Il faudra voir. Beaucoup craignent des dérapages.

L’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ), par exemple, redoute des enjeux d’intégration urbaine, avec la construction de projets qui ne seraient pas adaptés à leur environnement immédiat. L’organisme appelle les élus municipaux à utiliser ce nouveau pouvoir de manière « limitée ».

L’OUQ réclame aussi que Québec dépose un plan global en matière d’habitation, avec une vraie vue d’ensemble, plutôt que des mesures à la pièce comme les « superpouvoirs ».

L’un n’exclut pas l’autre.

Mais je suis d’accord avec l’OUQ sur ce point : il faudra très bientôt que le gouvernement Legault dévoile un plan de match clair et cohérent en matière d’habitation. S’il en a un…

1. Lisez l’article « Un autre cas de “Pas dans ma cour” » 2. Lisez la chronique « Densification urbaine : 50 nuances de gris (et de bisbille) »