Politique fédérale

Protection des régimes de retraite Les Communes adopteront un projet de loi

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

« C’est une grande journée ! C’est quelque chose qu’on attend depuis 20 ans », lance au bout du fil la députée bloquiste Marilène Gill. Cette grande journée est pour elle l’aboutissement d’un travail qui a débuté il y a sept ans. À pas moins de trois reprises – en 2015, en 2019 et en 2021 – elle a présenté un projet de loi visant à défendre les fonds de pension.

(Ottawa) Le projet de loi C-228 qui vise à protéger les régimes de retraite des travailleurs en cas de faillite d’une entreprise devrait être adopté mercredi après-midi lors du vote sur la troisième lecture à la Chambre des communes grâce aux partis d’opposition et possiblement des libéraux.

Publié à 9h20

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Michel Saba La Presse Canadienne

« C’est une grande journée ! C’est quelque chose qu’on attend depuis 20 ans », lance au bout du fil la députée bloquiste Marilène Gill. Cette grande journée est pour elle l’aboutissement d’un travail qui a débuté il y a sept ans. À pas moins de trois reprises – en 2015, en 2019 et en 2021 – elle a présenté un projet de loi visant à défendre les fonds de pension.

Puisque la « loto » des projets de loi émanant des députés ne lui a souri les que deux premières fois, lors de la présente législature, Mme Gill a travaillé de concert avec d’autres députés, dont la conservatrice Marilyn Gladu – qui, elle, a été chanceuse lors du tirage au sort – afin de faire progresser ses idées par l’entremise de cet autre projet de loi semblable, un choix qu’a également fait Daniel Blaikie du Nouveau Parti démocratique (NPD).

En entrevue avec La Presse Canadienne, Mme Gladu a expliqué la recette qui devrait lui permettre d’adopter un projet de loi, que les libéraux donnent ou pas leur appui : aller à l’essentiel. « Je voulais avoir seulement des éléments avec lesquels tous les partis étaient déjà en accord », a résumé la marraine du projet de loi.

À titre d’exemple, le document législatif ne propose rien en matière de protection des assurances collectives, au grand dam du NPD qui voulait qu’elles soient maintenues et du Bloc québécois qui proposait une indemnité. Les conservateurs s’y opposaient, notamment parce qu’il est difficile d’en calculer la valeur, a dit Mme Gladu.

L’exercice se compare à une négociation où chacun a dû faire des compromis, a illustré Mme Gill. « Le mieux est l’ennemi du bien. On préfère avoir un gain que rien du tout. […] Voir un projet de loi qui a la chance d’être adopté, c’est énorme. »

Le néo-démocrate Daniel Blaikie a toutefois reproché aux libéraux d’avoir bloqué son amendement visant à protéger les indemnités de départ ou de préavis, et bien que ces dispositions auraient vraisemblablement recueilli une majorité parlementaire.

Lors de l’étude du projet de loi, le président du comité permanent des finances a déclaré « irrecevable » cet amendement, estimant qu’il dépasse la portée et le principe du projet de loi. Le NPD a contesté la décision jugeant qu’il s’agit d’une « interprétation trop étroite » et forcé un vote qui a annulé la décision et adopté les dispositions. Loin de s’avouer vaincus, les libéraux en ont appelé la semaine dernière au président de la Chambre des communes. Anthony Rota a invalidé la décision du comité et annulé l’amendement.

« Sabotage »

M. Blaikie a également accusé les libéraux d’avoir fait des tentatives pour « saboter » le projet de loi, en référence à une série d’amendements qui ont été défaits en comité. Ils ont notamment essayé, en vain, de convaincre leurs collègues de conférer aux retraités un rang de créancier inférieur à celui proposé dans le projet de loi.

Andy Fillmore, le secrétaire parlementaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, avait entre autres déclaré que le projet de loi place les employeurs dans « une situation de risque intolérable de faillite et donc de perte d’emploi » et que la meilleure façon de prendre soin des retraités est avec « un paiement préférentiel et non une superpriorité ».

Au final, les membres libéraux du comité ont malgré tout voté comme leurs collègues des oppositions pour adopter le projet de loi tel que modifié.

Mais alors comment les libéraux se prononceront-ils lors du vote ultime à la Chambre des communes mercredi ? Mystère et boulle de gomme. Le bureau du leader parlementaire, Mark Holland, a redirigé La Presse Canadienne à celui du whip, Steven MacKinnon, qui n’a pas répondu.

