Plan d'urbanisme de la Ville de Laval

Des quartiers sans voitures, selon le maire de Laval


Graham Hughes, Archives La Presse canadienne
Stéphane Boyer rêve de créer des quartiers exempts de circulation automobile.

Jeanne Corriveau
13 h 36

Stéphane Boyer a beau être maire de Laval, une ville qui s’est développée autour de la voiture, des centres d’achat et des bungalows, il n’en rêve pas moins de créer des quartiers exempts de circulation automobile. Dans un livre à paraître mardi, l’élu de 34 ans décrit les quartiers qu’il imagine : plus verts et plus sécuritaires, où la voiture ne serait plus reine.

De 15 à 25 % de la superficie des villes est utilisée pour construire des routes. Et c’est sans compter les cases de stationnement nécessaires pour des véhicules qui, 95 % du temps, sont immobiles. Ces infrastructures de bitume, en plus de créer des îlots de chaleur, coûtent cher à construire et à entretenir. C’est sur ces prémisses que Stéphane Boyer a amorcé sa réflexion il y a quatre ans, lorsqu’il était conseiller municipal. « On avait commencé à faire la révision du plan d’urbanisme de Laval. On se demandait si on pouvait faire les villes autrement, pas seulement adapter nos façons de faire ou modifier des règlements, mais penser à une manière différente de construire les villes », explique le maire en entrevue.

Réduire les surfaces de bitume

Et si, pour les nouveaux ensembles résidentiels, on éliminait les rues et les stationnements qui coûtent si cher ? Dans Des quartiers sans voitures, publié aux Éditions Somme toute, Stéphane Boyer décrit en long et en large comment de nouveaux quartiers pourraient voir le jour selon un modèle différent qui permettrait de faire de la densification tout en créant des milieux de vie plus attrayants.

Dans un premier temps, l’élimination des rues locales, des places de stationnement et des garages permettrait de grandes économies d’espace et réduirait le coût de la propriété pour les futurs acheteurs, plaide-t-il. La distance entre les bâtiments serait du même coup réduite, ce qui favoriserait les transports actifs. Avec des allées piétonnes bordées d’arbres, les enfants pourraient jouer où bon leur semble, sans se soucier des voitures. À cet égard, certaines images tirées du livre sont idylliques.

Le maire propose des « quartiers à échelle humaine » qui comporteraient des immeubles de différents gabarits, mais qui ne dépasseraient pas cinq étages, car, au-delà de ce seuil, « l’ambiance générale du quartier se dégrade », écrit-il. Ce quartier pourrait même compter des maisons unifamiliales. Mais le concept, inspiré de projets réalisés en Europe, dont le quartier Vauban en Allemagne, n’élimine pas la voiture complètement, car des stationnements seraient aménagés en périphérie pour les véhicules des résidents et des voitures en libre-service. Les allées piétonnières pourraient accueillir, quand cela est nécessaire, les véhicules d’urgence ou les camions de livraison. Un service de transport en commun efficace pour relier les quartiers entre eux est « fondamental », souligne-t-il.

Pas un antivoitures

« Je suis conscient que Laval a été développée autour de la voiture, que de lancer cette idée-là peut paraître radicale pour un maire de Laval et que ce n’est pas tout le monde qui va y adhérer, reconnaît Stéphane Boyer. Je suis conscient qu’il y a des gens qui vont penser que je suis contre les voitures. Mais je ne suis pas contre les voitures. Ce que je veux surtout faire, c’est de trouver les bonnes solutions. »

D’ailleurs, affirme-t-il, il n’est pas question de raser des quartiers existants. « Si on veut que ce soit un succès, il faut prendre le temps d’embarquer dans le projet. Selon moi, c’est beaucoup plus facile de commencer par un nouveau quartier. Les gens qui vont choisir de s’installer dans ce quartier vont le faire en toute connaissance de cause. »

Le maire fait d’ailleurs une distinction entre les quartiers sans voitures qu’il propose et les écoquartiers déjà existants ou en développement qui misent davantage sur des bâtiments à faible empreinte environnementale que sur les enjeux économiques et sociaux. À Laval, le règne de l’auto crée d’ailleurs une certaine urgence. « À Laval, 70 % de nos émissions de gaz à effets de serre sont attribuables au transport. À l’échelle du Québec, c’est 45 %. Donc, oui, avoir des bâtiments plus écoénergétiques peut améliorer notre bilan, mais c’est relativement marginal par rapport au transport », explique-t-il.

Plusieurs grands secteurs restent à développer à Laval, notamment entre les secteurs de Saint-François et Duvernay-Est, et de grands centres commerciaux devront se redévelopper, poursuit-il. « Est-ce qu’on veut vraiment refaire le même modèle qu’on a fait depuis 50 ans avec toutes les problématiques qu’on sait que ça génère ? Ou on veut penser en dehors de la boîte et faire différemment. »

Stéphane Boyer croit que les promoteurs seraient intéressés par un tel concept, un produit qui pourrait être « unique ». « Est-ce que 100 % de la population serait prête à l’idée ? Probablement pas, mais je suis sûr qu’il y en a une certaine partie qui aimerait vivre dans ce genre de quartier là. »

La préface de l’ouvrage a été signée par le maire de Québec, Bruno Marchand, un autre représentant de la nouvelle génération de maires qui ont pris le pouvoir aux quatre coins du Québec le 7 novembre dernier.

Si Stéphane Boyer a quelques appréhensions quant à l’accueil que son livre recevra, il insiste pour dire qu’« il faut commencer à semer l’idée » et à susciter une réflexion. « Je m’attends à ce que le livre fasse des vagues. On ne fait pas d’omelettes sans casser les oeufs. Mais je crois qu’en expliquant l’idée et si on peut réussir à Laval à réaliser un premier — ou même deux — quartier sans voitures, en le voyant, les gens vont adhérer à l’idée. »

Des quartiers sans voitures

Stéphane Boyer, Éditions Somme toute, Montréal, 126 pages

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