Questionné en fin d’après-midi mardi en marge des travaux, le secrétaire parlementaire de M. Holland, Kevin Lamoureux, venait d’apprendre que le projet de loi C-228 serait voté le lendemain. Il a laissé entendre que ce serait un vote libre – ce qui, chez les libéraux, ne s’applique historiquement qu’aux députés d’arrière-ban, le cabinet votant toujours de la même façon. M. Lamoureux a aussi affirmé qu’il consulterait le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, avant de décider comment il voterait. Le bureau du ministre a toutefois indiqué que ce dernier est au Japon, qu’« il est excusé » du vote et n’a pas révélé ce qu’il recommanderait à M. Lamoureux.

Le vote de mercredi a été précipité à la suite d’un tour de passe-passe, gracieuseté des bloquistes. Ils ont offert que les conservateurs prennent un de leurs tours de parole afin que puisse se tenir plus rapidement la dernière heure de débats de C-228 et qu’il soit adopté avant les Fêtes.

« Une très bonne nouvelle », dit la FADOQ

L’adoption de ce projet de loi sera « une très bonne nouvelle pour les retraités », estime la FADOQ, une organisation aussi connue sous le nom de la Fédération de l’Âge d’Or du Québec.

« Depuis 2005, il y a eu trois projets de loi privés, deux projets de loi du gouvernement à ce sujet-là, puis il n’a aucun d’entre eux qui a été adopté », a souligné son porte-parole Philippe Poirier-Monette.

Les retraités sont en ce moment, grosso modo, « les derniers à piger dans le bol » pour avoir des versements qui combleraient les déficits de leur fonds de pension, a-t-il dit. Une fois le projet de loi adopté, ils ne verront plus à peu près tout le monde passer avant eux puisqu’ils feront partie des créanciers prioritaires.

M. Poirier-Monette a soutenu que les retraités de Sears, de Nortel Networks, de la minière Cliffs sur la Côte-Nord et de l’usine MABE qui était détenue par General Electric auraient, par exemple, été mieux protégés si ce projet de loi était en vigueur lors de ces grandes faillites.

Désormais, les tribunaux ne pourraient plus accepter des ententes de restructuration si ça n’inclut pas des versements de sommes aux fonds de pension qui sont déficitaires, ce qui a récemment forcé les retraités des journaux du Groupe Capitales Médias à subir initialement une perte de 30 % de leur rente, a-t-il noté.

Le projet de loi est bel et bien un compromis. La FADOQ croit d’ailleurs que les fonds de pension devraient être une créance garantie, comme tout ce qui a été promis aux retraités.

M. Poirier-Monette semblait toutefois marcher sur des œufs en commentant le déroulement des travaux. « On se serait attendu à ce que les libéraux soient plus enclins à adopter rapidement le projet de loi, pas essayer de mettre des exceptions, mettre en quelque sorte des bâtons dans les roues des travailleurs et des retraités », a-t-il lâché, notant au passage que ceux-ci ont « donné une voix » au secteur financier.

Une fois que la motion portant troisième lecture est adoptée, le projet de loi est envoyé au Sénat. La chambre haute peut également proposer des amendements au projet de loi. Si le projet de loi est adopté sans amendements, il reçoit alors la sanction royale et devient une loi, mais autrement les deux chambres du Parlement devront s’entendre sur une même version du document législatif.

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28e conférence des Nations unies sur le climat Que proposent les conservateurs pour lutter contre les changements climatiques ?

PHOTO ETHAN CAIRNS, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre

Les conservateurs répètent depuis des mois qu’ils élimineraient la taxe sur le carbone s’ils étaient élus. Ils comptent en faire l’enjeu de la prochaine campagne électorale. Mais comment lutteraient-ils contre les changements climatiques s’ils formaient un gouvernement ?

Publié à 0h54 Mis à jour à 6h00

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Mylène Crête
Mylène Crête La Presse

Qu’adviendrait-il de l’accord de Paris ?

« On ne propose pas ça », a répondu le chef Pierre Poilievre lorsque La Presse lui a demandé en mêlée de presse mercredi dernier si un éventuel gouvernement conservateur se retirerait de l’accord de Paris sur le climat. Ce traité international vise à limiter le réchauffement climatique sous la barre des 2 °C, et si possible à 1,5 °C.

Quelques semaines auparavant, il avait évité de dire s’il conserverait la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % sous les niveaux de 2005 d’ici 2030.

« Voyons à quel point le désastre de la taxe carbone de Justin Trudeau va permettre d’atteindre cet objectif », avait-il répondu sans se commettre. « À ce jour, il n’a pas réussi à respecter une seule cible de réduction des GES. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Poilievre a dit la semaine dernière qu’advenant l’élection d’un gouvernement conservateur, il ne proposerait pas de se retirer de l’accord de Paris sur le climat.

Le plan du gouvernement libéral permettra de réduire les émissions de 34 % par rapport à 2005, soit un peu plus que l’ancienne cible fixée par le gouvernement conservateur de Stephen Harper. Elle était alors de 30 % sous les niveaux de 2005, d’ici 2030. Les libéraux l’avaient d’abord conservée, avant de la hausser à 40 % en 2021 – avec l’ambition d’atteindre 45 %.

Le commissaire à l’environnement a récemment constaté que le plan actuel du gouvernement est insuffisant pour y parvenir. Le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, croit pouvoir y parvenir, entre autres, avec un règlement pour plafonner les émissions du secteur pétrolier et gazier dont on ne connaît toujours pas les détails.

Remplacer la taxe carbone par quoi ?

« Notre plan de gros bon sens utilise la technologie et non les taxes pour réduire à la fois les émissions et le coût de la vie », a affirmé M. Poilievre en mêlée de presse le 6 novembre. Il a décliné notre demande d’entrevue, tout comme son porte-parole en matière d’environnement, Gérard Deltell.

Dans son discours lors du congrès de son parti en septembre, le chef conservateur avait indiqué qu’il ferait « diminuer les prix des alternatives sans carbone », contrairement aux libéraux qui « font monter le prix de l’énergie traditionnelle ».

Les conservateurs voudraient donner le feu vert à des projets comme des petits réacteurs nucléaires modulaires, des barrages hydroélectriques et d’autres qui utiliseraient l’énergie des marées pour créer « un boom massif dans le secteur de l’énergie propre ».

Ils veulent également « accélérer l’approbation » pour de nouvelles mines de lithium, de graphite et de cobalt « nécessaires pour l’avenir électrique ». « Cela n’est possible que si vous écartez le gouvernement et accélérez l’approbation des projets verts », a-t-il plaidé. On ne sait pas, pour l’instant, combien de tonnes de GES ces propositions permettraient d’éliminer.

Est-ce qu’il appuierait une tarification sur les émissions émises par l’industrie ou non ? « Notre plateforme électorale traitera de toutes ces questions », a indiqué M. Poilievre. Quand verrons-nous ce plan ? « Quand l’élection sur la taxe carbone aura lieu », a-t-il répondu du tac au tac. Cette taxe fédérale s’applique dans huit des dix provinces canadiennes. Le Québec et la Colombie-Britannique ont leur propre tarification sur le carbone.

Est-ce que ce serait suffisant ?

Pas selon le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault. « Si on enlève [la taxe sur le carbone], je ne vois pas comment le Canada peut atteindre ses objectifs de 2030 », a-t-il affirmé lundi. Le gouvernement estime que l’ensemble de cette tarification, y compris celle qui est aussi imposée à l’industrie, est responsable du cinquième, voire du tiers des réductions des émissions de GES.

« Mettre une taxe sur le carbone si ça n’amène pas de changement, c’est un flux monétaire, point », souligne en entrevue le directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal, Normand Mousseau. Il estime que la taxe est actuellement peu efficace parce que son prix n’est pas assez élevé pour inciter les consommateurs à se tourner vers des véhicules ou du chauffage moins polluants.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier.

Mais les propositions des conservateurs ne seraient pas efficaces non plus pour réduire les émissions.

Les petits réacteurs modulaires, chaque année leur prix augmente et chaque année leur capacité de livrer diminue, donne-t-il en exemple. Ce n’est pas une solution.

Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier à Polytechnique Montréal

Le problème est que la proposition des conservateurs ajoute des énergies renouvelables sans enlever de combustibles fossiles, selon le titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau. « Ce qu’il faut, ce n’est pas juste un plan d’ajout, c’est aussi un plan de soustraction et ça, les conservateurs ne l’ont pas », fait-il valoir. M. Pineau considère que la taxe sur le carbone, même si elle n’est pas optimale, vise à « aider les gens à se soustraire de l’essence ».

Le chef conservateur propose plutôt d’augmenter la production de pétrole et de gaz naturel liquéfié. M. Poilievre avait affirmé que le Canada « pouvait produire des barils [de pétrole] plus propres qu’aucun autre pays » grâce au captage et au stockage du carbone, dans son discours lors du congrès de son parti en septembre. Or, il s’agit d’une technologie coûteuse dont l’efficacité reste à être démontrée par la recherche, selon l’International Institute for Sustainable Development.